orphelins de l'Éden

2.28.2009

deux

Dernier jour de ce mois plus court que les autres. Samedi. Levée tôt, je me suis remise au lit lorsque mon amoureux m'a si gentiment invitée à venir m'étendre dans le jet de lumière baignant tout le vaisseau déplacé en angle pour l'occasion. Viens qu'il m'a sommé. Et quand j'ai fait la remarque qu'il faudrait faire du lavage aujourd'hui, malgré que j'étais étendue dans le creux de son bras et silencieuse de son silence depuis au moins une minute et demie, il m'a encore sommé ceci: détends-toi, veux-tu?

Si M. aime autant Nougat le gros chat, c'est qu'il a des gènes félins dans lui. Monsieur est capable de se satisfaire de peu. Plus encore, il doit être satisfait par peu, sinon, il rechigne. Son peu à lui, c'est le repos, dans son nid, à regarder les heures filées, exemptes d'obligation. On pourrait dire qu'il est de type flegmatique. D'ailleurs, vers 9 h ce matin, quand au bout du téléphone maman nous a invités à venir profiter du lac bien gelé pour patiner aujourd'hui, histoire aussi de se voir un peu, et que je lui ai suggéré à ce pantouflard aux yeux fripés, il m'a dit qu'il n'avait pas été préparé mentalement pour l'exécution de ce plan. Il est comme ça, il faut le travailler pour le motiver.

Mais aussi et surtout, il avait son propre plan en tête et quand il m'a enjoint de l'accompagner dans son bain de soleil, j'ai compris, peu à peu, qu'il y avait un foutu long moment que nous n'avions eu une parenthèse d'intimité. Mon corps près du sien s'est laissé honorer par cette sensualité exquise et notre séance de rapprochement - mot clin d'oeil à Occupation Double - fut un nouveau coup de maître. Monsieur a ce don de me dénouer le chakra vermeille et l'effet Kundalinî ne s'en trouve que plus réussi.

Intimité, il y avait longtemps parce que dans ce mois si court, il y a eu une semaine de séparation physique, suivie d'une de quarts de soir, suivie celle-là par une de fatigue et de tristesse, suivie encore par un week-end au travail pour moi, suivi par cette semaine qui vient de se terminer où j'étais réglée. Foutu long moment donc.

Je ne parle pour ainsi dire jamais de notre vie sexuelle ici. Il y a eu cette fois où j'ai mentionné notre ébat sur le divan, cette fois où M. et moi nous faisions l'amour pour la première fois sans moyen de contraception, cette fois où au moment de sa jouissance il avait lancé: "Ça c'est Br., notre fils", cette fois où, à la suite de ma confidence de l'événement dans le dit message, mon beau-frère à Hong-Kong avait désapprouvé à sa manière mon choix de partager cet événement avec vous. Too much information. Yes, too much information everywhere, I agree. Trop de sondage sur le sexe, trop d'articles portant sur la question, trop d'importance malsaine accordé au sujet des parties de jambes en l'air. Mais que voulez-vous, faire l'amour, c'est comme manger, c'est un besoin essentiel qui doit être comblé pour l'équilibre global. Un peu de chaleur humaine comme le dirait ma mère.

Un couple, c'est une union, une fusion des coeurs, un mélange des quotidiens, une mixtion des rêves, une transfusion des passés, une alliance des futurs. La communication devient le multiplex de l'intuition, de la chimie, de la confiance. M. est mon partenaire de vie, celui qui m'accompagne depuis plus de cinq ans, celui qui a tenu bon face à tellement de mes tempêtes, celui qui a grandi spirituellement sous mes yeux, nos doigts entremêlés, entremêlés comme aujourd'hui, dans notre intimité. Et tiens, parce que nous sommes en mode secrets d'alcôve, sachez que notre intimité, c'est aussi cette prière spontanée que nous formulons chacun notre tour une fois que nous éteignons la lumière à notre coucher et que nos têtes s'enfoncent dans nos oreillers. Seigneur, nous voulons un enfant, nous sommes prêts, nous l'aimons déjà tellement. Parce qu'il paraît qu'il faut formuler clairement nos souhaits les plus chers. Univers, entends-moi, cet homme, continue de m'éblouir par lui. Merci.

2.26.2009

postface

Parfois, mes journées sont trop difficiles à mettre en mots. C'est rare remarquez ces moments de pudeur. Parce que c'est de ça qu'il était question. Une pudeur de soeur qui a blessé sa soeur par déception.

Alors, mon cerveau a cherché et étrangement, il a fait remonter à la surface ce texte bizarroïde que vous avez parcouru avec un sentiment de ne pas trop savoir quoi en penser peut-être. Mais voilà, je me dis que s'il est venu s'imposer quand mon esprit triait mes options pour combler l'espace que je devais remplir hier, c'est qu'il y a sans doute une raison. Encore mystérieuse, mais une raison très certainement.

Peu importe laquelle, je vais vous expliquer d'où il me vient ce drôle de récit que vous avez dû digérer. Il remonte à l'époque de mes études en Lettres au cégep. Dans le cursus, il y avait un cours de création littéraire, autrement dit une case de la grille horaire où l'on devait pondre des textes et les livrer au regard des autres participants. D'ailleurs, sur la copie que j'ai déterrée du ventre d'un immense Tupperware pilé parmi d'autres de son espèce, il y avait les commentaires d'une étudiante-participante qui l'avait lu et manifestement apprécié. D'ailleurs, ce sont ceux-ci qui contenaient le mot "cosmogonie", que j'ai gentiment emprunté pour le transformer en titre, et aussi le mot qui s'est transformé en titre pour le message d'aujourd'hui parce qu'à mon texte d'origine, j'avais joins un court paragraphe explicatif à la fin du texte, paragraphe, postface donc, que l'étudiante avait trouvé superflu. Ah époque d'effervescence.

En le retranscrivant, j'ai modifié certains passages et tronqué d'autres en entier. J'ai fait ce que je ne fais jamais: j'ai manipulé mes écrits. Habituellement, j'évite de changer mes textes passés. Mais que dis-je, je n'ai pour ainsi dire jamais à le faire - c'est-à-dire les retravailler - parce que je vais toujours de l'avant dans ma création et que, puisque je n'ai jamais été publié, je n'ai pas eu à m'exercer. Peut-être que c'est pour ça que mon esprit a fait ressurgir ce texte. Pour me faire faire l'exercice. Pour que j'accepte d'actualiser mes écrits, moi qui a plutôt tendance à croire à la magie de chaque texte, porteur d'un moment particulier, traduit par une moi en constante évolution.

Encore mystérieuse, mais une raison très certainement.

2.25.2009

cosmogonie

Pour Rc., qui est mort cliniquement dix minutes, qui est revenu.

L'Homme se lève doucement. Il déplie son corps long et fort. Il défie la gravité. Sa montagne l'attendra.
Debout sur ses pattes de bête intelligente, il ne regarde pas vers ce confort qu'il a quitté, cette pierre lourde comme des milliers de pas incalculés sur les chairs du temps. L'Homme est géant. Sa Mère l'appelle.
Il voit dans les arbres les feuillages qui dansent. Des présages de beau temps ou d'orage. L'Homme peut continuer sans pain ni vin. Au passage, il cueille l'or d'ananas à l'écorce féroce.
L'Homme est fatigué. Il se souvient de ses rêves sur le sommet de sa montagne, tête roulée dans son cou. Il s'étend sur le sable du désert, s'endort pendant trois songes et s'éveille pour creuser un cercueil en terre tapée de chaleur conservée.
L'Homme ne faisait que se reposer. Il décide de suivre l'ombre du soleil. Des voyageurs le croisent sans le reconnaître, mais parmi eux, un enfant hurle. L'Homme lui demande pourquoi il crie. Il lui répond qu'ils sont tous aveugles et sourds aussi, coupés de leurs voix intérieures, celles de leurs pensées tendres, celles de leurs condamnations infâmes.
L'enfant a les cheveux argentés. L'Homme devient le père de la jeune ardeur. Avec lui, il choisit les fleurs, le bouquet pour la Mère. Ils marchent loin des consciences éteintes et renaissent près des cavernes de la reconnaissance. Ils lancent leurs voix sur les parois de ces maisons de pierre creuse. Ils appellent la Mère.
Elle se lève doucement. L'eau glisse sur sa peau, de son nombril vers Vénus qui brille comme l'étoile. Elle avance vers son enfant et cherche l'Homme. Elle sait qu'il est comme elle a voulu qu'il lui revienne, comme elle a voulu qu'il se déchire de sa montagne pour savoir qu'il peut se souder à elle.
La Mère est debout dans l'eau. Ses pieds sont des cailloux engloutis sous les cascades. L'Homme la voit et avance à son tour. Elle embrasse ce visage autre et le sien disparaît tout aussitôt, éloigné de ce chaste baiser. L'écorce couvre ses yeux, ses joues. Elle entend l'organe fibreuse se répandre sur l'étendue de ses courbes. Ses cheveux poussent en feuilles. Ses bras allongent en branches. Ses pieds creusent en racines. La Mère retourne à la Terre. Elle le savait. Elle le voulait.
L'Homme essuie ses lèvres et tend sa main vers l'enfant qui attrape le pouce et le porte à sa bouche de peur de devenir à jamais un être de transformation éternelle.
L'Homme et l'enfant s'endorment dans une caverne. Une chauve-souris s'envole boire la taverne afin d'oublier que les histoires germent et fuient, que les montagnes et les arbres témoignent de la vie et que les hommes sont des femmes aussi. Paroles de bestiole de minuit.

2.23.2009

en attendant le retour du troc

La tuque hibou, je la porte depuis mon retour de là où j'étais début février. Monsieur mon amoureux me l'a tendue dès notre retour au paradis en m'exprimant sa déception d'en avoir vu d'autres de ces coiffes animales - mais aucune comme la sienne, précisons-le -, alors voilà, elle a perdu de son originalité et il s'en est lassé. Je suis donc celle qui égaie les passants à présent. Et laissez-moi vous dire que des sourires gratuits et sincères, j'en récolte à tous les jours. Ils apparaissent sur des visages jeunes et vieux, de manière totalement aléatoire. Hier, j'ai bien failli ne pas comprendre ce qui avait éveillé l'émerveillement sur le faciès de cette chicklette de Westmount tellement ça m'a pris au dépourvu. Parce que moi, je l'oublie ce hibou posé sur ma tête. Et je n'ai pas l'habitude d'attirer l'attention dans les rues.

Hier, en marchant, la neige collait à mes semelles et les rues pentues étaient plus lentes à mettre derrière moi. Mais comme il faisait bon de déambuler dans ce décor enseveli sous les cristaux échappés des cieux. Février, encore. En plein coeur de l'hiver. Cette saison engourdissante qui ralentit les respirations du coeur et de l'esprit. Il faut faire la paix avec elle ou sinon, s'exiler sur une île équatoriale pour ne plus jamais pouvoir rouspéter. Basta.

Et puis hier soir, après la soupe aux lentilles corails et les croûtons à l'huile de sésame infusée par du thym frais, je me suis installée devant l'écran pour naviguer le Net un brin. En lisant le billet d'une collègue qui blogue tout comme moi, je n'ai pu m'empêcher de me sentir visée. Le sujet: les collègues insatisfaits qui chialent, mais qui ont trop peur de quitter leur confort matériel pour se lancer vers un futur autre. Moi vous savez, mon orgueuil lorsqu'il est piqué, il ne s'arrête pas à l'étape de pester sans agir. Je suis plutôt du genre à réfléchir sur le pourquoi ça me touche une corde sensible, sur le comment je peux changer quelque chose dans moi pour ne plus jamais me sentir pointée par une affirmation semblable et donc vulnérable au jugement d'autrui parce que non outillée pour répliquer sagement, sur quelle action peut améliorer l'être que je suis en devenant l'incarnation de mes valeurs, si amélioration il y a à atteindre. J'ai des poches pleines d'exemples dans le grenier de ma conscience de ces bonds orgueilleux. Comme la fois où en parlant avec un ami lors d'une promenade dans Hochelaga, il fut surpris d'apprendre que j'étais une cliente de la Banque Royale plutôt que membre de la Caisse Desjardins. Cette conversation m'a touchée et m'a fait réfléchir, puis agir lorsqu'un jour est venu m'offrir l'opportunité de bien faire les choses dans le sens de mes valeurs. Ou encore lorsqu'au début de mon végétarisme, les gens à qui j'apprenais mon nouveau choix de vie me lançaient des pointes à propos du manque de protéines à ingérer typique selon eux d'un tel régime. Je me suis relevée les manches et j'ai lu bouquin sur bouquin pour comprendre cet aspect de ma diète. Ce faisant, j'ai récolté une foule d'autres informations qui m'ont permis de désamorcer en un clin d'oeil tous ces répondeurs à la gâchette automatique. Parce que beaucoup d'idées préconçues circulent sur une pelletée de sujets dans notre société aux informations conformistes et remâchées et malheureusement, le réflexe malsain de toujours vouloir avoir raison ou toujours vouloir dire quelque chose de supposément intelligent pendant une conversation coupe souvent le flot constructif que pourrait avoir l'échange réellement ouvert. Maudite manie à vouloir épater la galerie.

Tout ça pour dire que lorsque j'ai lu ce billet, je ne me suis pas sentie piquée dans mon orgueil. Mais ça m'a fait repenser à nouveau à ce tabou qu'est l'argent dans notre société. Oui, j'ai grandi dans une famille au revenu plus que modeste. Ma mère nous raconte parfois comment elle devait aller couper du bois avec son ventre rond de neuvième mois de grossesse pour chauffer au poêle la maison décrépite et puiser l'eau. Mon père et elle étaient très jeunes lorsqu'ils se sont mariés parce qu'ils avaient engendré ma soeur aînée. Nous avons grandi dans un foyer où il y a toujours eu de la nourriture sur la table, mais une nourriture peu coûteuse, en spécial très souvent. Je sais que ma mère et mon père tiraient le diable par la queue. Je sais aussi que c'est cette précarité qui a poussé ma mère à se transformer de femme au foyer à femme de carrière. Je sais que le divorce de mes parents prenait un peu racine dans ce niveau de vie flirtant constamment avec la pauvreté.

L'argent. Le mot répugne plusieurs gauchistes autant qu'il exulte les droitistes. Mais entre vous et moi, qui de nous peut prétendre vivre d'amour et d'eau fraîche. Bien sûr, il a y des êtres comme mon amie S., visitée vendredi dernier, qui arrivent à multiplier le pain, mais même elle a besoin de sous pour arriver à payer les frais du billet d'avion qu'elle prendra sans doute quelque part au mois d'avril ou de mai, pour manger d'ici là, pour payer son loyer. Pourquoi serais-je obligée de choisir entre mon désir de changer d'environnement professionnel et mon besoin de maintien de mon niveau de vie? Pourquoi ne puis-je espérer trouver une situation qui remplit mes deux voeux? L'argent ne fait pas le bonheur. Peut-être bien, mais entre vous et moi, ça aide en s'il vous plaît. Ma mère m'a toujours dit que quelqu'un qui a le ventre vide n'a pas le luxe de pouvoir philosopher. Toute son attention est attirée à ce creux qui gruge ses entrailles. Dans notre société, monsieur-madame-tout-le-monde dépasse parfois le simple nécessaire pour suivre la cadence capitaliste. Mais même pour répondre à ses besoins de base avec des valeurs de simplicité volontaire, il faut un certain pécule.

Et non, ce message n'est pas une réaction prouvant que mon orgueil a été piqué. C'est une opportunité pour moi de me positionner et pour confirmer que j'ai besoin d'argent pour continuer à vivre comme nous le faisons. Nous ne sommes ni des rois ni des dépensiers. Nous sommes seulement des humains qui aiment bien manger, selon nos valeurs, qui aiment leur paradis, qui aiment le fait de ne pas crouler sous les dettes. Notre conseillère financière dit de nous que nous sommes hors norme tellement nous sommes des fourmis. L'argent est nécessaire. Qu'on le veuille ou non. Ce n'est pas le bonheur, mais c'est un foutu facilitateur.

2.21.2009

d'heure en heure

Vendredi, journée délicieuse. Hier, je suis allée en ville rejoindre mon amie S. dans son appartement du Plateau. Il y avait depuis mon anniversaire que nous ne nous étions vues. Autant dire une éternité. Quelques appels et emails entre temps nous avait aidé à s'échanger des nouvelles de nos cheminements, mais il était grand temps d'avoir toutes ces heures ensemble.

Assises chacune sur un divan dans son salon éclairé par le soleil blanc de ce jour venteux, nous avons commencé par déballer ce qui nous était d'actualité: elle et ses décisions existentielles majeures, moi et mon questionnement côté boulot. Avec S., la conversation suit un cours constructif, ponctué d'interruptions respectueuses qui ont pour but d'approfondir une idée tout juste survenue. Nous partageons en commun une bonne écoute et nos expériences se nourrissent mutuellement. S. est un être pétri par des valeurs qui la mène en avant sur la ligne du temps, mais toujours en synchronisation avec sa volonté et sa conscience. Suivre son coeur, elle connaît. Aller là où l'on devient nous-mêmes un peu plus, elle va constamment. Elle est libre. Sans doute l'être le plus libre qui m'a été de rencontrer sur cette planète. Libre et honnête. Libre et pleine d'empathie. Libre et respectueuse du parcours des autres. Mais libre.

Pour célébrer son anniversaire, parce que hier, cette beauté qui n'a pas changé d'une miette depuis les dix années que je la côtoie, ajoutait un autre douze mois à tous ceux engrangés au fil de son existence, je l'ai invitée à aller manger les meilleurs sushis en ville. Mon instinct m'a fait choisir cet endroit fantastique où il m'avait été donné de découvrir ces bouchées tant appréciées par les Montréalais il y a presque deux ans maintenant. Mon instinct est tombé pile puisque ma belle amie n'avait pu s'asseoir pour manger lorsqu'elle et son amoureux s'étaient rendus là un soir dans le but de se régaler justement des meilleurs sushis en ville selon des connaissances à eux parce que le succès de l'établissement est tel que le local exigu déborde rapidement de convives, et donc, elle s'est réjouie d'apprendre mon choix de sortie gourmande.

Attablées devant une tasse de thé vert, nous avons poursuivi notre échange. S. qui a souvent travaillé dans le milieu communautaire, me suggère de penser à cette voie pour un changement de profession. Elle me dit qu'il y a de grands besoins dans une foule de domaine et que les postes offerts peuvent être très bien rémunérés, en plus d'être des boulots stimulants, où mes qualités personnelles de leadership et d'initiative pourraient être mises à profit. D'ailleurs, à plusieurs reprises pendant nos heures ensemble, elle reviendra sur le fait qu'elle croit en mes capacités intrinsèques et déboulonne ma préconception défaitiste qui veut que puisque je n'ai pas vraiment un curriculum vitae correspondant au profil recherché pour combler un poste de coordinatrice par exemple, je ne pourrais pas tenter ma chance. Elle m'explique que dans le communautaire, selon ses expériences - et Dieu sait qu'elle en a -, tout se joue lors de l'entrevue. Il faut montrer ses couleurs et faire confiance que ce que je suis convaincra. Quoi qu'il en soit, S. m'offre une piste à laquelle je n'avais pas du tout pensé.

Après notre bouffe nettoyante (tous ces ingrédients d'une fraîcheur exquise, ça vous projette les pieds dans le sable, sous des palmiers), nous avons conclu notre repas au Point G, là où les macarons légers et gommant sous la dent sont rois, là où les sorbets aux parfums audacieux - ananas et basilic par exemple - font saliver, là où le chocolat chaud maison tapisse la bouche de toute son onctuosité décadente. Nous y resterons le temps de poursuivre notre conversation initiée des heures auparavant. À notre départ, nous apprenons que le propriétaire sympathique écrit, tout comme une de ses filles, celle qui a 17 ans et qui voudrait que son amoureux connaisse Nietzsche.

Après une décoction favorisant la digestion bue de retour à l'appartement de la douce S. où d'autres sujets de discussion sont explorés, elle m'accompagne à la SAQ au coin de Mont-Royal et Papineau. Là, la fêtée goûte d'abord un italien et passe ensuite à l'autre comptoir dégustation où la jeune femme lui propose deux cocktails à base de Bayley's caramel. Pendant qu'elle trempe ses lèvres, un homme d'une soixantaine d'années, à la barbe touffue comme sa chevelure poivre et sel, l'aborde et lui demande si elle boit celui contenant du chocolat parce que saviez-vous que le chocolat est un tueur. Oh la, la, gentiment j'interviens et je rétorque qu'un bon chocolat est en fait un allié pour le maintien d'une bonne santé. L'homme aux montures de lunettes originales reconnaît la véracité de l'eau que je viens d'apporter au moulin de cette conversation impromptue. En peu de temps, nous apprenons qu'il aime toutes les femmes et, amusées, nous le saluons poliment pour aller sélectionner nos bouteilles de pinard. S. opte pour cette bouteille de Chianti que je lui propose en me basant sur l'agréable souvenir de ce que j'en ai goûté quand le mari de mon amie-collègue Cht. l'avait apporté lors du souper au paradis remontant à janvier.

Je passe Aux Copains d'Abord ramassés une quiche chèvre et tomates et une tourtière au millet pour le repas de la soirée. Parce que ma journée gourmande - bonne chère en bonne compagnie - s'est terminée de façon tout aussi gourmande - bonne chère en bonne compagnie. Hier soir, j'ai cassé la croûte avec les anciens voisins. Notre astuce pour nous retrouver aux deux mois environ tient toujours la route. Nous suivons les célébrations de chacun de nos anniversaires.

Nous nous réunissions tous cette fois-ci pour souligner la fête de Ps., dont l'anniversaire remontait à un peu moins de deux semaines. Mais il y avait une autre raison pour nos retrouvailles: l'arrivée dans ce monde de Mt., petit nourrisson mignon comme pas possible avec ses yeux tout étonnés de notre présence dans son environnement. Ps. m'a fait un immense cadeau dès mon arrivée dans leur demeure, il m'a installé le maman Kangourou sur moi pour que je porte ce paquet de chaleur humaine débutant sa sieste. Il est resté là un peu plus de deux heures. Quel magnifique privilège de porter cet enfant tout tassé sur lui-même, sécurisé dans cette position foetale.

Nous avons mangé, parlé. Tout le monde avait quelque chose à raconter: Ps. et Jn., mes anciens charmants voisins, nous ont parlé de la venue de Mt. dans leur vie; Fr., accompagné de Pr. qui a beaucoup maigri et qui s'égare de plus en plus dans la maladie d'Alzheimer, nous a parlé de sa semaine de boulot parce que monsieur le retraité a décidé de retourner à son ancien emploi quelques jours semaine; Sm., mon ancien voisin du rez-de-chaussée, qui cherche une maison avec sa belle Ls., que je découvre un peu plus à chacune de nos rencontres, nous a expliqué pourquoi il allait poursuivre leurs recherches malgré une propriété qui les a beaucoup intéressées, mais qui s'est avérée être bourrée de problèmes; et puis M. et moi. De quoi avons-nous parlé nous? Lui, un peu de son boulot, moi un peu de mon récent voyage.

Au retour, dans Jasmine la Fit, M. et moi, nous avons eu une sale prise de bec. Selon lui, j'ai été indélicate à son égard par une de mes répliques et de là, cette minuscule flammèche a fait flamber une ferme pleine de foin sec. M. a eu une dure semaine et parfois, il suffit d'un élément déclencheur pour que l'émotivité soit vomie n'importe comment. Je comprends qu'il s'inquiète pour sa maman surtout. Il la verra aujourd'hui, pendant que je serai au boulot. Nous en saurons plus à propos de l'état de santé de Rc. qui a été opéré pour le coeur il y a deux jours, plus aussi à propos de l'état émotionnel de sa maman. M. est un phare pour moi lorsque je suis égarée dans mes propres émotions. À moi de lui renvoyer la pareille.

2.19.2009

reality check

Broyer du noir, ça bouffe la tête. J'ai donc une tête fromagée. Avis aux intéressés.

Non mais sérieusement, un seul être à se promener le visage renfrogné, ça crampe la bonhomie d'un ensemble d'individus comme pas possible. Pour ma défense, j'avais l'impression d'assister à un enterrement toute cette semaine. Le onzième m'était comme une parenté lointaine et désagréable qui se chamaille pour les miettes du patrimoine d'un décédé. Et le cadavre dans ce cas bien précis, c'était mon entrain à la tâche. Encore une fois. Une nouvelle déception humaine à accrocher à mon tableau morbide réunissant tous les coups bas qui m'ont été donné de témoigner dans ma courte vie.

Mais je n'aime pas broyer du noir. Parce que ça bouffe la tête justement et que ça ne fait pas avancer les choses. Je pourrais continuer à chanter l'air plaintif entonner à mon dernier message, à me vautrer dans mon état de pauvre petite moi blessée, à blâmer le ciel pour toutes les tuiles qui se fracassent sur ma caboche. Mais à quoi bon? Du bourbier sort le lotus. Il m'aura fallu presqu'une semaine pour en revenir.

J'avoue cependant que ma mèche raccourcie de plus en plus. D'un événement merdique survenant dans mon milieu de travail à un autre, je m'en remets toujours un peu plus difficilement. D'aucuns diront que je suis couarde, que je devrais quitter cet environnement si j'en ai tant ras-le-bol. Vrai. Sauf que comme mentionné à mon dernier passage ici, j'ai des obligations financières qui me contraignent et que même si je retournais à l'enseignement, ma carrière précédente, en plus de la chute substantielle de salaire, je devrais plonger dans l'arène du merveilleux monde des syndiqués qui brassent leur lot de zizanies aussi merci beaucoup bonsoir. Quelles autres options alors? Retourner aux études? Impossible côté sous. Quoi d'autre? Me jeter dans le vide en croyant à ma bonne étoile? Pour tout vous dire, ma bonne étoile ne m'a pas particulièrement éblouie ces derniers temps.

Bon, tiens, elle se plaint encore. Le ventre plein en plus. Oui, j'ai le ventre plein. Je suis la première à le réaliser. J'ai un amoureux en or. Quand je croque dedans, mes molaires crissent, juré craché. J'ai un beau nid, bien chaud, bien joli. J'ai une grosse boule de poils lustrés à me mettre sous la main. Qui miaule et qui ronronne sans malice. Et à l'instant où j'écris ces lignes, j'apprends que l'amoureux de la mère de M. a été terrassé par un infarctus cet après-midi. Il est sur la table d'opération à l'heure qu'il est. Et moi qui étais en train de dire qu'il me faut être reconnaissante.

2.17.2009

(complétez)

Il m'appelle juste avant de partir du bureau parce que ce soir, il se dirige à la patinoire jouer avec des collègues. Il m'appelle parce qu'il veut savoir comment a été ma journée. Il sait que ça ne file pas fort fort depuis vendredi. Le onzième m'a encore foutu une de ces baffes pas possible. Dieu, entends ma prière et sors-moi de là.

Bien sûr, Dieu, prends en compte mon confort matériel quand tu m'exauceras. Comme tu le sais, j'ai une hypothèque à payer et j'aime bien ne pas devoir me soucier de mes finances outre mesure. Ma paye actuelle combinée à celle de M. convient à notre foyer.

Aussi Dieu, si tu peux t'arranger pour faire en sorte que là où tu me relocaliseras côté boulot, il n'y ait pas trop de vipères, ça serait vachement bien.

En fait, si tu pouvais t'arranger pour ça débloque côté écriture, pour qu'un éditeur qui ne m'a jamais renvoyé mon manuscrit tombe dessus par pur hasard et soit assez charmé pour me débusquer afin de m'offrir la coupe de champagne qui scellera mon futur d'auteur capable de vivre de sa plume, à bosser seule pour la plupart de son temps devant son écran, je t'en serais reconnaissante.

Et Dieu, si tu me lances: "Décide ma vieille, tes écrits ou un enfant?", je te jure sur ta tête que ça va brasser. Je me sens d'attaque bon Dieu. Je me sens capable de...

2.15.2009

amour, quand tu nous tiens

Nous nous sommes enfin serrées dans nos bras l'une et l'autre. Nous avons enfin rattrapé un peu le fil de nos histoires personnelles des deux dernières années en jasant à bâtons rompus. Mon amie Ch. était en ville depuis jeudi.

Dans son sac, elle avait de petites surprises pour moi. Comme toujours. Cette femme qui a voyagé et vécu dans de nombreux pays, pendant de nombreuses années, elle me comble toujours de ces objets charmants qu'elle a trimballés jusqu'à livraison dans mes mains. Peu importe le temps qu'il lui faut pour me les offrir. Cette fois, elle m'a fait don de thés choisis par son ami Rn. - un être tout simplement adorable que j'ai enfin rencontré hier soir pour la première fois, après toutes ces années à en entendre parler - qui travaille pour l'instant dans un salon de thés à Ottawa. De ces récents voyages, elle m'a ramené une breloque bleu métallique à l'effigie de la main de Fatima que j'ai accroché à l'interrupteur de notre chambre à coucher et une croix sculptée dans du bois d'olivier, essence que j'ai reconnue parce que les rainures et le grain blond sont similaires à ceux de la statuette de Jésus juché sur un âne que Cht., mon amie-collègue, m'a donné à son retour de Jordanie. Le nom Jésus est sculpté dans la barre transversale de l'objet que j'ai installé à mon poste de travail dans la pièce orange duquel je vous écris en ce moment même. Ch. dit qu'elle n'a pas pu faire autrement que de penser à moi lorsqu'elle a vu cet objet. Elle voulait que notre maison abrite le symbole. Elle ne pouvait pas savoir que j'avais déjà accroché la croix argentée aux lignes pures ayant été léguée à M. le jour de sa première communion au-dessus de la porte d'entrée du paradis. Quoi qu'il en soit, maintenant la maison couve sa deuxième croix.

Pendant l'après-midi, nous avons discuté musique et M. a dressé une liste de groupes pour Ch. et Rn. qui aiment découvrir de nouveaux filons mélodiques. Ch. écoute à présent de la musique avec paroles comme elle dit, elle qui, pendant des années, ne se nourrissait presqu'exclusivement de beats électroniques. D'ailleurs, pendant ce moment à trois passé dans la pièce orange à savourer la luminosité enveloppante du soleil plongeant à l'ouest, elle nous a dit qu'elle et Rn. pensaient sortir en soirée pour danser sur les rythmes d'un DJ qu'ils aiment beaucoup. Ch. m'a toujours fasciné pour ça. Depuis que je la connais, elle sait qui est qui dans l'univers des DJ électros et quand sont les événements incontournables déboulant dans Montréal. Moi qui apprécie ce genre musical pour m'éclater sur la piste, je n'en connais qu'une maigre poignée de ces DJ aux noms farfelus et encore, ce milieu évolue à une vitesse si folle que ceux-là sont sûrement supplantés par the new flavours à l'heure où j'écris ces lignes. Ch., qui habite Ottawa, savait donc que Dubfire, une des moitiés du duo Deep Dish, un grand nom de la house music semble-t-il, était en ville hier soir. Même si le house n'est définitivement pas mon style de techno préféré, je me suis dit A- que ça faisait une éternité que je n'avais pas passé un soirée avec Ch. qui sait comment s'amuser B- que ça faisait déjà quelques semaines que je n'avais pas dégourdi mes chakras par une bonne séance de mouvements ondulatoires C- qu'on avait eu de toute façon l'intention d'une sortie culturelle pour célébrer la St-Valentin et la venue de Ch. M. étant aussi partant, nous avons partagé un repas de pâtes fraîches et une bouteille de vin portuguais pour ensuite sauter à bord de Jasmine la Fit que j'ai manoeuvrée au cours de la soirée lors de nos déplacements puisque je n'ai bu qu'une seule coupe. Nous nous sommes dirigés à l'appartement de Jm., amie de Ch. habitant Montréal depuis quelques années.

À notre arrivée, Rn. était seul dans le petit logis coquet. Devant lui, sur la table, il y avait deux bouteilles de vin vides, une bouteille de Jägermeister et une d'Amarula, les deux entamées, mais encore bien plus pleines qu'à sec. Trois autres bouteilles de rouge au garde-à-vous sur la laveuse sont passées à deux lorsque Rn. a tiré le liège d'une d'entre elles à notre apparition. Les verres de M., Rn. et Ch. se sont remplis et vidés alternativement cependant que Ch. se douchait et s'installait ensuite à la table ronde avec nous pour bavarder tout en se maquillant. L'ambiance était bonne. Les rires et les sujets de conversation coulaient tout naturellement. Le partage était au rendez-vous.

Juste avant que nous ne partions pour nous rendre à l'événement électro pour lequel M. avait réservé quatre billets par Internet, Jm. et son amoureux sont revenus de leur souper en tête-à-tête soulignant leur célébration de la fête de l'amour. J'ai donné une franche accolade à Jm., cette elfe à l'âme trempée dans du sucre candi, et je lui dis à quel point j'étais heureuse de la savoir en amour et si créative. La dernière fois que je l'avais croisée, elle vivait un épisode terriblement noir de sa vie affective. Là devant moi, elle était à nouveau libre, soulagée de toute culpabilité et de tous tourments suceurs de qi.

Rendus au Théâtre Telus, anciennement l'Aria, et plus anciennement encore le Cinéma Berri, nous avons enfin mis le pied dans la salle où nous espérions avoir du plaisir. Déjà pendant notre attente au vestiaire ou sur le trottoir avant de tirer la porte, nous avions remarqué que les autres fêtards n'étaient pas du style de la faune qui court habituellement les événements techno auxquels je participe à l'occasion. Ces Italiens et Asiatiques aux cheveux gominés pour les hommes et aux crinières longues et farouches pour les femmes toutes juchées sur des talons ressemblant à des dagues vertigineuses, ils n'avaient rien à voir avec les êtres au style éclaté et confortable des danseurs des piknics par exemple, ou de ceux croisés au Nouvel An. Pour un gros dix minutes, je me suis demandée ce qu'on foutait là, dans cette foule de m'as-tu-vu se dandinant les épaules sur les beats assez ordinaires merci.

Mais comme par magie, M. et Rn. ont trouvé un coin inoccupé, situé au pied de l'escalier menant au backstage, et petit à petit, je suis arrivée à me détendre et à me convaincre que nous pourrions arriver à faire abstraction de tous ces visages de gens terriblement portés sur les apparences qui nous entouraient et de ces couples sans pudeur qui semblaient vouloir copuler maladroitement là et maintenant.

M. m'a beaucoup impressionné pendant toute la soirée. Lui qui est habituellement distant lors de rencontres sociales, il a noué rapidement une complicité rigolote avec Ch. - qu'il avait rencontré à une autre reprise seulement, il y a cinq ans - et une sympathique avec Rn., son compagnon de beuverie. Ensuite, il a été celui de nous tous qui a brisé la glace sur la piste. Rapidement, peut-être désinhibé par les dernières gorgées d'Amarula avalées sur le parvis de la Place-des-Arts, il s'est mis à bouger, fusionné aux rythmes, et à nous enjoindre au laisser-aller. Tout cela cumulé, c'était un bon cadeau de St-Valentin. Mon chéri qui suit le flot des possibilités pour en tirer tous les sucs exquis. Je réalise à quel point il s'est métamorphosé mon beau loup.

Au final, nous sommes restés jusqu'à la fin. De retour au coin de rues de l'appartement de Jm., nous nous sommes tous salués, les quatre mousquetaires. À Rn., avec lequel j'ai adoré passé cette soirée et badiné tranquillement bras dessous bras dessus pendant notre marche sur Ste-Catherine de notre point A - Jasmine la Fit - à notre point B - l'événement -, je lui ai dit que nous viendrions, M. et moi, les voir, lui et Ch., à Vancouver. La vie a fait en sorte que ces deux amis globe-trotters se soient décidés chacun de leur côté, mais en même temps, à retourner aux études et à devenir des spécialistes de la médecine traditionnelle chinoise, elle pour les aiguilles, lui pour les herbes. What are the odds of that? Bref, Rn. ayant déniché la meilleure école à Vancouver et la soeur de Ch. habitant la ville de la côte ouest, ils partent en avril s'enraciner là-bas pour les quatre prochaines années. Dans la voiture, après avoir embrassé et remercié Ch. que j'aime et que j'adore depuis maintenant douze ans, malgré la plupart de ce temps passé si loin l'une de l'autre, M. a suggéré de faire un roadtrip cet été pour nous rendre là-bas. Génial. Une idée voyage toute simple, mais regorgeant de possibilités aux sucs exquis. Je dis oui.

2.13.2009

mille soixante-dix soixante secondes

Un blogue, il a besoin d'être nourri régulièrement pour soutenir l'attention de ses visiteurs. Je fais donc tout mon possible pour injecter un nouveau morceau à vous mettre dans le moulinet aux deux jours en moyenne. Aujourd'hui, je m'installe devant l'écran, dans la pièce orange, pour compenser pour hier. Merci d'être toujours là.

Hier, journée qui a débuté à 6 h pour se terminer la tête sur l'oreiller à 23 h 50. Déjà vers 16 h 30, j'avais les cernes qui tiraient sous mes yeux. À la fin de mon quart de travail, M. m'attendait à bord de Jasmine la Fit en écoutant l'album de Chairlift qu'il nous avait procuré la journée même. M. qui est grippé à son tour et que j'ai tancé gentiment au téléphone pendant ma petite pause vers 17 h 45 pour qu'il se mette au lit afin de se régénérer. Mais non, il était là, à m'attendre. Surprise mon amour. Je sais que tu as eu deux journées très occupées de suite. Je t'aime et je viens te cueillir. La St-Valentin un 12 février.

Justement, pour cette fête vermeille, j'ai participé à mettre en branle une activité avec le club social du onzième: un courrier du coeur. Rien à voir avec la formule des écoles secondaires où les secret crush sont révélés puérilement ou que les coeurs se serrent de ne pas avoir reçu un mot doux d'un bel inconnu. Toujours beaux les inconnus utilisateurs des courriers du coeur. Le courrier du coeur au onzième, c'est pour dire à nos collègues qu'on les apprécie, qu'on les tient pour amis. Le message appréciatif peut être traduit en mots, en sucreries, en argent Canadian Tire. Tous les moyens sont bons pour semer le bonheur.

Alors, je me suis levée à 6 h du matin hier. Je me suis tirée du lit avec six heures de sommeil dans le corps parce qu'il me fallait avancer sur mon projet cupidon. J'ai décidé d'offrir une petite bouchée chocolatée à chacun de mes collègues. Dans de petits sachets transparents décorés de coeurs rouges et roses, j'ai déposé trois bécots pétris de cacao, prêts à fondre sur la langue ou à éclater sous la dent. Avec un bout de ruban rouge chatoyant sur lequel j'ai glissé deux coeurs spongieux poinçonnés un à un pour réaliser le montage ainsi qu'un minuscule bout de carton rose marqué du prénom de chacun de mes quelques cinquante collègues, j'ai bouclé les mini-colis. La distribution aura lieu aujourd'hui. Dans la boîte du courrier du coeur, il y avait des enveloppes enrubannées quand j'ai vidé ma cargaison dans son ventre. Joie. Le but d'égayer l'ambiance par une douce effervescence sera atteint dans les heures qui viennent.

À 8 h 33, chargée de mon projet en plan dans mon sac réutilisable que je trimballe souvent, j'ai quitté le paradis direction Olive + Gourmando pour rencontrer Lr., cette universitaire recueillant les réponses à ses questions de la part de blogueuses Québécoises. C'était ma troisième visite dans cet oasis de quartier, mais ma première à m'installer à une des tables, table que nous avons monopolisée de 9 h 15 à 13 h. Je crois que la petite enregistreuse digitale déposée entre mon interlocutrice et moi a gagné le respect des serveuses qui ont eu la délicatesse de ne pas nous faire pression. Il faut dire aussi que tout l'endroit respire l'intelligence des coeurs humains qui oeuvrent avec créativité et beauté pour rendre hommage aux sens.

À la fin de l'entretien tout à la fois drainant et énergisant, nous nous sommes remerciées mutuellement. Elle à moi pour avoir été généreuse et engraissé par mes propos son matériel de recherche. Moi à elle pour cette opportunité de parler de ce que j'aime faire, de trouver les mots décrivant mon engagement avec les mots.

En sortant du cocon feutré, nous avons longé St-Paul jusqu'à McGill et de là, nous nous sommes rendues au métro Square Victoria d'abord pour ensuite décider de poursuivre notre marche vers le Palais des Congrès. Moi qui adore Montréal, je me suis transformée en guide touristique aux côtés de cette charmante personne le temps de cette courte balade. Nos chemins se sont séparés après avoir parlé des piknics électroniks, ces dimanches à danser dans le vent sous L'Homme du sculpteur Alexander Calder.

Une demi-heure plus tard, je déballais mon attirail pour recommencer à bricoler mes bourses fléchées. J'ai besogné sans relâche pendant une pleine heure pour réussir à mettre le pied au onzième exactement une minute avant l'heure du go de mon quart de travail.

Le rythme a repris de plus bel, constant, happant. Mon esprit saoulé par l'adrénaline d'accomplir quelque chose. Mes yeux ouverts sur cette réalité défilant devant eux en se déployant en moments délicieux, mes yeux, ils n'ont pas regretté de tout quitter sur l'oreiller. Sûrs d'avoir tout vu justement ce que ce jour me réservait tout particulièrement.

2.10.2009

espace de transition

Adolescente et plus tard jeune femme, février était mon Sahara sans gourde ni oasis, mon mont Blanc au sommet piquant sous la Terre, direction le Sheol. Ces jours gris, froids et anonymes parce qu'aucun souvenir digne de me réchauffer le coeur ne semblait vouloir coller à ces dates, ils me drainaient. Je me vois encore dans ma vingtième année roulée en boule au milieu de mon futon à m'évader dans le sommeil. Passer le plus d'heures possibles sous la surface de la conscience. Noyer le spleen par les songes en creusant le matelas de mon corps en hibernation.

Dans ce mois, il y a la St-Valentin, mais entre vous et moi, la superficialité de cette célébration soulignée à coups de chocolats, de fleurs, de mots doux peut-être, n'a jamais supplanté l'aura glauque de ce creux annuel. Dans ce mois, il y a surtout la mort de mon père, son dernier souffle, les pleurs au petit matin lorsque mes soeurs et moi avons été transformées par cet événement irréversible. Alors adolescente et jeune femme, février déjà difficile, déjà long malgré qu'il soit le plus court des douze mois, ce février, il est devenu triste et bardé de ténèbres.

L'arrivée de M. dans ma vie a été un virage. Dès le début de notre relation, il a compris combien ce mois m'était pénible. Près de lui, les jours gris ce sont animés de joues rouges à s'exercer à l'extérieur et de la sensation chaude nos corps lovés sous une couverture pendant des séances de cocooning. M. a veillé sur mon humeur, s'assurant que je tenais bon devant le visage hypnotique de la mélancolie. Maintenant, février est devenu un mois nécessaire, glissé entre un janvier de gels et un mars de dégels. Et la date d'anniversaire de la mort de mon père a été transmuée par la conception de ma magnifique filleule qui jase tout plein ces temps-ci apparemment. La vie a parfois de ces hasards hallucinants. La première enfant de la nouvelle génération de ma famille a décidé de s'accrocher au nid de ma soeur B. le même jour où le fantôme de notre père revenait nous saluer pour une quinzième année consécutive. Brillant.

Étrangement, hier j'ai eu un flash. Il me semble que le 10 février, c'était l'anniversaire de quelqu'un que j'ai peu connu, mais auquel j'étais mystérieusement liée. Il me semble qu'aujourd'hui donc, c'est le jour d'anniversaire de Jf., ce garçon qui était un très bon ami de l'amoureux de ma soeur B. Je l'ai connu lorsque j'avais dix-sept ans. Je venais de terminer ma relation avec Tr., mon premier amoureux auprès duquel j'avais marqué mes trois dernières années d'existence. Jf. et moi sommes allés au cinéma voir je ne sais plus quel film. Je me souviens que l'album Mellow Gold de Beck jouait dans sa bagnole et que c'était la première fois que j'entendais cet artiste. Je me souviens qu'à notre retour à l'appartement, nous nous sommes étendus sur mon lit étroit et que je ne me suis pas sentie confortable blottie à ce corps nouveau, trop musclé à mon goût. Jf. aurait aimé continuer à me fréquenter, mais j'ai décliné son offre de découverte mutuelle, malgré sa douceur romantique.

De son côté, B. est restée en relation avec Fr., l'ami de Jf. De temps en temps, elle me disait que Jf. parlait encore de moi. À un moment, elle m'a même dit qu'il avait réussi à mettre la main sur une photo de moi et qu'il l'avait affichée dans son casier au travail. Je crois qu'il était devenu pompier. Je ne l'ai pas revu souvent. Je me souviens d'une boom qui a eu lieu chez lui sur la rive-sud. Je me souviens d'avoir traversé le pont Victoria pour la première fois de ma vie au retour.

Jf. est décédé il y a quelques années. Il était de ces individus casse-cou, à la recherche de sensations extrêmes. Il a plongé en bas d'un pont élevé, comme il l'avait fait à plusieurs reprises auparavant, du même endroit, mais cette fois-là, sa tête s'est heurtée à une roche sous la surface de l'eau et lorsqu'il est sorti de la rivière, une partie de sa mâchoire avait été arrachée. Il a expiré quelques minutes plus tard près de sa mère si je me souviens bien. Une histoire horrible. Une mort sordide. Il a laissé derrière lui un petit garçon.

J'ignore pourquoi il est revenu me visiter hier. Parfois, la mémoire ouvre des valves qui nous permettent de rendre des hommages. C'est bien peu cher Jf. Mais je sais que ceux qui te portent en eux ne t'oublient pas.

Et que février flirte avec les esprits.

2.08.2009

croisement


Dans l'avion du retour, de Toronto à Montréal, je me suis retrouvée installée entre un homme et une femme, un couple. J'ai suggéré à la femme de prendre ma place pour qu'elle se retrouve près de son mari, installé lui sur le bord du hublot. La femme aux lunettes de soleil m'a dit que non merci, son éloignement du point de vue de l'appareil était intentionnel. Elle m'a confié souffrir d'une peur des hauteurs. La femme et l'homme m'ont dit que je pouvais rester là, entre eux deux, pas de problème, il n'y avait qu'une heure de vol. Pendant que j'étais assise à ses côtés, j'ai dit à la femme qu'elle était très courageuse de tout de même prendre l'avion, que plusieurs auraient fait une croix sur ce mode de transport, laissant ainsi la peur l'emporter. À force d'y réfléchir, je me suis enfin décidée, juste avant que l'appareil ne se mette en branle, d'insister gentiment auprès de l'homme et de la femme pour que je change de place avec lui et qu'il se retrouve près de son amoureuse, histoire de l'aider à se détendre par sa simple proximité. J'ai bien fait. La femme a tout de suite commencé à parler avec son mari et quand l'appareil a pointé son nez vers les nuages, il a déposé sa main sur la cuisse de son épouse. Moi, j'ai fermé l'oeil de l'hublot pour épargner la voyageuse le plus possible et vous savez quoi, à la toute fin du temps dans les airs, le mari installé à ma droite m'a demandé de l'ouvrir parce que sa femme voulait voir. Eh oui, un petit moment de magie où la peur a disparu, la queue entre les pattes.

Dans l'avion, il y avait quelques hôtesses de l'air. Une d'elles avait un petit papillon de tatoué à l'intérieur de son poignet, apparu lorsqu'elle indiqua les sorties de secours de l'appareil. Plus tard, lorsqu'elle tendit des sachets de grignotines salées et des breuvages dans des coupes de plastique, j'ai remarqué sa manucure française aux couleurs non traditionnels: vernis transparent, pointes fuschia. Une belle femme dans sa vingtaine.

Je me suis rappelée ce court épisode de ma vie où je m'étais présentée dans une salle de conférence immense au Complexe Desjardins suite à une petite annonce repérée dans un journal: Air Canada recherche des agents de bord, venez nous rencontrer. J'y étais allée. Malgré mon bac amorcé, je m'imaginais un peu partout sur le globe, écrivant tout ce qui me tombait dans les yeux. Vision romantique du meilleur des deux mondes: gagner mon pain et poursuivre ma vocation profonde.

Dans l'immense salle au plafond accroché à une quarantaine de pieds du plancher, je suis passée d'une table à l'autre afin que les recruteurs éclaircissent les rangs. Parlez-moi de vous, pourquoi aimeriez-vous travailler pour nous, êtes-vous une personne sociable, do you speak English. Au final, j'ai fait partie de ceux qui ont été convoqués pour un deuxième tour.

Quelques jours plus tard, toujours au Complexe, j'ai cette fois pénétré des bureaux situés un étage haut dessus de la salle immense. Dans une pièce meublée d'une table ovale permettant à une vingtaine de personnes de participer à la même conversation, nous nous sommes fait expliquer, moi et une quinzaine d'autres sélectionnés, que nous devions démontrer notre capacité à travailler en équipe tout en résolvant des mises en situation. Je me souviens m'être bien débrouillée parmi l'ensemble, à avoir réussi à me démarquer sans écraser mon voisin à tout prix, simplement en étant moi. À la fin de cette deuxième session d'élimination, je me souviens avoir été convoquée dans une salle où m'attendait une femme aux quelques questions précises. À un moment, elle me demanda si j'étais une personne minutieuse et si oui, de lui expliquer par un exemple concret. Je lui dis que j'étais de fait de ces individus qui aiment bien accomplir les tâches et j'ai décrit comment il est important de s'appliquer lorsque l'on peinture les murs d'un appartement, comment il ne faut pas trop gorger son pinceau lorsque l'on travaille sur le découpage ni son rouleau lorsque l'on s'occupe de recouvrir la plus grande superficie des surfaces à recouvrir, comment aussi il faut ouvrir l'oeil pour ne pas laisser de coulisses sur les moulures ou de micro-gouttelettes sur les parquets, entre autres. Je ne crois pas que dans toute l'histoire des interviews des agents de bord, une telle réponse ait été fournie, surtout pas par une candidate, candidates qui soit dit en passant sont supposées être l'incarnation même de la féminité. Mais que voulez-vous, je n'étais pas du genre à me faire une manucure française.

J'ai quand même réussi cette étape pour atteindre la dernière: le médical au bureau chef d'Air Canada situé dans le nord-ouest de la ville. Là, ils m'ont pesée, mesurée, installée dans une cabine insonorisée pour tester mon ouïe en me bombardant de sons ultra aigus ou ultra graves. J'ai rencontré une infirmière qui m'a avoué ne pas avoir souvent vu des canaux auditifs aussi propres, moi qui n'utilise pas de Q-tips, mais qui laisse couler l'eau chaude dans mes conduits une fois de temps en temps, comme mon papa le faisait apparemment.

Air Canada ne m'a pas rappelée cette fois-là. Trop grande j'imagine. Elle sera incapable de chausser des talons hauts sans toucher aux plafonds arrondis des appareils volants alors nenni. Peut-être que c'était pour une autre raison. Quoi qu'il en soit, la vie a décidé que je ne déménagerais pas à Moncton - là où j'aurais été postée - pour me louer un petit pied-à-terre dans lequel j'aurais dormi une fois de temps en temps, entre deux ou six voyages dans les airs. Depuis ce temps pourtant, j'ai envie de visiter cette ville universitaire du Nouveau-Brunswick, curieuse peut-être de voir ce lieu où ma vie aurait pris un autre tournant et de me croiser, occupée à un autre destin.

2.06.2009

repriser l'expérience à la réalité

Ça y est, je reviens avec la goutte au nez. J'ai aussi l'impression que mes oreilles sont le nid d'une infection qui irradie de façon aiguë quand je tourne la tête en enchaînant certains mouvements. Simple coup de froid j'imagine. Peut-être que ça remonte au soir où je suis sortie du bâtiment de la piscine avec un glouglou dans mes orifices auditifs malgré tous mes efforts à extirper l'eau de cette cachette anatomique. Coup de froid donc même si j'avais calé ma tuque sur ma tête et passer mon capuchon molletonné par-dessus elle. Enfin, il faut dire que là où j'étais, il faisait froid, le vent était sec et le nombre de gens utilisant les infrastructures des lieux - cafétéria, salles de classe, poignée de portes de tous les édifices - s'élevait à environ mille individus. D'ailleurs, il y avait partout des dispositifs cracheurs de désinfectant pour les mains accrochés à tous les dix pieds sur les murs. Moi je crois à la constitution du système immunitaire par le contact à certains microbes. Bien sûr, je respecte la consigne des hôpitaux, mais sinon, je ne suis pas une adepte de ses pompes qui beurrent les mains d'une substance qui n'est pas entièrement volatile et dont l'efficacité à été remise en question par des analyses scientifiques. Moi mes doigts, je les utilise pour me frotter les yeux quand je suis fatiguée, pour me décrotter le creux d'une molaire parfois, pour manger et donc je me les lèche de temps en temps. Nulle envie d'irriter mes muqueuses alors je me lave les mains sous un bon jet de H2O à tous mes tours à la salle de bain. Ah l'eau, se dissolvant fantastique.

Deux avions dans l'avant-midi. Réveil à 4 h du matin. Avant de partir, un dernier tour du regard de la chambre occupée cinq jours durant. Les seules traces de mon passage là: les serviettes dans la baignoire, le lit défait, la pile de petits trucs à recycler sur le bureau. Ciao. J'ai bien aimé ma visite, je vous l'assure.

Je vous assure que j'ai aimé découvrir un autre coin de pays, apprendre une foule de choses par rapport à mon boulot, voyager, socialiser avec de nouveaux individus, confirmer que j'ai le flair pour repérer les ressources qui me conviennent dans une bourgade plantée au milieu de pas grand-chose, même mieux que ce chauffeur de taxi qui sillonne cette ville depuis plus de deux ans à qui j'ai appris où était le magasin d'aliments naturels. Eh oui, j'ai repéré l'adresse sur un panneau affiché sur la 13e avenue lors de ma première sortie dans la civilisation hors du centre d'activité autosuffisant où je demeurais. Je me suis ainsi régalée d'une portion de ragoût de boeuf biologique sur un lit de riz à grain court brun que j'ai prise pour apporter de retour au berceau de ma formation qui se poursuivait en soirée juste après ma deuxième escapade, express celle-là. Au petit magasin à l'odeur typique de ces endroits remplis d'articles bons pour la santé, j'ai aussi déniché un savon artisanal au patchouli pour mon chéri, lui qui adore ce parfum hippy.

Quand je lui ai offert ce présent tout simple, son coeur m'a semblé palpiter comme celui d'un personnage de bande dessinée. Je l'ai vu s'envoler tout rouge, porté par une paires d'ailes blanches ressemblant à de minuscules cumulus. Je suis de retour. Près de lui. Au paradis.

2.04.2009

exploration de la zone

Froid, oui. Mais pas davantage que les jours de ce défunt depuis peu mois de janvier sous le ciel de Montréal. Ce soir, j'ai même marché jusqu'à la ville pour trouver un peu de nourriture saine. Comme pendant les pires creux du thermomètre d'il y a environ deux semaines, j'avais enfilé mes combines sous mon pantalon et de loin, j'ai dû ressembler à monsieur Michelin tellement je suis emmitouflée pour braver les pics sous zéro.

Mes cases horaire étant bookées comme pas possible, voici le premier moment où je peux enfin venir vous faire un coucou.

Coucou. Au fait, c'est via courriel à mon chéri que je vous contacte. Merci maestro de mon coeur loin de moi cette semaine.

Lapins, un seul jusqu'à maintenant. Aperçu le premier matin lorsque je me rendais à la piscine. Bien sûr, je n'avais pas mon appareil et de toute manière, j'étais tellement occupée à le regarder bondir sur ses hautes pattes, les yeux écarquillés d'affolement, que je n'aurais même pas penser à le sortir s'il avait été dans mon fourre-tout.

Au sujet de la piscine, j'y suis allée hier soir. Parce qu'il faut être deux minimum pour utiliser le bassin, par mesure de sécurité, j'ai repéré quelqu'un dans mon groupe qui avait eu la même idée que moi.  K. et moi sommes donc sorties dans la nuit glacée pour nous rendre au bâtiment abritant l'eau saline. Au bout de ma première longueur de crawl, mes poumons étaient déjà en feu. J'avais oublié à quel point la respiration est un élément important de cet exercice. J'ai vite compris que si je voulais tenir pour environ une demi-heure à quarante-cinq minutes dans la piscine, il me faudrait baisser mon rythme et me concentrer sur ma technique. En avançant dans un mouvement de brasse, j'ai pensé à mes soeurs qui sont de bien meilleures nageuses comparées à moi, pour en avoir fait pendant davantage d'années d'une part, pour avoir plus d'endurance physique et plus de discipline d'autre part. J'ai beaucoup pensé à ma B., si amoureuse de la pratique de ce sport. Poisson dans l'horoscope, poisson dans l'eau il faut croire.

À un moment, ma partenaire de nage de soirée, K., s'est immobilisée à un bout du bassin. Arrivée à sa hauteur, j'ai compris qu'elle tentait de délier son pied paralysé d'une crampe. Simplement, je lui ai proposé de lui masser en lui assurant que ça ne pouvait que l'aider. Elle a d'abord refusé poliment - bien sûr que j'étais encore une presque étrangère pour cette femme (de nature réservée soit dit en passant) que je venais à peine de rencontrer cette journée même - mais au bout de ma deuxième offre savamment formulée de façon à ce qu'elle ne puisse la décliner une seconde fois, elle a tendu sa jambe sous l'eau et j'ai placé son pied entre mes paumes. Lentement, j'ai pressé avec mon pouce exactement là où elle m'avait indiqué que sa douleur se lovait avec insistance. Son corps a lâché prise et appuyée sur le rebord carrelé, K. s'est détendue en une expiration libératrice. C'était mon premier massage à vie livré sous l'eau et j'avoue que c'était une expérience agréable, très relaxante. Tant et tellement que je me suis vue exercée une carrière qui transformerait mes mains en outils thérapeutiques. Mon corps branché sur le corps souffrant, apprenant à comprendre ce langage mystérieux qu'est le transfert d'énergie.

Mais ce soir, après notre temps obligatoire d'assistance à des sessions d'information, ce pourquoi je suis ici, ailleurs, j'ai décidé de sortir et de jouer à la touriste plutôt que de retourner dans l'eau. J'ai donc marché en suivant le trajet d'autobus sur la carte imprimé à même l'horaire, autobus que j'ai manqué de peu, ce qui m'a poussée à l'exploration de la ville à pied. Bonne affaire. Ainsi, j'ai vu les rues recelant quelques indices des petites habitudes du coin, comme par exemple de brancher le moteur des véhicules à des extensions reliées aux chaumières ou d'envelopper les troncs d'arbre d'une unique bande noire qui s'est avérée cireuse sous ma mitaine parce qu'étant un système pour emprisonner les insectes. J'ai aussi croisé une poignée de citoyens. Le peu de piétons ici se compare au peu de piétons à St-Hubert-on-the-beach à proximité du paradis. J'ai observé que les maisons plus délabrées devenaient plus coquettes dans l'ensemble en me rapprochant du coeur de l'agglomération.

Par chance, je me suis engagée sur la treizième avenue et une des premières enseignes commerciales s'avéra être le lieu où je plantai mes dents dans un végé burger constitué d'une boulette à base de pommes de terre et de pois chiches en purée montée sur un pain de grains entiers et garnie de betteraves et de carottes râpées, de germination, de cornichons, de vinaigrette césar maison. Un endroit chaleureux aux planchers craquant et aux ardoises chargées de mets délicieux préparés avec des aliments tout aussi sains les uns que les autres. Assurément l'antre des hipsters du coin.

De retour au lieu où je crèche pour la semaine par voie d'autobus attrapé après mon repas au centre d'achat le plus important de la ville, j'ai raconté mes découvertes à quelques-uns des autres participants du groupe et puis Ln., une femme d'une cinquantaine d'années qui m'a parlé à l'heure du midi de sa bataille contre le cancer du sein dans la dernière année, se joindra peut-être à moi demain soir.

Parce que cette formation me permet de rencontrer des gens de partout dans le pays. Il y a Mc. avec son accent acadien, Mk. d'Ottawa qui est un crack d'Internet, Pl. un jeune patron sympathique, Mr. une femme habitant le Yukon au percing dans la narine et au cerveau assimilant le jargon administratif à la vitesse de la lumière et tous les autres, et tous les autres. Nous sommes 25. Moi, je suis la francophone du groupe, celle qui cherche souvent ses mots. Mais tout va bien. Tout le monde est patient lorsque je parle en ponctuant mes phrases de blancs. Ils m'écoutent et me suggèrent des mots. Je les attrape au vol et ils font même des efforts pour sortir leurs quelques mots de français.

Deux solitudes dans ce grand pays, définitivement. Mais quelle culture que la nôtre, celle des Canadiens que nous sommes. Quelle supercherie quand on y pense vraiment. Nous sommes si nombreux à vivre sur cet immense territoire, comment prétendre être un peuple aux moeurs semblables d'une côte à l'autre. Impossible. Au point de vue du mariage de la démographie et de la géographie, toutes ces âmes expriment les traditions locales bien plus qu'elles ne réussissent à aplanir leur bagage sous un drapeau national. Heureusement pour nous au fond. C'est ce qui nous rend si fascinants les uns pour les autres. Obligés de s'accepter, l'ouverture suit. Pas toujours bien sûr. Mais très souvent, très, très souvent. Il suffit d'accueillir. Pareil que lorsque l'on sort de notre zone de confort.