orphelins de l'Éden

9.28.2008

griserie dorée

Assise dans la voiture, à attendre M. qui était monté chercher son ami Ls. dans son logement au balcon, j'observais une jeune fille, une enfant vraiment, peut-être sept ou huit ans, assise elle aussi, installée plutôt, au milieu du balcon de son chez-soi au niveau du rez-de-chaussée, sa petite jambe maigre passée par-dessus l'appui-bras, le visage tourné vers le ciel pour suivre le vol plané des feuilles jaunies se détachant de l'érable la surplombant de son ramage. Sur ce visage angélique, je lisais l'émerveillement de se savoir témoin du miracle du cycle de la vie. Le O de cette bouche disait: "Comme c'est beau cette annonce du temps froid, cette mort couleur canari, cette trajectoire aléatoire semblable à celle des confettis par un jour de mariage." Assise dans la voiture, mon respect pour cette enfance sous-estimée a gonflé un peu plus encore. Regarder un enfant, c'est voir l'avenir. Mon coeur s'est agenouillé et a penché un peu la tête devant cet autre coeur si doux ne craignant rien à ce moment précis, totalement épris qu'il était par la beauté.

L'automne me rend contemplative, pareille à cette fillette à la petite jambe maigre passée par-dessus l'appui-bras de sa chaise. Je me sens un peu à côté de mon corps, comme si mon esprit traînait de la patte. Ce décalage m'insuffle une détente bonne en s'il vous plaît. Je plane, droguée. Nulle envie de comprendre la source de mon intoxication. J'aime le feeling guimauve qui s'est installée dans ma discipline au quotidien.

Il paraît que ce qui nous anime est à l'image du mouvement universel: contraction versus expansion. Lorsque l'on a juste envie de se rouler en boule dans un coin oublié, c'est la contraction. Lorsque l'on souri gentiment sans raison, c'est l'expansion. La contraction précède toujours l'expansion ou l'expansion annonce à chaque coup la contraction, c'est selon. Il paraît que l'âme apprend de cette façon. Le broyage de noir mène a une introspection qui mène à une assimilation qui mène à une mise en marche paisible des préceptes absorbés de peine et de misère.

J'ai l'impression donc que je pousse de partout, que ma volonté me traverse le ventre et prend un bain de soleil au nombril du monde, que mon orgueil joue aux échecs et oublie de se prendre trop au sérieux, que mon amour pour l'homme de ma vie atteint des nouveaux sommets, que j'admire tous ceux qui m'entourent parce que je les vois nus et forts, pareils à des demi-dieux grecs. Je vole en rasant la terre qui exhale un parfum d'humidité, en passant entre les pattes des vaches qui engrangent avant la neige, en effleurant du bout des doigts la surface des ruisseaux aux eaux marines. Je rampe sous les radars. Je préfère ne pas me faire proscrire mon expansivité par ceux qui voudraient me faire croire que je n'ai pas d'ailes. De toute façon, dans l'état où je suis, ils n'auraient qu'à bien se tenir. Sinon, ils seraient obligés d'y croire aussi.

9.26.2008

ensemble > sous-ensemble > élément

Nous revenons d'une soirée pur plaisir chez ma soeur G. et son amoureux Rb. Un bon repas, une chimie de groupe agréable. Après une journée comme aujourd'hui, c'était le meilleur des médicaments pour l'âme.

Parce qu'aujourd'hui, plus tôt, je me suis fait rentrer dedans. En fin de journée, nous avons eu une réunion au travail vu que les choses vont un peu beaucoup changer au onzième et que, selon moi, c'était mieux de préparer tout le monde à cette adaptation pendant que nous avions la disponibilité mentale pour le faire. Le rythme plus lent de cet été ne sera plus que souvenir d'ici peu et alors, il faudra gérer plusieurs informations à la fois, digérer de nombreux stress. Quoi qu'il en soit, mon retour de là-bas où j'ai passé la semaine m'a amené à jouer un rôle d'avant-plan pendant la rencontre de groupe de cet après-midi et je me suis fait rentrer dedans. Mais j'ai tenu bon. J'ai eu l'humilité et le recul dosés pour assurer une bonne réflectivité des énergies de confrontation qui m'ont été lancés au visage.

Qui dit groupe, dit orgueils sur le tapis de lutte. Mais justement, avec l'année qui vient de passer, je pense avoir acquis suffisamment de jus de pédale douce pour adoucir mon cocktail explosif de l'ego. Maintenant, je ne prends plus offense lorsqu'une joute oratoire a lieu. Il y aura toujours quelqu'un pour avoir des idées plus grandes que les miennes. N'ai-je pas toujours dit qu'il faut la participation de chaque élément de l'ensemble pour tirer le meilleur de l'ensemble? Eh bien voilà, mon but ultime au sein du onzième, c'est de travailler à ce que tout un chacun oriente ses intérêts vers le perfectionnement du service professionnel que nous offrons en tant qu'ensemble. Je me vois comme un agent médiateur. Est-ce viser trop haut pour un simple soldat comme moi? Non, je ne crois pas. Je puise une motivation à vouloir participer au mieux, à vouloir être un élément positif, un élément qui souhaite rallier la force du groupe pour atteindre un même objectif. Le onzième recèle des tonnes de potentiel se traduisant de mille et une manières. Si tout le monde se sert les coudes et décide de barrer le navire dans une même direction, nous sommes voués à une ambiance collective qui prendra des airs de terreau fertile. Qui dit mieux?

Aurais-je l'énergie nécessaire pour continuer à tramer dans l'ombre pour le mieux du groupe? Je crois que pour l'instant, compte tenu du chemin que semble tracer mon destin dans le sable de la plage de mon existence, c'est un devoir à accomplir. Le contraire serait trahir ma nature. Je n'ai pas surmonté des obstacles pour me replier sur mes accomplissements passés. Aller vers l'avant puisque de toute évidence, le meilleur reste à venir.

9.24.2008

dédoublement

Ça y est, le soleil a bel et bien tiré la couverture sous son menton. Seule une trace mauve trahit sa présence de l'autre côté du globe. Je te remercie grand Astre pour cette chaleur parfaite diffusée aujourd'hui en ce jour d'automne parfait.

En marchant ce midi pendant la pause dîner, je me suis gorgée de luminosité, les yeux plissés en pâte d'oies. À mes pieds, des crottes d'oies, grosses comme des merdes de chiens de petite taille jonchaient l'immense terrain de l'endroit où nous demeurons tous. Petites bouteilles de savon, petite chambre d'hôtel, grosses crottes d'oies.

Dans ce lieu où nous sommes réunis pour la conférence moi et les cinquante-sept autres invités, il y a tout sous un même toit: nos chambres, la salle de conférence, la cafétéria, le pub, la piscine, etc. Dans les couloirs, je croise des gens de tout horizon, allant des militaires vêtus de leur uniforme camouflage aux religieux portant leur col romain. Tout ce beau monde a abouti ici, au milieu de nulle part, pour discuter de choses concernant leur microcosme.

Malgré cette obligation a être avec les autres, je me retrouve seule. Non pas que je sois mise de côté par l'ensemble, bien au contraire. Plutôt, j'ai besoin de ma solitude pour trouver la force de retourner dans le groupe, replonger dans cette dynamique forcée, bien qu'agréable. Je me retire sans bruit, avec discrétion. Je vais marcher ou je m'assois sur un banc à l'extérieur en plein soleil aux pauses de quinze minutes. Aux heures de repas, je prends place près de quelqu'un si quelqu'un que je reconnais il y a. Sinon, je m'assois seule et j'ouvre un livre. Je profite du repos qui est à portée.

Hier soir, l'ensemble a décidé de se réunir en soirée pour partager des verres. Ne buvant plus beaucoup, pour ne pas dire plus du tout, j'ai choisi de retourner à ma chambre après le souper, de m'enrouler dans une couverture moelleuse et d'ouvrir la télé pour me gaver d'images filantes. Ce matin, la femme prenant place à ma gauche pendant ces jours de présentation de toutes sortes m'a dit qu'elle a été malade à 4 h du matin. Je lui ai conseillé de boire beaucoup d'eau pour éviter le mal de bloc. Finalement vers midi, elle a commencé à reprendre du poil de la bête comme on dit, tant et tellement qu'elle a reparlé de boire ce soir même. À l'heure où j'écris, la petite fête recommence à nouveau pour sans doute se terminer aux petites heures du matin.

Eh bien ma petite personne, elle n'a pas envie de se rendre là-bas pour nouer conversation avec tout un chacun, surtout pas avec un verre à la main. Ce n'est pas dans ma nature. J'aurai les meilleurs moments en résumé demain matin et ça me convient tout à fait.

Mais si je ne m'écoutais pas, je lèverais mes fesses et je me rendrais là-bas, parce qu'il paraît que ces get together sont l'occasion idéale pour créer des alliances professionnelles. Mais justement, je crois qu'il y a d'autres moyens de créer des liens. Entre autres, saisir l'opportunité de jaser avec l'un et l'autre lorsqu'elle se présente ou en provoquer poliment. Je peux dire que j'ai rempli le mandat que mes employés m'ont confié. J'ai été une bonne ambassadrice en déployant une humeur rieuse et pertinente et j'ai réussi à influencer le cours des discussions à ma façon.

Vendredi, je serai de retour au onzième. Reste à voir ce que les patrons voudront que je fasse des informations que je ramènerai. Quoi qu'il en soit, j'aurai dormi la nuit de jeudi avec mes amours et ma petite routine de petite personne reprendra son cours paisible. Bien qu'il ne se soit jamais interrompu. Je suis ce que je suis. Ici, ailleurs. Là où je suis.

9.22.2008

de là-bas

J'ai le dos en compote. Mes lombaires irradient une douleur vive dans mon côté gauche. Cette nuit, je dors sans oreiller.

Cette nuit, je dors avec un toutou. Ce toutou, ce bout de peluche doux, c'est M. et Nougat le gros chat réunis. Ils sont représentés par cette forme simple ressemblant celle d'un fantôme simple, le genre qu'on dessine enfant, tout blanc, avec des billes noires pour yeux. Mais "Boubou" - tiens, je viens de te baptiser petite chose inanimée qui représente les deux grands amours de ma vie - a de petits bras et de petites jambes maigres, un gros coeur rouge de dessiné sur la poitrine et des billes de plastique dans les fesses pour mieux s'asseoir je crois. Je l'avais offert à M. parce que je pensais qu'il partirait éventuellement en voyage d'affaires. Eh voilà, au fond, je l'ai acheté pour moi d'abord ce bout de peluche doux.

Je suis rendue ailleurs. La conférence a lieu dans un endroit conçu spécifiquement pour recevoir des gens en grand nombre. Ce n'est pas tout à fait un hôtel, mais dans la salle de bain, il y a de petites bouteilles contenant toutes sortes de savon liquide pour le corps et les cheveux au parfum de mandarine et miel. La chambre est petite, mais confortable. À ma grande surprise, je pourrai continuer de nourrir mon blogue puisque j'ai réussi à me connecter dans le pied de la lampe sur la table sur laquelle est aussi placée une petite cafetière. Petites bouteilles, petite chambre, petite cafetière. C'est mon petit logis pour les prochains jours.

La conférence débute demain et déjà je ne me souviens plus des noms de tous les visages souriants qu'il m'a été de rencontrés aujourd'hui. Heureusement, pendant le souper, nous avons mis au clair le fait que nous ne pourrons pas nous rappeler des prénoms de tout un chacun et que nous sommes tous d'accord pour pouvoir les redemander sans gêne. Heureusement aussi, nous porterons tous nos name tags dès demain 8 h 15.

Déjà pourtant, je suis allée marcher sur le bord de l'eau avec Lz., une Ontarienne qui a un rire tout en clochettes. J'ai aussi eu de belles conversations avec Lr., un pan de mur au coeur tendre. Et puis, j'ai témoigné de l'énergie impressionnante de Dn., l'organisateur de l'événement. Les prochains jours seront riches de nouvelles rencontres et de conversations bâties sur l'inconnu. L'instinct me guidera au travers toutes ces informations pour que j'arrive rapidement à l'essentiel. Comme en voyage. Les radars en pleine fonction. Les canaux ouverts.

abondance

Quelques minutes seulement avant mon départ loin de mon paradis qui me ramènera jeudi soir. Quelques minutes pour dire à quel point mon anniversaire célébré hier restera bien storé dans mes archives personnelles sous le fichier mnémonique sur lequel est maintenant inscrit en gros: JOIE, BONHEUR, AMOUR, AMITIÉ, SOLEIL, BONNE BOUFFE. Je suis une femme comblée.

9.19.2008

fil de presse

C'est la première fois que ça m'arrive. Depuis plus de deux ans que je me commets régulièrement dans cet espace, en utilisant cet outil du web, je n'ai jamais vécu de moment aussi frustrant que ce qui vient tout juste de se passer sous mes yeux. Je viens de perdre un de mes messages. J'y travaillais méticuleusement depuis une heure et demie, mais tout ce labeur s'est volatilisé.

Putain. Et putain encore.

Il était bon en plus. En gros, j'y disais que grâce à mon parasite de blogue, je sais que quelqu'un me lit depuis Barker au Texas - d'ailleurs je pense que c'est une lectrice qui m'est apparentée par ma douce moitié - et qu'en apprenant la dévastation causée là-bas par Ike la semaine dernière, j'ai pensé à elle dans ce coin du monde. Faisant cela, j'ai procédé à mon autocritique pour en venir à la conclusion que je n'aborde ici, dans cet espace, pour ainsi dire jamais les grands enjeux de ce monde ni les grands événements médiatisés. Je l'utilise surtout pour m'épousseter le nombril. Je me moi, souvent.

Si tel est mon choix, c'est que j'avoue que nombreux sont ceux qui parlent des grandes choses de ce monde beaucoup, beaucoup, et beaucoup, beaucoup mieux que je ne pourrais le faire. Dans ce lot, plusieurs cependant fabulent des bulles en citant les personnages aux noms complexes, en étayant leur érudition éloquente et en construisant des projections analytiques basées sur l'Histoire, quand en réalité, il est toujours préférable de demeurer branché sur le vrai. Le vrai, c'est que monsieur-madame-tout-le-monde, ils se font gaver de médias carburant aux chiens écrasés, aux scandales politiques, aux crises humanitaires, aux confessions de starlettes, aux recettes miracles pour mettre le bonheur en bouteille. Ils sont sursaturés de nouvelles trop grandes pour eux, écrasantes, lourdes, alors ils ont besoin de leur surdose de rêve, de glamour, de solutions bonbons.

Ici, je ne me positionne que rarement sur les sujets qui voguent le mainstream. Suis-je une anarchiste pour autant? Pas vraiment. Je me moi parce que je prône le changement par l'action simple et bien fondée. Plus j'agis, mieux je me porte. Au fond, je suis une égocentriste finie. C'est pour ça que je m'amuse à tenter de cerner la magie du mystère. Pour moi, juste pour moi. Mais si tel était le cas, pourquoi est-ce que je tenterais ensuite de vous la livrer par les mots? Les petites choses, celles qui sont invisibles, celles dont on ne parle pas, mais qui touchent chacun d'entre vous, ces petites choses-là, il faut bien les nommer elles aussi. Les rendre d'actualité.

9.17.2008

miss gonflette

Les rayons tracés à l'équerre percent les nuages. La main de Dieu. Quand je les aperçois, je suis installée dans l'autobus. Dans mon dos, une douleur creuse son nid parce que la femme à ma droite déborde de son siège, ce qui m'oblige à pivoter légèrement, mais sûrement. Il faut dire que depuis lundi, j'ai des inconforts là où remaniements de ligaments ou d'os ont eu lieu sous les doigts de mon ostéopathe. Mon corps assimile les nouvelles commandes anatomiques. La semaine prochaine, je n'y penserai certainement plus, à l'aise dans ce véhicule requinqué.

La semaine prochaine justement, je ne sais pas si je pourrai venir vous rencontrer dans cet espace virtuel puisque je m'éloigne du paradis, de la pièce orange, de M. et de Nougat le gros chat. Voyez-vous, les patrons du onzième ont décidé de me faire jouer les vases communiquants entre une convention et mes collègues. À la convention donc, je passerai quatre jours à me gaver de mille et une notions qu'il me faudra ensuite retransmettre à mes coéquipiers le plus clairement possible, en exerçant ma mémoire à court terme. Les patrons ont pensé à bibi parce que j'ai su demeurer fidèle au professeur en puissance qui sommeille en moi. Madame la professeure qui a enseigné la morale et la religion à des adolescents n'a pas perdu la touch semble-t-il. En fait, dans mon cas, c'est comme l'histoire de l'oeuf et de la poule. Est-ce que je suis une vulgarisatrice innée qui est allée vers l'enseignement ou est-ce que mes études universitaires m'ont transformée comme telle? L'important, c'est que je continue à développer mon muscle "transmission de connaissances".

Pendant ces quelques jours, mes petites habitudes seront bouleversées. En plus, il me faudra demeurer éveillée mentalement pour assimiler l'ensemble afin de relever le défi qui m'a été proposé. Hourra. Je dois me dépasser. Belle dose d'adrénaline. Je devrai sortir mon English, m'entourer d'inconnus et gober de la nouvelle matière à la pelletée. Il en faut de ces moments où l'on doit compter sur tout ce que l'on a accumulé de capacités sur le parcours qui nous a mené là. Je me fais confiance. Je sais que quoi qu'il en découle, je n'ai rien voler à personne. J'ai travaillé pour arriver à développer mes qualités. Cette mission attribuée par les patrons ne signifie pas que je n'ai plus de croûtes à manger. Bien au contraire, je sens que je n'en suis qu'au début. Mais au début de quoi au juste?

Le mot carrière m'a toujours paru inapproprié pour ma situation. Pourtant, après avoir traversé tous les obstacles nécessaires à l'obtention d'une permanence, je commence à entrevoir le futur en termes d'années de productivité. Peut-être était-ce parce que jusqu'à tout récemment, je m'obstinais à penser que ma véritable voie, c'était l'écriture. À ce sujet, non je n'ai pas baissé les bras. Disons plutôt que la vie est longue et qu'au fond, mon livre, je le pondrai lorsqu'il s'imposera brillamment. Tout ce que j'ai fait et que je continue à faire, tout ça développe mon muscle "être publiée un jour".

Entre-temps, je suis au onzième. Quarante heures semaine, je vaque à mes occupations et tous ces gens que je côtoie day in day out, ils seront auprès de moi dans toutes mes transformations à venir. À bien y penser, le onzième est en passe de devenir le premier emploi dans lequel j'ai été plongée aussi longtemps. Je travaille depuis que j'ai l'âge de douze ans, mais, maintenant engagée dans ma cinquième année là-bas, je suis en voie de battre mon record. C'est à ma carrière d'enseignante, à laquelle j'ai consacré cinq années de ma vie, que la palme revient pour l'instant. Quatre années de bac avec autant de stages, en plus de mon expérience de trois mois d'enseignement au Togo, topé de la fameuse année à la barre de mes groupes de secondaire 3, ça fait un gros cinq ans. Mais avant, j'ai frotté des planchers, vendu des beignes, joué la nounou, vendu des cigarettes dans une tabagie, vendu du café, préparé des encaissements pour des assurances-vie, vendu de la vaisselle.

Il y a des années, j'ai entendu dire que les gens de ma génération auraient de nombreuses carrières dans leur vie professionnelle. Malgré mes nombreux boulots d'étudiante et mes deux carrières, j'ai le sentiment que je ne fais que commencer. Commencer quoi au juste? À développer mes muscles, de toute évidence.

9.15.2008

l'oignon

Nouveau rendez-vous chez mon ostéopathe, A-M. En lui montrant mes courbes de température, elle voit que quelque chose ne va pas, elles sont trop en dents de scie. Elle me demande si je prends ma température à tous les matins, à la même heure, avant même de me lever du lit. Oui, à tous les matins, non pas toujours à la même heure puisque je me lève plus tard la fin de semaine et non, pas avant de me lever du lit, mais plutôt au moment du premier pipi de la journée. Alors, voilà, je dois recommencer l'exercice pour arriver à plus de précision. D'accord. Aussi, je lui parle de ma prise de vitex. Elle me conseille plutôt de la limiter à la deuxième moitié de mon cycle, c'est-à-dire à partir de mon ovulation jusqu'au début de mes règles. Selon elle, c'est dans cette période que je suis en phase progestogénique et c'est là que mon corps a besoin du coup de pouce donné par le vitex. Bon, d'accord. Ah oui et il est préférable de l'ingérer le soir avant de me mettre au lit, plutôt que le matin à la première heure. Semble-t-il que le vitex provoque l'endormissement. Entendu.

Tout ça, c'est avant même de passer à la table où A-M palpe mon corps pour y déceler les noeuds et les tensions. D'abord, elle me replace le bassin puisqu'il n'en fait qu'à sa tête et se désaxe entre chaque séance. Ensuite, elle se concentre sur mes cervicales qui causent ma tendinite. Après plusieurs manipulations, A-M est satisfaite.

Arrive le moment de l'examen interne, là où se trouve mon utérus, à l'intérieur donc et qui, la dernière fois, était contorsionné. Cette fois, même chose. A-M me confirme que mon utérus, qui siège dans mon bassin, subit la torsion de ce dernier. Mon squelette est comme ça depuis que je suis sortie du bedon de ma maman, quand la tête d'un de mes fémurs n'était pas emboîté dans l'articulation coxo-fémorale.

Cette fois cependant, il y a une différence dans les manipulations que me fait A-M. Je sens une douleur lorsqu'elle palpe mon ovaire droit d'abord. Elle me demande de respirer, ce que je fais tout en essayant de penser à autre chose. Puis, elle passe à l'ovaire de gauche et là, la douleur est insupportable. Elle masse la région nouée pour tenter de libérer la tension. Elle me demande à nouveau de respirer, d'envoyer de l'air dans ses doigts. J'essaie, j'essaie fort, mais le mal l'emporte et je ne peux retenir mes pleurs.

De là, d'une question à l'autre, tout déboule. En gros, j'ai peur de la grossesse. Vous direz, mais oui, il est normal d'avoir peur puisque c'est de l'inconnu. Mais justement, pour moi, c'est presque de l'ordre de l'inconcevable. Bon, reprenons du début. Avant la peur, il y a le fait que je suis un être humain un peu particulier en ce qui concerne mon identité sexuelle. Ouf. Non, je ne suis pas lesbienne. Ce que je veux dire par rapport à mon identité sexuelle, c'est tout simple. Habituellement, on est soit dans le camp du sexe féminin, soit dans le camp du sexe masculin. Dans mon cas, évidemment, je suis supposée être dans le camp féminin sauf que voilà, je me sens neutre. Je suis un être humain, un point c'est tout. Mes seins et mes menstruations me classent dans la gent féminine, mais dans ma tête, je suis neutre. Ni l'un ni l'autre. Je n'ai jamais trouvé ça difficile de vivre dans cette neutralité, mais maintenant que je dois utiliser mon corps de femme pour enfanter, tout ce que je n'ai jamais eu à faire face, remonte à la surface avec urgence.

Bizarrement, en parlant avec A-M, qui continue à masser le noeud, une brèche apparaît dans mon autocensure et la douleur s'envole. Une autre pelure d'identifiée, une nouvelle nourriture pour l'esprit à mâcher.

Alors voilà, le morceau est craché. Déjà, d'avoir mis des mots sur cette crainte sourde qui m'habitait, c'est un pas de plus vers ce fameux moment où je serai enfin le nid de l'âme qui viendra se lover en moi en toute quiétude. Je sais que Dieu m'aime de vouloir me faire grandir à coup de prises de conscience. Dans l'adversité d'aujourd'hui, il m'épargne des ratés demain.

9.13.2008



9.12.2008

au suivant

Aujourd'hui, malgré tout ce gris qui s'est déversé sur la ville, j'ai reçu de bons rayons. Les commentaires agréables sur ma personne se sont multipliés. Sb., un collègue, m'a dit qu'il aime bien quand je m'exprime parce que je le fais avec sincérité; Bt., une autre collègue, a souligné ma facilité à livrer de l''information aux autres; Ch., la secrétaire du onzième, m'a avoué me trouver des airs d'Européenne, surtout à cause de mon port; Jn., mon amie, m'a dit qu'avec moi, les choses sont simples. Tous ces bons mots, je les ai reçus avec grâce et humilité. Je ne me tortille plus pareil à un poisson poisseux pour échapper à ce genre de situation qui me met sous le projecteur comme je le faisais il n'y a pas si longtemps encore. Maintenant, je les accepte sans chichi parce qu'au fond, personne n'a tordu le bras à celui qui décide de m'offrir de la gentillesse. Qui suis-je pour ne pas accueillir ce beau cadeau spontané, surtout quand ces fameux commentaires agréables sont livrés simplement, avec candeur?

Avant, donc je me tortillais. J'avais de la difficulté à recevoir ce genre de cadeau. En fait, à bien y penser, j'avais de la difficulté à recevoir, point à la ligne. À ce propos, je remercie tout particulièrement mon amie Ch. que j'ai rencontrée au début de ma vingtaine et qui a dû me botter les fesses à plusieurs reprises afin de me faire apprendre la leçon et de s'assurer qu'elle me rentre bien dans le coco: donner est un plaisir, recevoir doit l'être tout autant. C'est la roue qui tourne.

Pas plus tard qu'aujourd'hui, pendant que tout ce gris gonflait les nuages, je l'ai à mon tour rappelé à mon amie-collègue Cht. La roue tourne. Quand elle donne, elle le fait de bon coeur, sans calcul, sans expectative de rétribution surtout qu'elle est la générosité sur deux pattes. Eh bien, ce matin, elle me racontait une histoire de noix de macadam qui ont cramé sérieusement. Flammes, alarme à feu, extincteur plus tard, Cht. a constaté qu'une suie noire et grasse avait salement cochonné la maisonnée. Frotte, frotte, aidée de son amoureux hier soir, mais sa maman et l'amoureux de celle-ci ont décidé de venir lui donner un coup de main pour poursuivre la dure tache ce matin. Cht., qui me le mentionne, s'inquiète pour eux puisque justement c'est un travail difficile. À mon tour, je la ramène à l'ordre: donner est un plaisir, recevoir doit l'être tout autant.

La roue tourne vraiment.

9.10.2008

il était une fois

La concentration. Je réalise que la fenêtre de la pièce orange est une ouverture qui m'aspire. Je le réalise parce qu'un des frères de la famille guatémaltèque et deux de ses amis placotent autour d'une Ford Escape stationnée juste en face du paradis. Leurs mots me sont inaccessibles à l'ouïe, mais le bourdonnement de leurs voix m'attire à eux. J'ai beau faire face à l'écran, leurs présences m'interpellent. Dans le silence de l'après-midi, il y a eux qui vivotent, leur flânerie de jeunes adultes un peu paumés. Heureusement, le temps de faire jouer Abbesses de Birdy Nam Nam, la Ford lève l'ancre et mon ouverture redevient cette bonne vieille peinture naturaliste où figurent deux immenses sapins qui dissimulent une maison inanimée, un ciel, aujourd'hui taché de coton couleur lumière et contre-jour, et parfois un rare passant ou une voiture qui roule tranquillement. Je stoppe la musique. Les chants d'oiseaux reprennent le dessus quand le ventilateur de mon portable décide enfin de cesser son boucan. Je peux m'adresser à vous, attentive, toute là comme on dit.

Que voulez-vous, parfois, quand une conversation prend place et lieu à proximité de ma petite personne, j'ai une certaine difficulté à faire une coupure. Au début, les voix m'attirent et mon cerveau essaie de comprendre là où les interlocuteurs en sont. Bon, mettons au clair quelque chose tout de suite, je suis tout à fait pour la vie privée, l'intimité, le respect de la bulle de son prochain. Cela étant établi, je vous avoue que mon cerveau a tendance à prendre quelques secondes avant de se ressaisir. Parfois seulement. Parce que honnêtement, la plupart du temps, quand je suis plongée dans une lecture, je vous l'ai dit, j'y suis à cent mille à l'heure, en totale osmose avec le fil narratif. Cependant, si la lecture ne me comble pas et ne réussit pas à m'aspirer entièrement, mon oreille vagabonde là elle peut se poser en importune. Ce qui est plutôt rare. Parce que je n'aime pas me sentir désoeuvrée en plein trajet de transport en commun. Lecture égale plaisir, moment de détente, espace culturel qui permet à mes cellules grises de garder la forme, ma bulle. Parfois aussi, il m'arrive de voir que mon livre tire à sa fin. En regardant l'épaisseur formée par le groupe de pages qui me restent à parcourir jusqu'au dernier mot, je peux arriver à estimer le nombre de voyages qui seront sustentés. Je calcule quand je devrai replonger dans une nouvelle lecture et conséquemment, j'en viens à calculer le moment où je devrai me rendre à la Grand Bibliothèque. Tout ça pour en venir au voyage du retour de cet après-midi avant l'épisode de déconcentration.

Assise dans l'autobus, je réalise soudain que ma lecture fond à vue d'oeil. Les pages au papier épais m'ont joué un tour. Devant moi, deux anglophones jasent d'où ils en sont dans la vie, puisque, comme je l'ai compris quand, un à un, les passagers s'installaient dans leur siège, ils se sont salués, surpris l'un et l'autre de se retrouver après autant d'années. Un d'eux est étudiant en ingénierie à Concordia, l'autre en est à sa troisième année de bac en music theory. Bon, une fois l'intro passée et le bus rempli, je redeviens lecture. À un moment, celui-là où je constate que oh, oh, peut-être que je n'aurai pas assez d'essence pour nourrir mon habitude demain matin, je lève les yeux pour fixer un point vague et j'ouvre mes oreilles à leur conversation. Je trouve qu'ils s'expriment bien, surtout le music theory qui ponctue son discours réceptif à l'ingénieur en devenir avec des formules positives et légères, du genre "very nice, very nice" ou "great stuff". Mais c'est l'ingénieur en devenir qui explique quelque chose au moment où je m'immisce subtilement dans leur échange. Il parle de sa soeur qui a décidé d'étudier la biologie suite à la mort d'un arbre dans leur cour. Donc l'arbre est mort et la mère a demandé à ce qu'il soit déterré. Coupe les branches, scie le tronc, arrache la souche. La mère voyant le trou laissé là veut lui trouver une vocation. Un membre de la famille suggère de replanter un arbre, mais non, ça prendra trop de temps à combler la béance. L'ingénieur en devenir pense à un étang et l'idée plaît. Tout ce beau monde se lève les manches, creusent et maintenant, après quelques années de bon fonctionnement, les poissons y pullulent, à l'aise. La soeur, au contact de ces animaux soumis aux intempéries des saisons qui ont passé depuis l'initiative collective de cette famille à recréer un microscome, est séduite par toutes les connaissances qu'elle découvre pour s'assurer de leur bien-être. L'histoire est belle. Et je replonge dans l'exact passage où le narrateur explique comment, venu ses douze ans, son père lui a fait cadeau de douze poules rousses pour le responsabiliser. Hi ha hi ha ho!

9.08.2008

mansuétude

Dans mes mains, il y a un million de petites lignes, de fines ridules mystérieuses qui marquent ma peau, cette tendre chair d'extrémités constamment légèrement incurvées. Si j'écarte mes doigts et je que tends mes paumes ventre ressorti, c'est dans un effort que je forme deux soleils imparfaits. Au repos, mes doigts ne sont jamais tout à fait droits. Mes phalanges courbent naturellement de façon à ce que mes mains réunies par mes bouts de doigts tiennent une balle imaginaire. Moi grand singe. Main arrondie pour fruit, tête, épaule, genou. Mains aux paumes marquées d'avenir.

Dans ces millions de petites lignes, il paraît qu'il y a des informations qui en disent long sur ma vie. Mon destin suit les crevasses les mieux définies. Il paraît aussi que plus une paume est marquée de fines ridules, plus l'individu a voyagé d'une vie à une autre, dans la spirale des réincarnations.

Moi, ce que je peux dire de mes mains aujourd'hui, c'est qu'elles ont tiré des mauvaises herbes en revenant du boulot et qu'elles ont ainsi provoqué la confusion absolue chez des perce-oreilles qui profitaient de leurs racines pour exister en secret. Mes mains l'ont fait parce que hier, j'ai été lâche. Plutôt que de besogner autour du paradis, j'ai fait nuages gris en symbiose avec merdique météo et je me suis blottie dans la couche, Nougat le gros chat étendue de tout son long entre mes bras, mes mains au chaud dans les courbes de son noir velours, ses doigts de pattes posés sur mes avant-bras.

Lâche ces derniers temps, je le suis comparativement à ces dernières années, au même moment de l'an, où je canne habituellement mes tomates, mes pêches, mes confitures. Jusqu'à venir, mon bilan se résume à un gros zéro pot. Aucune pomodoro blanchie puis épépinée, aucune pêche tranchée et mise à baigner dans du sirop, aucune concoction de petits fruits bourrés de vitamine C pour beurrer les tranches de pain par matins frisquets. Dans la voix de grand-maman à ma petite pause ce matin, je sens bien que cette inertie ne l'impressionne pas du tout. Remarquez, elle est gentille ma grand-maman, elle ne juge pas ouvertement ni vertement. Tout est dans son ton quand elle dit aved déception: "C'est la première année où tu ne cannes pas." Oui, c'est vrai que ça allait être ma quatrième année de tomates et de pêches. Mais avant, grand-maman, je ne faisais rien de tout cela. Et tu sais quoi grand-maman, cette année, j'ai voulu préserver mon énergie. Bien sûr qu'elle comprend qu'elle dit. Elle me suggère de prendre soin de ma fatigue.

Mais je ne suis pas fatiguée. J'ai voulu me préserver parce que mon mois de septembre de l'an passé, il a été drôlement miné par mon manque de repos. Dans ma tête, l'empreinte de ce mois épuisant qui a été suivi par mon dégonflement spirituel au cours des suivants est encore brûlante. Ma décision de ne pas consacrer tous mes temps libres à la mise en pots de denrées revient à mon instinct de survie. L'automne dernier a été pénible. Celui de cette année s'annonce plutôt bien.

Qu'à cela ne tienne, mes mains touilleront la spatule de bois dans les marmites samedi lorsqu'avec ma grande soeur, nous mettrons en pots nos framboises, bleuets, fraises et branches de rhubarbe. Des confitures. C'est tout ce que je fais cette année. Nous nous ferons notre réserve d'antioxydants sucrée, histoire de me faire la main.

9.06.2008

verre à moitié plein

Hier, au onzième, je me suis fait offrir de merveilleux petits gâteaux. C'est Cht., cette fée rigolote, qui m'a offert mon injection de sucre de la semaine format cupcakes et brownie. Un véritable remontant. C'est elle aussi qui, au petit matin, est venue prendre mon pouls, histoire de me faire comprendre qu'elle est là pour moi. Oui, je sais chère amie et comme je te l'ai dit, tu es miss rayons de soleil.

En plus, le sang coule. Les hormones devraient se calmer les nerfs et me donner un peu de répit. Pas toujours facile d'être femme.

Mais sinon, tout baigne. Tel que prescrit indirectement par M-H, j'ai en effet fait la grasse matinée ce matin. Plutôt que de sauter en bas du lit dès que mes yeux se sont ouverts à 5 h 26, puis une heure plus tard et encore, encore, je suis restée bien au chaud, à passer d'un rêve à l'autre, collée à mon homme qui adore étirer son sommeil le plus longtemps possible. À notre réveil, nous avons jasé un peu dans les draps, nos corps entortillés, heureux de ne pas avoir un weekend trop chargé.

La journée a débuté avec un bon ménage du paradis, histoire de passer une semaine agréable, comme à toutes les semaines. Pendant l'accomplissement de ma part de corvée, je suis sortie secouer un tapis sur le balcon arrière et là, du coin de l'oeil, j'ai aperçu un splendide monarque aux ailes immenses. Cette tache orange vif légère comme une plume a voleté dans l'espace de la cour arrière pendant trois grosses minutes sans jamais se poser pour finalement disparaître, passé la clôture, et tout ce temps, je me suis amusée à suivre des yeux sa trajectoire. En rentrant, j'ai pensé qu'il y a quelques années, j'ai entendu dire que l'espèce était en voie d'extinction. Je me suis aussi souvenue que ces insectes parcourent des milliers de kilomètres pour s'éloigner de nos grands froids l'automne venu et aller rejoindre la terre chaude du Mexique. Surtout, je me suis dit que ce monarque, cette belle apparition, c'était un cadeau.

Bon, c'est comme ça. Je tire du bonheur de minuscules événements pareils. Ce sont eux qui m'aident à comprendre que partout où je suis, je suis en lien, en contact, branchée. À la source, ma place dans le monde est là où je suis. Pas plus compliqué que ça. Alors quand un superbe papillon arrive de nulle part à l'exact moment où j'arrive de nulle part, que nous nous rencontrons, je ne peux m'empêcher de dire merci, de me sentir gâtée, comme quand je reçois des petits gâteaux par un vendredi après-midi.

Samedi donc et ce soir, nous mangerons une bonne soupe. Là encore, je sais que je serai heureuse de tremper mes croûtons au basilic dans le bol fumant. Après, je m'installerai, heureuse, dans le divan orange pour me plonger dans un des deux films que j'ai loués. J'ai le choix entre aller en Israël ou en Roumanie. Déracinement et bain de culture garantis. Des voyages à petits prix et des images qui valent leur pesant d'or. Joie.

9.04.2008

verre à moitié vide

Hier, au onzième, j'ai appris que nous mentons en moyenne deux fois par jour. Selon une collègue, nous mentons en fait beaucoup plus. En en discutant à plusieurs, nous en venons à la conclusion qu'il y a différents types de mensonges. Il y a les vrais de vrais mensonges, ceux qui sont calculés pour dissimuler une réalité que l'on ne veut pas révéler et puis, il y a les little white lies, ceux qui sont formulés presqu'inconsciemment pour ne pas offenser, du genre, répondre "ça va" à la fameuse question mille fois posée "ça va?", quand en fait, ça ne va pas tant que ça justement. Surtout, ne pas faire de vagues, surtout ne pas paraître pour un broyeur de noir, surtout ne pas embarrasser de son petit malheur l'autre interlocuteur.

Eh bien, aujourd'hui, quand Rm., un collègue, rentre dans la pièce où je suis installée pour travailler et qu'il me trouve seule parce que tous les autres sont partis profiter d'un bol d'air sur leur heure de dîner, et qu'il me demande "so tell me Lu, is it a good day or a bad day?" avec une véritable écoute, je réponds "well you know what, I think I'm having a bad day". Bien sûr, il demande pourquoi. Pour rien en particulier, vraiment. Je n'ai pas eu d'embrouilles avec personne, il ne pleut pas, je suis occupée au boulot, les gens sont agréables, mais entre les deux, entre good and bad, je penche plus pour bad aujourd'hui.

Arrivée à la maison, la communication ne passe pas bien avec M. Il s'adresse à moi sur les dents parce qu'il sent que quelques chose ne va pas. Quoi. Je ne sais pas. Pour lui, il doit absolument y avoir une raison, une cause. Non, vraiment. C'est une journée ordinaire, sans plus.

En préparant le souper, je lui dis que c'est sans doute le fait d'avoir repris le rythme, de ne plus être dans cet lieu serein des derniers jours. D'ailleurs, les derniers jours ont déjà remplacé les jours de détente. Alors les derniers jours, c'est la pisse du stress répandue aux quatre coins.

Il me semble que de reprendre le rythme me confronte à cette question fondamentale: suis-je heureuse? Oui. J'aime mon amoureux, j'ai un paradis, j'aime mon travail. Mais une part de moi me tire la langue et se moque de cette vie rangée qui me satisfait pourtant.

Je déteste sentir cette division de mes moi. Quand mes dimensions intérieures ne s'accordent pas et qu'une d'elle veut se démarquer du lot, mon équilibre émotionnel me fait répondre "bad day but don't know why, really".

Et puis, je crois qu'au fond, ce sont les hormones qui me foutent sans dessus dessous. La prise de vitex a repoussé le début de mon cycle et non, je ne suis pas enceinte. Juste une journée à oublier. Vivement le sang qui coule pour retrouver un teint uni, mais surtout, surtout, une émotivité moins bouleversée.

9.02.2008

la rentrée

Le stress s'est rejeté à ma gorge
s'est ébroué dans mon ventre en pissant son adrénaline aux quatre coins du lieu serein des derniers jours
Quelle saleté
Dans la foule se dirigeant
l'autobus les escalators les rues les couloirs
Aux aguets de son royaume renouvelé
Il bat la mesure
Au sommet de sa gloire
Jubilant à perpétuité

9.01.2008

frairies

Les anniversaires des bébés de Noël ont commencé à se succéder. Samedi soir, nous sommes allés saluer Sm., notre ancien voisin du rez-de-chaussée du temps où nous étions en appartement, parce que c'était son anniversaire la veille et aussi parce qu'il pendait sa crémaillère dans son nouveau logement de la rue St-Denis, spacieux et coquet, plafonds hauts et planchers blonds. Sm. plane. Lui qui a été célibataire trop longtemps est en amour avec Ls., une jeune femme brillante qui travaille auprès de la municipalité montréalaise pour l'aider à gérer les déchets. Monsieur est tombé sur une perle à mon avis. Il faut dire que madame aussi. Sm. a un coeur en pain d'épice, des mains habiles qui travaillent autant à faire des changements d'huile qu'à peindre et à sculpter, et un cerveau qui contient mille et un trucs pour communiquer avec les enfants en difficulté vu que c'est son gagne-pain. De l'or en barre. Quand nous lui avons parlé un peu seul à seuls M. et moi, il nous a débité tous les événements des derniers mois qui se sont succédés et pour conclure, en jetant ses bras dans les airs tout en tournant sur lui-même, "bonheur, bonheur, bonheur!". J'aime.

Et puis, hier, c'était au tour de ma soeur d'être fêtée. G. va avoir son 35 ans dans une dizaine de jours bien exactement, mais son amoureux lui a organisé un anniversaire en avance afin de s'assurer que tout le monde invité serait présent. Ainsi, nous avons débuté notre journée au pied d'une paroi d'escalade à Val-David pour la finir autour d'un feu de camp à St-Sauveur chez maman, le ventre plein de gâteau décadent. Quand G. a réalisé que l'activité en plein air n'était qu'un beau prétexte à la célébrer, elle a félicité Rb. de lui avoir préparé un si beau cadeau. Être entourée des gens qui nous sont chers, c'est ce que tous les anniversaires devraient offrir.

Justement, mon amie M-H avait ainsi organisé une rencontre des gens qui aiment Ar., son amoureux, pour souligner son trentième anniversaire. Mais parce que ce rassemblement dans un petit resto sympa qu'elle avait réservé pour la soirée avait lieu hier également, nous n'avons pu y participer. Connaissant mes amis, je suis persuadée qu'Ar. a été au comble de la joie quand il a vu tout son monde réuni pour lui, incluant sa famille arrivée spécialement de France. J'adore.

Qu'est-ce donc qu'un anniversaire? C'est le jour de notre entrée en scène, c'est le marqueur qui sépare l'avant-nous et le nous. Est-ce un jour spécial? Bien sûr. À tous les cycles de 365 jours, il revient rappeler notre naissance, ce moment où nous avons poussé notre premier cri, cette célébration qu'il y a eu dans les coeurs de tous ceux qui nous attendaient. Selon moi, la fête de quelqu'un est un beau rite, une belle occasion surtout de démontrer à cette personne que nous apprécions son existence auprès de nous, que nous reconnaissons son être en particulier, ce jour-là, celui de son entrée en scène, parce qu'il signifie tout le reste, tout ce qui s'en suit, le fruit du résultat que nous aimons assez pour vouloir le souligner avec joie et amour.

C'est dans cette optique que j'ai décidé cette année de souligner mon arrivée dans le monde. Simplement, je convie un à un les gens qui évoluent étroitement avec moi à venir auprès de moi le jour de ma naissance. Parce que j'aime bien manger, le seul cadeau que je veux, c'est que chacun apporte quelque chose d'excellent à se mettre sous la dent afin de cumuler assez de plats pour que nous partagions une bonne nourriture tous ensemble. J'imagine déjà la journée et je souris à l'idée que tous ces gens que j'aime se mêleront les uns aux autres pour se découvrir en échangeant. En fait, j'ai voulu m'offrir ce moment spécial pour admirer cette scène et constater de mes yeux vus à quel point je suis chanceuse. Touchée par la grâce. Bénie d'être ici, vivante.