orphelins de l'Éden

3.31.2008

par un lundi gris, je me fais plaisir



3.30.2008

hallucination automatique

Terminé le week-end boulot. Et dire qu'il y avait tout ce beau soleil à gober. Heureusement, le froid calmait les ardeurs, alors je n'ai pas l'impression d'avoir loupé tout le bol de vitamine D. D'autant plus qu'à mes heures de lunch, je suis sortie marcher dans les rayons plombant. Je suis une plante. Mes yeux se fripent et ma respiration absorbe cet assainissement frais. Je suis un papier buvard qui s'imbibe du timide printemps.

Aujourd'hui, j'ai envie de plonger dans moi au passé. Quelque chose, une anecdote, quelque chose, une saynète qui m'a définie. J'ai envie de vous révéler une brindille de mon édification.

(temps de réflexion)

Vous savez, quand je m'assois face à l'écran, il y a les premiers mots qui appellent tous les autres. Toujours. Je suis un écrivain de la matière libre, une saisisseuse de l'idée qui passe, une mordue de la spontanéité moteur. C'est mon côté organique, mon humilité d'instrument. Je sais que je ne suis pas intelligente. Je suis un imposteur. Les connaissances ne collent pas à mes cellules grises. Ce que je sais, c'est ce qui est là, maintenant. Je grappille l'information. Je livre de mon mieux selon le cours de la conversation lorsqu'il faut que je parle. Sinon, je m'abandonne à l'écriture ou plus souvent, au silence.

Quand je sors de rencontres, je rejoue des segments, ceux que je considère n'avoir pas aussi bien maîtriser que les autres. Je suis dure avec moi-même, exigeante. Je vois les réactions de mes interlocuteurs. Comment expliquer cela clairement? Je perçois les changements, les fluctuations. Quand l'énergie se tend, ça me pince et si tout coule, ça baigne. Je suis une plante, un imposteur d'être humain. Je réagis aux vibrations. Et là où les mots s'emballent pour créer l'illusion de savoir, je faillis. À tous coups, je n'arrive pas à suivre le bateau qui prend le large du convenu. Je me conforme remarquez. Je suis un caméléon. Organique. Ma peau devient le vent pendant que je marche seule, devient la chair lorsque je suis au onzième, devient le paradis avec mon amoureux. Mais si j'ai senti mon interlocuteur se crisper parce que mon ego a cru qu'il était fin finaud, eh bien là, je rejoue le segment de la conversation pour arriver à me pardonner en me disant que la prochaine fois, je ne tomberai pas dans le piège. La prochaine fois, j'écouterai et j'interviendrai sans vouloir impressionner ni instruire. Qui suis-je pour prétendre quoi que ce soit? Mon chemin est axé vers l'équilibre entre l'humilité et la liberté. Mes limites doivent s'harmoniser parfaitement à celles de ceux qui m'entourent.

Alors vient-elle cette anecdote de moi au passé? Ma mémoire est nulle. Je vous l'ai déjà dit. C'est pour ça aussi que j'écris. Je jette sur mon espace internet les choses qui font que j'existe. Si je meurs, ceux qui demeureront un peu plus longtemps que moi pourront y retourner pour me retrouver. Oui et non pourtant. Parce qu'à celui qui me demande s'il n'est pas indiscret de tout livrer comme ça dans un blogue, je réponds toujours que ce que vous voyez là, ce n'est que ce qui survient lorsque je me retrouve devant l'écran.

Je tourne. La boucle se boucle. Mon passé ne me vient pas. Il s'obstine à se terrer dans l'oubli qui m'habite. Je suis cavernes et ombres.

Tiens, ça me fait penser à l'allégorie de la caverne de Platon que j'ai apprise dans mon premier cours de philosophie. Je ne suis pas très douée en philiosophie, bien que j'aie poursuivi mes études supérieures en religiologie. Les textes des philosophes m'étourdissent. Ils sont denses comme du béton à mâcher. Je me brise les dents à tout coup. J'aime qu'on me raconte. Cette histoire, cette allégorie, j'ai aimé l'entendre. Je me souviens du local dans lequel j'étais quand notre enseignant s'est échiné pour nous la faire comprendre et que j'étais installée dans le milieu de la salle de cours. J'ai trouvé cela éblouissant qu'un humain, Platon en l'occurence, arrive à mettre en scène une situation pour faire réfléchir l'humanité entière, qu'un seul cerveau arrive à livrer de la matière à digérer pour l'éternité.

Bien minime tranche de vie me direz-vous. Mais c'est ainsi quand on tente de contrôler le flot. Ça ne chamboule pas, ça passe, presque inaperçu. Vaut mieux se tenir prêt de saisir le filon quand il se révèle. Et s'il ne vient pas, vaut mieux être une plante qu'un imposteur. Toujours il y aura du vent, de la lumière ou une couleur. Valeurs sûres, peu importe la taille du cerveau avec lequel communiquer.

3.27.2008

club social

Comme je l'expliquais à Lc., un collègue avec qui je suis allée marcher à ma petite pause ce matin, j'ai l'impression de me retrouver au pied de l'Everest avec l'équipement spécialisé qu'il me faut pour gravir jusqu'au sommet, mais sans savoir comment manipuler des mousquetons, des piolets, ni même enfiler un baudrier ou des crampons. Tricoter s'avère être un apprentissage de taille. Il me faudra persévérer et m'investir. Un peu comme je l'ai fait pour la cuisine.

Oui, il fût un temps où je lançais à la semi blague que je faisais brûler de l'eau. Il m'a fallu lire, me passionner, comprendre pourquoi il m'était si important de bien transformer les aliments bruts en petits plats. La santé a été ce phare qui m'a permis de tenir bon. Pour le tricot, je dois trouver cet ultime élément qui me poussera à progresser par discipline.

En feuilletant un magazine de lainages pour les débutants hier soir, je crois m'y être rapprochée un peu. Utiliser mes mains et mon esprit pour vêtir mon corps. Un pas de plus vers une autonomie et une gratitude. Comprendre tout ce qui est nécessaire pour combler un besoin essentiel. Choisir aussi. En me procurant ma première laine hier soir pour réaliser mon premier projet - mon idée est réalisable! -, je n'ai pas du tout pensé à demander à Sl., mon institutrice, s'il y avait dans sa boutique aux cases pleines de balles colorées, une fibre issue d'une tonte respectant les normes biologiques du textile. Ce n'est qu'aujourd'hui que la question m'est venue. Certainement que ça existe. Reste à savoir s'il y en a à cette boutique où je me rendrais à tous les mercredis soirs pour faire aller mes aiguilles en groupe. Sinon, il y a ailleurs.

Hier soir, j'ai pénétré un antre mystérieux. Dans le fond de cette boutique, une table entourée de chaises est transformée en atelier l'espace de deux heures quelques jours semaine. Là, les tricoteuses s'installent et disposent devant elles leurs plans de travail. Oui, pour réaliser un projet, il faut suivre un plan. Première constatation. Une d'elle m'explique que sans son plan, elle est totalement désemparée. Avec mes questions, je finis par comprendre que certaines arrivent à réaliser leur tricot sans s'y référer, tout étant dans leur tête une fois qu'elles l'ont lu, mais ce sont des oiseaux rares.

À la table hier soir, il y avait Sl., bien sûr - celle que je désignerai souvent par God, vu son immense savoir et la facilité qu'elle semble avoir à résoudre toutes les complications -, moi, évidemment, et trois autres dont la plus inexpérimentée, Mme C., celle qui m'a expliqué la fonction du plan, ayant tout de même un an de tricot assidu derrière la cravate. J'étais l'ignare du groupe. Mais elles ont toutes été très gentilles, écoutant attentivement mes questions et ensuite les réponses de Sl., God.

J'ai compris qu'il y a tout un langage spécifique à cet art: mailles de départ, mailles à l'envers, mailles à l'endroit, augmentations, réductions, coudre un tricot. Il y a même une expression qui dit: bloquer un tricot. J'ai écouté Sl. expliquer à Mme C. que cela consiste à mettre le tricot terminé entre deux serviettes plus que humides, mais pas détrempées non plus, et de le laisser là toute une nuit. Le jour suivant, la laine du tricot est plus souple et les mailles peuvent être égalisées. Une étape qui fait toute la différence selon Nd., une participante d'environ fin trentaine, la plus jeune après moi, qui tricote sérieusement depuis un an et demi.

L'aventure ne fait que commencer et j'ai l'impression d'avoir mis le bout de l'ongle de mon annuaire sur un continent vaste et inconnu. J'ai peur. Mais je suis plus forte. Le temps sera mon complice.

En espérant aussi, que je prenne plaisir à manier mes balles et mes aiguilles. Noël, ça arrive bientôt vu tout ce qu'il me reste à assimiler.

3.26.2008

à l'envers, à l'endroit, une maille à la fois

Ce soir, mon temps pour bloguer est compressé entre mon retour du boulot et la préparation du souper parce qu'après avoir mangé, je dois filer apprendre à tricoter. Eh oui, depuis le temps que j'ai l'ambition de savoir fabriquer des vêtements, me voilà enfin parvenue à l'action. Ce soir, Sl., ma coach des aiguilles et des mailles, baptisera ma coordination, ma mémoire et ma dextérité afin de me transmettre, par une première rencontre, l'art du tricot. Dans un premier temps, je dois me choisir un projet. J'ai ma petite idée là-dessus, mais, étonnamment, je ne peux rien vous révéler pour l'instant. Aussi, je dois m'assurer de sa faisabilité compte tenu que je suis une totale novice. À suivre.

3.24.2008

un ange de plus

Je me bourre la fraise de chocolat. Belle-maman Cl. nous a offert de beaux oeufs de chez Heyez et puis, nous n'avons pas vraiment dîné aujourd'hui. Levés tôt en ce lundi férié, nous nous sommes installés dans Jasmine la Fit direction Plantagnet, Ontario. Ce village allait célébré le départ de l'un de ses piliers, mon oncle An. Quatre-vingt-huit ans qu'il est demeuré sur ce bout de planète. Du temps de pur bonheur pour ce vaillant homme qui a élevé sa nombreuse famille sans jamais rechigné.

Sur le ruban d'asphalte qui relie mon enfance à ma vie d'adulte, je regarde filer les terres endormies, prêtes aux labours qui viennent bientôt. Les bottes de foin s'empilent dans le froid et les bâtiments centenaires aux toits couleur rouille croulent de fatigue. Aucune bête à l'horizon, à part pour un cheval solitaire à la robe brune et épaisse qui sort son museau pareil à un chien.

Nous passons là où mon regard de passagère a déjà vagabondé mille fois. Je revois la maison de ma maîtresse d'école en troisième année, le Blue corner où ma meilleure amie a travaillé adolescente, la bijouterie Major d'où venait la bague en or que mon père m'a offerte le Noël avant de mourir, la ferme de la famille Pomainville, la rue sur laquelle ma maison d'enfance a pignon. Je revois une foule de lieux qui m'ont vue déambulé haute comme trois pommes, puis six, puis dix. Je ne suis plus ici, mais je suis d'ici. Étrange.

Dans l'église pleine à craquer, je m'assois près d'une femme que je ne connais pas. Il n'y a pas assez de place sur le banc où ma grand-mère est assise près d'un homme qui m'est également étranger, suivie de ma mère et de M. Pendant l'homélie, je réalise que le prêtre qui préside la cérémonie n'en a que pour la Pâques qui vient de s'achever. Il nous explique que Pâques signifie passage. Son discours est ponctué d'exclamations théâtrales et à un moment, il mentionne même des "passages sexuels" de la vie. Ma mère n'arrive pas à retenir son rire, alors elle penche la tête et tente de l'étouffer. Assise derrière elle, je pouffe à mon tour. C'est à croire que tous les autres n'écoutent pas. Ma voisine secoue la tête imperceptiblement, navrée. Elle m'apprend que c'est le prêtre de Wendover qui dit la messe dans sa communauté. Elle le trouve bizarre. J'utilise plutôt le mot déconnecté.

Impossible de ne pas penser à ma soeur B. C'est dans cette même église qu'elle et moi avions été expulsées par ma grand-mère lorsque nous n'arrivions pas à cesser le fou rire qui nous ébranlait à chaque tintement de clochettes. Nous avions l'impression d'entendre quelqu'un briser des carreaux de vitre à chaque fois que le servant de messe les agitait. À l'époque, nous étions jeunes adolescentes je crois. Me voilà trentenaire et toujours aussi impertinente. Je dis à ma voisine que mon oncle An. doit avoir un plaisir fou à entendre ce prêtre voguer dans ces élucubrations spirituelles à l'eau de rose. Marie par-ci, la vie éternelle par-là, la grâce, le sauveur, le miracle, la Pâques, le passage, encore. Nous sommes là pour honorer la mémoire d'An. et lui bat des bras tel un illuminé sans prendre en considération tout le poids du deuil. Un peu de retenue aurait tout de même été de mise compte tenu que plusieurs dans l'audience avaient les yeux bouffis.

De retour à St-Hubert-on-the-beach, Nougat le gros chat nous accueille avec ses yeux en fentes jaunes, en s'étirant les pattes de devant pour pousser ses fesses vers le ciel afin de secouer la torpeur des heures de sommeil. La Pâques, le passage. Tous les jours nous apporte la même chance. Mon oncle avait compris cela.

3.22.2008

l'écho de mon orgueil

Non, envier, ce n'est pas beau. Ça fait gonfler l'ego si gros qu'on ne peut plus respirer. Sans oxygène, plus de possibilité d'atteindre le cerveau pour le raisonner et lui dire: écoute, c'est toi qui contrôle le bateau, oui ou quoi? Ne pas nourrir la bête. La repousser en nous rappelant qu'il n'est pas tout-puissant. L'ego n'est pas le noyau de l'univers. Mon ego me tend des pièges. Il me fait refléter mes mousses de nombril. Moi, me, mes. Pas beau du tout l'envie.

Pas saine non plus l'insatisfaction. Je suis la première à claironner qu'il faut se contenter de ce que l'on a. Avoir des buts, des objectifs, oui, mais de façon positive, pas en se comparant ni en se vautrant dans son insécurité. Je sais que l'abondance vient de la gratitude, comme il l'était écrit sur ma poche de thé rouge hier, message très subtil du Grand Tout envoyé noir dur blanc à ego lulu. Je sais que chaque chose vient en son temps, que quand on veut quelque chose, il faut le formuler avec une précision de chirurgien à l'univers pour l'obtenir tel quel, je sais. Mais voilà, bien que j'essaie terriblement fort, de savoir ne me suffit pas. J'ai besoin de voir quelque chose débloquer, j'ai besoin de savoir justement que le Grand Tout a bien saisi mes prières et constaté mon travail.

Peut-être que le problème réside dans le fait que je veux trop de choses en même temps: permanence au onzième, bébé et publication. L'univers doit se dire, pauvre elle qui mêle tout, comment ne voit-elle pas qu'elle ralentit tout le processus de concrétisation. Soit. Mais avec du recul, chaque objectif à atteindre n'est pas apparu au même moment sur ma ligne existentielle. Je veux être publiée depuis plus d'une décennie maintenant et j'ai envoyé mes premiers manuscrits lorsque j'avais 21 ans. Mon processus de permanence, je l'ai entamé il y a deux ans, bien que je travaille de mon mieux depuis que j'ai mis les pieds au onzième, il y a quatre ans. Le bébé, quant à lui, nous en parlons sérieusement depuis plus d'un an, même si ça fait sept mois que nous laissons courir librement l'armée de spermatozoïdes.

Mais revenons-en à l'ego. S'il envie, c'est parce qu'il ne croit pas que j'atteindrai mes objectifs. Secrètement, c'est lui mon pire ennemi. Il anime mes craintes, mes peurs, à chaque occasion qui se présente à lui. Il me souffle à l'oreille que je fabule, que ça ne fonctionnera pas. Pas toujours bien sûr et dans un murmure. L'ego est comme ses enregistrements que l'on glisse sous l'oreiller pour faire changer l'inconscient, lui implanter de nouveaux messages à se répéter du genre je suis une bonne personne, une poussière d'étoile. Seulement lui, l'ego, il est dans moi et c'est à moi de faire stopper son manège qui gruge. Le déraciner quand il se pointe, lui faire manger le pissenlit par la racine.

Cependant, que reste-t-il de moi si j'annihile mon ego? Deviendrais-je une chiche molle plate comme une hostie insipide? Mes travers font-ils partie de l'équilibre qui me construit? De toute évidence. Certains diront même que la peur et l'insécurité sont des moteurs pour avancer dans la vie, s'accomplir. Je sais ça aussi. Je sais qu'on dit aux grandes âmes les grands défis. Moi je corrigerais ce proverbe pour le ramener au plancher des vaches: aux âmes les défis. Démêle-toi de ton mieux avec tes tracas. Débats-toi comme tu le peux face à l'illusion de l'insécurité. Tu n'es rien dans le Tout et tout à la fois. Puisque tu captes les messages, tu lis les signes, tu progresses avec volonté. Être bon avec soi, c'est en venir à la paix sans s'ensanglanter. La raison tempère les passions et les passions embrasent la raison. Yin yang. Big bang.

3.20.2008

ma bête

Dieu qu'elle écrit bien. Je suis allée chez elle aujourd'hui, tel que convenu. Je me suis levée tôt et j'ai boudé au petit-déjeuner parce que ma tête était lourde de fatigue. Mon amoureux m'a fait l'amour et ça m'a requinquée un peu. Il est parti heureux comme un roi. J'ai continué la préparation du repas du soir et il n'était que 8 h du matin. Planning, planning, planning. À 9 h 17, j'étais dans l'autobus, vingt minutes plus tard au métro, quinze minutes plus tard encore, à faire un transfert de ligne. En me rendant chez elle, je me suis félicitée d'avoir enfilé mes bottes d'hiver aux hauts rebors en caoutchouc. Sur les trottoirs et dans les rues, c'est le début des marres printanières.

Elle m'offre un thé rouge. Je prends un verre d'eau merci. Nous passons au salon dans le sous-sol. L'environnement qu'ils se sont créé est très beau. Jl., Tv. et Tl. ont un nid superbe. Assises pendant des heures, nous discutons politique, ce qui ne nous ressemble pas vraiment, éducation, ce qui nous ressemble davantage. Quand Jl. parle des cours qu'elle livre à ses étudiants du Cégep, je me dis qu'ils sont foutrement chanceux d'avoir devant eux une personne aussi vibrante, aussi généreuse, aussi inspirante. Elle leur met la barre haute pour qu'ils réussissent à se dépasser. Elle les amène à aller plus loin, à repousser les limites de leur estime et de leur potentiel. Une professeure comme elle, c'est du concret, c'est l'action qui fait que the world is a better place. Par elle, l'espoir se concrétise tout en créativité. Elle enflamme les esprits pour qu'ils demeurent à jamais allumés.

Je suis allée chez elle pour la lire. Jl., mon amie depuis douze ans. Je sais qu'elle écrit depuis toujours, mais depuis toutes ces années, je l'ai à peine lue. Jl. a travaillé dur pour accumuler tous les mots, toutes les beautés du langage, toutes les expériences possibles, tous les filtres d'appréhension du réel, toutes les souffrances, toutes les joies. Elle s'est taillée une place sous le soleil parce qu'elle voulait être. Être, vibrer. Créer par besoin, mais aussi pour rendre hommage à toute l'histoire qui nous porte, nous les contemporains. Étudier les textes, lire, éplucher, analyser. Jl. a commencé son doctorat. C'est un rat de bibliothèque, une intellectuelle née, une battante qui a dû s'affranchir de son milieu. C'est aussi une femme qui a mangé sa dose d'épreuves à la petite cuillère et qui sait aujourd'hui que l'intellect sans le coeur, ce n'est rien du tout.

Alors au bout de quelques heures et le temps filant, je m'empare du texte et je la lis enfin. Six pages, une nouvelle. L'élément déclencheur qu'elle me dit, c'est mon prénom. De fait, le personnage principal parle de son épouse Ludivine. Je lis et je crève de jalousie. C'est terriblement bon. Jl. sera publiée, sans l'ombre d'un doute. Elle envoie son manuscrit très bientôt et sans l'ombre d'un doute, elle sera publiée. Elle aura son livre à la librairie et signera une entente avec un éditeur qui accueillera ses nombreux projets en chantier et ceux à venir. Jl. est une auteure. Elle est un écrivain. Son style, son propos. Tout est solide, évident.

J'avoue donc que je suis une bien vile personne parfois. La jalousie. Quel bas sentiment. Surtout envers une très chère amie. En fait, c'est plus comme de l'envie. Je l'envie d'écrire si bien. Une bien piètre amie donc. Vile. Je devrais me réjouir pour elle et je me réjouis. Je suis sincère quand je lui dis qu'elle réussira parce que je sais qu'elle réussira. C'est bien là que le bât blesse. Mon insécurité ne devrait pas me mener par le bout du nez comme ça. Ça me rend laide. Je suis désolée. Et si je vous le dis, et si je vous en parle, c'est qu'il me faut le mettre sur la place publique mon orgueil afin de lui botter le derrière pour qu'il reprenne son trou. Et s'il vous plaît, ne répondez rien. Ça serait seulement nourrir la bête.

Je suis choyée d'avoir pu te lire. Pardonne-moi.

3.18.2008

insolite

Cette semaine, je travaille de soir. À toutes les trois semaines, la rotation revient et puis, j'aime bien pouvoir profiter de mes matinées tranquilles en écrivant, en lisant un article par-ci, par-là, en cuisinant pendant que Christiane Charette et ses invités déblatèrent gentiment. Souvent aussi, pendant ces semaines-là, je me rends en ville plus tôt que prévu pour aller dénicher un objet ou un aliment dont j'ai besoin ou rencontrer une amie que j'aime beaucoup. Jeudi donc, je me rends chez Jl. des prés. Elle qui écrit aussi me fera lire un petit quelque chose. Je sais qu'elle sait que je suis vraiment excitée à l'idée de pouvoir plonger dans son univers. Il y a si longtemps que je ne t'aie lue.

Alors comme ça, hier, installée sur le bord de l'immense fenestration du onzième qui ne s'ouvre pas, jamais, j'ai commencé à voir, vers 17 h 10, des corneilles virevolter du coin de l'oeil. En y regardant d'un peu plus près, j'ai constaté qu'elles convergeaient toutes vers un parc pour aller se poser à la cime des arbres hauts. Mon collègue Nk., étant lui aussi installé près du mur de fenêtres, a remarqué à son tour l'arrivée continuelle de ces oiseaux noirs aux ailes déployées afin d'effectuer de vertigineux plongeons vers le lieu de rendez-vous. Pendant une heure, ces volatiles morbides ont continué à affluer des quatre points cardinaux. Les arbres se sont congestionnés de ces bêtes plumées et, vu leur trop grand nombre, elles ont envahi les toitures environnantes. Elles étaient quelques centaines de réunies. À un moment, j'ai dit: Que quelqu'un vienne me dire que les animaux ne communiquent pas entre eux.

C'est la deuxième fois que Nk. et moi remarquons le phénomène de rassemblement des corneilles. Lorsque nous travaillions de soir il y a trois semaines, nous sommes allés marcher ensemble le lundi soir avant qu'il ne parte pour le Mexique. En quatre ans au onzième, c'était notre toute première marche ensemble. Nk. est mon collègue depuis plusieurs années maintenant, sur mon équipe depuis la majorité de ce temps. Et moi, je marche à presque toutes mes pauses. J'ai marché avec quelques collègues et souvent seule. Alors ce soir-là, Nk., qui ne marche pour ainsi dire jamais, accepta de m'accompagner.

Pour sa première fois, je voulais lui faire suivre l'itinéraire qui dure une heure et qui nous amène dans les hauteurs de Westmount, là où les mansions s'alignent dans toute leur splendeur. En route, j'ai remarqué des ombres sillonnant les airs. Mon regard s'est attardé un peu parce que j'ai cru que c'étaient des chauve-souris. Finalement, c'étaient des corneilles. Mais là, c'est Nk. qui m'a conseillé de regarder les arbres de plus près. "Look". "Oh my god, this is freaky". "It's like we're in the movie The Birds". "I've never seen anything like it". Comme hier soir, ils étaient des centaines d'oiseaux perchés aux cimes des arbres, immobiles, silencieux, envahissants. Notre regard pouvait discerner dans la nuit que les arbres occupés par ces nuées de bêtes obscures formaient un couloir bien net qui s'étendait sur une ligne précise traversant plusieurs rues. Nk., qui fait de la photo, se mordait les doigts de ne pas avoir son appareil. Il tentait de capter l'image avec son cellulaire, mais il faisait trop noir et l'appareil saisissait une pauvre réflection de la terrifiante réalité.

Nous avons passé plusieurs minutes à observer ce phénomène étrange en nous contant des peurs et puis, nous avons poursuivi notre marche dérangés par cette image foudroyante. En route, j'ai dit que nous pouvions modifier notre itinéraire pour retourner voir le couloir de corneilles, ce que nous avons fait, mais d'une autre rue. À un moment, les bêtes volantes qui étaient encore perchées, impassibles, se sont toutes envolées en masse parce qu'un plomb a été tiré, sans doute par un citoyen apeuré qui ne voulait pas d'elles dans son quartier. La flopée s'est dirigée vers la montagne aux domaines de millionnaires et j'ai remercié Nk. d'avoir été témoin de ce phénomène si incroyable, sinon, personne ne m'aurait crue.

Décidément, cet hiver est bien unique avec sa neige immaculée tombée en tonne et ses corneilles ténébreuses au nombre inquiétant. Et dire que dans trois jours, c'est la lancée du printemps. Et que bientôt, tout ceci ne sera qu'un souvenir de statistiques.

3.16.2008

la mort planait

L'oeuf ou la poule. Il y a deux jours, je ne connaissais pas la charge rattachée au 15 mars, je ne savais pas que plusieurs sur la planète le considère comme un jour malchanceux. Mais voilà qu'au lendemain du dit jour, je suis ambivalente.

D'abord, il faut vous dire qu'hier, M. et moi, on a passé une journée en amoureux, sans stress, sans obligation. Il y avait quelques fins de semaine que notre booking nous contraignait à planifier nos deux jours au quart de tour. Donc, nous nous sommes douchés passé midi et pour le plaisir, nous avons décidé d'aller au cinéma en après-midi. M., qui commence à aimer le septième art, et moi aimons privilégié le cinéma québécois au grand écran. Notre choix s'est donc arrêté sur Tout est parfait, film abordant le sujet du suicide. Nous nous sommes rendus au Guzzo de Longueuil et installés dans nos banquettes trop molles, nous avons débuté le visionnement.

Cinq minutes à peine après le début du long métrage, l'écran s'est divisé en deux et l'image a foutu le camp. Un spectateur s'est levé pour aller expliquer le problème à un employé et, deux minutes plus tard, l'image a de nouveau rempli normalement le carré blanc de projection. Tout semblait aller pour le mieux sauf qu'à un moment, nous avons vu un micro de prise de son flotter au-dessus des acteurs en plein dialogue. Ainsi, jusqu'à la fin de film, dans certaines scènes, nous avons aperçu des micros. À un moment, j'ai failli me lever pour aller leur demander de mieux cadrer l'image (parce que je suis certaine que le problème aurait été facilement résolu), mais M. m'en a dissuadé. Aussi, je ne voulais pas manquer un instant de ce bijou. Malgré les micros, nous y avons cru et comme M. l'a si bien résumé, ce film est bouleversant. Pour conclure cet épisode bizarre, nous avons obtenu des passes gratuites pour une prochaine visite.

Sur le chemin du retour, j'ai réalisé que le timing était vraiment particulier. Le jour où nous décidons d'aller voir ce film, ma soeur G. est partie à l'enterrement de Mr., l'ancien conjoint de sa meilleure amie. Mr. s'est pendu chez lui mercredi dernier. Il laisse derrière lui, ses deux filles encore jeunes, mais bien assez vieilles pour comprendre. La détresse est une chose secrète si on décide de la garder pour soi. En réalisant cette triste coïncidence, je leur ai envoyé une prière. Il n'y a jamais trop d'amour.

Rentrés à la maison, nous nous préparons une omelette aux épinards que M. décide de parfumer avec du romarin, de la sauge et de l'ail séché. Nos assiettes rangées dans le lave-vaisselle, nous nous installons sur notre divan orange pour un peu de télé. M. veut écouter l'émission de Marc Labrèche que je ne suis pas capable de supporter et à peine la première minute écoulée, le téléphone sonne.

C'est ma grand-mère. Habituellement, nous nous parlons les dimanches lorsque je l'appelle en soirée. J'aurais dû me douter de quelque chose, mais ma joie de l'entendre est plus forte. Après notre salutation échangée, elle me dit qu'elle a quelque chose à m'annoncer. At. est décédé. Sa voix est faible et pleine de trémolos. Ma grand-maman ne pleure pas. Elle vient juste d'apprendre la nouvelle. Il est mort en s'étouffant avec un aliment. Il s'est levé de table pour aller tousser ailleurs et lorsque ma tante Eg. est allé le chercher, il était étendu sur le plancher, dans la chambre, endormi éternellement.

At. est mon grand-oncle. C'était le frère de mon grand-père décédé lui il y a eu dix ans au mois de janvier dernier. Eg., la femme d'At., est la soeur de ma grand-mère. C'est à leur mariage que mes grands-parents se sont rencontrés. Ma tante Eg. est très malade depuis des années maintenant. Je crois qu'elle tenait bon pour mon oncle At. qui lui, ne souffrait pas d'autre chose que de la vieillesse et de la mélancolie suscitée par le départ de ceux et celles disparus avant lui.

La dernière fois que j'ai vu mon oncle At., c'était au 80e anniversaire de ma grand-mère, il y a un peu plus d'un an maintenant. Il se promenait avec une canne qu'il utilisait pour taper les fesses des femmes. At. a toujours été un joyeux luron. Toute petite, j'aimais le regarder rigoler avec tout un chacun. Son énergie éveillait toute la pièce dans laquelle il se trouvait. Au lit, à l'orée du sommeil, je t'ai envoyé une prière mon oncle. Que ton voyage soit paisible jusqu'à tous ceux qui t'aiment. Et veille sur ma tante qui vivait avec toi depuis plus de soixante ans. Elle aura besoin de sentir que tu n'es pas trop loin d'elle.

Jour chargé, assurément.

3.14.2008

gare à vous

De temps en temps, on se couche moins niaiseux le soir. Alors voilà, cette coche d'intelligence de plus aujourd'hui obtenue, je la dois à mon collègue de travail d'origine grecque que j'adore, monsieur Nk. Parfois, il m'offre des traits culturels qui illuminent le quotidien des habitudes. Par exemple hier quand j'ai voulu lui offrir un bout de chocolat à l'orange, lui qui est si gourmand en temps normal et qu'il me dit que c'est le carême, celui à la grecque qui s'étire jusqu'à la fin avril, même si la Pâques catholique a lieu la fin de semaine prochaine. Les Grecs Chrétiens Orthodoxes, ils font les choses en grand.

Aujourd'hui, il demande vers 10 h 15 ce matin quelle date nous serons demain. Je réponds de l'autre bout de la salle de travail que nous serons le 15. Il murmure: the Ides of March. Bon, moi, je ne sais pas du tout ce qu'il veut dire par là. Il réalise que nous ne n'accordons pas une importance particulière à cette date. Parce que je lui demande, il nous explique que le 15 mars, c'est un jour malchanceux parce que c'est le jour de l'assassinat de Jules César. Ah bon. Une coche d'intelligence de plus aujourd'hui obtenue.

Alors rendue à la maison, je tape deux ou trois entrées sur le net qui me ramènent à cette scène tragique où Jules, siégeant au Sénat se fait assaillir par une trentaine de sénateurs qui le poignardent en meute. Jour malchanceux, oui d'accord. J'apprends aussi que l'ides est ce 13e jour de chaque mois dans le calendrier romain, à part pour les mois de mars, mai, juillet et octobre où il tombe le 15. Leur façon de calculer l'année différait un peu de ce que nous connaissons. La lune occupait une place centrale dans leur calcul et l'ides correspondait au jour de pleine Lune.

Ides = jour de pleine Lune = habituellement le 13 du mois = jour de malchance. Et le vendredi dans tout ça?

3.12.2008

tout langage est un mystère en soi

Ces épis ébouriffés, ce sont du mois de novembre dernier, juste après la première bordée que nous avons accueillie sur notre coin de Terre. Par un jour de congé, j'étais allée me promener dans l'immense parc à deux pas du paradis, munie de mon appareil et de tout mon temps. Je m'étais amusée avec mes filtres en mode noir et blanc: le vert, le sépia, le jaune. J'avais obtenu de beaux résultats. Par exemple, ceux-ci:




Je suis un peu beaucoup gaga des arbres, de leur ramification, de leurs rides, du dessin qu'ils imposent à l'espace.

Sur un tout autre sujet, je suis allée chercher mes miches d'antan bio tranchées au Marché Atwater ce midi. En revenant d'une extrémité du bâtiment, je suis passée devant le comptoir St-Vincent, là où toute la viande de St-Cuthbert est biologique. Le boucher en service s'est approché et je commencé à lui expliquer que j'étais végétarienne depuis presque dix ans maintenant, mais que tout récemment, j'avais décidé de manger de la chair à l'occasion. Je m'informais donc des meilleurs morceaux du boeuf. Et lui de me donner son opinion simple et franche: tout dépend de la cuisson. Selon lui, un jarret peut être aussi savoureux et tendre qu'un filet mignon, sinon plus s'il est bien apprêté. Bon. En l'espace de quelques minutes seulement, nous touchons à maints sujets: des protéines complètes à l'agriculture biologique versus l'agriculture traditionnelle en passant par les bonzes qui s'en mettent plein les poches au sein du capitalisme et du rôle des familles qui cimentent la communauté humaine, finalement de notre avenir proche en tant qu'espèce. Le boucher me confie qu'il croit que d'ici 25 ans, ce seront les fourmis qui domineront le monde. Non, il n'est pas fou. Il a lu la Prophétie des Andes, le Jour des Fourmis et d'autres bouquins qui ont tramé ses convictions. Il me dit que tant que nous ne nous abandonnerons pas à la sagesse de l'Amour, il n'y aura pas d'espoir. Moi, je comprends et je lui dis qu'il est fascinant de constater qu'au bout de trois minutes environ d'échange entre purs étrangers nous en soyons venus aussi rapidement à des révélations sur nos croyances profondes quant au sort de l'espèce sur la planète. Il me dit qu'il perçoit les gens plus ouverts parce qu'il peut voir les auras. Bon. Quoi qu'il en soit, il est fascinant de constater qu'au bout de trois minutes environ d'échange entre purs étrangers nous en soyons venus aussi rapidement à des révélations sur nos croyances profondes quant au sort de l'espèce sur la planète. Nous qui croyons être les seuls à avoir besoin de croire parce que tout fout le camp. Nous qui nous croyons isolés dans nos convictions.

Il y a ceux qui lisent les auras et ceux qui embrassent les arbres, il y a ceux qui sourient à un étranger parce qu'il fait beau et ceux qui aident une personne âgée à gravir les amoncellements de neige au coin des rues. Il y a tous ceux qui s'abandonnent à la sagesse de l'Amour. Tous ceux-là, c'est eux qui sauveront le monde.

3.11.2008

Puisque je reviens d'un délicieux repas dans le nouvel espace investi par Bonnys partagé en tête à tête avec J., mon ancienne charmante voisine, et que je saute bientôt dans le lit, où M. m'attend en compagnie de Nougat le gros chat, je vous livre cette énigme: quelle saison?

3.09.2008

vos mots sont mes feux de Bengale

Je m'installe devant l'écran pour venir laisser une autre trace du cours de ma vie sur la trame de l'internet, ce réseau aux mille et une tentacules qui s'étend dans tous les coins du monde. Ici, sur ma page personnelle, louée gratos à Blogger, je piste mon existence. Le temps passe et je constate que les petits détails qui m'ont touchée auraient été oubliés si je ne les avais pas consignés là, dans cette case virtuelle qui appartient à cette part de moi qui trouve toujours quelque truc à raconter.

Comme ce souper magnifique que M. et moi avons partagé ce soir, un autre, encore, dans une complicité de cuistots qui s'harmonise de plus en plus. Monsieur et madame ont préparé des rouleaux de printemps - vous savez cette saison qui est supposée se pointer le nez d'ici deux semaines - pour la première fois. C'est vendredi dernier que l'idée m'est venue d'enfin nous lancer dans l'aventure des feuilles de riz à farcir d'une foule de bonnes choses croquantes et rafraîchissantes. Je suis rentrée pour la première fois dans l'épicerie asiatique Kim Phat. Dans cette succursale de Brossard, j'ai apostrophé poliment un commis pour lui demander son avis sur les ingrédients à utiliser pour fabriquer mes rouleaux. Il m'a conseillé la sorte de vermicelles de riz (la plus épaisse) et m'a guidée jusqu'à l'allée des feuilles de riz. Je suis restée devant l'étalage aux nombreux formats un bon moment avant de commencer à y voir clair. J'ai finalement opté pour des feuilles au diamètre moyen. Là-bas, j'ai aussi trouvé des champignons enoki - ingrédient qui m'a été inspiré par les sushis de Tri Du - dans les bacs de légume et du plantain pour servir en accompagnement. Arrivée à la caisse, j'ai aperçu les magnifiques mangues Atulfo, les jaunes, mes préférées, dans des boîtes montées à l'entrée. J'en ai découpé une belle en quartiers pour notre dessert qui a suivi nos oeuvres d'art.

Parce qu'il faut bien parler d'oeuvres d'art. D'ailleurs, lorsque tous les ingrédients qui pouvaient servir à bourrer les ventres transparents de nos rouleaux ont été apprêtés, j'ai bien failli sortir mon appareil pour saisir toute cette gastronomie asiatique: jeunes pousses de pois mange-tout, vermicelles réhydratées par une eau bouillante, champignons enoki, carotte râpée, coriandre fraîche, oignon vert émincé, bébés épinards, noix de cajou moulues, lanière de tofu mariné au tamari et à l'huile d'arachide revenu dans la poêle. Au centre, un bol d'eau fumante nous a permis de plonger nos feuilles de riz à réanimer en les ramollissant qu'il nous a fallu manipuler avec soin pour ne pas les percer. Le truc, c'est de mettre juste un peu de tout. Pendant notre confection, les rondelles de plantain grillaient dans la poêle. Un pur délice.

Mais revenons à cet espace qui me permet de m'exercer, d'aligner les mots si vous préférez. Ici, grâce à vous, je tiens bon. Des commentaires comme ceux que vous m'avez donnés en réaction à mon dernier message, je les mets dans la petite pochette de taille qui enserre mon coeur. Comme ça, quand j'oublie, quand je doute, quand je veux me faire du bien, je tire sur la fermeture éclair et je les retrouve, intacts, ces mots d'encouragement.

Avec vous, tout est possible. Merci.

3.07.2008

moi dans l'Autre

C'est aujourd'hui, je le sens. Le postier passera pour laisser dans notre boîte aux lettres une lettre, LA lettre que j'attends, celle de l'éditeur qui veut publier mon manuscrit. Elle dira quelque chose comme: "Il nous fait un grand plaisir de vous inviter à nous contacter pour que nous retravaillions ensemble votre manuscrit Unis en vue de sa publication." Oh la la, qu'ils sont beaux ces mots.

En fait, c'est ce que j'aurais dû faire il y a longtemps déjà: mettre sur papier, noir sur blanc, ce que je veux, ce que j'attends, ce vers quoi je tends. Parce que même si mon rêve le plus fou est de tenir dans mes mains une de mes oeuvres reliée et publiée par une maison d'édition crédible, j'oublie de tendre vers ce but pour la grande majorité de mes petites minutes. Mon esprit s'égare et s'éparpille dans les gestes du quotidien, dans le rythme des journées préprogrammées.

Il me faudrait être comme Gautama sous l'arbre de la Boddhi et attendre, concentrée, totalement tournée vers mon objectif. Intransigeante face aux éléments secondaires. Ne pas avoir faim, ne pas avoir froid, ne pas avoir mal aux fesses à force d'être pliée en lotus, ne pas penser à mon passé, ne pas imaginer mon futur. Il me faudrait me révolter avec toute ma volonté afin de déchirer les voiles dressés entre moi, la créature, et le Tout, la création. Accéder ainsi à la banque de données universelles et trouver les connections à bidouiller pour revenir accompagné de la réalisation de mon désir.

Mais qui suis-je pour prétendre changer le cours des choses? Pour me, myself and I.

Si au moins mon désir était grandiose, digne d'un tel déploiement d'énergie universelle, axé sur l'amélioration du sort collectif. S'il n'était pas si égocentrique, si capricieux même. Je veux être publiée. Ça fait bébé lala. Des espèces sont en voie d'extinction, l'ozone est percée, les taux de suicides, de dépressions et de divorces déciment les peuples du nord pendant que la famine, la violence et l'épuisement des ressources éclaircissent les rangs des peuples du sud, l'humain se comporte encore en être méchant et barbare même après toutes ces années sur la planète, à évoluer, et moi, gros nombril, je veux être publiée.

Décidément, parfois ça fait mal de réfléchir.

3.04.2008

mes amis, ameches, amigos and friends

Wow, rares sont ces soirées où le téléphone ne dérougit pas. Mais voilà, à peine installée devant l'écran pour le Téléjournal avec mon amoureux, mon gros chat Nougat, mon bol de curry et mon verre de rouge que l'appareil s'éveille. C'est J., mon ancienne charmante voisine. Elle me dit que parce qu'elle a lu le blogue d'une amie Belge et qu'elle a aimé cette formule, elle a pensé à venir visiter le mien, mais que n'ayant pas l'adresse, elle l'a retrouvé en tapant "mes charmants voisins" sur Google. Parce que mon parasite est là, celui dont je vous ai déjà parlé, celui qui me dit combien vous êtes à passer me voir à tous les jours et d'où exactement, celui qui compartimente toutes les données qui ont un lien avec le trafic de ma page web, je peux voir que c'est samedi exactement que J. a tapé les mots: blogspot "mes charmants voisins". Après un essai, je constate qu'elle m'a retrouvée en huitième position. J. me parle d'aller manger chez Bonnys qu'elle a repéré dans mes liens. À ce sujet, elle me suggère d'inclure un lien au guide du cosomm'acteur qu'elle et d'autres ont conçu, une petite bible du comment faire pour vivre tourné vers le développement durable. Bien sûr, bonne idée. J. et moi nous nous étions promis de nous voir bientôt. Le rendez-vous est fixé pour mardi de la semaine prochaine.

De retour à mon assiette qui est maintenant tiède et l'appareil sonne à nouveau. Seules quelques minutes se sont écoulées, seules deux ou trois bouchées se sont englouties. C'est Jl. qui retourne mon appel de ce matin. Elle parle du nez puisque la sinusite a encore emprise sur elle. Jl. n'a pas eu un hiver facile. Déménagement, mais avant rénovations extrêmes, début de session puisqu'elle enseigne le français au Cégep, horaire de travail bof, santé de Tl., sa fille, éprouvée, fatigue, fatigue, fatigue, conjoint en voyage d'affaires, visite de la famille, fatigue, fatigue, fatigue. Mais Jl. ne se plaint jamais. Elle est solide comme un roc tellement sa volonté la porte au-dessus de la mêlée. Impressionnante cette brindille de femme. Nous décidons de nous rencontrer dans deux semaines. Parfait. Elle veut me faire lire une de ses nouvelles qui a, comme personnage principal, une Ludivine, prénom qui, m'avouait-elle pour la première fois depuis la durée de notre amitié, l'a frappé lorsqu'elle l'a entendu pour la première fois dans ce fameux cours de littérature donné par Pierre Fortin dans lequel nous nous sommes rencontrés dès le jour 1 parce que nous avions pris part à une discussion animée tournant autour de la question suivante: pour écrire, faut-il avoir lu ou vécu? Elle prétendait qu'il fallait avoir lu, je prétendais qu'il fallait avoir vécu. Nous sommes tombées en amitié par discordance. Aujourd'hui, je pense que nous sommes d'accord pour nous retrouver toutes les deux entre ces deux extrêmes et affirmer tout de go que pour écrire, il faut avoir lu et vécu. Bon. Et puis, j'ai terriblement hâte de te lire chère amie.

Plat, mange. Verre, bois. Je termine mon repas et puisque 19 h arrive, nous changeons le canal pour aller regarder Gang de Rue à Télé-Québec. L'équipe va cette fois donner un coup de main à l'organisme Popote Volante. À un moment, deux protagonistes rencontrent un homme qui habite seul depuis qu'il a 21 ans et qui est né paraplégique. Moi, ce genre de solitude, ça me tire des larmes à tout coup. Dring, dring. Cette fois, c'est mon ami mystérieux. Il me demande si je pleure. Je lui dis que oui et je lui explique brièvement que je regarde une émission. Il m'appelle pour me dire qu'il m'aime, tout simplement, et que je suis une personne qu'il apprécie. Mon ami mystérieux est comme ça, plein de surprises. Nous commençons à parler un peu, mais il doit me laisser parce que quelqu'un vient d'arriver chez lui. Il me dit de sécher mes larmes, comme dans la chanson. À bientôt mon ami et je t'aime aussi.

De retour à mon curry qui est franchement froid par maintenant. Mon amoureux qui est épuisé, mort, est étendu de tout son long avec le gros chat Nougat sur le ventre. Les deux ont les yeux fermés. M. donne son cent mille pourcent au boulot dernièrement. Deadline oblige, en plus du fait que les bugs à corriger se multiplient. Mais mon chéri, c'est un génie. T'inquiète!

Cette fois, c'est moi qui prend l'appareil parce que je veux confirmer ma rencontre avec S. jeudi soir avant de m'installer pour bloguer. Au téléphone, mon amie m'apprend qu'elle garde le chien d'une collègue, qu'au travail, elle a vu des enfants s'émerveiller devant des piles de livres neufs leur étant offerts par une homme et une femme bien nantis qui se sont mariés récemment et qui ont décidé de demander à tous leurs amis et parents d'acheter des bouquins dont ils ont ensuite fait don, qu'elle a aidé une femme paniquée à retrouver son enfant de trois ans dans la Grande Bibliothèque. Notre rendez-vous fixé justement dans ce temple du rat de bibliothèque, je mets fin à une soirée comme j'en ai peu vécue. Une soirée de bonjours amicaux chauds et spontanés qui me laissent un bon goût dans l'âme. Et un agenda bien garni.

3.02.2008

meelting pot

De retour d'un weekend au mont Blanc situé dans la municipalité St-Faustin-Lac-Carré, à un saut de crapaud de Tremblant. C'est là que tous les employés de la PME où M. travaille depuis cet été étaient invités à converger en guise de party de Noël accompagnés de leur conjoint et de leurs enfants.

L'auberge au pied du Mont rasé en plusieurs voies pour skieurs et planchistes offraient aussi la possibilité de faire de la raquette. C'est à cette activité que nous nous sommes inscrits. Et comme cela, une demi-heure à peine après notre arrivée, nous sommes embarqués dans Jasmine la Fit avec trois autres personnes: Nc., la secrétaire de la boîte, Pt., un technicien en électronique et sa copine, A-A, terminant son DEC et en attente d'une réponse de l'UQÀM pour savoir si elle a été acceptée ou non en droit. Munis d'une carte des sentiers et de nos cinq cerveaux, nous avons quand même réalisé après plus d'une heure et demie chaussés des raquettes que nous étions égarés. Le circuit était vraiment mal indiqué. Heureusement, un ange est apparu juste au bon moment. C'était D., un employé de la boîte qui devait se joindre à nous, mais qui n'était pas encore arrivé lorsque nous avons décidé de quitter l'auberge. Il est venu vers nous comme un messie, au bon moment, au bon endroit, avec juste assez d'énergie pour nous encourager à continuer.

Après un dîner dans une salle commune à jaser avec le conjoint de Nc., nous nous sommes préparés tranquillement avant de passer à la salle de réception pour le repas du soir. Pour l'apéro, c'est dans la vaste chambre de Dn. et Gn. que plusieurs se sont retrouvés afin de siroter une bière et de s'apprivoiser. J'ai serré de nombreuses mains, retenus une multitude de prénoms. Je voyais enfin les visages de tous ceux qui surviennent dans nos discussions du soir entre amoureux qui reviennent de leur journée de boulot.

La dernière fois, je parlais du potentiel du cerveau et de notre responsabilité à le stimuler pour en tirer le meilleur. Eh bien, j'ai été servie.

Auprès de Nc. en raquette, j'ai découvert un regard à l'affût des beautés de la nature, s'extasiant sur les peaux de bouleaux frisées, les champignons parasitant les troncs et les tons de gris et de jaunes d'un décor enneigé sous un ciel lourd au soleil timide. Toujours à un clic d'appareil pour saisir le plus possible.

Et puis, plus tard, Nr., son mari qui est installateur et technicien pour Coca-Cola, m'a fait réaliser que je ne suis pas la seule qui travaille pour un gros nom de ce monde et qui trouve trop souvent que la gestion est broche à foin.

Au souper, j'ai ensuite discuté avec Sr., numéro deux de la boîte (mais je l'ignorais complètement avant que nous nous installions là), H., sa femme, et leur fils de quinze ans, M-A, qui est un cadet de l'air, trompettiste, avec comme rêve de devenir mécanicien d'aéronefs. Sr. et H. sont un couple charmant, passionné, cultivé, dévoué, qui ont aussi une fille de 20 ans qui termine sa technique en muséologie qui a déjà tenu une toile de Riopelle oubliée dans ses mains qu'elle a redécouvert dans la réserve du Grand Séminaire de Montréal parce qu'on lui avait demandé de faire un inventaire. Leur musée favori est le McCord pour tous ses costumes. H. confectionne par loisir des vêtements d'époque selon des patrons qu'elle commande à Patrimoine Canada. Et ça ce n'est que la pointe de l'iceberg de la magnifique conversation que nous avons tenue pendant tout le repas.

Plus tard, c'est avec Dn. que Nc. et moi avons appris beaucoup de choses à propos de la culture de la terre parce qu'il est le deuxième fils d'un agriculteur de Verchères très respecté pour ses connaissances qu'il détient de trois générations d'hommes qui l'ont précédés. Finalement, c'est avec Gn., sa conjointe ayant décidé de se lancer en affaire avec son frère pour mettre sur pied une compagnie d'analyse pour les milieux hospitaliers et vétérinaires que j'ai terminé ma soirée.

L'autre est un univers en soi. Je jubile à toutes les fois qu'il m'est donné de rencontrer.