orphelins de l'Éden

2.29.2008

petit débrouille toi

La soupe aux pois mijote et embaume le paradis baigné d'une lumière diffuse. Dehors, tout est éblouissant, aussi clair que la première minute du nouveau-né expulsé. C'est l'hiver d'une année bissextile, année 2008 respectant la première des deux règles voulant qu'une année soit bissextile quand elle est divisible par 4, mais non divisible par 100; la deuxième désignant l'année bissextile lorsqu'elle est divisible par 400. Donc 1900 ne fût pas une année bissextile puisqu'elle ne respectait pas la deuxième condition de la première règle étant divisible par 100 et 2000 le fût puisqu'elle s'accordait à la deuxième règle étant divisible par 400. Vous ai-je dit aussi que Nougat le gros chat est enroulée près de moi en brioche soyeuse, abandonnée à un sommeil délicieux?

Quand je la regarde parfois, je me dis qu'il ferait bon d'être un chat, un chien, un oiseau, un bouleau, une brise matinale, un phytoplancton. Si j'étais un phytoplancton, je contribuerais à stabiliser toutes les existences du globe par ma fonction cruciale de régulatrice par l'absorption du CO2. Je ferais partie du 1 % de la biomasse responsable d'environ 50 % de la fixation du carbone dans l'atmosphère. Hum. Être un bouleau plutôt, plus serein et beaucoup plus loin du projecteur.

Quoi qu'il en soit, des connaissances, il y en a à la tonne. Il suffit de gratter un peu, de s'intéresser à peine, de s'enquérir du bout des lèvres et des yeux pour découvrir l'océan sans fond, les galaxies illimitées, le noyau aux milles secrets. Comment ne pas être stimulé par tous ces mystères à porter de la curiosité propre à l'esprit avide? Le commun des mortels dit que l'humain n'utilise que 10 % des capacités de son cerveau, selon les dires de William James, psychologue de la fin du 19e siècle. En fait, le cerveau a besoin d'être stimulé pour demeurer vigilant et vigoureux. Divisé en plusieurs zones, cortex et aires, le cerveau nous permet de ressentir, de stocker, de projeter. S'il est vrai qu'un cerveau non suscité conserve une activité électrique minimale de 5 %, il est aussi vrai que plus il est interpellé par des actions, plus il est exploité pour le mieux de son potentiel. Comme tout outil, il nous suffit d'apprendre à l'utiliser. Et puisque nous bénéficions de la préhension par l'opposition du pouce et de la locomotion bipède, c'est même notre obligation en tant qu'espèce de le faire. Comme le phytoplancton porte sa nature intrinsèque. À nous de découvrir la liberté dans le devoir.

2.27.2008

ma trousse de premiers soins

À peine sortie du lit ce matin, j'ai enfilé mon nouvel habit de neige pour défiler devant mon amoureux aux cheveux en bataille. Je me suis enfin équipée de bons vêtements performants pour m'activer au sec et avec aisance pendant la saison blanche. J'ai profité des ventes au Yéti, rue St-Laurent. Là, j'ai déniché sur les tringles du coin à rabais une coquille et un polar Patagonia à moitié prix. Toute une aubaine qui m'a permis de me gâter tout en respectant mes valeurs et mon budget. Qui dit mieux? Tous mes vêtements sont garantis à vie, même les pantalons de neige de marque The North Face, une compagnie qui n'est pas autant axée sur la préservation de l'environnement que Patagonia, mais bon, la qualité du vêtement me permettra de le garder une bonne partie de ma vie et donc, de contribuer au ralentissement de ma consommation. Choix, choix, quand tu nous tiens.

Alors, je suis resdescendue la Main avec mon gros sac bourré de mes nouveaux achats au bout d'un bras et ma boîte à lunch dans l'autre main. Depuis tout ce temps que je tiens ce blogue, je ne vous ai jamais parlé de ma boîte à lunch. Elle est bleue et noire et de tissu synthétique flexible et lavable. Ça fait environ sept ans que je la trimballe à tous les jours de boulot, qu'elle magasine avec moi avant mon quart de travail ou qu'elle vient prendre un verre avec moi et Sr. parfois après la journée. D'ailleurs, j'ai déjà failli la perdre deux fois. La première fois, je l'avais oubliée au-dessus du guichet situé dans l'épicerie qui était près de l'appartement où j'habitais alors dans l'est de la ville. Quand j'avais réalisé mon oubli, j'étais déjà rendue loin, mais je suis retournée la récupérer parce que je lui devais bien cela à cet objet fidèle. Une dame de la banque l'avait gardée à son bureau dans l'attente de son propriétaire. La deuxième fois, j'étais accompagnée de Sr. justement et nous nous étions arrêtées au YMCA sur la rue Parc pour aller au petit coin. Je pense que Sr. avait fait un appel et que pendant ce temps, j'avais déposé ma boîte sur un support de journaux et de revues gratuits pour regarder les nageurs s'épivarder dans le bassin. C'est Sr. qui m'avait rappelé son existence quand nous nous apprêtions à repartir pour là où nous allions. Sinon, ma boîte m'accompagne partout, tout le temps.

Dans ma boîte, il y a bien sûr le repas principal, une portion restante du repas de la veille. Comme je le disais à ma grand-mère en fin de semaine, tous les repas que nous préparons comporte exactement quatre portions. Notre système est simple: nos lunchs contiennent le repas de la veille. Ma grand-mère dit qu'elle aurait de la difficulté à manger deux fois la même chose de suite. Je crois que ce n'est qu'une habitude à prendre. Quoi qu'il en soit, ce système nous permet d'établir une liste d'épicerie précise de nos repas en début de semaine et de faire nos courses en conséquence pour éviter le gaspillage. Bien sûr, tout cela est un peu routinier, mais cela nous évite la terrible question "qu'est-ce qu'on mange" à la fin d'une journée et juste pour ça, ça vaut le coup pour nous. Je déteste cette question, surtout lorsque la faim point. Poursuivons.

Dans ma boîte, il y a aussi une portion de crudités parce qu'il faut un légume vert croustillant et bourré de vitamines à se mettre sous la dent au moins une fois par jour, et ce malgré le fait que nous sommes, pour la majeure partie du temps, végétariens. Un aliment cuit ne contient plus autant de vitamines et d'oligo-éléments. Alors cric crac croc, une fois par jour.

Et puis, pour les vitamines encore, il y a toujours un fruit dans ma boîte. Suivant les saisons, les fruits varient. Une pomme ou des clémentines en automne et en hiver, des fraises, des bleuets ou du melon l'été.

Pour ma dent sucrée, il y a une portion d'aliment dessert dans ma boîte: biscuits, barre de noix enrobés de caroube, bout de chocolat noir. Dernièrement, je me suis mise à popoter un dessert par semaine, le dimanche bien souvent. Alors, ce sont maintenant des desserts maisons, comme mes macarons coco-chocolat enfournés hier matin.

Finalement, j'apporte toujours un yogourt dans ma boîte. Plus que pour avoir une portion de produit laitier, c'est pour les bactéries actives que je tiens à ce produit alimentaire. J'ai besoin d'elles pour préserver mes flores florissantes comme je vous l'ai déjà dit.

Sur ce, ne vous surprenez pas à me croiser avec ma fidèle amie dans la main. Sans elle, ma santé ne se porterait pas aussi bien, ça c'est certain.

2.25.2008

bo-boum bo-boum

Puisque sa couverture est au lavage, Nougat le gros chat est sur moi à l'instant où je tape cette phrase d'introduction. Ses bouts de patte de velours sont posés sur le plateau de mon bureau et elle ronronne, heureuse d'être au chaud dans le creux de mon corps assis. Elle est restée seule à la maison pendant notre escapade dans le nord chez ma mère. M. a lancé quelques "Nougat!" d'amoureux épris en réalisant qu'elle n'était pas avec nous. Gros chat de compagnie qui remplit nos vies, fidèle et attachante.

Et le temps passe. Je le réalise en regardant les photos que j'accumule dans des boîtes. La semaine dernière, j'ai été saisie de mélancolie pour cette personne que je ne suis plus. Je me suis cherchée sur le papier photo, moi qui n'aime pas scruter mon image. J'ai regardé cette personne qui était moi et je me suis replacée là où elle était. Le temps passe et pourtant, chaque jour est son éternité.

Le temps respire. Il contient le mouvement ondulatoire liant incessamment l'expansion et la contraction, l'inspiration et l'expiration. En fait, toute énergie anime ainsi. Le règne vivant, les mers, le magma au creux de la Terre, l'origine du cosmos, tout est basé sur ce mouvement de va-et-vient. La force spirituelle est soumise à la même loi. Apprendre autant dans la détente du temps plus libre que dans l'inconfort du temps compressé.

La fin de l'an 2007 a été difficile pour moi. Mais aujourd'hui, je suis à présent dans une période de constat plutôt que dans une période de défensive comme je l'ai alors été. Mon énergie se déploie plutôt qu'elle ne se recroqueville, elle absorbe plutôt que de parer. Mon esprit n'est plus cette boule de fébrilité prête à éclater au moindre effleurement. Il est revenu à cet état d'observateur paisible appréciant les infimes changements comme autant de marques du cycle. Pourtant, pour rien au monde je ne me souhaite de ne plus vivre de moments aussi douloureux. Non que je sois une judéo-chrétienne friande d'autoflagellation ou d'épisodes punitifs, je sais que cette souffrance a fait jaillir toute la beauté de l'amour autour de moi. Particulièrement lors des derniers mois. Ma douleur, mon égarement, ma confusion, tous ces lieux hostiles dans lesquels je me suis égarée assoiffée m'ont amené à dépasser les limites de ma contrée aux ressources épuisées pour aller m'abreuver aux oasis de ceux et celles qui m'ont accueillie, plus, qui m'ont invitée.

Bien que la seule personne qui pouvait passer au travers la tempête était moi, l'ensemble m'a outillée pour que je reprenne la route, rassérénée. Pour tout l'amour que j'ai reçu, mille millions de mercis. Et puisque tout n'est que mouvement ondulatoire liant incessamment l'expansion et la contraction, souvenez-vous que l'amour est toujours l'amour, comme chaque chose est toujours la chose en elle-même, chaque état en lui-même. À la différence que l'amour allie toutes les clefs à l'existence constructive. Puisque l'éternité dans l'amour, ce n'est pas si long après tout. Profitez-en pour plonger dans lui, encore et encore, toujours et toujours. Même si parfois il nous amène à flirter avec le mal. Si vous ne laissez jamais tomber sa main, il ne laissera jamais tomber la vôtre non plus. Promis.

2.24.2008



2.23.2008

pause santé

Si j'habite au paradis de la rive-sud, ma mère habite au paradis du nord. Enseveli sous des mètres cubes de neige immaculée, son coin de pays invite le crépitement du feu dans le poêle à combustion lente. D'ailleurs, j'écoute le crépitement du feu dans le poêle à combustion lente pendant que la langueur des lieux nous détend tous les trois: ma mère, M. et moi. K., la chienne au pelage caramel de ma mère, gambade quelque part dans le décor enchanteur. L'air ici est net. La lumière d'aujourd'hui est franche. Nous attendons les autres invités: ma grand-mère, que nous fêtons ce soir, ma soeur G. et son amoureux, Rb.

Au menu, poulet bio accompagné de légumes rôtis façon B., ma soeur, qui nous appellera de Hong Kong pendant que nous serons tous réunis autour de la table.

Bulle de bonheur par excellence.

2.20.2008

une boucle de bouclée avec un air de déjà vu

Anedocte parfaite dont je veux vous faire part.

Hier, une collègue, H., me demande si j'ai entendu parler de l'initiative d'une jeune peintre qui fait une levée de fonds pour le moins originale. En effet, cette jeune femme s'est rendue au Rwanda il y a peu pour y rejoindre une amie qui s'impliquait dans la communauté et qui lui avait demandé de réaliser une murale. Là-bas, l'artiste aurait rencontré une grand-mère de neuf petits-enfants et lui aurait demandé ce qu'elle avait besoin. La femme, prénommée Charlotte, aurait répondu: "Une chèvre." H. en a entendu parler grâce à un reportage sur la chaîne CTV, mais malheureusement, elle n'a pas eu le temps de noter l'endroit où les toiles, qui lui ont plues, sont exposées. Elle est allée sur internet, mais de chez elle, le reportage ne voulait pas s'afficher. Alors je lui dis que je ferai des recherches une fois rendue à la maison. Ce que j'ai fait.

J'écoute le reportage intitulé "A goat for Charlotte" et je réussis à noter les coordonnées de la galerie où il est possible d'aller admirer les toiles de cette artiste engagée: Quartier Libre Galerie. Je me rends sur leur site internet et je constate que c'est assez près du onzième. J'appelle H. pour lui donner toutes les informations.

Ce matin, elle m'invite à y aller avec elle sur l'heure du dîner. Alors, nous sautons dans sa voiture et nous arrivons sur les lieux. Le propriétaire de la galerie nous accueille et nous demande comment nous avons entendu parler de l'exposition. Tous les trois, nous discutons des toiles, un peu hors prix pour H., qui était peut-être intéressée à s'en procurer une. Je trouve à ces oeuvres un air de famille avec les déserts aux montres molles et aux éléphants échasses de Dali, cependant qu'elles sont de belles représentations abstraites de paysages agricoles du pays africain.

Je réalise tout à coup que nous sommes dans les lieux physiques sur lequel a été réalisée une oeuvre d'art, nulle autre que celle que je vous ai présentée en photo il y a environ deux semaines. Le propriétaire me dit que l'artiste de la murale se prénomme Rémi et qu'il a obtenu une subvention pour la réaliser avec son accord. Il s'étonne qu'aucun tag (à part pour un tout petit qui a été recouvert par l'artiste) ne soit venu contaminer la pièce colorée jetée sur fond noir depuis tout ce temps. Quand nous sortons, je la montre à H. qu lui trouve un air de famille avec l'art amérindien à cause des formes du lettrage surtout.

Qui aurait su que je reviendrais sur les lieux dans d'autres conditions et si peu de temps après? Pas moi. Mais le futur, lui, il savait. Lui qui sait doit bien rigoler parfois à nous voir aller.

2.18.2008

mon père qui es aux cieux

Dans deux ans, mon écriture atteindra sa majorité puisqu'il y a 16 ans, lorsque j'avais 14 ans, je t'ai rédigé un poème pour que tu le reçoives là où tu pouvais être, quelque part dans les cieux. Un peu comme une lettre au Père Noël envoyée au pôle Nord. Papa est dans le ciel, c'est là que je dois faire parvenir les mots. Alors je t'ai écrit. Parce que dans ma tête de jeune fille de 14 ans, si je couchais des mots sur papier, ils viendraient jusqu'à toi. Par voie magique, par force d'invocation.

Et c'est comme cela que le rituel a débuté. À tous les ans, à tous les 18 février qui sont venus par la suite, je t'ai écrit. Quelque chose de spécial, des mots seulement pour toi. Et puis, j'ai eu la piqûre. J'ai aimé communiquer par l'écriture. J'ai aimé me rapprocher des choses qui sont imperceptibles en tentant de les décrire. J'ai aimé pouvoir me voir évoluer au fil des textes accumulés. Encore aujourd'hui, j'aime replonger dans cette personne que j'étais à telle date précise de mon passé ou à telle autre. Pour moi, ces preuves de mon existence antérieure sont beaucoup plus évocatrices que l'image imprimée sur papier photo. Je me vois.

Je me rappelle bien souvent de l'endroit où j'étais quand j'ai écrit tel passage ou de l'état émotionnel dans lequel j'étais alors plongé. Je me souviens que j'ai débuté mon cahier bleu lorsque nous étions réunis pour le mariage de ma soeur G., quelque part dans les montagnes de la Californie; je me souviens qu'un dessin gribouillé dans mon cahier Bécassine me représente assise dans l'aire ouverte entre la Place-des-Arts et la Musée Contemporain en pleines Francofolies; je me souviens de la rencontre avec un Africain sur la rue Jean-Talon qui m'a fait pondre un bout de mon manuscrit Testament.

La dernière fois, je vous ai parlé de l'intuition. Eh bien, mon écriture, je l'associe à la grâce. Plus jeune, quand l'inspiration me touchait pour écrire, j'avais l'impression que les cieux s'ouvraient et qu'une main venait recouvrir la mienne pour l'agiter au-dessus du papier. C'est pour cela que ce sont des cahiers que j'ai d'abord remplis. Je trimballais mon cahier et mon crayon partout, au fond dans mon sac à dos, prêt à recevoir le message qui déborderait de moi, le véhicule, là où il se manifesterait. Bien sûr, parfois, je décidais de l'endroit en m'assoyant quelque part pour l'attendre. Dans ces cas-là, je couchais les premiers mots qui venaient clairement, la première formulation, et puis, tout déboulait. D'autres fois, une phrase survenait dans mon esprit, comparable à un éclair net et je m'arrêtais pour partir d'elle et poursuivre l'envolée.

C'est pour cela que je sais que tu m'as toujours accompagné par l'écriture. Tu es celui qui m'apporte la grâce. Peut-être était-ce parce que j'ai choisi ce moyen pour te retrouver que tu as nourri mon moulin afin que j'y prenne de plus en plus plaisir. Quoi qu'il en soit, je sais que mon écriture est un peu beaucoup la preuve que tu existes encore. Ensemble, nous créons en confondant l'éther et la matière, la mort et le vivant. Partenariat ultime, nul doute.

Salue à toi donc être flottant étampé dans chacune de mes cellules. Je t'aime, je t'aimais, je t'aimerai.

2.16.2008

feeling, nothing more than feeling

Avec les mois qui passent, je constate que mes blogues se rallongent. Vous devez être pas mal assommés par tous ces mots que j'enfile pareille à une boulimique du Verbe. Mais j'aime tant vous communiquer toute la magie des choses simples qui explosent devant mes yeux, j'aime le faire parce que je sais que c'est contagieux le beau, le bon, le bien. Je veux vous contagier. Vous léguer la santé d'une flore cérébrale qui s'active à toute allure, curieuse. Sans prétention bien sûr. Juste pour allumer - tiens ça me donne une idée - ou pour rappeler - c'est vrai que c'est agréable de laisser couler la vie - ou pour rassurer - je ne suis pas seul à sentir cette énergie qui circule. Pas seul, non. Mais seul, oui.

C'est souvent pendant mes marches solitaires que je me branche sur mon intuition. Hier encore, je sentais bien que j'allais croiser quelqu'un que je connaissais. Vous me direz, facile de tomber sur quelqu'un à Montréal. D'accord. Mais pas à tout coup. Et vous savez quoi, c'est en revenant vers Longueuil que j'ai aperçu le Mexicain avec qui je blaguais toujours quand j'allais chercher mes produits biologiques à son kiosque du Marché Jean-Talon. Ça m'a fait replonger en plein temps où je débarquais là à tous moments, pour un oui, pour un non. J'ai revu plusieurs de ses sourires et ça m'a fait chaud au coeur.

Et puis, la veille, quand je suis allée chercher un petit quelque chose de plus pour mon amoureux le jour de la St-Valentin, j'avais en tête de trouver quelque chose de sexy, moi qui est trop souvent en pantalons à son goût et qui ne porte jamais de dessous affriolants. Mais bon, l'état dans lequel j'étais - je vais beaucoup mieux en passant et j'ai même pu manger le repas concocté par mon amoureux - ne m'inspirait pas vraiment il faut croire parce que j'allais laisser tomber cette idée de petit extra quand bingo! j'ai trouvé. Je passais à côté d'un kiosque central La Bonbonnière. Dans les petits bacs, je voyais une foule de petites sucreries surettes et j'ai tout de suite pensé à mon homme qui en raffole. Chose fantastique, j'ai pu faire livrer le cône bourré de mignardises aux teintes de rouge à son travail en joignant à lui trois biscuits Félix et Norton macadam et chocolat blanc que je sais qu'il aime parce que nous en avons parlé comme ça, par hasard, quand j'ai fait des biscuits dimanche dernier. Depuis toutes nos années ensemble, nous n'avions jamais su que nous partagions ce petit péché, cette sorte tout particulièrement, dans nos années pré-notre-relation.

Je dis extra parce que nous sommes allés voir Tricot Machine hier soir à St-Hilaire à Arts Station, une petite salle de spectacle pouvant accueillir 70 intéressés. C'était ça mon cadeau pour célébrer notre amour et vous savez quoi, c'était pas pire pantoute. Mauditement bon en fait. L'intuition m'a fait tomber sur cette opportunité de les voir de si près. Encore elle. L'intuition qui s'aiguise, qui s'affûte, qui guide. Si seulement on se permet de l'écouter. Parce que trop souvent, on ne se permet pas de l'écouter.

L'intuition est une donnée spontanée qui apparaît dans notre raison comme un lapin dans un chapeau. Elle dit va là ou fait ça ou pense à lui à elle ou... Va, fais, pense. Tu verras. Je te jure que tu verras. Tous ces mots sont aussi les tiens.

2.14.2008

la grande séduction

Ça commence quand un garçon se penche subitement, lorsque l'autobus arrive au quai de débarquement, et vomit plusieurs jets. Les voyageurs s'affolent un peu, la plupart déguerpit subito presto pour éviter cette scène. Seules une femme et moi demeuront près de lui, ce jeune homme dont nous ne voyons pas le visage parce qu'il est encore plié en deux. Je sors des kleenex que je lui tends. Le chauffeur me donne un paquet de serviettes carrées en papier. L'autre femme quitte. J'imagine qu'elle voit bien qu'il est entre de bonnes mains le pauvre. Je m'asseois en face de lui. Je lui pose des questions maladroites du genre "ça va mieux maintenant?", "ça t'as pris tout à coup?", "as-tu bu ou pris de la drogue?" Bon, cette dernière est vraiment nulle, je sais. Mais à le regarder, mon intuition ne peut s'empêcher de me dire qu'il a consommé quelque chose. Peut-être que je lis trop de bouquin aux personnages tordus. Bon dieu...

À force de le questionner, je comprends qu'il est anglophone et qu'il n'a pas pigé un seul mot de ce que je lui ai dit jusqu'à date. Son regard perdu caché derrière des verres fumés me fixe l'air de dire "eh bien, t'es encore là?" Oui, je suis là. Et non, ce n'est pas la secouriste en moi qui reste là près de toi, c'est la fille qui aimerait que quelqu'un soit là pour elle si jamais ça lui arrivait de vomir tout son petit-déjeuner sur le plancher d'un autobus public. Il me dit qu'il a chaud, qu'il pense que c'est pour ça que la nausée l'a terrassé. Nous sortons donc. Je l'installe sur un banc et je fouille mon porte-monnaie pour en déterrer toutes les pièces possible afin de lui acheter une bouteille d'eau. Il me manque 5¢ pour que la distributrice affichant un prix de fou me crache une bouteille. Le jeune homme déterre un dix sou de son porte-monnaie. Super. Il boit et je lui conseille de ne pas prendre une trop grande goulée pour ne pas dégobiller à nouveau. Je le questionne encore. Lorsqu'il parle, il ne fait que murmurer tellement son énergie est à plat. J'approche mon oreille près de sa bouche qui souffle les mots. Il allait à l'école là. Il est malade depuis quelques jours. Une mauvaise grippe. Non, il ne veut pas retourner à la maison. Oui, il pourrait appeler à l'école, où il apprend la mécanique automobile, pour leur signaler son état, il n'y avait pas pensé. Il a tenté rencontrer un médecin au CLSC, mais il n'y en avait pas de disponible lorsqu'il s'y est rendu. Mais il pourrait se rendre chez son médecin qui n'est pas trop loin, à côté du Harvey's. Super.

Il veut prendre l'autobus pour s'y rendre. Il me dit que c'est sur Taschereau, mais ni l'un ni l'autre nous ne connaissons les autobus qui desservent ce boulevard monstrueux. Devant la carte, où en nous y rendant il me demande mon nom, a very French name so just call me Lu, et je lui demande le sien, Ad., nous repérons trois numéros de ligne, mais nous n'en trouvons qu'un seul au quai. Finalement, je le convaincs d'y aller à pied parce que je vois l'enseigne du fast-food et bien sûr, je t'y accompagne. Le pauvre, il est chancelant. Il a froid. Je lui conseille de monter la fermeture éclair de son manteau et de me donner la bouteille d'eau pour que je la glisse dans son sac à dos pour qu'il puisse mettre ses mains dans ses poches. Il a perdu ses gants dans un autre autobus. Il me remercie, ça va mieux.

En marchant, j'apprends qu'il habite chez ses parents et que son père est à la maison parce qu'il est en vacances. Il apprend de moi que je suis malade. Eh oui, moi aussi. Je suis en congé de maladaie aujourd'hui, jour de la St-Valentin. J'ai chopé une espèce de virus ou de bactérie qui a déstabilisé ma flore intestinale. En d'autres mots, j'ai une forme de gastro. Sauf que je ne vomis pas moi. Alors, vous comprendrez qu'aller au travail avec cette courante qui me prend violemment, ce ne serait pas jojo. Donc hier et aujourd'hui, je suis restée à la maison et je jeûne. Je bois de l'eau salée sucrée et si j'ai pris l'autobus, c'est pour me rendre chez Tau où il vende du Bio-K, un probiotique qui va me reconstituer une flore florissante, épanouie, équilibrée. Le plus triste, c'est que le cadeau de St-Valentin que mon amoureux m'offrait, c'était un souper concocté par lui de A à Z. Comme ma mère me l'a dit, ce n'est que partie remise.

Je quitte Ad. arrivé à bon port, au bureau de son médecin. Je lui ai recommandé de demander un billet pour l'école et d'appeler son père. Hmm-hmm. Soigne-toi cher ami. It was very kind of you. Il est poli comme un ange.

Je rebrousse chemin et, après une commission-St-Valentin-cerise-sur-le-sundae pour mon amoureux, j'aboutis chez Tau. Mon énergie va pas mal, mais je sais que le jeûne élime mon acuité. Depuis ce matin, je constate que mes gestes ne sont pas toujours aussi précis que je les veux et que mon esprit entremêle des informations. Par exemple, je fais le tour du supermarché bio, je passe à la caisse, je sors, seulement pour réaliser que la raison qui m'a amenée là, le médicament, m'a complètement échappée. Alors, je rentre à nouveau pour mettre la main sur les gobelets de soya fermenté au goût de mangue. C'est pour ça aussi que je ne suis pas au travail, là où mon cerveau doit rouler à cent milles à l'heure.

Rendue à l'arrêt d'autobus, je rentre dans l'abri pour déposer mon sac de victuailles plutôt lourd. À l'intérieur, l'homme me demande si je veux m'asseoir, si oui, il prendra son fil électrique de métal sectionné dans ses mains. Non, merci, je veux surtout asseoir mon sac. Et comme ça, il commence à me raconter que la dernière fois qu'il avait mis la main sur un fil du genre, la police l'avait interpelé parce qu'il l'avait récupéré dans un container. Monsieur vend le métal à la livre voyez-vous. Il m'explique que le cuivre des quatre fils contenus dans ce tronçon sur le banc vaut 2$ la livre tandis que l'aluminium qui le recouvre en vaut 50¢ pour le même poids. Je ne peux m'empêcher de voir Pierre Verville alias Jean-Guy Lavigueur tirer sur le plastique recouvrant les fils et les enroulant. De l'aluminium, l'homme, aux poils sous la lippe roussis par le tabac, en récupère à l'année longue, avec les canettes écrasées surtout, mais aussi avec des astuces développées avec l'expérience. Il me dit qu'entre autres, il se rend au container de l'Armée du Salut où il trouve parfois des poêlons, tous à base d'aluminium, qui ne se vendaient pas pour x ou x raison. Je le félicite de sa débrouillardise et puis, mon autobus arrive et je le salue parce que ce n'est pas le sien.

Dans l'autobus qui me ramène à la maison, un homme Noir âgé tape dans ses mains à un moment, comme ça, pour aucune raison apparente. J'imagine que sa prière vient de se terminer et que ce geste spontané la conclut gaiement. Il a un air contenté, serein, mais d'une paix joyeuse. Et puis, à un arrêt, une femme Noire descend et salue un homme Noir qui rentre et qui provoque un pouce dans les airs de la part de l'homme en face de moi. Ils se saluent en anglais. Par leur accent, je me dis qu'ils sont Jamaïcains. L'homme serein se déplace en face de son ami et ils jasent un brin, le temps de se rendre à leurs arrêts. L'homme qui était devant moi descend le premier. L'autre, descend à l'arrêt suivant, mais avant, il salue une femme qui est assise tout près. Oh la la, c'est une véritable communauté qui se déploie sous mes yeux. Des gestes de sympathie, des gestes sincères et unifiants.

En cette St-Valentin, j'ai l'impression que l'univers veut me dire à quel point mon paradis, il vaut bien toutes les Montréal du monde et que l'amour que je porte pour les humains, il est toujours bien vibrant. Je vous aime humains qui que vous soyez, où que vous soyez, je vous aime.

2.12.2008

de choses et d'autres

Bon, aujourd'hui, trois choses.

D'abord, je me suis encore blessée au-dessus de mon îlot dans la cuisine. C'est arrivé hier soir pendant que je coupais le beau corps spongieux et vert forêt d'une moitié de zucchini en rondelles. Je pensais à autre chose et puis, slich! le couteau est passé tout droit dans mon bout de pouce et mon ongle. M. n'étant pas revenu du travail, je me suis calmée en appuyant très fort sur la blessure tout en me rassurant. Je me suis rappelée, pour la deuxième fois en peu de temps, que j'étais une secouriste maintenant et qu'il me fallait faire la bonne chose. Appuyer, bonne affaire. Stopper l'hémorragie en couvrant la blessure d'une gaze propre tout en maintenant la pression. Lever le membre si possible pour réduire le saignement. Et vivre avec la cicatrice le temps qu'il faut.

Ensuite, en feuilletant la dernière édition du Voir, je suis tombée sur un cadeau du ciel, noir sur blanc. Imaginez-vous donc que la cinéphile en moi jouit de savoir qu'une succursale de Phos se trouve à proximité de chez elle. En effet, ce vidéoclub de répertoire desservant, entre autres, les étudiants du département cinéma à l'Université de Montréal avec son pignon sur rue Côte-des-Neiges a un petit jumeau en plein coeur de St-Lambert. Oh la, la, le paradis est de plus en plus beau. Si une telle chose est possible.

Enfin, je connais, depuis peu, le nom de cet homme handicapé qui prend parfois l'autobus en même temps que moi le soir. Quand je me suis installée sur la banquette cet après-midi, il était en conversation avec un autre "régulier" qui descend au même arrêt que moi et que je m'empresse de dépasser en sortant pour ne pas avoir à inhaler la fumée de la cigarette qu'il allume toujours une fois sorti de l'autobus, beau temps, mauvais temps. Bref, je m'installe et l'homme lève les yeux sur moi. Il y a longtemps que nous nous sommes parlés. En fait, ça remonte au jour de l'Halloween quand il m'a montré une photographie de lui tout petit au visage barbouillé en brun parce qu'il était déguisé en joueur de football et que c'est bien connu que les Afro-Américains sont des pros du sport. Poursuivons. Alors ce soir, il me dit, avec raison, que ça fait longtemps que nous nous sommes vus. En effet. Je lui demande où est son livre parce qu'il en traîne toujours un. Il le sort. Monsieur lit le bouquin écrit par le papa de Patrick Roy retraçant le parcours de fiston. Il me demande ce que je lis. Eh bien, aujourd'hui, j'ai réussi à mettre la main sur Ensemble, c'est tout d'Anna Gavalda, bien que j'étais allée à la Grande Bibliothèque avec pour dessein de repartir avec une biographie de la photographe Diane Arbus parce que j'ai vu le film Fur cette semaine et qu'elle me semble fascinante cette femme. Il me demande si j'ai vu le film. Non. Et il paraît que plusieurs passages ont été tronqués pour l'adaptation à l'écran. Normal. Alors je lis le bouquin. Je dis à l'homme, dont j'ignore encore le nom à ce moment, que j'avais besoin d'une bonne brique. Cela étant dit, nous plongeons dans nos bouquins respectifs en préparation de la durée du voyage. Mais voilà, je sens qu'il veut me dire autre chose. Alors je lève les yeux et comme de fait, il me dit qu'il veut me montrer quelque chose. De son sac, il tire une enveloppe qu'il me tend. Sur l'enveloppe, son nom. Mais je ne réalise pas tout de suite que c'est le sien. À l'intérieur, il y a une carte imprimée d'un mot convenu du genre bonjour à vous et blablabla signée par le président de la République française, j'ai nommé M. Nicolas Sarkozy en personne. Je lève les yeux sur cet homme qui adule les grands hommes, les hommes de pouvoir, les présidents tout particulièrement, les gagnants très certainement. Je le félicite. Quelle audace, quelle beau trésor. Il jubile. Il appelle Sarko "mon ami". Il le mérite bien. Tu le mérites bien M. JPC.

2.10.2008

interaction interpersonnelle

Hier, nous avons passé plusieurs heures à l'extérieur, à courir en bottes d'un bout à l'autre d'une patinoire raboteuse, dans un parc immense du quartier Pointe St-Charles. Nous étions réunis là pour le trentième anniversaire de Ps., notre ancien voisin. Monsieur adore le hockey voyez-vous alors pour se célébrer il s'est dit quoi de mieux que de jouer avec mes proches une partie improvisée? Et, comme cela, nous nous sommes dirigés vers l'ovale de glace, bâtons à l'épaule, pantalons de neige pour certains, caisses de bières au poing pour d'autres.

Là, tous les calibres se sont confondus dans une première partie affrontant deux équipes établies par la pile de bâtons départie en deux autres piles de nombre égal à gauche et à droite. Tradition de ruelle. Parmi les joueurs, l'âge variait de 3 à 68 ans, de Jl., filleul de Ps. et fils de Pr., son cousin, à F., notre autre ancien voisin. Après plus de quinze minutes de courses ping pong d'un but à l'autre, F. s'est fait plaqué par un participant qui n'a pas réalisé l'âge vulnérable de ce joueur coiffé de sa toque de fourrure. La chute fût brutale, mais c'est surtout le coup de bâton sur le tibia qui n'a pas fait du bien. Une prune bleue verte a poussé en quelques minutes avec en son centre une hémorragie sous-cutanée. F. a eu le bon réflexe de mettre du froid sur la blessure en compactant un peu de neige en boule. J'ai emprunté un cellulaire pour contacter Info-Santé, juste pour faire sûr. L'infirmière a confirmé que le froid, c'était la meilleure chose à faire, combiné à l'élévation du membre, ce que j'avais déjà recommandé à l'éclopé. Ma formation de secouriste m'engage à m'assurer de faire de mon mieux lors d'incidents de la sorte. Disons que ça, additionné à mon côté maternel, ça me rend un peu gaga. Passons.

Les vrais de vrais ont joué pour une autre heure et demie. Quelques fois, lorsque les poumons brûlaient, des pauses s'imposaient et les joueurs en profitaient pour faire le plein d'énergie en sirotant une bonne bière appuyé sur la bande. Tout cet après-midi-là aurait pu prendre place à n'importe quelle époque du 20e siècle. Rituel culturel.





À la toute fin, à la tombée du jour, nous n'étions plus qu'une dizaine et nous avons eu une brève discussion à propos de l'euthanasie. Je crois que c'est de parler de F., de ses 68 ans bien portés, qui nous mené à parler de la vieillesse puis de la mort, de la nôtre qui viendrait éventuellement malgré le développement des technologies qui fait déjà tout pour la repousser, comme si on pouvait empêcher le cours naturel des choses. Après nous être entendus sur le fait que nous allions devoir aborder ce débat social le plus tôt possible compte tenu de la population vieillissante, nous avons nettoyé notre passage en ramassant les bâtons, les bouteilles, les sacs de platisque. Ni vu ni connu.

Arrivés à la maison, les enfants de 9 mois à 11 ans étaient accompagnés de leur parenté. F., qui était rentré avec un groupe plus tôt, s'était entretenu de la Barbade avec la tante de Ps. venue chercher ses petits-enfants pour la soirée. M. et Sm., notre autre ancien voisin, sont partis chercher du vin pendant que F. et moi avons discuté tranquillement de Pr., son amoureuse dont la mémoire flanche de plus en plus souvent, de façon inquiétante. F. se préoccupe d'elle avec tout l'amour qu'il peut et laissez-moi vous dire que c'est beaucoup.

Après quelques tranches de pizza végé englouties, j'ai parlé bébés avec An. et MP, respectivement amie et soeur de Ps. An. m'a montré les couches lavables que sa petite poupée de porcelaine porte et MP nous a expliqué comment elle a dû se faire provoquer lors de ses deux accouchements. L'autre soeur de Ps., AM portait un t-shirt de chez Belle et Rebelle, une boutique située sur la rue St-Hubert où sont vendus des vêtements équitables, de tissus biologiques ou de designers Québécois. Elle m'a expliqué qu'elle adore cette boutique, que j'ai visitée à deux reprises seulement, et qu'elle porte souvent des vêtements dénichés là-bas. Elle en fait souvent la promotion. Je lui dis qu'il faut des gens comme elle pour influencer positivement les autres dans leurs choix. Action, réaction. Pendant ces brèves conversations disparates et d'autres, le téléviseur était allumé pour permettre aux intéressés de poursuivre la journée hockey en regardant le match opposant les Habs aux Sénateurs qui n'en ont fait qu'une bouchée.

M. et moi avons quitté avec F. qui voulait rentrer tôt. Dans la voiture, il nous expliqua que pour lui, les bébés, la télé, les réunions familiales, c'était épuisant bien qu'il était heureux de l'invitation de Ps. et J., son amoureuse. Nous sommes montés à son appartement prendre un verre avant de reprendre la route direction le paradis. C'est moi qui aie conduit Jasmine la Fit à bon port. M. et moi nous sommes endormis collés, épuisés d'une belle fatigue.

Socialiser autour de bonnes valeurs, ça recharge les batteries et ça hausse d'un cran l'espoir en la race humaine. Rien de moins.

2.08.2008

socrate, ma mère et une graine

Quand je regarde un film, un documentaire ou une entrevue, que je lis un livre ou un article, que je parle avec quelqu'un, j'absorbe. Je deviens l'éponge curieuse de tout, ouverte à ces nouvelles données qui m'aideront à poursuivre dans la voie intarissable de la stimulation. Je me nourris. Je nourris mon sixième sens. Celui qui me distingue des autres espèces vivantes. Celui de la conscience. Ni meilleure ni pire, espèce distincte pareille à toutes les autres espèces distinctes en elles-mêmes. La conscience donc. Cet espace où les mots, les pensées, les souvenirs, les peurs par quelques-uns de ces souvenirs ou présomptions induites par éducation, les désirs plantés là par nature et que sais-je encore, tous ces constituants qui poussent l'individu à être. Tout simplement, sois.

Que suis-je donc? Ma mère hier me lance, en pleine conversation téléphonique, une de ses expressions dont elle est la détentrice particulière. Ma mère à la conscience bourrée de ses expressions colorées. Elle me dit même que celle-là s'élève au rang d'axiome. Une maxime donc, une "vérité indémontrable mais évidente pour quiconque en comprend le sens et considérée comme universelle" selon le Petit Robert. Axiome donc stipulant que "de parrain, marraine, on retire toujours une graine" ou que "de marraine, parrain, on retire toujours un grain". Amusant. De mes trente ans en tant que fille de cette femme à la tête garante de ces bijoux, je ne l'ai jamais entendu prononcé ces mots. Fascinant.

Je suis donc, entre autres, filleul de mes grands-parents paternels qui vivent encore sur le bord de l'Outaouais, en retrait d'un village grand comme un bled. Qui vieillissent. Et que je n'ai pas vu depuis environ cinq ans et qu'avant je n'avais pas vu depuis environ quatorze ans, quand la mort qui sépare les gens nous a visités, tous. Les désirs malsains de certaines consciences se sont exprimés. L'argent. Le veau d'or. Quand mon père est mort, nous avons dû enterrer toute sa famille avec lui pour demeurer unies et indemnes face à ces désirs malsains de certaines consciences qui s'étaient exprimés. Deuil d'un père, deuil d'une identité.

Je suis donc deuils. Mais je demeure la filleul de mes grands-parents paternels qui vivent encore sur le bord de l'Outaouais, en retrait d'un village grand comme un bled. Et je vieillis aussi. Pour réaliser, seulement après avoir entendu cet axiome fascinant sorti tout droit de la tête préservatrice de ma mère, que je porte bel et bien en moi une graine de ma marraine, cette vieille personne qui est la mère de mon père qui n'est plus. Cette femme perdue au milieu de nulle part, d'une génération aux mains tourneuses de terre, ayant portée une dizaine d'enfants qu'elle a nourris, protégés et éduqués au mieux de ses connaissances, cette femme, elle aime les mots. Elle écrit. Elle a participé à des dictées et remporté des prix. Elle aime les mots cette femme qui est ma marraine dont je porte la graine. Toutes les deux franco-ontariennes à parler cette langue française différente, mais à l'aimer. Parce que c'est une langue belle avec des mots superbes.

Alors voilà, parfois des brèches s'ouvrent sur la ligne du temps et un éclair s'infiltre dans cette conscience de l'individu pour venir insuffler, tel un défibrillateur, une impulsion qui secouera tous les autres éléments compartimentés. Peut-être alors peut-il y avoir naissance dans l'action par voie de prise de conscience. Prendre conscience. Prendre par la conscience. Prendre le quotient par les cornes et l'apprivoiser pour ne pas qu'il abandonne sa fougue, mais plutôt pour qu'il devienne un outil de connaissance de soi. Connais-toi toi-même. Tout le reste suivra.

2.06.2008

surfer le cycle

Le mois de février a déjà été mon mois le plus difficile de l'année. Pour cause de froid intense bien sûr, de manque de soleil, de batteries à plat. Petit mois des grands creux. Je me souviens, autour de mes vingt ans, avoir beaucoup dormi pendant ces jours longs et pénibles, tellement qu'au milieu de mon futon, il y avait une empreinte permanente de mon corps en boule. La fuite dans le sommeil, gruger des heures en sieste. Dépression passagère.

Mais depuis quelques années, le mois n'est plus ce bloc terrible que j'appréhendais il y a dix ans. Je le prends une journée à la fois, je savoure ce qu'il a à m'offrir. Le végétal en moi sait que c'est un temps de conservation, qu'il me faut préserver le peu d'énergie laissée là par les mois doux et lumineux. Statu quo. Nul besoin de broyer du noir puisque ce serait bien maladroit de ma part. Si je veux permettre à mes racines de s'étirer avec de bons réflexes dès la venue du beau temps, il est impérial d'accueillir février sans diminuer mes réserves en pestant contre lui. Maintenir mon humeur donc en suivant le courant du mince filet d'eau qui glisse tant bien que mal entre les lèvres de la terre gelée et enfouie pour qu'au moment de la crue, je puisse profiter de toute la puissance des premières poussées du printemps qui fond l'hiver. Ainsi, j'arriverai à l'océan bien avant ceux et celles qui auront tardé à profiter de chaque moment, de chaque instant, de chaque manifestation de la nature. Je suis une chose de cette nature. À moi de le prouver en l'acceptant.

2.04.2008

le feu, le coeur, l'abri, le nid

Quelque chose brasse là-haut, c'est certain. Maman veut se trouver une maison sur une terre à bois parce qu'elle repense sérieusement à faire de l'équitation. Sa retraite approchant à grands pas, elle s'imagine marcher des heures durant sur un bout du monde qui lui appartient, où elle aura la sainte paix, où son chien pourra s'épivarder sans crainte de représailles d'un voisin. Une grande terre de 120 arpents sur laquelle une maison ancestrale rénovée s'y trouve, en plus d'un ruisseau et d'un boisé, vient de lui échapper. Dans sa voix il y a quelques minutes, la déception poignait. Je lui dis qu'au moins cette opportunité passée a confirmé quelque chose dont elle se doutait depuis plus d'un an. Maintenant, si elle tend vers cette terre désirée, elle la trouvera. Elle a ce pouvoir de concrétiser.

Et puis, il y a ma soeur B., avec qui je viens tout juste de parler avant ma mère, moi commençant mon lundi, elle le terminant. Elle me dit qu'elle a vu une maison à vendre affichée sur l'internet. Même s'ils ne reviennent que dans un an ou deux, elle cherche une propriété dans l'agglomération montréalaise. Cette maison, elle est située à une rue de là où nous avons passé nos années adolescentes. Pendant que nous parlons, je me rend sur MLS pour voir quelques photos de l'endroit. Elle dit que ce serait parfait pour leur famille, en plus d'être tout prêt du onzième et du métro. Ils pourraient même y demeurer cet été pendant les deux mois où ils viennent nous visiter.

B. a tout le temps adorer éplucher les fiches descriptives de maisons à vendre. Avant l'internet, c'était devant le poste télé consacré à la vente de propriétés et de biens matériels qu'elle s'assoyait pour les regarder défiler les unes après les autres. Elles les comparaient, les étudiaient. Pendant que nous habitions ensemble dans le dernier appartement que nous avons partagé elle et moi, j'ai même fait un travail universitaire sur cette habitude qu'elle avait dans un cours où nous devions observer le déplacement du religieux. J'ai consacré une de mes observations à ma soeur et ses maisons parce que c'était tout à fait approprié de le faire.

En effet, tout phénomène religieux est constitué des trois R: rites (ex: sacrements, pujas), récits fondateurs (ex: la Genèse, le Coran, les Upanishad), représentations (ex: la croix, Shiva au trident, le Bouddha en lotus). Dans notre société ayant évacué la religion catholique, il y a eu déplacement parce que cette dimension de la nature humaine ne peut être tronquée du fait qu'elle y est intrinsèque. L'étymologie du mot religion remonterait religare, ce qui veut dire, tout simplement, relier. Relier à nous-mêmes, relier aux autres, relier au monde dans lequel nous vivons. Pour qu'il y ait un sens. Pour que l'esprit intelligible se déploie de façon équilibrée.

Alors pour revenir à ma soeur et ses maisons, son rite consistait à s'intaller devant le moniteur et à détailler chaque propriété. Son récit fondateur, c'est le discours qu'elle attachait à ce rêve d'avoir une maison: sécurité, famille, longévité du noyau. Les représentations, c'étaient les maisons elles-mêmes, qu'elle finissait par connaître par coeur tellement elle les regardait souvent. Bien sûr, c'aurait pu être aussi ce fameux dessin que tous les enfants exécutent à un moment ou à un autre, celui avec la maison, le soleil, les nuages et la famille, papa, maman, soeurette, frèrot. Ce dessin que les psychologues étudient lorsque l'enfant a des problèmes de comportement, qu'il est renfermé ou colérique par exemple. Ma soeur B., elle voulait une maison, elle voulait un mari, des enfants. Sa famille dans un lieu idéal pour tout l'amour qu'elle avait à offrir. Qui dit que les rêves ne sont pas réalisables?

2.02.2008

Punxsutawney Phil ou Shubenacadie Sam

Parce que la vie est ainsi faite, je me retrouve, hier soir, dans un lieu que j'ai beaucoup fréquenté à une autre époque de ma courte existence. Le Café Campus. Nous nous sommes rendus là, M. et moi, sous un mélange de pluie glacée et de billes microscopiques qui pincaient parce qu'en ce vendredi soir, Radio Radio, le groupe de rap acadien mentionné l'autre jour, performait au Petit Campus. Nous l'avions appris grâce à leur page myspace. Décidément, nous l'aurions leur galette après tout.

Alors attablés au deuxième palier avec nos blondes importées, M. et moi discutons des lieux. Il n'est pas venu ici souvent, trois ou quatre fois, tout au plus. De mon côté, je me revois partout lorsque je balaie du regard la salle vide qui se remplit peu à peu d'étudiants du cégep. Je me revois sur la piste de danse vêtue de mes corduroys verts que j'ai tant aimés, je me revois en train de fumer une cigarette - moi qui ne fume pas, mais pas du tout - parce que j'ai un bu un verre de trop, je me revois au balcon, enlacée de Tr. mon premier amoureux qui vient de m'annoncer qu'il veut que nous reprenions notre relation après m'avoir laissée à ma première peine d'amour il y a quelques mois. Je repense aussi à ce videur sur qui j'avais jeté mon dévolu lorsque j'avais dix-huit ans et que j'habitais seule. Après plusieurs semaines à flirter avec lui, je l'avais invité à venir chez moi goûter mon pain doré - lire ici: le lendemain matin de notre nuit ensemble. Il n'y a jamais goûté. Dommage.

Dix minutes avant l'ouverture des portes, nous descendons pour réaliser que nous avions mal lu les informations concernant le déroulement de la soirée: le spectacle ne commence pas à 22 h, mais bien à 23 h 30. Finalement, nous aurions eu le temps d'aller prendre un verre chez Sr., qui nous avait invités. Mais bon, pas de mal, nous sommes ici, autant en profiter. La porte ouvre enfin et devinez quoi, je me fais carter. Je lui demande si c'est une blague, je lui montre presque mes pattes d'oies qui apparaissent quand je souris. Rien à faire. Tout de suite après, nous arrivons au petit comptoir du vestiaire et là, c'est un des bouncers que j'ai un peu connu à l'époque où j'étais une habituée. Il me replace et il me dit que la vie l'a ramené ici après qu'il soit parti quelques années. Son regard est chargé d'amerture. Pour le consoler d'une tristesse que je perçois, je lui dis que la vie passe vite et lentement à la fois. Petit rire mélancolique.

Nous y voilà enfin, à ce moment où nous parviendrons à mettre la main sur leur mini-album. Les lieux ont complètement changé. Maintenant, le Petit Campus a perdu son côté ringard pour offrir à présent un bel espace de performance. Quand je vais chercher nos pintes de blanche au bar, je demande à la serveuse si elle sait si les artistes vendent leur album. Sait pas. Quand j'amène nos broues au comptoir où nous sommes installés, M. va demander au préposé à l'entrée si l'album de Radio Radio est disponible pour achat. Sait pas. Alors, lorsque nous voyons les MC sortir de derrière un rideau lourd dans le coin opposé à nous, je me dirige vers eux pour leur demander directement. C'est à Tymo que je m'adresse enfin. Déconcerté, il cherche le nom du seul endroit qui vende leur bébé en ville. Une jolie blonde aux traits délicats, son amoureuse, cherche fort elle aussi pour se souvenir, mais ni l'un ni l'autre ni parvient alors Tymo disparaît derrière le rideau en me demandant de l'attendre un instant. Pendant ce temps, la blonde me dit que s'il n'en trouve pas, elle ira au "truck" en débusquer une copie. L'accent. Quel bel accent chantant qu'elle a. Tout comme son amie, l'autre femme assise à ses côtés, qui me dit avec naturel que s'ils n'en trouvent toujours pas après ça, je pourrai prendre ses coordonnées et venir en chercher un chez elle, carrément. Mais Tymo réapparaît avec le seul exemplaire qu'ils ont avec eux. Je lui paie l'objet rarissime en les remerciant tous et je repars le glisser dans mon sac. Mission accomplie.

Pour réchauffer la salle, des DJ enchaînent les platines aux rythmes hip hop, électro, dance hall. Un groupe de jeunes filles se déhanchent sur la piste, verres à la main. À un moment, je ne tiens plus en place et je me lève pour danser. Il y a des mois que je n'ai pas été traversée par les sons immenses des aïgus et des basses projetés par un système puissant. J'ondule, je dissèque, je traduis, je deviens la musique, j'adore. Je m'amuse. Danser égale plaisir pur. Danser égale détente, abandon.

Plus d'une heure plus tard, le groupe s'installe sur la scène. Ils déplacent définitivement de l'air et la foule, en grande partie composée d'acadiens du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Écosse, réagit au quart de tour à leur flow contagieux. Sur le côté de la scène, j'aperçois la blonde de plus tôt qui est debout et je réalise qu'elle est enceinte. Un petit bébé du beat. Les tracks sont livrés avec une énergie saine et une bonhomie attachante. Après que la salle ait sauté sur Tymer, nous prenons la porte de sortie. Il ne faut pas manquer le dernier métro. Que nous manquons.

Jasmine la Fit est restée sagement stationnée au paradis pour cause de conditions de route merdiques. Ainsi, nous nous retrouvons dans un taxi, à partir du coin Ontario et Papineau, dont les essuies-glace ne fonctionnent pas. Pourquoi avoir risqué nos vies après une si belle soirée? A - Le taximan semble confiant que tout ira bien. Il utilise le defrost pour faire coulisser la glace sur son pare-brise. B - Nous sommes trop "gentils" comme l'a dit M. ce matin après que nous en ayons reparlé.

C'est ainsi que nous sommes rentrés, à 40 km à l'heure, sous une météo aux éléments déchaînés, tous les trois hyper concentrés sur chaque centimètre franchi. Arrivés sur Cousineau, le taximan, qui devait retourner chez lui, à Pierrefonds, m'a répondu, quand je lui ai dis de faire très attetion à lui en rebroussant chemin, que ça fait 31 ans que je fais ça vous savez et j'en ai connu des pires. Je lui recommande quand même de synthoniser un bon poste radio pour lui tenir compagnie.

M. et moi marchons pendant cinquante minutes dans la nuit froide de notre St-Hubert sillonée par des tracteurs-souffleurs au boulot dans les entrées des maisons où sont plantées les piquets indiquant qu'ils sont obligés, par contrat, de nettoyer toute accumulation de neige. Nos cuisses se rigidifient, nos pas réguliers nous poussent dans un état méditatif. Ce soir, nous sortions. De notre hibernation.