orphelins de l'Éden

3.30.2008

hallucination automatique

Terminé le week-end boulot. Et dire qu'il y avait tout ce beau soleil à gober. Heureusement, le froid calmait les ardeurs, alors je n'ai pas l'impression d'avoir loupé tout le bol de vitamine D. D'autant plus qu'à mes heures de lunch, je suis sortie marcher dans les rayons plombant. Je suis une plante. Mes yeux se fripent et ma respiration absorbe cet assainissement frais. Je suis un papier buvard qui s'imbibe du timide printemps.

Aujourd'hui, j'ai envie de plonger dans moi au passé. Quelque chose, une anecdote, quelque chose, une saynète qui m'a définie. J'ai envie de vous révéler une brindille de mon édification.

(temps de réflexion)

Vous savez, quand je m'assois face à l'écran, il y a les premiers mots qui appellent tous les autres. Toujours. Je suis un écrivain de la matière libre, une saisisseuse de l'idée qui passe, une mordue de la spontanéité moteur. C'est mon côté organique, mon humilité d'instrument. Je sais que je ne suis pas intelligente. Je suis un imposteur. Les connaissances ne collent pas à mes cellules grises. Ce que je sais, c'est ce qui est là, maintenant. Je grappille l'information. Je livre de mon mieux selon le cours de la conversation lorsqu'il faut que je parle. Sinon, je m'abandonne à l'écriture ou plus souvent, au silence.

Quand je sors de rencontres, je rejoue des segments, ceux que je considère n'avoir pas aussi bien maîtriser que les autres. Je suis dure avec moi-même, exigeante. Je vois les réactions de mes interlocuteurs. Comment expliquer cela clairement? Je perçois les changements, les fluctuations. Quand l'énergie se tend, ça me pince et si tout coule, ça baigne. Je suis une plante, un imposteur d'être humain. Je réagis aux vibrations. Et là où les mots s'emballent pour créer l'illusion de savoir, je faillis. À tous coups, je n'arrive pas à suivre le bateau qui prend le large du convenu. Je me conforme remarquez. Je suis un caméléon. Organique. Ma peau devient le vent pendant que je marche seule, devient la chair lorsque je suis au onzième, devient le paradis avec mon amoureux. Mais si j'ai senti mon interlocuteur se crisper parce que mon ego a cru qu'il était fin finaud, eh bien là, je rejoue le segment de la conversation pour arriver à me pardonner en me disant que la prochaine fois, je ne tomberai pas dans le piège. La prochaine fois, j'écouterai et j'interviendrai sans vouloir impressionner ni instruire. Qui suis-je pour prétendre quoi que ce soit? Mon chemin est axé vers l'équilibre entre l'humilité et la liberté. Mes limites doivent s'harmoniser parfaitement à celles de ceux qui m'entourent.

Alors vient-elle cette anecdote de moi au passé? Ma mémoire est nulle. Je vous l'ai déjà dit. C'est pour ça aussi que j'écris. Je jette sur mon espace internet les choses qui font que j'existe. Si je meurs, ceux qui demeureront un peu plus longtemps que moi pourront y retourner pour me retrouver. Oui et non pourtant. Parce qu'à celui qui me demande s'il n'est pas indiscret de tout livrer comme ça dans un blogue, je réponds toujours que ce que vous voyez là, ce n'est que ce qui survient lorsque je me retrouve devant l'écran.

Je tourne. La boucle se boucle. Mon passé ne me vient pas. Il s'obstine à se terrer dans l'oubli qui m'habite. Je suis cavernes et ombres.

Tiens, ça me fait penser à l'allégorie de la caverne de Platon que j'ai apprise dans mon premier cours de philosophie. Je ne suis pas très douée en philiosophie, bien que j'aie poursuivi mes études supérieures en religiologie. Les textes des philosophes m'étourdissent. Ils sont denses comme du béton à mâcher. Je me brise les dents à tout coup. J'aime qu'on me raconte. Cette histoire, cette allégorie, j'ai aimé l'entendre. Je me souviens du local dans lequel j'étais quand notre enseignant s'est échiné pour nous la faire comprendre et que j'étais installée dans le milieu de la salle de cours. J'ai trouvé cela éblouissant qu'un humain, Platon en l'occurence, arrive à mettre en scène une situation pour faire réfléchir l'humanité entière, qu'un seul cerveau arrive à livrer de la matière à digérer pour l'éternité.

Bien minime tranche de vie me direz-vous. Mais c'est ainsi quand on tente de contrôler le flot. Ça ne chamboule pas, ça passe, presque inaperçu. Vaut mieux se tenir prêt de saisir le filon quand il se révèle. Et s'il ne vient pas, vaut mieux être une plante qu'un imposteur. Toujours il y aura du vent, de la lumière ou une couleur. Valeurs sûres, peu importe la taille du cerveau avec lequel communiquer.