orphelins de l'Éden

10.24.2009

moment de grâce

Rencontre pré-opératoire hier avec une infirmière qui a reconnu mon prénom de la télésérie Les gens de Mogador, dont il me faudra bien un jour lire le récit version papier qui a été porté à l'écran. Installées dans son bureau, nous avons échangé au sujet de la dé-responsabilisation de monsieur-madame-tout-le-monde face à leur santé. Elle m'a expliqué que de son point de vue, c'est lorsque l'état a remis une carte d'assurance maladie à chaque citoyen en lui annonçant qu'à partir de ce jour, il pouvait se fier sur le système de santé pour être soigné, que ce même citoyen a cru qu'il n'avait plus à préserver son bien le plus précieux puisque de toute manière, il serait pris en charge si sa machine venait à faire défaut à un moment ou à un autre. Parce qu'elle et moi, nous étions d'accord pour dire que le corps est tout simplement la plus belle machine qui soit, la plus parfaite, la plus fascinante.

À part cette conversation énergisante, il a été question bien sûr du déroulement de la césarienne. Pas de body piercing permis sur la table d'opération, se raser le pubis "les cuisses fermées", être à jeun depuis minuit la veille, me rendre au département "chirurgie d'un jour" à l'une des trois heures - 6 h 30, 7 h 30 ou 10 h - qui me sera assignée par coup de téléphone quelques jours avant le jour J, prendre une douche la veille ou le matin même pour être bien propre. Sans blague. Arrivée là, on m'installera une sonde urinaire avant d'être anesthésiée localement soit par moyen de péridurale ou de rachianesthésie, dont je n'avais jamais entendue parler. L'infirmière m'a recommandé la seconde en me vantant son effet plus durable - 18 heures en moyenne, contre six pour la péridurale - et donc nécessitant moins d'anti-inflammatoires pour calmer la douleur. Et l'effet sur bébé Bo. que j'allaiterai? Apparemment, aucun. Mmm-mmm. Quoi qu'il en soit, je pourrai en parler avec l'anesthésiste et je prendrai alors une décision.

La sonde urinaire ma sera retirée le lendemain de l'opération et il me faudra faire très attention à comment me lever du lit. Interdiction de me lever seule pour la première fois d'ailleurs. Le personnel infirmier devra m'aider en cas de chute de pression si j'ai bien compris.

L'intervention devrait durer en tout et partout une heure. Je serai contrainte sur mon lit d'opération - lire ici que j'aurais les bras attachés aux barreaux de chaque côté pour le soluté et mes signes vitaux -, alors c'est M. qui aura le plaisir d'accueillir Bo. dans ses bras le premier. Ensuite, notre garçon sera amené au département des soins intermédiaires pour sa pesée, sa prise de vitamine K et un nettoyage de son vernix. Je le retrouverai à la chambre où on m'aura stationnée après avoir refermé mes entrailles.

Là, je te donnerai le sein pour la première fois et plus rien au monde ne m'importera à part toi.

10.22.2009

transition

Premier jour de congé de maternité où je n'ai pas de rencontre ou de plan précis. J'avoue que je tourne un peu en rond dans le paradis. Levée tôt avec M., j'ai lu après son départ. Ensuite, je me suis remise à mon manuscrit laissé en plan depuis le début de ma grossesse. J'ai relu l'ensemble de ces mots pondus il y a des mois et puis, comme je fonctionne pour la plupart de mes écrits, j'ai poursuivi sur la lancée de cette quinzaine de pages, inspirée par mon état d'esprit de l'instant. Étonnamment, une nouvelle page est née assez facilement. Peut-être qu'après tout, ce moment de pause professionnelle me permettra de me replonger davantage dans ma créativité.

J'attends.

Puisque je prie lorsque la prière naît, je dis à Dieu que j'accepte qu'il sache quand l'événement de l'accouchement aura lieu et que je fais confiance à ce qui nous est tout particulièrement destiné. J'en profite aussi alors pour lui glisser des demandes comme par exemple de nous offrir la possibilité d'un accouchement naturel, par voie basse, de nous entourer d'une équipe médicale compétente et enveloppante, de veiller à notre santé. Aujourd'hui, j'ai ajouté que j'aimerais bien que bébé Bo. prenne mon sein avec facilité et que l'allaitement se fasse sans inconfort, ni pour lui ni pour moi. D'ailleurs, mon feeling me dit que tout ira comme sur des roulettes de ce côté-là puisque vraiment, je n'ai aucune appréhension.

Je me repose.

Je prends Nougat le gros chat sous mon bras et je m'étends pour voguer au pays des songes. Ensemble, nous formons cette boule de chaleur sur l'îlet sous la couette et puis, j'ouvre les yeux une heure et demie plus tard, prête à poursuivre sur le mode détente.

Je mange bien.

Mon appétit mène mon estomac et dépendant de l'heure, je croque dans un fruit, quelques olives séchées au soleil, un morceau de chocolat noir, je dîne, ou je bois ma tisane de feuilles de framboisier pour à la fois m'hydrater et combler un petit creux. Il paraît que lorsque j'allaiterai, je deviendrai vorace, devant aller chercher entre 600 et 1 000 calories de plus par jour, ce qui est énorme. Encore une fois, je laisserai mon appétit mener. Jusqu'à maintenant, il m'a prévenue de symptômes inconfortables comme des nausées et des brûlures d'estomac, tout en assurant la prise de poids adéquate de bébé Bo.

Je profite du calme.

Bientôt, je t'aurai pour m'accompagner dans tous ses menus plaisirs, à la différence que l'attente se sera transformée en découverte permanente, stimulation ultime.

10.20.2009

guides

Joie, j'ai à nouveau quelque chose pour me bourrer les neurones. Trois beaux bouquins véritables matières à mâcher. Tous des cadeaux. Deux trouvés en librairie grâce à une carte-cadeau gracieuseté ma belle-soeur offerte à mon anniversaire et le troisième apporté directement de l'autre côté de l'océan par la charmante maman de J., mon ancienne charmante voisine.

D'ailleurs, j'ai passé une bonne partie de ma journée avec ces deux dames merveilleuses. La mère et la fille. L'arbre et son fruit. Et quel arbre et quel fruit. Nous avons jasé justement à un moment de cette passation d'éducation, de valeurs chères, de la volonté de changer, d'une génération à l'autre, des méthodes qui freinent l'évolution d'un enfant pour tenter des approches qui nous ressemblent plus et qui rapprochent de l'amour, beaucoup parce que J. est maman de Mt., petit homme de presque neuf mois bientôt et qu'elle ne veut que son bien, en toute cohérence avec ce qu'elle ressent de bon à lui léguer, comme sa propre mère a fait pour elle. De grandes questions en fait, qui affectent toute la vie qui germe.

Nous revoilà donc revenus au contenu des livres que je dévorerai dans les prochains jours, contenu qui touche à des bouts de réponses à de grandes questions. Le livre que J. m'a donné, c'est un genre d'encyclopédie englobant sous sa couverture une panoplie d'alternatives pour Élever son enfant... autrement. Elle m'assure que c'est une bible et puisque je connais un tant soit peu son jugement, je sais qu'il doit en effet receler une foule de précieux conseils.

Mon deuxième bonbon à lire, c'est samedi dernier que j'en ai entendu parler lorsque la fesse gauche de ma soeur B., sa grande amie Gn., m'a confié qu'un des outils pédagogiques préconisés par sa fille maintenant maman de deux tout-petits et adoptant des valeurs éducatives semblables à celles qui me sont chères, était ce fameux ouvrage, devenu un classique au fil des ans semble-t-il, Point forts. Au téléphone, D., la fille de Gn., m'a expliqué que la qualité de ces observations résidaient dans la possibilité de comprendre certains comportements de notre enfant, selon là où il en est rendu dans son développement. Comme dans tout, a-t-elle continué, il faut en prendre et en laisser, mais dans l'ensemble, les notions exposées sont pertinentes et aident à décoder des choses indéchiffrables sinon.

Finalement, le dernier des trois ouvrages m'a sauté aux yeux de sur le rayon parce que l'édition ressemble à s'y méprendre à un livre que j'avais justement décidé de parcourir ces jours-ci pour la enième fois en trois ou quatre ans tellement je l'apprécie - Soins à mon enfant -, mais voilà que son titre diffère de ce dernier et qu'il s'avère être le complément prémisse à celui que j'adore. Celui-là s'intitule Accueillir mon enfant naturellement. C'est une infirmière devenue naturopathe, Céline Arsenault, qui les a rédigés dans des termes accessibles et tout à la fois rigoureux. De beaux bouquins stimulants qui ciblent parfaitement mes attentes d'humaine concernée par la santé.

Alors, pour les jours qui viennent, je lis. J'en prends et j'en laisse. Mais surtout, bientôt, très bientôt, c'est l'expérience jumelée aux notions qui auront collées qui rentrera au poste. Et là, bébé Bo. me révélera toute cette chimie de la relation parent-enfant. Sans chichi, sans flafla, sans intellectualisation. Pures vérités. Adaptées à lui et moi et nous.

10.18.2009

sésame, ouvre-toi

Mon amoureux est sous le jet. L'eau chaude détend son esprit las. Dans les vapeurs, il revoit le fil de sa journée.

Après le petit-déjeuner, il monte une porte: les trois planches du cadre qu'ils scient pour arriver au bon ajustement, les pentures qu'il doit visser, les corderons qui viennent freiner le mouvement d'enclenchement de la poignée coupés à 45 degrés, et beaucoup, beaucoup plus de minutieux détails.

Il est environ 13 h 45 lorsqu'il monte pour dîner et depuis toutes ces heures, il travaille d'arrache-pied, seul, pour accomplir cette tâche de monter une porte à la perfection. Mais voilà, lorsqu'il redescend, c'est la consternation: la porte est croche, plus avancée d'un côté de deux centimètres.

Catastrophe.

Oui, mais croche par rapport à quoi. Avec son ruban à mesurer, il lui faut trouver comment il a pu se tromper de deux centimètres. Sauf que partout où il tente de prendre repère, un centimètre échappe à l'autre côté avec lequel il veut comparer. Un centimètre qu'il faut pourtant récupérer quelque part. Ma théorie, c'est que puisque cette porte a été montée à partir de la vieille structure de la maison et que celle-ci a bien dû bouger un peu en presque trente ans, c'est pratiquement impossible de faire en sorte de résorber ce centimètre qui manque quelque part. Mais bon, un centimètre, c'est moins pire que deux, alors monsieur le perfectionniste, tout de même abattu par le fait, reprend la tâche du début lorsqu'il revient d'avoir changer les pneus de Jasmine la Fit.

Mon amoureux est un bourreau de travail ces temps-ci.

Il reprend tout ce côté trop avancé par rapport à l'autre. Il dévisse, décloue, et mesure au mieux du possible dans cette situation. Il est 18 h 45 quand il réussit à boucler définitivement sa tâche de monter une porte, à sa satisfaction cette fois.

Mon amoureux est mon héros de patience et de persévérance.

10.16.2009

décompte

Tous mes collègues du onzième, ils m'ont fait cadeau de leur éblouissante générosité collective et de leurs précieux voeux. Aurevoir Ludivine, à dans un an. J'ai peine à y croire tout à fait.

Me voilà donc définitivement engagée dans un nouveau rythme de vie. Bien sûr, il manque encore un gros élément, mais bébé Bo. ne saurait tarder.

Entre-temps, repos, repos, repos. Je dois dormir de longues nuits et faire de bonnes siestes, mijoter de savoureux plats, lire les bouquins et les revues que j'ai sous la main, écouter une télévision intelligente et des films bien tramés, marcher dans l'air automnal, méditer sur l'arrivée de monsieur notre fils en lui disant à quel point je choisis de m'abandonner à la confiance qui me vient de la certitude que tout arrive à point, tout le temps, plutôt qu'à la peur de l'inconnu.

Déjà, je vous avertis que si vous remarquez une absence subite de quelques jours, si pas de quelques semaines, c'est que le moment est venu pour moi de vivre la plus extraordinaire expérience de mon existence et de me concentrer là-dessus. J'espère que vous reviendrez me retrouver lorsque je pourrai reprendre le fil. Aussi, vous comprendrez que je n'afficherai aucune photographie de bébé Bo. dans mon espace blogue. À l'ère du m'as-tu-vu et de la diffusion hallucinante qu'offre le cyberespace, je préfère me garder une petite gêne et préserver nos identités. Je suis vieux jeu, mais ça, certains d'entre vous l'avaient compris depuis longtemps.

J'écrirai mille mots pour chacun de ses sourires, promis.

10.14.2009

joker

Dr. C. baba cool, il est vraiment un toubib sympa. Le rendez-vous de vendredi ayant été devancé à aujourd'hui 16 h, je me suis retrouvée être sa dernière patiente de la journée, son dessert comme il me l'a gentiment dit à son départ de la clinique, après notre rencontre.

Dès qu'il est rentré dans la petite pièce d'examen, je lui ai dit que j'étais heureuse de le voir après plus d'un mois à plutôt tomber sur ses collègues, bien corrects collègues soit dit en passant, très professionnels et courtois eux aussi. Mais contente de le voir lui, qui m'a suivi depuis le début, pour pouvoir discuter de mes options pour l'accouchement parce que monsieur bébé Bo. n'a toujours pas tourné. Avec ses deux grands yeux bleus derrière ses verres et ses pupilles presque carrées tellement qu'elles étaient fixes d'attention à chacune de mes questions, j'ai eu la bonne impression qu'il voulait vraiment satisfaire mes interrogations, fidèle à son habitude. Je perçois que je l'amuse, que je le stimule. Il taquine mon intellect et tout à la fois, il aime complaire à mes requêtes.

Cette fois, les sujets étaient bien sûr ceux de la césarienne, mais avant de la possibilité d'accoucher par voie basse. D'emblée, il me dit que les accouchements naturels par le siège sont possibles, qu'il en a lui-même pratiqué plusieurs. Le hic, c'est qu'il fait partie d'une équipe médicale de huits gynécologues-obstétriciens qui se relayent à l'hôpital et qu'il ne se sentent pas tous confortables avec ce type d'accouchement. Étrangement pourtant, plus tard pendant notre entretien, il m'a avoué que tous les médecins apprécient ce genre d'accouchement atypique. Mais parce qu'il faut penser à la sécurité du bébé le plus possible, nous avons aussi parlé césarienne. Au fil de mes questions, il m'a expliqué l'intervention, ma récupération physique projetée. Il m'a même donné une date: le 2 novembre.

Mais Dr., je crois sincèrement que ma 40ième et dernière semaine, c'est la dernière du mois d'octobre, comme je vous l'ai déjà dit. Avec un petit sourire, il me répond qu'il est en congé cette semaine-là et qu'il fixe donc la césarienne à ce jour-là. Entre-temps, si le travail se déclenche naturellement, je n'ai qu'à me rendre à l'hôpital et dépendant de là où j'en serai rendue, la décision d'accoucher naturellement ou par césarienne sera prise par le médecin de garde. Aussi, si nous optons pour un accouchement par voie basse, certains facteurs sont à considérer d'abord, comme la largeur de mon bassin et la position de la tête de bébé Bo., entre autres.

À mon étonnement donc, peut-être que mon accouchement ne sera pas aussi planifié que ce que j'envisageais après tout. Peut-être que nous ressentirons l'adrénaline d'un accouchement naturel, même si ça se termine sous le bistouri. Jusqu'au dernier instant, la surprise. Et puis finalement, ta petite binette.

10.12.2009

le grand oeuvre

Les paupières encore boursouflées par les rêves, je débute à peine la semaine, ma dernière au onzième, par deux jours de congé collés, moi qui aie travaillé ce week-end pour la dernière fois pour tout un an. Le soleil éblouit le petit matin recouvert de gelée blanche, lui que l'on annonce présent pour toute la journée. Enfin, M. et moi pourrons prendre quelques minutes pour nous photographier ensemble, histoire d'enrichir ta boîte de souvenirs.

Je la voulais en métal pour qu'elle puisse passer l'épreuve du temps, mais elle est plutôt en carton rigide. J'ai écrit ton nom en lettres détachées sur une étiquette qui apparaît sur la face avant. À l'intérieur, il y a:

- Des images de trois de tes échographies;
- Le bâtonnet révélateur de ton arrivée dans ma matrice;
- Des bouts de décoration du souper de famille organisé début août dernier pour souligner ta proche venue dans nos bras;
- Quelques coupons de rendez-vous imprimés par la clinique où j'ai été suivie pendant la grossesse;
- Le calepin dans lequel j'ai noté ma température pour des mois afin de repérer mes ovulations;
- Le calendrier de chatons qui m'a été offert par mon amie-collègue Cht. lors de son retour de Chypre sur lequel j'ai inscrit à tous les vendredis à partir du 6 février, moment de ta conception, le nombre de semaines complétées pour tenir le compte exact;
- Et un bout du tracé qui a été fait de tes battements cardiaques lors de la tentative de version. Ton cardiogramme révèle que ta petite pompe fonctionnait ce jour-là à 135 bpm en moyenne. Bébé Bo., relax comme son papa.

D'ailleurs, tu continues à faire le Bouddha comme le dis ta marraine B., assis en position du lotus quand tu devrais plutôt faire le poirier. J'ai décidé de slacker la pédale sur nos conversations à propos de cette culbute qui ferait en sorte que nous puissions vivre un accouchement naturel. Je sens que tu n'as pas besoin de cette pression. Quelques personnes m'ont recommandé de suivre mon instinct à présent, chose que je fais naturellement depuis pas mal longtemps merci. Mon feeling me dit que tu es bien positionné comme ça, confortable, pas tête dure, juste contenté, satisfait. Mon feeling me dit que tu tiendras beaucoup de ton papa, de son côté félin qui se prélasse dans les rayons de soleil.

Pour la photo d'aujourd'hui, il nous faudra utiliser un trépied. J'avais bien demandé à un ami talentueux de nous croquer, mais il a eu un imprévu et avec sa petite famille, ses moments libres sont peu nombreux. Je vais donc tenter de tirer le meilleur de notre autonomie. L'important, c'est d'en capter une bonne, une seule qui soit digne de passer l'épreuve du temps et qui t'accompagnera pour des ans et des ans.

Quand tu la regarderas, j'espère que tu y retrouveras l'amour qui nous unit et le bonheur de te savoir sur le point de te révéler. Malgré ce que le futur nous réserve tous, j'espère que cet instant saisira tout le présent transcendant, celui qui plonge dans le ravissement et qui sublime en révélant l'essence, phare de vie.

10.09.2009

aide-mémoire

Dans un autobus bondé d'adolescents fringués dernier cri et munis de tous les gadgets électroniques de mise, j'essaie d'imaginer ce que je serai comme parent lorsque Bo. aura cet âge où le look est si important, où la marque devient le passeport pour accéder à l'ensemble. Il me faudra faire confiance à son jugement, retenir ma langue parfois, intervenir gentiment si je n'en peux plus.

À écouter les jeunes Marocaines qui ont jacassé sans répit pendant la bonne demi-heure où j'ai été confinée près d'elles, j'ai espéré que mon fils me parlera un peu plus qu'elles ne semblent le faire avec leurs propres parents. Une d'elles a un amoureux depuis trois ans et tout ça à l'insu de ses géniteurs. Une autre entretient depuis un mois une relation par Internet avec un jeune homme au Maroc qu'elle rencontrera en personne lors d'un proche séjour dans ce pays. Secret là encore. Ces jeunes filles étaient tout ce qu'il y a de plus émancipées. Jeans skinny, manteaux cintrés, sacs Puma, Ipod de l'heure, chevelure soyeuse, maquillage soigné, souci aigu de l'esthétique. Conversation à propos des tarifs des salons de bronzage, du port de broches, du blanchissage de dents. Superficielles à souhait. Superficielles et vulnérables. Fragiles devant la vie qui les attend au tournant. Quand elles se retrouveront nues devant les grands vents qui usent l'âme.

Évidemment, je ne les connais pas du tout ces jeunes nymphes. J'imagine à partir du matériau qu'elles m'ont fourni. Je spécule sur leur essence spirituelle, moi qui tente d'éviter de jouer à ce mauvais jeu.

D'ailleurs, ce dédain qui m'est propre de ne pas vouloir encapsuler le potentiel humain dans une image déformée par ma propre petitesse, il est responsable de mon insatisfaction profonde face à chaque personnage que j'ai tenté de créer au fil de mes ans à écrire. Je suis nulle pour composer des individualités crédibles qui deviendraient plus vrais que nature.

À propos de mon écriture, vous vous souvenez de ce projet d'écriture dont je vous ai parlé il y a presque un an. Eh ben, moi non plus. Mon élan n'aura été qu'un feu de paille. J'ai une vingtaine de pages en suspens et j'ignore si je reprendrai le fil éventuellement.

Wow, bien tristounet mon mood aujourd'hui. Pourtant, une bonne soupe mijote sur le four et je suis zen. Peut-être suis-je pluvieuse comme le jour qui décline. Mon humeur pareille à la bruine qui ne mouille pas tout à fait. Ma voix qui se fait grisaille se taira dans l'encre de la nuit pour mieux s'éveiller et se remémorer que rien ne sert d'utiliser le négatif pour carburer.

10.07.2009

advienne que pourra

Puisque les contractions continuent par intervalles réguliers, j'ai annulé mon rendez-vous de demain matin pour un second essai de version. Rien ne sert de forcer la nature. Lâcher prise.

Bébé Bo. a encore du temps pour tourner par lui-même. Il a un peu plus d'une semaine pour nous surprendre et faire sa culbute. Vendredi le 16, nous nous rendons à la clinique pour rencontrer Dr. C. baba cool. Là, une nouvelle échographie nous montrera comment chaton est placé.

Comme je le disais à ton papa, tu dois avoir en toi un côté star pour aimer te faire prendre en écho aussi souvent. Première fois à six semaines pour confirmer ton implantation; deuxième fois à 13 semaines pour le pré-nat; troisième fois à 20 semaines pour l'examen approfondi qui compila toutes les mesures de la chair et des os qui te constituent; quatrième fois à ta 32ième semaine pour voir si la dilatation du bassinet droit s'était résorbée; cinquième fois jeudi dernier pour confirmer que tes pieds étaient bien là où ta tête devrait l'être; sixième fois lundi dernier avant de procéder à la tentative de version et sans doute vendredi dans deux semaines, la septième fois avec le Dr. C., et peut-être une huitième fois juste avant la césarienne pour vérifier au cas où si tu ne te serais pas tourné à la toute dernière minute.

J'égraine mon chapelet dès que j'ai un moment de répit où je peux communiquer parallèlement avec Bo. et le bon Dieu. Je me recueille pour formuler ma demande aux deux intéressés. À toi Bo., je dis qu'il faut aller te placer pour que nous vivions une belle expérience et que tout ira bien. À Dieu, je dis que je sais bien que je formule à nouveau une requête et que je lui en demande beaucoup et souvent, mais ça serait sympa de nous exaucer, encore une fois, s'il vous plaît.

Sinon, à part cette mobilisation de nos volontés en vue du moment de délivrance, tout va bien. Mon ventre s'arrondit à toute allure. Je me sens lourde, mais seulement au niveau de l'abdomen. Je continue à marcher. Pour oxygéner ma machine porteuse de vie, je respire plus profondément et plus bruyamment, c'est tout. J'ai encore la même énergie pour faire mes journées. Cette expérience de grossesse aura été une belle révélation pour moi. Moi qui couvais une petite peur par rapport au fait de me sentir étrangère habitée par un étranger. Combien de fois me faudra-t-il vivre d'inconnus avant de réaliser que demain n'est autre que le destin?

10.05.2009

chiffrer l'unicité

La version d'aujourd'hui n'a pas fonctionné. Je dis celle d'aujourd'hui parce que nous y retournons jeudi pour une nouvelle tentative. Bien qu'après une échographie qui nous ait indiqué ton poids actuel gros chaton - 3 106 g, un peu au-dessus de la moyenne donc - et que plusieurs éléments étaient favorables à une manipulation réussie - suffisamment de liquide amniotique, position en indien de bébé Bo. -, un obstacle a empêché la fluidité du mouvement nécessaire à la culbute: mes contractions. Il paraît que j'ai des contractions régulièrement. L'infirmière m'a demandé si je les sentais. Honnêtement, non. Quand nous avons lu les courbes tracées par le monitoring qui mettaient en parallèle les battements cardiaques de Bo. et mes contractions, j'ai été à même de faire la part des sensations différenciant les mouvements de garçon et les tensions utérines. En y réfléchissant bien, ces sensations de durcissement de bedaine remontent à fin août dans mon cas. Juste avant l'essai infructueux, une infirmière a dit que les contractions étaient aux cinq minutes. Eh ben. Pendant les cours prénataux, on apprend qu'à cette fréquence, il faut se présenter à l'hôpital pour l'accouchement. J'imagine que dans mon cas, ce faux travail fait tout simplement partie de mes symptômes.

Quoi qu'il en soit, comme je le disais, une deuxième tentative sera pratiquée jeudi. Bien que la version comme telle ne soit pas longue à exécuter, le fait de devoir rester à jeun à partir de la veille m'a affaiblie, surtout que je n'ai pu enfin manger que vers 14 h. Nous sommes restés sept heures à l'hôpital parce que je suis de rhésus négatif et que je devais recevoir une nouvelle dose de gamma-globulines anti D au cas où la manipulation ait causé une hémorragie interne. Dans toutes ces heures d'attente, l'idée m'est venue que pendant cette grossesse, bébé Bo. nous a placé dans des groupes de statistiques.

Au début, nous avons fait partie du 5 à 10 % de couples qui ont eu de la difficulté à enfanter. Mais heureusement, nous avons fait partie du 80 % de couples qui réussissent à tomber enceinte avant d'atteindre le cap du deux ans d'essais.

Quand tu t'es manifesté, j'ai été parmi les 25 % de femmes qui ont des saignements en début de grossesse. Et puis, à l'écho de 20 semaines, on nous a dit que tu faisais partie du 4,5 à 7 % des bébés qui portent ont une dilatation du bassinet sur leur rein. Malheureusement, lors de l'écho de 32 semaines, tu ne faisais pas partie du 88 % des bébés dont cette anomalie se résorbe spontanément pendant la grossesse.

De mon côté, en début d'août, j'ai dû recevoir une dose de gamma-globulines parce que je fais partie de ce 10 % de femmes au rhésus négatif dont leur partenaire est de type positif. Et puis encore aujourd'hui, parce que nous faisons partie de ce 4 % de présentation du bébé par le siège et que la version aurait pu entraîner des complications.

Tous ces chiffres ne veulent rien dire lorsque l'on sait que chaque grossesse et chaque accouchement est unique. Comme chaque vie qui bourgeonne ensuite.

10.03.2009

tête première

Samedi gris débuté par mon corps scotché au lit. Une nuit de douze heures de sommeil comme M. les aime tant. Nougat le gros chat est venue se coller à moi après que je l'aie encouragée à le faire parce qu'elle miaulait son fameux"mais qu'est-ce que vous foutez encore emmitouflés?" de 6 h 30. La fine pluie aidant à nous envelopper d'ions négatifs - ceux de type apaisant - nous avons donc prolongé nos rêves, étranges dans mon cas, comme ils le sont souvent lorsque je les force à rester encore un peu.

J'ai rencontré A-M hier matin. Ensemble, tous les trois, bébé Bo. y compris, nous avons travaillé à lui faire de l'espace à ce grand garçon. A-M a senti que mon utérus était tendu côté gauche, là où mon iliaque était en position antérieure plutôt que postérieure. Mon bassin reprend toujours le mauvais pli qui est le sien depuis ma propre naissance. Je vous ai déjà raconté comment ma mère avait découvert que j'avais une jambe plus longue que l'autre en me massant poupon parce qu'elle n'était pas emboîtée dans mon bassin. Bref, à chaque début de séance, une des premières manipulations consiste à me recentrer cet axe porteur.

Ce qui est intrinsèque à son traitement, ce sont les questions qui surviennent en fonction de ce qu'elle sent par mon corps. Des questions comme: as-tu parlé à Bo. du moment du passage lors de l'accouchement; et puis des suggestions: tu peux l'aider à se placer en visualisant cette étape avec lui, en imaginant un tunnel avec une belle lumière au bout. Puisque je ne l'avais en effet pas déjà fait, je t'ai d'abord parlé d'une glissade d'eau, du plaisir de filer en s'époumonant, mais ensuite, je me suis dit que cette image évoquait trop de vitesse, trop d'adrénaline, alors j'ai plutôt opté pour un tronçon de la route des vins en Estrie, celui près du Domaine du Ridge où les arbres élevés de chaque bord du ruban d'asphalte viennent unir leurs ramages pour former l'impression d'un pont couvert. Finalement, je t'ai raconté que tu étais maintenant dans une caverne où tu te sens bien, au chaud, confortable, bien nourri, dans un environnement feutré, mais que lorsque tu t'engagerais dans la voie qui te mène à nous, tu y découvrirais à ta sortie des millions de source de stimulation fascinante. Des tissus doux et nos mains pour ta peau; des formes et nos visages pour ton regard; de la musique et nos voix pour tes oreilles; mes seins pour ton goût; nos corps contre le tien pour ton odorat. Et tous les gagagougou de ceux qui te rencontreront.

Quand nous avons parlé de la version qui aura lieu lundi, A-M m'a dit que si bébé Bo. n'avait pas tourné suite au traitement - elle aurait préféré que la version ait lieu plus vers la fin de la semaine prochaine pour laisser une bonne semaine à l'efficacité de son intervention - ça ne pouvait qu'aider. Elle dit que maintenant qu'elle a libéré certains obstacles, bébé Bo. aura plus de chances de tourner avec succès au moment de la manipulation. Un bel exemple de complémentarité d'approches.

Sinon, monsieur peut n'en faire qu'à sa tête jusqu'au dernier moment aussi. Dans vos messages d'encouragement, la conclusion c'est que l'important, c'est la santé. Bien sûr que je suis d'accord avec vous. Rien ne sert de s'obstiner à vouloir remonter le courant. Surtout lorsqu'on est si proche de se jeter tête première du haut de la glissade d'eau.

10.01.2009

assiégés

Autre sprint de documentation sur Internet. Cette fois, c'est mon intuition de présentation de bébé Bo. par le siège qui remue mes méninges. L'intuition qui remonte à fin août est devenue réalité ce matin lorsque le médecin - encore une fois pas Dr. C. baba cool, mais plutôt un de ses collègues - a confirmé que monsieur bébé Bo., à qui j'avais pourtant imploré de se tourner tête vers le bas depuis deux semaines, n'a pas bougé d'un degré.

Étant faite comme je le suis, j'ai questionné le bon docteur à propos de la technique de version par voie externe. Verdict: une chance sur deux que ça fonctionne. Aussi, dans 1 % des cas, la manipulation déclenche l'accouchement, mais ça, ça ne m'inquiète pas.

J'ai versé quelques larmes de profonde déception dans la voiture lorsque M. m'a rassuré à propos du fait que l'important, c'était que bébé Bo. soit en santé et que s'il devait naître par césarienne - parce que si la version échoue, c'est sans doute ce qui nous attend comme expérience de naissance -, ça ne faisait pas de moi une mère inapte, que c'était ce que la nature avait décidé tout simplement. Ouf. En effet, mon corps de femme qui n'atteindrait pas son but ultime en vivant l'intensité d'un accouchement naturel et qui subirait plutôt une intervention chirurgicale avec tout ce que cela implique d'intrusion médicale dans l'expérience, oui il me faudrait un moment pour faire la paix avec. Je sais bien que pour la majorité des femmes, avoir une césarienne ne représente pas cette dénaturation de la naissance, mais pour moi, comment dire, ce serait un peu beaucoup comme un mauvais rêve.

Tout à la fois, je dois être reconnaissante. Ne pas oublier que mon enfant, bébé Bo., il est là, dans moi, qu'il viendra à nous, quoi qu'il arrive. Être reconnaissante d'avoir réussi à enfin devenir enceinte naturellement, sans traitement hormonal, après tous ces mois infructueux qui ont comporté leur lot d'incertitudes, de doutes et d'inquiétudes. Être reconnaissante d'avoir vécu une si belle grossesse.

Demain matin, je rencontre mon ostéopathe. Un beau hasard si vous voulez mon avis. En parlant avec elle, j'en apprendrai plus sur la technique de version et peut-être aussi sur l'efficacité d'alternatives qui existent. Par exemple, celle de la posture génu-pectorale qui consiste à se mettre à quatre pattes et à abaisser la poitrine vers le sol, fesses vers le haut, deux à trois fois par jour, pour encourager l'enfant à se positionner. Des traitements d'acupuncture peuvent aussi être faits. Mais parce que je commence ma 37e semaine, j'ai peur qu'il ne soit trop tard. L'ensemble des traitements, version y comprise, doivent être tentés entre la 32e et 36e semaines.

Je me mords les doigts d'avoir été si passive. Si j'avais fait des recherches il y a deux semaines lorsque le médecin m'avait alors confirmé que bébé Bo. avait toujours la tête en haut, j'aurais pu appliquer les traitements alternatifs à temps. Mais, bien sûr, j'ai voulu suivre le conseil de tout le monde, médecin y compris, de ne pas m'inquiéter en laissant plutôt faire la nature et attendre qu'il tourne seul. Maintenant, je sens que je fais un contre-la-montre. Heureusement, je le répète, je vois celle qui a déjà fait des miracles avec mon corps, A-M, cette ostéopathe aux mains miraculeuses. Sinon, c'est la version lundi matin. Intervention médicamentée si j'ai bien assimilé les informations retrouvées sur le net. Un tocolytique en soluté ou un suppositoire, histoire de détendre mon utérus et d'ainsi favoriser la réussite de la pirouette de coco.

Dieu, tu sais bien pourtant que j'ai confiance en mon corps comme étant une chose de toi, une machine parfaite. J'imagine qu'il me fallait une nouvelle leçon de lâcher prise. Je sais bien que je ne suis qu'un grain de sable, mais parfois, ça m'aiderait de goûter à la clairvoyance de ton omniscience. Humblement, Ludivine.