orphelins de l'Éden

11.29.2008

endurcie

Je sens quelque chose de nouveau émerger dans moi. Après un an et demi à serrer les dents à chaque coup encaissé, je sens que je suis à présent redevenue centrée. Ma couenne dure, celle qui s'est épaissie à force de pleurer toutes les larmes de mon corps, va me servir. Je le sais, je le sens. Ma vie est ramenée à mon essence. Aussi simple que ça.

Parce qu'il y a un an et demi, je terminais l'écriture de mon récit érotique. Je m'étais mis en tête que j'en avais plus qu'assez de subir les refus des éditeurs ne sachant pas trop quoi faire de mes manuscrits inclassables. Intéressant certes, mais ça ne suit pas la ligne directrice. Alors, j'ai voulu suivre une ligne, celle de l'érotisme. Tant qu'à faire la pute, pourquoi pas y aller jusqu'au bout. Ça non plus, ça n'a pas porté fruit.

Heureusement vraiment. Parce que ce qui me vient naturellement, c'est une autre forme d'écriture. Quelque chose de plus spontané, de plus échevelé, de plus introspectif. L'écriture qui sort de moi est un bijou à l'état brut. Le lecteur de mes écrits doit tenir bon. Plonger dans mes lignes n'a rien de reposant. Moi-même je trouve ça un peu aride par moment. Mais je sais que ce qui s'en dégage vaut la chandelle. Que l'exploration de mes mots récompense subtilement. Que l'inconscient ouvre les vannes vers la conscience. Que mes mots portent.

Bien sûr, ça c'est surtout une façon de décrire le contenu de mes trois premiers manuscrits. Comment se construira celui qui vient? Mon expérience de blogueuse m'aura apprise à épurer, à éviter la confusion. Reste à voir si la transposition opérera.

Chose certaine, quelque chose a changé en moi. Je renoue avec celle que je porte depuis que mon père est mort, celle qui avait alors choisi les mots pour faire la paix avec le processus existentiel, celle qui avait décidé qu'un jour, elle ferait une différence dans le monde. Pourquoi pas puisqu'elle, elle est toujours là.

11.28.2008


11.27.2008

l'essence

Aujourd'hui, après de longs mois à ne plus y croire, j'ai décidé, consciemment, de me ré-approprier ce que je considère comme ma seule et ultime vocation: l'écriture. Je suis arrivée à cette décision parce que j'ai frappé mon mur au onzième, parce que j'ai atteint ma limite de gants blanc, parce que j'ai donné tout ce que j'ai pu et même plus. Si je veux être honnête avec moi-même, je me dois de faire la paix avec le fait que je ne peux pas rester là. Mon rêve à moi, ma réalité plutôt, c'est que je couve l'espoir de vivre de ma plume depuis toujours et depuis toujours, je travaille à faire autre chose pour des raisons alimentaires, tout en essayant ici et là de pondre une ligne qui a quelconque potentiel. Bien sûr, pour des raisons alimentaires, je n'ai pas vraiment quitté mon boulot au onzième. Ça aurait déraisonnable et Dieu sait qu'il ne faut pas l'être lorsque l'on a des engagements. Cependant, disons qu'aujourd'hui, j'ai repris le contrôle sur ma destinée. Je suis écrivain. Ni nonne pour vivre une relation exclusive avec le Tout, parce que de toute manière, je ne suis ni tout à fait assez chrétienne ni tout à fait bouddhiste pour enfiler la froc et que je crois plus à la spiritualité plongée à même les aléas du quotidien; ni enseignante, même si c'est ma formation universitaire et que je me sens confortable devant un groupe; ni employée du onzième, malgré un amour du métier qui m'a fait tenir jusqu'ici et qui me fera tenir le temps de faire la transition que je mets en branle dès maintenant. Je le répète, je suis écrivain. Ça prendra le temps qu'il faut, six mois, trois ans, trente. Plus encore, j'arriverai à vivre grâce à mes écrits, à un niveau confortable, sans nous contraindre, moi et ceux de mon foyer, à une diète au beurre de pinotte. J'y arriverai. Je ne sais pas encore comment à part en écrivant bien sûr. Mais j'y arriverai. L'évidence m'a frappée de plein fouet. Ma vocation, l'écriture. Pour mon salut spirituel, cette chose qui insuffle mon âme, la voix intérieure me mène à l'écriture. Persévère, tu n'as plus le choix.

11.25.2008

si tout le monde était comme toi

En revenant du boulot hier soir, je suis tombée sur J-P qui rêve d'être Français dans l'autobus. Celui que je désignais auparavant comme J-P l'handicapé m'a justement confié sa tristesse d'être différent physiquement. Pour la première fois, nous avons abordé le sujet de son handicap parce qu'il m'a raconté avoir été congédié par son employeur des dix dernières années et que, selon lui, c'est à cause de la subvention que le gouvernement versait à celui qui l'engageait, lui l'être amoindri point de vue productivité, qui venait de prendre fin. J-P a de la difficulté avec sa dextérité fine c'est vrai et quand il parle, il faut s'habituer à la prononciation des mots qui sortent plus lentement de sa bouche qui se contorsionne dans l'effort de communication. Mais puisqu'il travaille dans un club vidéos, pas de problème à placer des films sur les tablettes comme il le dit lui-même ni à conseiller les clients cinéphiles.

J-P me dit à plusieurs reprises pendant notre échange que ça le blesse d'être ainsi traité. Il voudrait être considéré pour l'humain qu'il est. Il en a marre des employeurs qui le prennent pour bénéficier de l'aide gouvernementale et qui le jettent dès que les délais de compensation financière expirent. Ça, ce n'est sans doute que la pointe de l'iceberg par rapport à l'entièreté de sa vie.

Je me souviens entre autres d'une fois où il était installé sur un banc à deux places dans l'autobus et qu'il était tourné vers moi qui était debout dans le passage. La femme prenant place à son côté l'a poussé à un moment parce qu'il empiétait un peu dans son espace vu qu'il bouge son corps crispé lorsqu'il s'emballe. Mais le visage de cette femme, je vous dis qu'il était barbouillé de dégoût et que sa main me sembla chasser un moustique horriblement visqueux. Parce que J-P n'avait pas réagi à ce mépris, mais avait tout de même fait plus attention, je n'ai pas voulu faire de remarque à la femme. Pour cause de le côtoyer, je le sais fort. Autonome.

Pendant qu'il m'explique son ambivalence par rapport à la dite subvention qui lui facilite son intégration sur le marché du travail tout en lui mettant des bâtons dans les roues, il me regarde très sérieusement et en mettant sa main sur mon avant-bras, comme il a pris l'habitude de faire avec beaucoup de respect lorsque nous discutons, il me demande que je ne le prenne jamais en pitié. À mon tour, je plonge mon regard dans le sien, celui d'un enfant dans un corps de trentenaire, et je lui assure que non, bien que non, que j'aime nos discussions. Il soupire, soulagé et dit qu'il le sent bien que c'est quelque chose de bon qui motive mon ouverture à son égard. Il me le dit et son visage se détend dans un demi-sourire peiné qui traduit toute la fatigue de porter le fardeau de sa prison.

Pour tout dire, j'aime son intellect, son vocabulaire riche, ses manières de faire des liens avec ses expériences passées qu'il a de variées, ses éclats de rire qui emplissent l'air morose de l'autobus ramenant les banlieusards au bercail, sa différence. J'aime sa différence. J'aime le fait qu'il ne se soit pas arrêté pour lier conversation avec moi ce jour-là où M. Rn., un autre voyageur avec qui je jase de temps en temps, lui et moi avons parlé d'un des tomes de Harry Potter. Il ne s'est pas arrêté à penser que j'étais une inconnue. Il a vu l'humaine en moi. Celle qui partageait un intérêt avec lui: la lecture. Il a vu qu'il pouvait compter sur moi pour un brin de conversation qui n'a rien de bien engageant, à part une demi-heure de temps en temps, bien installés sur une banquette. Nos discussions me sont toujours heureuses. Pitié? Non, J-P, en fait, je te prends de plus en plus en amitié.

11.23.2008

info-santé

Un ciel tout de bleu domine ce dies dominicus. La lumière qui se réfléchit sur les mansardes de la rue et qui jaillit dans la cuisine est si vive qu'elle appelle vers l'extérieur, malgré la certitude que l'air glacial nous frigorifiera jusqu'aux os. Nougat le gros chat profite d'un carré de soleil à l'instant où j'écris et M. ne sait pas que nous irons marcher un peu plus tard, encore au chaud dans les draps moelleux qu'il est. Il ne faut pas laisser passer l'occasion de se baigner de vitamine D, surtout pas à ce temps-ci de l'année.

Parce que la santé est tout le temps en avant-plan dans nos vies. Avec les saisons qui s'enchaînent, nos corps requièrent les éléments propices à un bien-être global. Au printemps, il paraît qu'il serait préférable de procéder à une cure pour désintoxiquer nos organes qui se sont davantage fait irriguer de sang pendant la saison blanche pour contrer la sensation de froideur. À l'été, manger des petits fruits - entre autres légumes et fruits en saison - en quantité, gorgés de soleil et d'antioxydants, hydratent et sustentent sans alourdir. À l'automne, faire des conserves prépare l'esprit à faire des réserves - conserves - d'énergie. À l'hiver, se pelotonner contre son amoureux devant un bon film, une tasse chaude de thé rouge au creux des paumes, est un antidote à la déprime des jours écourtés.

Là où je veux en venir, c'est à une ressource qui nous aide à comprendre à nos bobos lorsqu'ils surviennent car même si nos corps sont soignés par de bonnes habitudes quotidiennes, il arrive que des malaises incommodent. Cette semaine, je me suis référée à Passeport Santé à trois reprises. Une première fois pour comprendre le rôle de la thyroïde dans un corps humain, une deuxième avec Al., mon collègue-ami, qui voulait en savoir plus sur quelque chose qui le chicote côté santé, une troisième hier soir pour un ami de M. qui traîne un symptôme alarmant depuis plus d'un an.

Ce site internet, Passeport Santé* donc, a été conçu pour monsieur-madame-tout-le-monde. Il est un outil de recherche simple nourri par de nombreux spécialistes de la communauté scientifique. Aucune aire de publicité ne pollue cet espace virtuel puisque le moteur de cette ressource collective est basée sur un principe philanthropique. Passeport Santé est là pour vous citoyen allumé désirant en savoir plus sur votre santé là, maintenant, sans avoir à attendre d'être peut-être informé par votre médecin que vous rencontrerez peut-être dans quelques semaines, si ce n'est dans quelques mois. Bien sûr, Passeport Santé ne vous encourage pas à prendre votre santé totalement en mains en faisant fi de l'expertise des professionnels, mais disons que leurs fiches descriptives sont instructives et peuvent fournir des pistes de réflexion. Le plus beau, c'est que les informations y étant affichées allient le point de vue de la médecine moderne à celui de la médecine holistique avec naturel, sans opposition, mais plutôt dans un esprit de collaboration.

On a en qu'une santé, à nous de prendre les moyens pour se mettre à son diapason.

* Inséré sous "médecin maison" dans la rubrique Liens de mon blogue.

11.21.2008

vivre d'amour

En sortant du paradis ce matin, en direction pour un rendez-vous médical, j'ai réfléchi au fait que peut-être que Dieu attend tout simplement de moi que je m'en remettes à lui, que je lui laisse les rênes, que je m'abandonne à sa volonté. Comprenez-moi bien, je crois à l'ensemble, au mystère, au Tout. Seulement, une partie de moi veut aussi croire au pouvoir de ma volonté, celle de penser tellement fort à quelque chose qu'elle se matérialise ou se concrétise. Dans mes croyances, il y a l'humilité face à la Création, incluant le génie du Créateur; il y a également la réalisation par volonté d'agir et d'être. Mais ce matin donc, j'ai eu l'intuition que mon test, que ce que je dois comprendre de l'épreuve qui s'éternise me semble-t-il, c'est que je dois me laisser aller sans tenter d'intervenir pour faire changer le cours des choses. Mes prières doivent être de reconnaissance et de gratitude, non de désir et de demande. J'imagine que la volonté et la force de l'invocation par l'esprit sont assujeties au Grand Manitou avant tout, à sa convenance puisque lui seul connaît le plan.

Entre-temps, je continue ma liste de belles choses qui me sont offertes et sur lesquelles je dois me concentrer.

Dans le désordre:

Il y a Cht., mon amie-collègue, qui me laisse un macaron de chocolat dans le tiroir de mon caisson au travail, qui m'a gratifiée de sourires fendus jusqu'aux oreilles à tous les jours de cette semaine.
Il y a M. qui me bécote le visage au petit matin en me souhaitant une "bonne journée ma fragilotte".
Il y a Al. mon ami-collègue qui me dit hier soir que je suis généreuse de ma personne et qui m'offre à son tour.
Il y a maman qui me dit que je suis sa perle.
Il y a la jeune vendeuse aujourd'hui aux cabines d'essayage qui me dit, d'une façon simple et sincère, que je suis belle.
Il y a ma soeur G. qui veut passer du temps de qualité avec moi.
Il y a ma soeur B. qui m'appelle depuis Hong Kong pour me faire rire et s'assurer que je vais bien, vraiment.
Il y a GM, ma patronne-amie, la fesse gauche de B., qui marche avec moi dans l'air mordant.
Il y a Jl. qui s'inquiète.
Il y a ma grand-maman qui a la joie dans la voix quand nous nous parlons.
Il y a que le médecin aujourd'hui me donne des bonnes nouvelles et m'écoute de manière touchante, malgré le court laps de temps partagé.
Il y a mon ostéopathe qui sent ma fragilité et me fait un clin d'oeil complice et apaisant lorsque je la quitte en me disant qu'elle est bien d'accord avec mon souhait de décrocher pour un petit bout de l'idée de concevoir.
Il y a le onzième qui me fait carburer au meilleur de moi-même.
Il y a vous qui subissez mes fluctuations d'humeur.
Il y a tous les autres acteurs et évenements qui me croisent chaleureusement et m'enchantent, malgré ma tristesse passagère.

Vous savez, ma tristesse n'est toujours que passagère.

11.20.2008

mourir à chaque jour

Je viens à peine de terminer une conversation téléphonique avec J., mon ancienne charmante voisine. Quand elle me demande si moi ça va, je réponds par un oui qui s'enfarge dans ma gorge nouée. Elle me trouve une petite voix. J'ai envie de lui répondre, si seulement tu savais. Comme je me sens petite, oui. Effacée. Fébrile. Vulnérable pour revenir à ce mot utilisé la dernière fois que je suis passée par ici. À mon ostéopathe lundi, à sa question "crois-tu que tu es plus dans ta tête qu'ailleurs ces temps-ci?", je réponds qu'au contraire, je suis un coeur à vif, aux chairs en lambeaux laissées à l'air corrosif. Je pleure encore beaucoup et souvent. Je traverse un désert de larmes intarissables et tout à la fois, mon âme s'enrobe d'une couenne qui me déconnecte de plus en plus.

Loin de moi l'idée de faire pitié. Je déteste l'état d'impudeur qu'adoptent certains pour siphonner leur entourage afin de nourrir leurs angoisses, leurs détresses. Tout le monde souffre, tout le temps. Rien ne sert d'imposer mon égarement. Il me faut faire la paix avec cette chose qui me draine, la dompter de mon mieux, avec les outils à disposition. Et moi qui croyais avoir traversé suffisamment de champs de pierres brûlantes, je constate que j'en ai encore pour longtemps à gober l'acceptation de l'existence qui ballotte.

Il y a l'amour prodigué par M. et la santé de Nougat le gros chat qui s'est stabilisée. Il y a le bonheur du nouveau bébé dans la famille. Il y a la drive du onzième, qui a à nouveau le vent dans les voiles. Il y a la douceur des bonnes gens qui m'entourent. Que sont mes soucis face à ces raisons de sourire? Bien encombrants, ils sont bien encombrants.

11.19.2008

le clan s'agrandit

Il est né. Le petit Lc., gros tout de même pour un poupon à peine expulsé, a vu le jour à 17 h 30 hier, soit le 18 novembre de l'an 2008. Quand je vous parlais d'intuition aiguisée ces temps-ci, vous auriez dû m'entendre crier à l'intention de ma soeur G. "Pousse!" à exactement 17 h 30, installée devant mon ordinateur au onzième. Dix minutes plus tard donc mon beau-frère m'appelait pour me transmettre la bonne nouvelle: bébé est là, enfin.

La voix de ma soeur était différente lorsqu'elle a pris l'appareil pour me parler un peu de son expérience. Différente. La fatigue, l'émotion, le bouleversement de porter le fruit de ses entrailles sur son ventre plutôt que dedans. Différente peut-être aussi à cause de l'epidural injectée pour la soulager de la douleur du travail qui aura duré environ cinq heures.

Mais ce matin, à l'appareil téléphonique toujours, sa voix était encore différente. Elle parlait plus bas qu'à son habitude, son débit était plus doux et malgré le fait que Lc. pleurnichait à la recherche de son sein, elle semblait calme. Différente. Une femme qui devient mère n'est plus tout à fait la même.

Maman vient me prendre sur l'heure du dîner. Ensemble, nous irons lui voir la binette à ce monsieur de 8.10 livres, poilu au dire de son père, aux yeux bridés au dire de sa mère. Nous verrons G. et Rb. avec leur enfant au creux de leurs bras pour une première fois. Avec mon appareil photo, j'immortaliserai cette image et qui sait, dans vingt ans, lorsque mon neveu regardera cette espace-temps figé, il trouvera sa mère et son père bien jeunes sans réaliser que l'important, c'est lui, tel qu'il était à ce moment-là, aujourd'hui, tout neuf, bourré de possibles, au centre de nos vies. Bienvenue Lc. Donne tout ce que tu peux, c'est déjà infini.

11.17.2008

petit monde

Samedi dernier, il y a deux jours donc, M. et moi sommes allés nous asseoir sur les chaises de coiffeuses que nous ne connaissions pas avant. C'est que notre Ml. chérie est disparue tout à coup, emportant ses ciseaux dans sa contrée natale, beaucoup plus au nord de la province. Nous retrouvant sans maître ciseleur, nous avons laissé le hasard nous mener à ce salon de Brossard.

Pendant que j'attendais que la chaise de la coiffeuse qui s'occuperait de moi se libère, je zieutais l'environnement. Une véritable ruche. Une majorité de miss s'activant pareilles aux ouvrières dans leurs rayons. Elles étaient environ une douzaine de coiffeuses, avec autant de clients, sans parler des coloristes, réceptionnistes, esthéticiennes.

Dans ce tourbillon de mouvements, je remarquai une cliente qui venait tout juste de se faire donner la dernière touche par la professionnelle épiant sa réaction. La femme au nez busqué et à la chevelure noire striée de mèches caramels empoigna à pleines mains ses boucles et souleva comme pour leur donner du volume, volume qu'elles avaient déjà. Après un regard amouraché à l'intention de sa propre personne à l'estime cajolée, elle remercia sa coiffeuse et se dirigea à la caisse pour faire sonner sa monnaie, satisfaite.

Cette femme, je l'ai revue ce matin. J'attendais sur le quai à Bonaventure et elle est apparue de l'autre côté. Je l'ai reconnue, elle, son nez busqué, ses cheveux noirs et caramels, gonflés à la perfection. Même à habiter sur la Rive Sud depuis un an et demi, il m'arrive encore de croiser de ces inconnus qui s'imposent à mon attention.

Un jour je comprendrai peut-être en quoi ces glitchs temporels ne sont autre chose que simple clin d'oeil amusant. Comme si la vie tenait à s'imposer, malgré tout. Pour dire que ces moments de contact me retiennent. Pour ne pas que je devienne tout à fait zombie.

11.15.2008

unicité commune

Le paradis est sous la brume opaque et laiteuse de ce samedi matin humide et crachotant. Nougat le gros chat est roulée en boule compacte sur son fauteuil à côté de moi. M. court encore dans ses rêves. Le déshumidificateur ronronne en bas et le ventilateur de mon portable vient enfin de se taire. Mes doigts qui suivent les mots qui s'alignent et le craquement de ma chaise pivotante sont les bruits qui trahissent ma matérialité. Je suis dans la pièce orange. Je blogue. Pour tous ceux que ça pourrait intéresser.

Il est précisément 8 h 46 dans le coin droit de mon écran et je n'ai pas encore enfourné mes rôties sur lesquelles j'étendrai une mince couche de confitures fraises-choco que j'ai mitonnées mardi dernier. Je déjeunerai en tête-à-tête avec mon amoureux et je lui raconterai que dans mon dernier rêve, il était question d'un ours et d'une grenouille domestiqués traités pour les puces avec un insecticide vert fluorescent par trop toxique, d'une réunion dans un amphithéâtre avec des gens que je ne connais pas du tout dans le cadre de mon travail et du déchaussement de toutes mes dents du côté gauche. Plutôt, je devrais lui résumer les nouvelles de la scène musicale locale que j'ai lues avant de m'installer ici. Ce serait plus cohérent.

Justement, M. m'a avoué avant-hier soir pendant que nous nous brossions les dents et passions la soie, qu'il avait de plus en plus de difficulté à me lire, que mes longs messages le faisaient décrocher quand l'ensemble partait dans toutes les directions. M. est mon baromètre. Lui qui ne lit un livre complet qu'une fois l'an, pendant ses vacances, est plutôt du genre à parcourir des articles du web et de la documentation reliée à son boulot. Alors s'il me conseille de poursuivre sur un chemin plus léger, j'en prends compte. Étrangement, il est un peu mon imprésario, surtout dans cette aventure dans la blogosphère, considérant qu'il en est l'instigateur.

C'est M. qui, il y a maintenant plus de deux ans, m'a gentiment conseillé de tenter l'expérience. Il me voyait sombrer dans le découragement d'attendre les lettres des éditeurs qui, lorsqu'elles arrivaient enfin au bout de nombreux mois, bien que parfois truffées de mots d'encouragement, ne m'annonçaient jamais le fameux oui, votre manuscrit sera publié. M. lisait deux, trois blogues à l'époque depuis quelques semaines et parce que c'était la "hype" du moment, les auteurs de certains d'entre eux avaient été courtisés par un éditeur, le Septentrion, et des quotidiens, comme Le Journal de Montréal entre autres. Je me suis dit pourquoi pas.

Au début, je n'y croyais pas vraiment. Dans cet océan infini de lieux virtuels, comment est-ce que le mien arriverait à retenir l'attention? Une fois passé ce défaitisme, le goût des mots l'a emporté. Installée devant l'écran, j'ai rédigé un premier message sans trop savoir où tout ça me mènerait. Mon style a d'ailleurs changé. Grâce à cet exercice d'écriture trihebdomadaire en moyenne, j'ai fait ce qu'il faut faire pour progresser avec les mots: j'ai écrit, beaucoup.

Par mes mots, je revois mon cheminement et aucune photographie ne pourrait en faire autant. Je me souviens qu'au cours de mes premiers mois à bloguer, j'ai eu une autre phase de découragement. Les commentaires laissés étaient de plus en plus rares et je désespérais. M. a eu l'idée de remédier à la situation en greffant le parasite localisateur. Depuis, même si aucun de vous n'a envie de laisser une trace de son passage, je sais que vous êtes venus quand même.

Plus ça va, plus je réalise que je suis beaucoup plus vulnérable que je ne pense que je le suis. Bien que le fait d'écrire est intrinsèque à ma nature, je vous attends. Bien que le fait d'accomplir le meilleur travail que je ne le peux au onzième soit intrinsèque à ma nature, j'ai peur que la sauce ne prenne pas. Bien que j'essaie d'être une soeur et une fille présente et attentionnée, je n'y arrive pas toujours et je déçois. Bien que je souhaite un amour fort auprès de M., je peine parfois, consumée par mon individualisme. Bien que j'espère Dieu, je suis souvent trop égocentrique. Je t'entends déjà M-H me dire que je suis humaine, que tout ça est bien normal. Oui, bien normal, je suis bien normale. C'est sans doute la constatation ultime à laquelle orphelins de l'Éden m'aura guidée.

11.13.2008

comprendre, pressentir

À l'heure où j'écris ces lignes, ma soeur G. est de retour à la maison, avec Lc. dans le ventre, encore. L'obstétricien a pourtant bien essayé de faire en sorte que son col dilate, mais bébé n'a pas envie de sortir pour l'instant alors voilà, Mère Nature l'emporte.

Toute la journée, des collègues à nous, à G. et moi, m'ont interrogée sur la progression de son accouchement. Ils seront peut-être bien surpris d'apprendre demain matin que la maman est de retour à la maison, le bedon rond et tendu, dans l'attente d'un col plus coopératif. Parce que si d'ici à mardi rien de nouveau s'est passé, la médecine réessayera d'intervenir pour qu'il nous arrive enfin ce petit bout d'homme qui sait se faire désirer. D'ici là, Lc. peut décider que le timing est bon à n'importe quel moment. Par exemple ce soir vers 19 h 30, une fois que G. aura englouti sa poitrine de poulet commandée au St-Hubert. Ou demain, en plein milieu de matinée, pendant qu'elle sera en train d'écouter par dépit quelque chose à la télévision. Ou pourquoi pas dimanche, lorsqu'ils parleront entre amoureux de cet enfant qui sera bientôt, très bientôt, blotti dans leurs bras.

Entre-temps, il pleut, il fait froid, il fait noir tôt, les stores du paradis sont baissés, tirés, pivotés et Nougat le gros chat va mieux. Depuis une grosse semaine, elle n'a pas vomi une seule fois. La médication semble porter fruit. La nuit, elle est plus colleuse que jamais, au grand plaisir de M. qui la serre au creux de son bras comme il le ferait avec une peluche. L'amour, c'est de toute beauté.

Moi, je vais, j'avance. Mon moral se maintient sur air d'aller agréable. Côté émotions, ça bouillonne beaucoup moins. Le processus de récolte de réponses à propos de notre constitution physiologique d'êtres reproducteurs arrivera à terme éventuellement, le temps de passer les tests nécessaires dans de telles situations et de mettre la main sur les résultats. Aussi, maintenant que nous nous sommes rejoints à mi-chemin entre mon mode explosif et son mode implosif, M. et moi communiquons plus facilement à ce sujet. Il faut bien apprendre à continuer.

Ces jours-ci, mon intuition est aiguisée. Des choses me viennent à l'esprit de façon vive. Parfois, je les sens plutôt. Ces jours-ci, se sont surtout des informations à propos de certains individus qui m'entourent qui se manifestent de nulle part. J'en suis même venue à me dire que si quelqu'un m'aidait à canaliser ces intuitions, à les reconnaître d'entre toutes les autres informations générées par diverses sources - liens logiques, déductions, présomptions, connaissances - à coup sûr, je pourrais peut-être faire quelque chose avec ça. Quoi qu'il en soit, quand elles s'allument et me guident, j'essaie de les mettre à profit des individus concernés du mieux que je le peux, quand je le peux surtout. Parfois, mes intuitions sont tout à fait anodines.

M. aussi réalise que son intuition se développe. Vendredi soir dernier, il a formulé une réflexion à voix haute qui s'est avérée chose concrétisée samedi en début d'après-midi. De l'expérience il a dit: "J'ai l'impression d'être Dieu." Rien de moins. Omniscient pour une fraction de seconde, puis omniscient à nouveau pour une seconde fraction de seconde, ça équivaut à l'omniscience. Non, bien sûr que non, mais tout de même, l'intuition est un élixir bien enivrant. Principalement parce qu'elle se manifeste spontanément, qu'elle glisse de l'attention comme un poisson frétillant pour retomber parmi toutes les autres pensées qui surviennent, mais que lorsqu'elle se matérialise et que nous avions su la formuler ou le reconnaître assez longtemps pour la distinguer clairement dans notre langage intérieur, le lien entre nous et le monde se fortifie, se consolide. L'intuition est la preuve de notre synergie collective. Elle est l'étincelle qui déflagre la foi.

11.11.2008

volontarisme

Ce matin, en écoutant la radio parlée, j'ai entendu un documentariste qui, ayant travaillé sur le sujet de la Première Guerre Mondiale, aussi connue sous le nom de la Guerre des Guerres, disait ne pas arriver à imaginer ce que ce fut d'être dans les tranchées alors, maintenant, jamais. Jour de l'Armistice. Il y a quatre-vingt-dix ans le clairon sonnait la fin de quatre années de bouleversement planétaire. Le monde venait de conclure un acte collectif qui avait uni et déchiré tout à la fois des nations. Pour la première fois, les ravages des armées avaient affectés de nombreux joueurs, simultanément. Peut-être un premier soubresaut de mondialisation.

Deux décennies plus tard, le bal des horreurs repris de plus belle, pour plus longtemps cette fois-là, avec des camps de concentration et une Allemagne menée par une ambition diabolique. Hier, jour précédent celui de l'Armistice donc, c'était celui de la commémoration de la Krystallnatch. Un bien triste 70e anniversaire. Je l'ai su parce que Cht., mon amie-collègue, se rendait à une conférence portant sur ce sujet en soirée où une amie de sa mère, une survivante de l'Holocauste, allait faire un témoignage. En faisant des recherches, je suis surprise d'apprendre que cette nuit fatidique, qui a officiellement estampillé le peuple juif d'une étoile de David indélébile pendant les sept années qui l'ont suivie, a eu lieu en 1938, avant le début de la Deuxième Guerre Mondiale. Les Juifs avaient commencé à sentir l'oppression à partir de 1933, année de l'arrivée des nazis au pouvoir, avec le sinistre Hitler pour chef.

Histoire quand tu nous tiens et que tu nous rappelles la noirceur qui peut parfois s'emparer de la nature humaine, à nous d'écouter pour que jamais ne se répète ces violences devenues réalité, elles que l'on croirait pourtant inimaginables.

Dans mon salon ce matin, après l'extrait de radio rapporté ci-haut, je me suis installée devant mon petit écran pour compléter le visionnement d'un film qui n'est pas passé par les salles de cinéma de la région tant il n'a pas fait de bruit ici. Intitulé An american crime, je l'avais loué parce que les deux protagonistes principales sont des actrices de bon calibre et que je croyais que M. aurait de la facilité à suivre le fil en version originale. Parce que monsieur parfait son anglais grâce à des sessions ciné, avec sous-titres. Quoi qu'il en soit, il n'a pas du tout embarqué dans l'histoire pourtant basée sur un fait réel survenu à Indianapolis en 1965. Alors ce matin, j'ai repris à partir de là où nous nous étions rendus et malgré une réalisation de teneur télévisuelle plutôt que cinématographique, les images atroces m'ont suivie une bonne partie de la matinée ensuite. L'actrice personnifiant la jeune adolescente qui a été torturée à mort par une femme et ses enfants est la narratrice de la trame du film et à la toute fin, elle dit quelque chose à propos du fait qu'il paraît que Dieu a toujours un plan. Cette jeune martyr conclut en demandant, dans ce cas, le sien, celui d'un meurtre lent et abominable, quel était-il?

Dans le cas des guerres, dans le cas des génocides, dans le cas des famines, dans le cas des politicailleries qui sacrifient des peuples entiers, dans le cas de viols, dans le cas de mensonges, dans les cas de jalousies, es-tu là Dieu? J'ai pour mon dire que dieu est un mot que nous utilisons pour désigner le Tout. Dieu est aussi cette synergie qui coule entre toutes choses pour les unir. Dieu nous laisse vivre librement, chaque spécimen de chaque espèce. Dieu nous donne cela en même temps qu'il nous emprisonne par la génétique et l'environnement. Pire, Dieu nous remet une volonté. Il nous remet les clefs de nos choix. Oui ou non. Dans le film, il y a une scène troublante où le jeune garçon de la maisonnée ramène d'autres adolescents pour leur montrer la jeune prisonnière prostrée dans son sous-sol. Le jeune garçon qui devait avoir autour de sept ans tout au plus brûle la jeune adolescente avec une cigarette et offre à une jeune fille présente de faire de même. La jeune fille se soumet à la pression du groupe et perpétue elle aussi un acte condamnable. Lorsque certains jeunes ayant pris part aux nombreuses sessions de torture de la martyr ont été par la suite interrogés par le procureur avec la simple question: "Why did you do it?", ils ont tous répondu: "I don't know."

Chacun est responsable dans son rapport à Dieu.

11.10.2008

le début d'un temps nouveau

Ma soeur se fera provoquer jeudi. Le médecin en a décidé ainsi aujourd'hui et donc, nous accueillerons le nouveau membre de notre familia d'ici la fin de semaine. Un nouveau bout de chou à bécoter, des nouveaux traits à épier se transformer, une nouvelle peau à l'odeur de bébé. Ce petit bout d'homme, il s'appellera Lc. Ma soeur et son amoureux, Rb., ont cherché pendant quelques semaines le nom qui ferait vibrer leurs coeurs et une fois que la décision s'est arrêtée après qu'ils aient été visités par muse B., mon autre soeur, ils ont pu lui parler au travers la bedaine en le nommant. J'espère qu'il naîtra le 13 juste parce que je suis égoïste au point de vouloir ajouter une autre date de ce chiffre dans ma liste d'événements heureux et particuliers. Bien sûr, s'il nous arrive le 14, je ne lui en tiendrai pas rigueur. Dans sa petite histoire, le 13 aura une place toute spéciale quand même.

Nous nous multiplions donc. À Noël, Lc. passera des bras de l'un à l'autre et chacun sentira l'énergie paisible de ce petit paquet chaud et amorphe. De temps en temps, ses pleurs briseront les conversations et là, de nombreux visages se pencheront au-dessus du sien pour s'assurer que tout va bien pour lui, qu'il se fait juste assez bercer, qu'il a eu sa tétée, que ses fesses ne sont pas mouillées. Dans son sommeil, il nous paraîtra tel un ange au corps encore un peu fripé de sa propulsion extra-utérine. Ses doigts minuscules aux ongles transparents enserreront un des nôtres par réflexe d'attachement et nous craquerons pour sa bouille imprécise. Un autre nouveau-né aux airs de vieux sage sur la montagne viendra apprendre à comprendre pourquoi il est revenu. Parce qu'à chaque nouvel arrivant son destin.

Qui sera Lc.? Il faudra le temps de te rencontrer pour commencer à le pressentir. Au début, tes parents voudront que tu fasses tes nuits, que tu ne pleures pas trop, que tu prennes le sein facilement. Ensuite, ils attendront les premiers signes de ton autonomie en guettant tes mouvements, la force qui te fera passer du stade poupée de chiffon au cou fragile à celui de petit bonhomme Michelin. Puis les premiers pas, les premiers mots, les premières manies. Quand tu t'approprieras le langage, tu commenceras à exprimer tes idées plus clairement. Tu diras des choses qui surprendront les adultes autour de toi parce que tu penseras comme un enfant, de façon spontanée et créative. Après, l'école, les amis, les goûts, les rêves, les qualités. Tout cela viendra définir l'être que tu incarneras, toi Lc., né en l'an 2008, un 13 ou un 14 novembre, d'une mère qui a tellement hâte de te voir la binette que ce n'est même pas drôle et d'un père qui n'en peut plus de t'imaginer. Une nouvelle famille naîtra avec toi. Tes parents seront plus qu'un couple à présent. Par toi, ils deviendront multiplication d'amour, un organisme, une communauté. Plus jamais les mêmes, chose certaine. Ils se révéleront neufs aux aussi, nouveaux-nés grâce à toi.

11.08.2008

explorations aléatoires

Mercredi dernier, en marchant dans les rues cossues avec Cht., mon amie-collègue, elle m'a raconté un de ses rêves qui s'est avéré étrangement branché sur notre réalité. De cette confidence, que nous avons un peu cherché à démêler, je lui ai dit que les miens, bien qu'ils soient de visiteurs réguliers, ne passent pratiquement jamais dans le moulinet de cet exercice d'interprétation.

Je me souviens qu'à quelques reprises pendant ma formation universitaire, je me suis amusée à isoler certains composants de mes songes et d'aller lire la rubrique s'y rattachant dans un dictionnaire des symboles, juste pour voir ce que la psyché collective de notre espèce avait accumulé comme informations par rapport à cet élément en particulier. Je me souviens aussi d'un film que nous avions regardé dans le cadre d'un de mes cours au cégep. C'était un vieux long métrage en noir et blanc, à l'image sautant par moments, à la bande-son craquant comme du popcorn éclatant à d'autres. Sur l'écran un homme incarnait Sigmund Freud, ce père de la psychanalyse qui a dit que le "rêve est la voie royale de l'inconscient". Je me souviens d'une jeune femme blonde et pulpeuse qui incarnait le rôle d'une de ses premières patientes et qui, allongée sur le canapé, lui racontait un de ses rêves: elle était au pied d'une tour s'érigeant dans un ciel terrible. Freud y voyait un parallèle à faire avec son rapport de femme au phallus. Wow.

Je sais bien qu'il y avait des subtilités que j'oublie et je sais bien que la psychanalyse est une science humaine des plus sérieusement balisées, mais puisque les rêves sont supposés révéler ce que notre autocensure oppresse à journée longue, n'est-il pas plus intéressant de les accueillir selon nos propres modes d'appréhension, en tant que personne aux premières loges pour procéder à l'interprétation du message distordu qu'ils nous livrent? Évidemment, comme pour la psychothérapie, de mettre en paroles tout ce qui court dans notre cabosse pour l'expliquer à un être détaché et professionnel, ça peut porter fruit simplement parce que nous procédons ainsi à une structuration des données et qui dit structure, dit facilité à départir le bon grain de l'ivraie.

Tout ça pour dire que ce matin, quand j'ai ouvert définitivement les yeux à 7 h 18, je sortais tout juste d'un rêve qui m'a ramené à mon enfance et à mon adolescence. Bien sûr, parce qu'on parle de rêve, cet enfance et cette adolescence visités n'étaient pas calqués à la lettre sur la réalité telle que vécue par moi. En gros, dans ce rêve long, je mettais la main sur une boîte de souvenirs. Tiens, tiens en écrivant, en mettant en paroles donc, je viens de faire le lien avec le fait que dans le livre que je lis ces jours-ci, The Cloister Walk de Kathleen Norris, il y a un passage où elle parle d'une boîte de souvenirs. Bon poursuivons. Dans cette boîte, il y avait des photographies qui se transformaient en vidéos. J'y revoyais mes trois meilleures amies de mon époque au secondaire, ma mère dans les allées d'une épicerie et à la fin, je remportais un prix toute petite, peut-être à l'échelle de mes sept ans, pour avoir respecté la hiérarchie et contribuer à améliorer la performance globale de mon équipe dans un contexte de jeu du genre Génies en herbe. Tiens, tiens, en écrivant, en mettant en paroles un nouveau passage de mon rêve donc, je fais le lien avec des conversations auxquelles j'ai participé hier au onzième, où nous venons d'apprendre que notre grand patron ne reviendra plus. En parlant avec des collègues, j'en suis revenue à cette idée que dans notre milieu de travail, l'initiative et le leadership naturels sont des qualités qui dérangent. Le statu quo est un état pépère que certains n'apprécient pas de perdre par la venue d'individus qui proposent de nouvelles façons de faire, un nouveau regard, peu importe que ça soit pour le mieux. Certains ont tellement peur du changement qu'ils figent leur potentiel d'être humain à un niveau qu'ils pourraient facilement dépasser si seulement ils avaient le courage de voir plus grand que leurs petits nombrils.

Je n'ai jamais participé à un jeu du genre Génies en herbe. La seule chose qui pourrait coller à ce prix dans ma vie de fillette, c'est le rôle qu'on m'a attribué dans un camp d'été, un soir initiatique, vers la fin de nos deux semaines passées là. Ce nuit-là, les moniteurs nous avaient tous réunis autour d'un grand tas de bois érigé en forme de tipi. Par groupes d'âge, nous étions supposés suivre un parcours dans la forêt, dans une noirceur terrifiante. Les moniteurs m'ont désigné à la tête de mon groupuscule sous prétexte que j'étais une bonne meneuse, pleine de courage. Sur quoi s'étaient-ils basé pour arrêter leur choix sur moi, je n'en ai aucune idée. Je crois que c'est un peu au hasard vraiment parce que tout ce que je me souviens de moi à cet âge-là, c'est de mon silence observateur et contemplatif. Quoi qu'il en soit, je me suis retrouvée dans ce rôle de guide et je me souviens que j'ai dû rassurer mes compères qui éclataient en sanglots sous le stress de l'épreuve. Nous avions une corde qui nous servait de voie à ne pas lâcher d'entre nos mains et sur le parcours, des moniteurs étaient déguisés en chamans. Je me souviens qu'un d'eux a même dû retirer sa coiffe pour rassurer une jeune fille qui était tétanisée par l'effroi.

Un prix pour avoir respecté la hiérarchie et contribuer à améliorer la performance globale de mon équipe? Décidément, mon inconscient a plus d'ambitions que moi ces jours-ci. Moi, je suis amplement satisfaite avec l'idée de faire de mon mieux pour contribuer à l'ensemble, sans tomber dans le piège de ne plus me réaliser par le dépassement. Au fond, mon ambition, c'est de devenir meilleure que ce j'étais la veille selon ce que je comprends de ce qui propulse vers ce lieu ultime où il fait bon de vivre au quotidien, à chaque respiration et battement de coeur. Et si le onzième est sur mon parcours, qu'il est mon atelier d'apprentissage, c'est parce qu'il recèle des défis à ma mesure, au même titre que ma relation avec M., que mes relations avec ma famille, que tous ces gens réunis matin et soir dans l'autobus qui me voyage. Rien n'est laissé au hasard. À part peut-être l'agencement que notre inconscient choisi pour s'exprimer en rêves et des décisions de moniteurs dans un camp d'été.

11.06.2008

du nouveau dans les encyclopédies

Non, mesdames et messieurs, le messie n'est pas revenu parmi nous. Celui qui a permis à l'Homme de découvrir que le chemin vers l'amour naissait dans chaque coeur qui bat a pourtant dû sourire du haut de son éternité quand on a annoncé que Barack Obama était nommé à la présidence du pays le plus influent de notre ère. Un homme éloquent, charismatique, solide, posé, oui Noir ou plutôt mulâtre, élevé dans la foi musulmane, citoyen du monde surtout. Nos voisins du sud viennent de faire un choix qui ouvre sur un futur plus envisageable à tout le moins.

Dans son discours d'acceptation du titre qu'il venait d'acquérir au bout d'années d'efforts qui avaient souvent aspect de coups d'épée dans l'eau, le méritant a été réaliste. La situation des États-Unis n'est pas la plus brillante de son histoire, bien au contraire. L'administration Bush a saigné à blanc cette nation pourtant dominante sur l'échiquier mondial. Un scénario catastrophique pour la nouvelle équipe gouvernante dont le principal représentant est tout à fait conscient. C'est lui-même, ce fameux Barack Obama tant encensé par des millions d'humains tout autour de la planète, qui a averti son peuple: le chemin vers le mieux ne sera pas facile et vous n'aimerez pas toujours les décisions que je prendrai.

Ce qui me donne la chair de poule quand je l'écoute, c'est de réaliser à quel point il est aux antipodes de Georges W. Bush, à quel point ce nouvel élu est définitivement lumineux comme le jour en comparaison à cette nuit noire qui s'est abattue sur cette nation si déterminante dans la politique internationale pendant le règne pénible de huit années destructrices du fils pantin.

Est-ce qu'Obama va sauver le monde? Non, bien sûr que non. Il n'en a jamais eu la prétention d'ailleurs. Mais nous est-il permis de croire en des jours meilleurs avec son arrivée à la Maison Blanche? Je crois que oui, que cet espoir n'est pas trop exagéré. À ce propos, une dernière chose a retenu mon attention pendant son discours: il a impliqué l'individu dans le processus de changement, il a mentionné la responsabilité de chacun à faire tout son possible pour rebâtir une société où il fait bon de vivre. Ce genre de message-là, ce n'est pas une promesse vaine, c'est un appel à l'éveil.

11.04.2008

panacée

Il y a longtemps que je ne me suis assise nulle part, paralysée par l'inspiration, totalement obnubilée par le flot de mots imposant leur besoin impérieux de prendre vie à même le vide d'un espace vierge. Pareille autorité est absolument grisante. Je me souviens d'années où je griffonnais de pleins cahiers que je choisissais soigneusement pour recueillir ces venues sacrées, parce que pour accueillir la grâce il faut berceau plus que convenable. Aussi, avec le temps, j'ai développé goût à me munir d'un stylo à la pointe extrafine de bonne qualité pour la faire glisser sur le néant et voir jaillir l'éclat. Mes outils sont toujours sur moi, mais maintenant, rares sont ces moments de saisissement où je deviens faisceau, réceptacle, vaisseau transmetteur.

Quand j'ouvre mon cahier ces jours-ci, c'est davantage pour me souvenir de mes dernières entrées faites à même ce médium démodé à présent qu'il y a dans ma vie ce que vous avez devant les yeux, mon blogue. Mais encore, parfois je ressens la pulsion de gribouiller pour ne pas oublier, ne pas laisser glisser l'émotion à traduire, ne pas permettre à l'idée de poursuivre son petit bonhomme de chemin, l'encapsuler sommairement pour peut-être la développer plus tard. Ainsi, dans les pages que je traîne avec moi, ma calligraphie au rendu de plus en plus aplati aligne des choses telles que:

Saisir le bonheur
chaud comme une bulle
bon comme une pâtisserie.

----------

le temps efface tout
à part le souvenir
qui ressuscite

----------

Petit à petit, dans le grand vent du parc, je comprends que le temps apaise mon agitation. Bien sûr que je savais, mais comprendre demande souvent plusieurs expériences.

----------

Il fait beau quand
de mon onzième étage
les voitures scintillent
sur l'autoroute


----------

la scrutation impudique
belle bouche bée
en pâmoison de jeune vierge mouillée
qu'il est ivre l'ivrogne
qu'il est puant l'itinérant
qu'il est laid le défiguré
désemparé, désorienté, délaissé
et pourtant, tu t'agglutines à lui
l'âme jetée à ses pieds


----------

Peu importe si le doute s'arrime momentanément
il finit toujours par rouler avec la vague de fond.

----------

Rien de bien important au final. Des bribes, des balbutiements, des exercices, de la gymnastique pour ne pas perdre le contact avec la source qui m'a séduite il y a toutes ces années. Surtout, ne pas tarir ce sein au lait rédempteur. Pour ma santé mentale. Garder la forme.

11.02.2008

ma cacophonie ralentit


Jour lent.

De ma marche dans le petit matin gelé sous la lumière blanche, au coucher de soleil trop tôt coïncidant avec la sortie des muffins du fourneau.


Jour de guérison, de sourires tendres, de peu de mots. Enfin.

11.01.2008

mea culpa

J'ai été injuste. Dans mon message du 23 octobre dernier, je disais à propos des gens qui ne vivent pas notre situation de couple peinant à concevoir: "J'oublie que cela n'intéresse pas ceux qui réussissent à perpétuer leur génétique avec une simplicité désarmante. Cela ne les intéresse pas parce que cela ne les concerne pas." J'ai été injuste parce que ce soir-là où j'ai écrit ces lignes-là, le soir de l'anniversaire de Jl., mon amie de toujours, et bien ce soir-là, lorsque nous nous sommes saluées mon amie et moi, elle s'est intéressée à ma prise de vitex. Elle croyait que ça avait quelque chose à voir avec l'hormonothérapie. Je lui expliqué que c'était plutôt relié à de la phytothérapie et que cette teinture-mère devait aider à rebalancer mon système hormonal. Quand je lui ai dit que nous saurions bientôt si nous sommes fertiles, elle m'a demandé de la tenir au courant. Elle a ajouté que nous aurions peut-être des bedaines en même temps.

J'ai été injuste parce qu'il y a mes soeurs. G. qui me dit à sa façon de ne pas polluer mon cerveau avec du défaitisme et B. à l'autre bout de la planète qui croit dur comme fer que M. et moi, nous allons avoir des jumeaux. Il y a une bonne conversation avec l'une hier soir et avec l'autre ce matin. Elles sont là. Et avec elles, ma mère et ma grand-mère. Plus discrètes à ce sujet, mais intervenant auprès des cieux pour faire tourner le vent pour nous deux. Un peu à l'image des groupuscules concentrateurs d'énergie évoqués dans mon dernier message blogue.

J'ai été injuste parce qu'il y a aussi la main d'Al. qui sert sur mon épaule dans le métro à 7 h 10 hier matin pour me remonter le moral que j'ai définitivement dans les talons.

Injuste parce qu'il y a GM., la fesse droite de ma soeur B. devenue une de mes patronnes au onzième, qui me laisse éclater en sanglots dans son bureau jeudi et qui me réconforte simplement en m'écoutant déballer tout ce que je retiens en dedans, faute de savoir quand pouvoir l'exprimer.

Injuste parce que je flirte avec le ressentiment de plus en plus. Malgré cela, aucune justification n'est possible face à mon immaturité émotionnelle qui me fait oublier que je suis entourée plus que je ne le pense.

J'ai été injuste parce que bien que j'aie souvent l'impression que le bon Dieu se foute un peu de ma gueule ces derniers temps, il me précipite dans des abîmes introspectifs où la douleur est telle qu'elle n'est plus du tout intellectualisée, qu'elle me taillade de micro incisions qui me vide de mon essence et qu'une fois que je serai asséchée complètement, désengorgée de mon ego, je me renouvellerai face à Lui selon de nouveaux termes, inévitablement. Je suis pareille à une chrysalide qui se débat sous les couches du cocon avant de se révéler imago. Entre-temps, je m'entremêle dans mes vils sentiments et tout à la fois, je tente de tenir bon.