orphelins de l'Éden

3.16.2008

la mort planait

L'oeuf ou la poule. Il y a deux jours, je ne connaissais pas la charge rattachée au 15 mars, je ne savais pas que plusieurs sur la planète le considère comme un jour malchanceux. Mais voilà qu'au lendemain du dit jour, je suis ambivalente.

D'abord, il faut vous dire qu'hier, M. et moi, on a passé une journée en amoureux, sans stress, sans obligation. Il y avait quelques fins de semaine que notre booking nous contraignait à planifier nos deux jours au quart de tour. Donc, nous nous sommes douchés passé midi et pour le plaisir, nous avons décidé d'aller au cinéma en après-midi. M., qui commence à aimer le septième art, et moi aimons privilégié le cinéma québécois au grand écran. Notre choix s'est donc arrêté sur Tout est parfait, film abordant le sujet du suicide. Nous nous sommes rendus au Guzzo de Longueuil et installés dans nos banquettes trop molles, nous avons débuté le visionnement.

Cinq minutes à peine après le début du long métrage, l'écran s'est divisé en deux et l'image a foutu le camp. Un spectateur s'est levé pour aller expliquer le problème à un employé et, deux minutes plus tard, l'image a de nouveau rempli normalement le carré blanc de projection. Tout semblait aller pour le mieux sauf qu'à un moment, nous avons vu un micro de prise de son flotter au-dessus des acteurs en plein dialogue. Ainsi, jusqu'à la fin de film, dans certaines scènes, nous avons aperçu des micros. À un moment, j'ai failli me lever pour aller leur demander de mieux cadrer l'image (parce que je suis certaine que le problème aurait été facilement résolu), mais M. m'en a dissuadé. Aussi, je ne voulais pas manquer un instant de ce bijou. Malgré les micros, nous y avons cru et comme M. l'a si bien résumé, ce film est bouleversant. Pour conclure cet épisode bizarre, nous avons obtenu des passes gratuites pour une prochaine visite.

Sur le chemin du retour, j'ai réalisé que le timing était vraiment particulier. Le jour où nous décidons d'aller voir ce film, ma soeur G. est partie à l'enterrement de Mr., l'ancien conjoint de sa meilleure amie. Mr. s'est pendu chez lui mercredi dernier. Il laisse derrière lui, ses deux filles encore jeunes, mais bien assez vieilles pour comprendre. La détresse est une chose secrète si on décide de la garder pour soi. En réalisant cette triste coïncidence, je leur ai envoyé une prière. Il n'y a jamais trop d'amour.

Rentrés à la maison, nous nous préparons une omelette aux épinards que M. décide de parfumer avec du romarin, de la sauge et de l'ail séché. Nos assiettes rangées dans le lave-vaisselle, nous nous installons sur notre divan orange pour un peu de télé. M. veut écouter l'émission de Marc Labrèche que je ne suis pas capable de supporter et à peine la première minute écoulée, le téléphone sonne.

C'est ma grand-mère. Habituellement, nous nous parlons les dimanches lorsque je l'appelle en soirée. J'aurais dû me douter de quelque chose, mais ma joie de l'entendre est plus forte. Après notre salutation échangée, elle me dit qu'elle a quelque chose à m'annoncer. At. est décédé. Sa voix est faible et pleine de trémolos. Ma grand-maman ne pleure pas. Elle vient juste d'apprendre la nouvelle. Il est mort en s'étouffant avec un aliment. Il s'est levé de table pour aller tousser ailleurs et lorsque ma tante Eg. est allé le chercher, il était étendu sur le plancher, dans la chambre, endormi éternellement.

At. est mon grand-oncle. C'était le frère de mon grand-père décédé lui il y a eu dix ans au mois de janvier dernier. Eg., la femme d'At., est la soeur de ma grand-mère. C'est à leur mariage que mes grands-parents se sont rencontrés. Ma tante Eg. est très malade depuis des années maintenant. Je crois qu'elle tenait bon pour mon oncle At. qui lui, ne souffrait pas d'autre chose que de la vieillesse et de la mélancolie suscitée par le départ de ceux et celles disparus avant lui.

La dernière fois que j'ai vu mon oncle At., c'était au 80e anniversaire de ma grand-mère, il y a un peu plus d'un an maintenant. Il se promenait avec une canne qu'il utilisait pour taper les fesses des femmes. At. a toujours été un joyeux luron. Toute petite, j'aimais le regarder rigoler avec tout un chacun. Son énergie éveillait toute la pièce dans laquelle il se trouvait. Au lit, à l'orée du sommeil, je t'ai envoyé une prière mon oncle. Que ton voyage soit paisible jusqu'à tous ceux qui t'aiment. Et veille sur ma tante qui vivait avec toi depuis plus de soixante ans. Elle aura besoin de sentir que tu n'es pas trop loin d'elle.

Jour chargé, assurément.