orphelins de l'Éden

11.29.2007

mot de passe

Toute une histoire.

Ça commence en fait il y a un mois environ quand mon collègue et ami Nk. m'annonce qu'il va exposer des photographies lors de cet événement caritatif organisé à chaque an dans l'immeuble dans lequel nous bossons. Monsieur tripe sur la photographie infrarouge depuis peu - ça ressemble à du noir et blanc sauf qu'il faut manipuler l'appareil digital et faire des modifications permanentes dans le boîtier afin qu'il transforme tout le vert en blanc et tout le reste en tons de gris. Il revient tout juste d'un voyage dans l'ouest canadien où il a fait aller son doigt sur le bouton déclencheur avec brio. Ces clichés sont superbes et parce que je l'aime bien cet artiste autodidacte, je lui dis que je veux absolument aller faire un tour ce jour-là. Eh bien, ce jour, c'est aujourd'hui.

Mais avant.

Hier, M. et moi nous nous sommes rendus chez sa mère pour faire la pige de cadeau de son côté de la famille, avec sa mère, sa soeur Am. et le conjoint de sa mère Rc. En revenant, Am. embarque dans Jasmine la Fit parce que nous la laissons à l'épicerie. Elle nous apprend que l'anniversaire de Rc. est bientôt, mais elle ne connaît pas la date exacte. Bon, mon petit chercheur de cadeau se met en marche. Que pourrions-nous bien offrir à cet homme que nous connaissons depuis quelques mois et qui prend si bien soin de la mère de M. avec son amour généreux? Am. nous dit qu'il aime bien tout ce qui est chandelle et autre et qu'il adore la couleur de l'ambre. Bon.

Retour à aujourd'hui.

Je dois aller chercher un livre chez Archambault au métro Berri sur l'heure du dîner. Le bouquin est arrivé, le seul de la province dans le réseau Québécor. C'est le fameux Alexis Zorba pour notre ancien voisin d'en-dessous Fr. Dans le magasin, j'essaie de dénicher un petit quelque chose pour Rc., mais sans succès. De retour au bureau, j'apprends que l'exposition ferme ses portes de 2 h à 5 h. Merde que je dis, je me suis fait baiser. GM, l'amie de ma soeur B. et ma patronne maintenant, me demande si ça été bon au moins. Eh bien non, pas bon du tout. Pour l'instant. Arrivée dans ma salle de travail au onzième, Nk. me demande aussi si c'était bon quand je lui lance "I got fucked". Je lui explique que je ne pourrai pas voir ses photographies parce que je pensais pouvoir y aller après le boulot, à 3 h 30. Nk. me suggère d'aller "aux toilettes". Rc. une autre collègue, m'encourage à aller "aux toilettes" en me disant qu'il reste encore du monde en bas. Lire ici, vas-y à l'exposition, c'est encore ouvert.

Et moi de partir le porte-monnaie à la main parce que ça coûte des sous pour rentrer. Arrivée sur le pas de la porte, une ancienne collègue, Jc., qui est une artiste peintre et qui expose lors de cet événement depuis des années, est là, bâton à la main. Je la salue et puis, je lui dis que son bâton de marche est superbe. Elle me dit que c'est une artiste présente qui les fabrique. Je rentre et voilà, coup de coeur. J'imagine Rc. avec un de ses bâtons à la main. D'ailleurs, l'un d'eux m'interpelle, se démarque du lot. Il me manque des sous. L'artiste "gosseuse" de branche de bois me dit que ça va, ele saura où me trouver pour la balance. Bâton à la main, je vais voir les photographies de Nk. et puis, je remonte en douce sur l'étage. Ni vu ni connu.

Ou presque.

Quand j'arrive devant le bureau de GM, Nc., mon autre patronne et G., leur patron, donc mon super patron, sont là. Ils regardent tous mon bâton et je leur dis que c'est pour le chum de la mère de M. GM et Nc. qui sont célibataires et du même âge qu'elle se demandent quand ce sera leur tour de vivre une relation amoureuse. Pendant ce temps, je demande à GM de bien vouloir aller trouver l'artiste ce soir pour lui refiler la balance que je lui devrai ensuite. Accepté. Merci.

De retour dans ma salle, les commentaires fusent. Je vous dis que ça fait parler un bâton. Mais il est vrai que celui-là, il a de la personnalité. L'artiste, Carmen Pitre, a brûlé le bois pour dessiner une kyrielle de feuilles de chêne qui s'entortille autour du bâton. Le matériau trouvé dans la nature - Carmen ne coupe jamais d'arbre - a été pelé de son écorce, sablé, scarifié et puis verni. Pendant notre réunion quotidienne, Nk. empoigne le dit objet et s'appuie dessus. Moi, je pars avec direction la rive-sud à 3 h 30 tapantes.

Comme par miracle, il n'y a pas beaucoup de voyageurs dans l'autobus et je réussis à m'installer au fond, dans le coin, chose qui n'arrive pour ainsi dire jamais. Quelques personnes jettent un coup d'oeil en biais à mon ami le bâton. Subtil. Quarante minutes plus tard, j'arrive devant la porte du paradis et ça y est, je ne trouve pas mes clefs. Depuis que nous avons emménagé en juin dernier, je n'ai jamais oublié ma clef de maison. Je n'oublie jamais ma clef à part à de rares occasions où je fais un transfert de sac ou de manteau. Rare, très rare. Alors devant la porte de maison, je me dis que mon trousseau est sans doute resté dans la poche de mon autre manteau qui est dans la garde-robe d'entrée.

Que faire?

Je pense à Kr. ma voisine arrière, mais à cette heure-ci, elle et sa famille ne sont pas de retour. Je pense à ma voisine d'en face, Ll. que je connais peu et qui a quatre garçons adolescents. Ça me gêne trop et puis, il ne fait pas si froid, alors je m'engage dans la marche. Sur la rive-sud, les téléphones publics ne courent pas les rues. Littéralement. Je remonte le trottoir de l'artère achalandée sur laquelle M. devrait passer. Il fait nuit maintenant. Je scrute les véhicules qui passent pour reconnaître Jasmine si elle file. J'ai le bâton à mes côtés. Quel ironie que le jour où je me retrouve embarrée hors chez moi coïncide avec ce moment où je me promène avec un bâton de pèlerin. On voudrait inventer un truc du genre qu'on ne pourrait pas.

Je me rends à la cabine téléphonique la plus près et en chemin je me dis que je pourrais me rendre ensuite au condo de la mère de M. où se trouve Rc. J'appelle M. avec quatre 10¢ et deux 5¢ trouvés dans mon porte-monnaie. Il me demande où j'étais, lui qui n'appelle jamais avant de rentrer. M. finit techniquement à 4 h 30, mais il part souvent plutôt dans la demi-heure qui suit. Je sais que je ne dois pas l'attendre à la maison avant 5 h 15. Bon. Je lui dis que je n'ai pas ma clef. Il me suggère d'aller chez sa mère. Justement, c'est là que je vais que je lui dis. On se retrouve là. D'accord.

Arrivée à la dernière étape de mon aventure, avec le bâton, fidèle compagnon à la personnalité forte en titi, je sonne et c'est Rc. qui me répond. Il m'ouvre la porte via le buzzer. Une fois dans le condo, Am. est debout dans la cuisine. Elle se prépare sans doute à aller travailler. Elle aperçoit le bâton appuyé dans le coin pendant que je retire mes bottes. Je lui explique rapidement que c'est le cadeau pour Rc. Je sors du vestibule et j'appuie le bâton sur un bout de mur. Rc. sort de la chambre à ce moment-là et me demande si je viens emballer mes cadeaux de Noël. Non, j'ai oublié ma clef. Il avance et empoigne le bâton en l'admirant. Tout haut il en fait l'éloge, ses beaux motifs, sa forme agréable, le mariage de la main et de l'objet. Il dit que tout ce qu'il manque, c'est un coquillage et puis, le bâton est prêt à accompagner le pélerin sur le chemin de Compostelle. Eh bien, que je lui dis, je suis certaine que tu réussiras à le préparer comme bon te plaira. Il me regarde et ne comprend pas. Je lui souhaite bonne fête même si je ne sais pas quelle date exacte c'est. Ce bâton c'est ton cadeau d'anniversaire. Je lui raconte la petite histoire que je viens de vous narrer et ses yeux brillent. Il l'aime ce bâton, ça se voit. Ça sonne. C'est M. qui demande qu'on lui ouvre. Rc. lui demande le mot de passe. M. ne le connaît pas, il ne sait même pas que le bâton existe.

Fin.

11.27.2007

workout

À prime abord, on pourrait croire que je suis une intellectuelle, confinée à sa chaise d'ordinateur pour pianoter tous ces mots enlignés ou installée sur son divan orange à lire ou à regarder la boîte qui cille dans le coin opposé. Physique pourtant, je le suis. Pas de la même façon que ma soeur B., intense dans l'effort, concentrée sur son rythme cardiaque qui accélère, disciplinée. Moi je suis de la vieille école, de celle qui prône l'activité dans les tâches quotidiennes en s'activant justement. Un peu comme la génération de ma grand-mère le faisait. C'est en pelletant ce matin, juste après mon petit déjeuner, que cette réflexion m'est revenue. Elle me revient de temps en temps, quand je sue en passant la balayeuse par exemple ou que mon souffle se raccourcit après avoir grimpé un escalier dans les souterrains du métro. Alors, en soulevant la neige mouillée et lourde, j'ai senti mon oblique interne droit se contracter et je me suis dit "ça y est, je suis en train de me sculpter un ventre de déesse."

Bon bien sûr, mon ventre n'est pas tout à fait plat - j'ai un résidu de graisse de bébé qui a toujours persisté-, mais disons que mon poids, je ne m'en soucie guerre. D'ailleurs, n'ayant pas de pèse-personne, j'en profite pour monter sur celui qu'il y a chez ma grand-maman, dans sa salle de bain, ou sur celui chez ma mère, quand je vais dans sa garde-robe pour me sécher les cheveux. On parle en moyenne de trois occasions par année peut-être. Aussi, quand je vais voir ma médecin généraliste pour mon rendez-vous annuel, je monte sur une super balance précise sur laquelle un jeu de petits poids glisse sur des tiges de métal encochées. Clic, clic, clic, ça y est, je pèse grosso modo la même chose que l'année d'avant, à une ou deux ou trois livres près. En plus, ces rencontres ponctuelles prennent lieu toujours aux alentours du mois de janvier. À ce moment-là, je sais que je suis à mon maximum côté poids parce que c'est l'hiver et que mon corps a besoin de son gras emmagasiné pour me protéger du froid. Mais même alors, je brave la température en chute libre pour marcher sur mon heure de pause. Rien de mieux pour éveiller l'esprit assommé par le boulot. C'est comme sauter dans une rivière glacée après avoir végéter dans un bain tourbillon.

Mes pantalons me parlent aussi. Bien qu'ils ne me disent pas grand-chose vraiment, parce que mon poids ne varie pas beaucoup. Cependant, parfois, je remarque mes poignées d'amour, celles de mes hanches. Je vois qu'elles s'arrondissent et qu'elles débordent de la taille de mon vêtement qui les serre un peu plus. Pendant ces moments-là, je ne change rien à mes habitudes, à part peut-être les pâtisseries dont je me gratifie à l'occasion. Je suis convaincue que si je commençais à obséder, mon poids deviendrait une réalité encombrante. Je crois qu'on donne du pouvoir à ce que l'on veut par la pensée. Si je me concentre sur quelque chose de négatif du genre " j'ai du poids à perdre" ou "j'ai grossi", mon corps percevrait le message si bien qu'il s'épaissirait sans doute, répondant tout simplement à mon commandement. Ce qui trotte dans l'esprit, marque le corps.

Certains diront que l'âge joue pour beaucoup. C'est vrai que le temps modifie l'efficacité de notre système cardiovasculaire, que nos graisses brûlent moins rapidement, que notre système hormonal diminue son pouvoir régulateur. Malgré tout, l'être qui demeure actif, conserve un bon rapport à son corps, indéniablement. Le piège réside dans l'acquis de la machine. Combien d'entre nous réalisons que nous avons un véhicule seulement quand une pièce ne fonctionne pas rondement ou qu'un virus l'assaille? Le corps, notre aspect matériel, notre matériau pour tout dire, c'est notre allié. Lui donner un carburant de qualité et faire rouler son moteur avec soin équivaut à la santé qui permet l'épanouissement dans le monde. Rien de moins.

11.25.2007

lieu de culte

Mon loup est debout. Il rôde dans la cuisine. Jus, rôties, café. Sinon, il n'est pas "parlable". Il a paressé jusqu'à 11 h. C'est son luxe ce péché mignon. Moi pendant ce temps, je lis et j'écris. Vivre à deux, ça demande des espaces de solitude. Je profite de tous ces matins où mon corps se lève avant le sien pour engraisser mon coco friand de culture et de découvertes.

Hier, j'ai remis à Nk., mon collègue et ami, le livre Alexis Zorba. Quand il m'en avait parlé il y a un peu plus d'un mois, j'étais en plein dans Les Bienvaillantes, brique monumentale s'il en est une. J'ai lu un bouquin tampon entre ce pavé et le récit initiatique romancé basé en Crête, un roman d'une auteure Nigérienne relocalisée en Angleterre. Nk. m'avait présenté Alexis comme étant son meilleur livre lu à vie. D'ailleurs, sur la page de garde dans la copie qu'il m'a refilée, une dédicace à l'intention de sa femme lui souhaitait une bonne lecture l'air de dire "après ceci, tu me connaîtras mieux". Nk. a découvert l'oeuvre dans sa version originale grecque. Il a vu le film aussi mettant en vedette Anthony Quinn dans le rôle de l'hurluberlu inspirant qu'est Zorba. Moi, c'est à Fr., mon ancien voisin d'en-dessous, que j'ai pensé tout au long de ma lecture. Grand, décontracté, extraverti et sensible, je n'ai pu m'empêcher d'établir le parallèle entre les deux. Tant et tellement qu'à l'approche de l'anniversaire de Fr., je sais que c'est cette oeuvre littéraire que je vais lui offrir en hommage à sa liberté.

Et puis, j'aimerais bien aller au cinéma. Il y a longtemps que je ne me suis assise sur un siège dans une pièce à l'écran géant. En fait, de moins en moins je les fréquente ces salles de projection. Je leur préfère le confort de mon salon, où je suis assurée de ne pas me faire gâcher mon expérience cinématographique par des spectateurs irrespectueux. Même dans des cinémas de répertoire réputés, j'ai eu la malchance de tomber sur des commentateurs chiants. Je me souviens d'une fois au Cinéma Du Parc où je me suis fait rembourser mon billet parce qu'une femme expliquait le déroulement de l'action à son mari gâteux. Kippur relatait des événements politiques qui ont pris place en Israël en 1973. Ce couple avait dû vivre de visu les faits mis à l'écran. Moi, j'aurais bien aimé pouvoir les absorber sans interruption. Je leur ai demandé de baisser le ton par deux fois. La troisième fois, je quittais pour de bon.

La même chose s'est reproduite à tellement d'occasions que j'ai bien failli écrire un mot du lecteur dans un journal populaire pour prier les bousilleurs de délices simples de bien vouloir rester chez eux. Mais parce que je ne suis pas de nature vindicative, j'ai opté pour la paix dans mon nid. Bien sûr, il me faut attendre la mise en boîte des bobines avant de voir les oeuvres du septième art, mais au final, la rotation s'établit et je profite du plaisir de la découverte avec quelques mois de retard. Mieux vaut tard que jamais.

Aussi, un second facteur m'a convaincu de demeurer à la maison pour vivre mes expériences cinématographiques. En fait, c'est la raison principale qui a affecté mon rapport à cette sortie culturelle. Quand les bonzes de l'industrie ont décidé d'ouvrir des centres de divertissement et conséquemment de faire grimper le prix des billets en flèche, mais surtout de faire crever les petites salles aux programmations diversifiées agglomérées au centre-ville les unes après les autres, je pense ici au Loews, à L'Égyptien, au Faubourg, au Complexe Desjardins, à Alexis-Nihon, au Palace, j'ai pris position et j'ai choisi de ne pas encourager ces mégacentres uniformisants même si parfois, un film de Woody Allen ou Wes Anderson est à l'affiche dans l'une des nombreuses salles de ces monstres hallucinants.

Parce qu'il est évident que dans les salles, le cinéma d'auteur fut supplanté par les productions hollywoodiennes qui font rouler l'économie. Heureusement Daniel Langlois a ouvert les portes de L'Ex Centris à peu près en même temps que cette invasion et le Cinéma Du Parc, maintenant dans les mains de Roland Smith, tient le coup malgré justement plusieurs coups durs. Quant au Cinéma Beaubien, anciennement Le Dauphin, allez faire un tour sur son site internet pour découvrir sa délicieuse programmation et sa mission de quartier. Sans mentionner les nombreux festivals qui mettent de l'avant les oeuvres d'un cinéma différent qui explique le monde par des visions personnelles branchées sur ce qui nous entoure tous. Il existe une autoroute ultraperformante, mais aussi un chemin de campagne. En tant que voyageuse, je choisis celui qui me permet d'admirer plutôt que celui qui me jette de la poudre aux yeux. Merci au ciel, j'ai encore l'option.

11.24.2007

gute nacht

Parce que je travaille de soir et que M. passe la soirée avec des amis, je rentre en autobus. Minuit a sonné il y a vingt minutes lorsqu'une poésie me visite en foulant le trottoir enneigé. Je vois les arbres chargés de verglas et je me lance:

Les silhouettes aux veines glacées crissent dans
l'air qui tranche mon souffle
seule avec eux, je redeviens organique
bête intelligible dans le clair de lune
égarée dans la raison parce que mon coeur est occupé à s'émouvoir en retrait
eux me regardent
curieux
quelle est cette chose qui utilise des mots pour une nuit d'hiver éternel

11.22.2007

mes printemps

Quand M. termine la lecture de mon message d'hier, il vient dans la cuisine, se place de l'autre côté de l'îlot où je travaille à préparer le souper qui ne sera pas mangeable - ce qui n'arrive pratiquement jamais pour ainsi dire mais hier, c'était une soirée comme ça - et il me demande s'il devrait s'inquiéter. Le dernier paragraphe, cette histoire de banc de neige, qu'est-ce que ça peut bien dire? Je lève les yeux, que j'ai plein d'eau parce qu'il me touche mon amoureux, et je lui dis qu'il y a toujours un printemps. D'ailleurs, dès que j'ai terminé mon message, mes printemps sont venus me réchauffer, mes bons coups, ma chance inouïe de vivre la vie que je vis, ces fois où d'autres lecteurs-testeurs, dont toi chère Ziwi, et toi chère maman, toi, ma soeur G. et toi GM, toi Nk., toi aussi Sm., je réentends vos commentaires et somme toute, je sais bien que mon livre peut trouver sa niche. Et puis, qui que tu sois NC, je sais bien que tu as raison. Quand ma soeur cherchait un acheteur pour son Explorer en pleine crise de la hausse du prix de pétrole, je lui ai dis exactement cela, qu'il y a toujours quelqu'un, qu'une personne suffit pour faire tourner la roue. Ma soeur a vendu son siphon en deux petites semaines.

Et puis, les éditeurs auxquels j'ai fait parvenir mon manuscrit n'ont pas encore envoyé leur verdict. Et puis, je sais bien que mes écrits recèlent un petit je-ne-sais-quoi puisque malgré tous les refus essuyés, je poursuis dans cette voie. Profondément, j'ai confiance. Je porte toujours un printemps dans moi. C'était un peu ça la morale de mon histoire d'hier. Et puis, la critique, il faut être capable de la prendre si on veut évoluer, se perfectionner. Surtout lorsque l'on s'expose. Créer rend vulnérable, mais aussi invincible. Quoi qu'il en advienne, c'est toujours un accomplissement.

11.21.2007

critique

L'intuition. Quand elle se manifeste, je ne peux que remercier l'univers. Petit clin d'oeil qui me signifie que je suis bien en contact avec le cours des choses. Alors ce soir, en revenant, installée sur mon siège dans l'autobus, inconfortablement, l'idée me vient d'envoyer un courriel à Sm., mon ancien voisin d'en bas, pour lui demander s'il a eu le temps de lire mon manuscrit, que je lui ai envoyé il y a trois semaines, et comment il l'a trouvé. Flash subit. Intuition très certainement puisque lorsque j'arrive à la maison, la lumière du répondeur clignote et c'est la voix de Sm. qui me dit qu'il aimerait bien me parler de mon texte. Je compose son numéro, il répond. Rapidement, nous en venons au fait. Il commence en me disant que j'utilise des beaux mots pour décrire - drôle de hasard ce commentaire laissé sur mon dernier message sur le terme diaphane bien utilisé, hein voisin? - et puis, je coupe dans le bouquet de roses et je dis "mais...?"

Mais pour un texte qui est supposé m'exciter, ça n'a pas fonctionné. Voilà, c'est dit. Je ne fais pas monter la sève. J'arrive au but de façon trop abrupte, je lèse l'imaginaire, en fait, je ne le suscite même pas. Mes mots ont laissé son érotisme en plan. Il m'encourage en disant qu'avec un peu de travail, ça ira, que j'y suis presque, que la façon dont mes personnages prennent vie est originale. Moi, je le remercie non sans avoir un peu discuté parce qu'il ne veut pas me blesser et tout à la fois, il ne veut pas encenser quelque chose qui le laisse indifférent. Vraiment une franchise comme la sienne, ça ne court pas les rues. Mon orgueil se débat un peu en disant que d'autres m'ont fait la critique d'être trop expéditive et que je voulais reproduire cet aspect brut des rapports sexuels, trop souvent beurrés de miel épais. Je lui dis aussi, que pas plus tard qu'hier, je me suis fait moi-même la critique d'aller à ce que je veux dire sans prendre la peine de broder. Vlan dans les dents, je fais comme ça et un univers littéraire, ça demande un peu de rembourrage, je sais parce que je lis et que j'aime m'attacher. Dans mon cas, c'est comme si l'idée supplantait la mise en scène et qu'une fois jetée, mon intérêt passait à la prochaine sans prendre la peine de mettre de la chair sur l'os. C'est ma faiblesse d'auteur. Je le sais Sm. Tu as vu juste Sm. Peut-être que c'est pour ça que la vie ne me donne pas de signe positif quant à mon rêve de publication, peut-être qu'elle veut me protéger.

Bien sûr, tout se travaille. Il ne suffit que de se relever les manches et de travailler. Essuyer l'échec et travailler. Recommencer. Travailler. Bien sûr. Parfois, cependant, le courage n'inspire plus. On s'assoit dans un banc de neige, on gèle et on oublie qu'on a déjà eu des doigts pour créer, des pieds pour avancer, des fesses pour danser. On gèle. Petit à petit, le coeur s'atrophie, l'air se raréfie, le sang s'épaissit. On gèle. Jusqu'au prochain printemps. Mais on gèle quand même. Jusqu'au prochain printemps.

11.19.2007

Oxalis tetraphylla

Parce que j'ai le poignet en bouilli et que j'ai froid et que si j'écris, ce ne sera pas aussi réussi que ce qui suit, voici:



Une bouffée de chance, de pure superstition, de beauté diaphane dans la lumière crue du mois des Morts. Qui dit mieux?

11.17.2007

perforée

Quand je demande à M. le plan de match pour aujourd'hui selon lui, il inclut l'air de rien, un arrêt à cet endroit dont nous a parlé une commis chez Zoppini la semaine dernière. Là, ils vendent des bijoux fabriqués à partir d'acier inoxydable parce que je suis allergique aux métaux plus couramment utilisés en joaillerie tels que l'argent, l'or, l'étain. La vendeuse me recommande d'aller dans un salon de tatouage et de perçage sur la rue Churchill à Greenfield Park. Des anneaux en titanium m'y attendaient aujourd'hui dans un présentoir. Lorsque nous rentrons dans le local, un boucan de l'enfer nous accueille. Un homme surgit de derrière, par un couloir. Il se dirige d'un pas décidé vers une cage énorme et haute. Il s'adresse à un grand perroquet bleu au col jaune. L'oiseau se calme lorsqu'il lui demande. Un garçon d'environ neuf ans à la coiffure en bataille nous regarde, habitués de voir surgir des gens ici, dans ce lieu qui est chez lui puisque, nous le comprendrons bien vite, papa et maman sont des artistes qui ont élu domicile et boutique sous cette enseigne.

L'homme nous salue. Je lui rend la pareille et lui explique que je suis ici pour me faire percer les oreilles, que je suis allergique au métal alors quelqu'un m'a recommandé d'y aller avec le titanium. Je suis au bon endroit qu'il m'assure. Maintenant, c'est au tour d'une femme au crâne rasé de surgir de derrière. L'homme nous guide au meuble vitré qui contient les différents modèles de bijoux. Pendant que je tente de choisir parmi les anneaux qui se ressemblent tous, ils se tiennent tous les trois collés, la femme, l'homme et l'enfant. La femme est plus grande que l'homme au regard noir qui porte un foulard sur la tête. La femme m'explique que les anneaux de couleur résultent d'un contact électrique avec le titanium. Elle me montre l'anneau que porte son garçon qui est redevenu argenté au fil des ans, cinq ans dans son cas. Le garçon me jette des coups d'oeil de biais quand je dis que je vois encore un peu de vert sur le bijou.

Indécise parce que, comme je vous l'ai dit, je n'arrive pas à voir clair parmi les choix qui se présentent à moi, je me tourne vers M. et lui demande lequel il préfère. Il me pointe des anneaux noirs, mats, avec une perle de couleur noire également. Étrangement, je ne les avais même pas remarqués. La femme dit que ce sont parmi ses préférés et qu'ils sont de forme... elle hésite, nous regarde et nous demande si six côtés, c'est bien hexagonal que l'on dit. Je dis que oui. Elle demande et cinq? Pentagonal. Et huit? Octogonal. Elle rit et dit que ça valait bien la peine d'aller à l'école. Alors l'anneau a une subtile forme hexagonale. Elle nous dit que nous devons revenir dans une heure, le temps de stériliser les bijoux. Parfait, il faut aller faire les courses.

De retour une heure plus tard, un skater est assis à la table située au centre de la pièce. La femme au regard bleu lui demande ce qu'il veut exactement comme tatouage. Il parle de deux oiseaux, un bleu, un rouge. Elle lui demande une dizaine de jours pour lui proposer quelques esquisses. Il fait un dépôt, veut savoir s'il pourra faire son boulot normalement les jours suivants le grand jour, quitte l'air satisfait en ramassant son skate-board appuyé sur une chaise.

La femme me demande de m'installer sur la chaise et elle dispose tous les outils dont elle aura besoin pour l'opération. Antérieurement, je me suis fait percer deux fois les oreilles. La première fois, j'étais un bébé. C'est un de mes plus vieux souvenirs. Tellement vieux en fait que je ne sais pas s'il est réel. Je me souviens des murs rouges capitonnés d'un sous-sol d'une maison dans le milieu de mon village, près de l'épicerie, sur une petite rue derrière. La deuxième fois, j'avais seize ans et je retrouvais mon amie d'enfance. Nous étions allés à Ottawa dans un centre d'achat et puis, je m'étais refait percer les oreilles parce que toute petite, mes oreilles s'infectaient et j'avais laissé tomber les boucles d'oreille parce mes lobes étaient toujours douloureux. Les trous s'étaient refermés. La deuxième fois, la même chose s'est reproduite.

Installée et prête, je lui demande pourquoi malgré toutes ces années passées sans bijoux mes lobes expulsaient encore un liquide blanc une fois de temps en temps quand je les pressais avec mes doigts. La femme m'explique que ce liquide, c'est un peu comme de la graisse qui veut refaire de la peau. Elle me dit que parfois, lorsqu'elle fait certains perçages, il y a de ce liquide qui sort quand elle pique la chair.

Elle fait des points rouges avec un stylo, un sur chaque lobe. Elle recule et regarde. Elle coince l'extrémité de mon oreille gauche dans une pince plate et me dis de prendre une grande respiration. Et puis, l'aiguille épaisse traverse ma peau dans un bruit de chair qui déchire. Quand je lui dis, elle est d'accord sur le fait que c'est assez bizarre d'entendre le passage de l'objet effilé. Elle insère l'anneau et la bille qui le retient. Elle fait la puncture de l'autre oreille. Pendant ce temps, elle me parle d'un liquide nourrissant qui accélère la guérison. Avec ces années d'expérience, c'est le meilleur produit qu'elle ait pu trouver. La femme est méthodique et d'une question à l'autre, je comprends qu'elle aime ce qu'elle fait et qu'elle le fait avec grand sérieux. Son métier, elle ne le prend pas à la légère, elle veut être informée, savoir comment le faire de la meilleure façon, avec les meilleurs outils, pour un meilleur résultat.

À la caisse, M. prend soin de tout. C'est un cadeau. Il y a tellement longtemps qu'il désirait voir cela, mes oreilles percées. Quatre heures plus tard, son regard est encore chargé de satisfaction. Il me dit que je suis belle. Moi, je trouve cela joli, mais il va falloir que je m'habitue. La coquetterie du bijou, il me faut l'apprivoiser, moi qui me voit à l'état brut depuis maintenant dix ans. Bientôt, ces corps étrangers auront intégrer mon identité de telle sorte que seuls ces mots témoins du moment de leur arrivée dans mon image seront la preuve qu'ils n'y étaient pas auparavant. Eux et quelques photographies. Je suis maintenant une femme aux oreilles percées. À moi, les boucles d'oreilles de bois, de corne ou d'acier. Mais pour l'instant et cette nuit qui vient, à moi la douleur de l'élancement. Je suis des lobes d'oreille jusqu'à ce que les oublie.

11.15.2007

perception

Matin mouillé et paresseux. J'ai traîné au lit jusqu'à 9 h. Grâce matinée bien que je me sois mise au lit à 11 h 30 la veille. M., que je réveille bien malgré moi quand je me glisse sous les draps, a de la difficulté à retrouver le fil onirique alors il se tortille et il parle. Vers minuit, il s'est calmé et puis, nous tanguons dans l'autre dimension. Quand il vient me donner un bisou avant de quitter pour le travail ce matin, je lui dis qu'il y a une seconde à peine j'étais déguisée en clown et je me présentais comme étant Tricot aux enfants qui m'accueillaient, bien que j'aurais préféré m'appeler Paprika. Passons.

Bref retour sur le 13. Quand j'ai continué ma journée, après vous avoir écrit, j'ai repensé au nombre, aux dates importantes dans ma vie et puis, j'ai réalisé que j'avais oublié un autre 13 juin, le jour numéro un de ma relation avec M. Je ne m'en tiens pas trop rigueur de cet oubli parce que nous deux, le parcours de notre relation, surtout les débuts, c'est un bel imbroglio. Mais il est vrai que ce 13 juin, un vendredi aussi cette année-là, un soir menant à la pleine lune, nous nous sommes aimés pour la première fois, communiés si vous préférez. Onze ans jour pour jour après ma première fois à vie. Vraiment la vie a de ses hasards.

Aussi, autre étrangeté, quand je vous ai écrit mon dernier message, je le faisais parce que c'était le jour même du nombre, donc le 13. C'est ce qui m'avait inspiré à le faire. Eh bien, hier, en prenant place sur mon divan orange pour regarder le deuxième film que j'avais loué en fin de semaine en prévision de mes matinées libres, je réalise que le titre inclut le 13. Vraiment, l'inconscient provoque des choses à notre insu. Alors, ce 13 Tzameti m'apparaît du coup comme part intégrante à la trame de mon existence, même si je n'ai aucune idée de son contenu. Je sais que tout cela m'inclut, que la trame me porte et veille. Petite chose anodine pour certains, chose merveilleuse à mes yeux.

Et puis, le téléphone sonne pendant que je vous écris. Je reviens tout juste d'une longue conversation avec ma conseillère. À un moment, elle dit que nous devrions aller prendre un café. Je lui dis que c'est ce que nous faisons, l'appareil collé contre la tempe. Plusieurs cafés ont été échangés entre nous déjà. Aujourd'hui, nous parlons de nombreux sujets qui tournent tous autour du mieux-vivre individuel et collectif, de ces ponts à faire entre le je et le nous, entre le passé, le présent, le futur, entre les connaissances et les expériences. Bien malgré nous, nous explorons les voies qui nous portent en exprimant les voix qui nous traversent. La rencontre, quelle joie. Surtout lorsqu'elle est faite dans l'ouverture et l'écoute, l'échange et le respect.

Ce film, dont je ne vous ai pas parlé encore, il dépeignait des aspects noirs de la nature humaine. La convoitise, l'ambition, l'avilissement, la traîtrise. Mais au travers tout cela, il y avait la force de la famille, coûte que coûte, l'innocence qui nous pousse vers l'inconnu, la beauté de l'émotion crue. Il fallait voir tout cela, savoir le reconnaître surtout, sinon, le noir aurait prédominé et j'en aurais gardé un mauvais goût en bouche. Le verre à moitié plein est aussi à moitié vide, toujours. À nous de choisir.

11.13.2007

ce jour-là

Le 13, mon jour chanceux. Ce nombre, il est associé à plusieurs événements importants dans ma vie. C'est un 13 juillet que mon papa est né. Depuis qu'il est décédé, cette journée est devenue aussi importante que l'étoile de Bethléem. Quand elle vient, je salue mon père, je lui souhaite un bon anniversaire. Une fois, j'ai oublié de le faire et puis, ça été le bordel. Je devais avoir 19 ans et je venais tout juste d'emménager dans un logement que je partageais avec trois colocataires que je ne connaissais ni d'Ève ni d'Adam. À cette époque, je travaillais au Café Chapter's au centre-ville. J'étais rentrée à pied du travail ce soir-là. J'étais exténuée de mon quart de travail qui s'était terminé à 11 h. Dans l'appartement, pas une âme qui vive. Malgré ma fatigue, mon intuition m'indique de rester réveillée, que quelque chose se trame. Je tourne en rond dans l'appartement immense et endormi. Ça cogne. Il est environ 1 h 15 du matin. C'est le frère d'un de mes colocs accompagné de deux amis. Ton frère n'est pas là, mais rentre. À peine installés que la sonnette retentie. Cette fois, c'est Al. mon ex, si on peut le qualifier de tel. Il fulmine parce qu'il a appris qu'il y a eu un party chez moi hier et qu'il n'a pas été invité. J'essaie de lui expliquer que tout a été organisé rapidement, que j'ai bien tenté de le rejoindre, mais sans succès. Il voit rouge. Je l'invite à monter pour enterrer la hache de guerre ou de partir pour que nous reparlions de tout cela plus tard parce que là vraiment, je suis rompue de fatigue. Il reste figé au pied de l'escalier. Je monte. Une minute passe et puis, c'est le bordel. Al. a déclenché l'alarme à feu dans l'escalier reliée au restaurant en bas de notre logement. Le bruit est infernal. J'ai l'impression que tout le quartier est réveillé à présent. Tant bien que mal, nous tentons de faire stopper ce monstre retentissant. Deux policiers débarquent et demeurent impuissants devant le vrombissement concentré dans l'appareil déchaîné. Ils partent en disant que ça devrait cesser dans une dizaine de minutes. J'ai l'impression que ça fait déjà une heure qu'elle sonne sans arrêt. Arrive le voisin armé d'une paire de pinces. Il tue la bête. Et puis, quand les garçons quittent après cet imbroglio, je réalise que depuis minuit, c'est l'anniversaire de mon papa. Bonne fête.

Le 13, c'est aussi celui du mois de décembre associé au premier baiser échangé avec Tr., mon premier véritable amoureux. Six mois plus tard, le 13 du mois de juin, nous faisons l'amour pour la première fois, pour ma première fois à vie. Les deux fois, c'est tombé sur un vendredi.

Le 13, celui de mai, c'est le jour que B. et Bb. ont choisi pour se marier.

Le 13, c'est finalement l'anniversaire de M., mon bélier préféré. Alors quand ce jour est là, celui du nombre teinté de bonne vieille superstition, il m'est favorable. Il est associé à des gens que j'aime et à des moments d'amour, littéralement.

Et puis, c'est mardi. Je me souviens d'une session universitaire en particulier où tous mes mardis furent atroces. Tant et tellement que j'en étais venue à rechigner de sortir du lit ce jour-là. J'avais deux cours, mais il me semble que tout roulait plus abruptement pendant cette journée. Rien ne coulait. Mon âme était meurtrie de minuscules encoches tout au long du jour, ce qui m'éreintait. Toutes ces contrariétés m'amenèrent à frémir à chaque retour de ce jour. Maintenant, les mardis ont repris leur rôle sans histoire dans l'ensemble et la malédiction s'est levée avec la fin de ma session, il y a des années de cela.

Seuls les dimanches demeurent des jours vraiment particuliers pour moi. Plus lents, plus détendus que les autres jours, ils me charment par leur rythme baba cool. Jour de repos. C'est comme cela que nous l'avons voulu. Nous les suiveurs de calendrier. Nous l'avons voulu lendemain de veille, précurseur de la semaine de travail. Plage horaire libératrice et sereine. Moment fidèle et patient. Pour nous ressourcer avant de replonger dans l'arène. Nous les Romains de tradition.

11.11.2007

all together

Il est 5 h 30 du matin. Mon corps est réglé sur ma semaine de travail. Même si j'essayais de rester allonger les yeux fermés dans l'attente de l'endormissement ça ne fonctionnerait pas. Quand je suis réveillée, rares sont les fois où je replonge et quand je replonge ces rares fois, mes rêves sont si étranges que je me réveille encore plus fatiguée.

Ma soeur G. et mon beau-frère Rb. nous ont invités hier dans leur maison de Longueuil. Ils sont des hôtes impeccables. Quand nous sommes arrivés un peu avant 2 h, maman et grand-maman y étaient déjà. G. avait mis sur la table une assiette pleine de cupcakes maison, une autre de fruits découpés, une troisième de crudités accompagnées de deux trempettes, une quatrième de fromage. Collation de l'après-midi. Suivie, une heure plus tard, par des chips. Après le repas, servi trois heures plus tard, et une demie coupe de vin, mon corps avait atteint sa limite d'ingurgitation. M. m'a demandé sur le chemin du retour si j'avais mal au coeur. Non, du tout, mais disons qu'il y avait du trafic dans mon oesophage.

Après quelques trains mexicains, GM, la meilleure amie de B., mon autre soeur, celle qui est à Hong Kong, est arrivée. Il y avait longtemps qu'elle n'avait participé à une de nos rencontres familiales. GM est avant tout la moitié de B. Leur complicité indéniable les lie depuis des années maintenant. D'ailleurs, plus tard dans la soirée, quand nous nous sommes tous réunis au sous-sol dans la salle d'ordinateurs pour parler avec notre cellule hongkongaise, j'ai témoigné de cette fusion lorsqu'elles ont échangé quelques répliques à la vitesse de leur connection spirituelle.

Devant l'ordinateur, grand-maman a un peu figé. Elle n'utilise jamais cette bibitte électronique. De se retrouver ainsi devant une image et du son nous parvenant de l'autre bout du monde, ça demande un certain ajustement. Ma filleul Em. nous a chanté A B C et Twinkle twinkle little star. B. a bien tenté de lui faire chanter une chanson en mandarin et moi une du répertoire Passe-Partout, mais elle revenait à ces airs comme si elle récitait des mantras. Au moins, elle est restée un peu devant la caméra. Wiwi, le plus jeune des deux enfants de B. et Bb., mon autre beau-frère, a joué à pick a boo jusqu'à ce qu'il décide que c'étaient au tour de boutons du clavier de l'intéresser maintenant. Nous avons parlé une bonne heure avec eux. B. avait l'air bien. Ça nous a tous fait chaud au coeur.

Après, nous sommes retournés à la table et nous avons procédé à la pige pour l'échange de cadeaux à Noël qui approche à grands pas. J'ai précisé qu'il fallait s'en tenir au seul cadeau de la personne que nous avions pigée. Noël, c'est un temps de réunion et de repos, pas une course contre la montre pour nourrir le monstre de la consommation. Aussi, M. et moi allons recevoir la famille le 25. Grand-maman m'a demandé s'il serait possible de cuisiner de la viande tellement qu'elle est respectueuse de notre régime. Bien sûr, que je lui ai dit, mais j'aurai besoin de son aide pour faire dorer la dinde, chose que je n'ai jamais faite. De toute façon, Noël n'est pas encore tout à fait à la porte. Ça nous laisse du temps pour organiser la rencontre.

Bon, je fais un saut de crapaud de deux trois jours en arrière pour faire une brève mention de la pièce de théâtre que nous avons vue jeudi soir dernier. Je m'attendais à un coup de poing, j'ai un coup sur le coco plutôt. Le texte tramé sur fond d'absurdité délirante fut magnifiquement bien rendu par la complicité des deux acteurs doués pour transmettre cette désorientation intellectuelle. Une spectatrice assise à l'avant de l'assistance poussait des rires, d'autres aussi, au prise avec un trop plein d'amusement. Un beau spectacle détendant parce que déliant l'intellect, malgré le niveau langagier soutenu selon M. qui aimerait bien lire le texte. Le problème avec moi est présenté jusqu'au 24 novembre à l'Espace Libre, bijou de théâtre. Allez-y. C'est bon pour le moral.

11.08.2007

stimuli

Je suis maintenant apte à intervenir si une personne est blessée, si elle hyperventile, si elle tombe raide molle à terre. Je sais quoi faire si elle a une fracture du crâne, si elle s'est brisé le coude, si elle fait une crise d'épilepsie, si son coeur arrête de battre. Deux jours de formation et ma voilà transformée en secouriste. En espérant que les connaissances collent et s'incrustent dans la giblotte sous ma calotte.

C'est fou comme un brin de stimulation intellectuelle qui fait appel à d'autres choses que celles que je connais presque par coeur à force d'habitude et de confort ravigote. À prendre des notes et à suivre les explications et à absorber cette nouvelle matière, j'ai l'impression que mes neurones brillent de tous leurs feux. Si on avait fermé les lumières, mes narines et mes joues auraient scintillé pour sûr.

Parce que même si je lis beaucoup sur des sujets divers, l'exposé et la vulgarisation sont autant d'outils pour permettre la mémorisation. La répétition des notions à assimiler par le transmetteur des connaissances équivaut à marquer la matière grise de l'apprenant au fer chaud. Quand Sr., notre instructeur ex-Airborn, nous a fait simuler une intervention auprès d'une personne en détresse, les fameuses étapes de l'examen primaire, elles nous sont rentrées dans le coco à force de les reprendre à chaque fois. Maintenant, j'espère qu'une situation où je devrais intervenir ne survienne pas. Pour le bien de tous, je ne souhaite pas d'accidents ni de maladie. Mais si c'est le cas, je ferais de mieux, de bonne foi, tel que stipulé par la loi d'ailleurs.

Ce midi, tout le groupe a mangé dans un petit resto offrant le menu typique pour le dîner: sandwiches, soupes, salades. Café Mariani que ça s'appelle, sur le boulevard Notre-Dame, à l'ouest du métro Place St-Henri. Le tout avec des ingrédients frais et de qualité dans un environnement tendance: dalles de ciments, tables de bois, poutres d'acier en métal aux boulons visibles. C'est drôle parce que hier, je suis allée prendre une bière avec Sr. au Benelux. Quand elle est rentrée dans cette brasserie artisanale, elle a commenté cette tendance que les commerçants ont depuis peu à créer un environnement froid avec des matériaux bruts et des couleurs sombres. Moi, j'avoue que j'aime cette idée de redonner la place aux matières premières. Basique.

Je dois absolument vous glisser un mot sur ma soirée d'hier. Donc après la bonne bière noire et la bouffe tibétaine en compagnie de ma superbe amie Sr. que je ne reverrai plus avant son départ pour le Venezuela dans moins de deux semaines pour une période de cinq semaines, je me suis dirigée à l'Agora de la Danse sur Cherrier. Là, une foule de jeunes adultes grossissaient tranquillement en se dirigeant au deuxième palier où ils allaient être initiés à la danse contemporaine au contact d'une chorégraphie signée José Navas. Jl., leur professeure de français qui leur a demandé de remplir un carnet culturel en assistant à deux spectacles ou événements obligatoires et à deux autres de leur choix, m'avait invitée parce que c'est mon amie, qu'elle avait des billets excédentaires et qu'elle sait que je peux apprécier. Soirée réussie en tout et partout. Bien que j'aie nettement préféré certains tableaux d'Anatomies à d'autres. L'introduction du troisième, Anatomy 3 donc, était magnifique de tendresse toute mâle. Chose assez rare à observer de façon aussi exposée.

Je dois vous laisser pour aller concocter notre plat de pâtes à l'huile, ail et tomates parce que ce soir, c'est au tour du théâtre de venir nous brasser la sensibilité. Un autre cadeau de cette généreuse Jl. des prés. M. et moi, on s'en va vivre un texte de Larry Tremblay et après ma lecture de ce matin, dans l'autobus de 6 h 37, Leçon d'anatomie, je m'attend à un coup de poing au ventre. Manger léger serait donc la meilleure chose.

11.05.2007

solo

Jour de congé pour bibi parce que j'ai travaillé toute la fin de semaine. Alors, j'en profite pour booker deux rendez-vous coup sur coup. Un le matin à la limite d'Outremont et un autre, trois heures plus tard chez moi. Et parce que je n'ai toujours pas trouvé mes foutus jeans Levis Eco, avant mon premier rendez-vous, je fais un détour par le centre-ville où je place ma commande pour ce pantalon qu'il me faut absolument. Mais avant, parce que le 10 h signifiant l'ouverture des boutiques est à quinze de là, je fais un saut de crapaud au HMV où j'écoute quelques extraits du dernier Bran Van. Mmm, ragga plaisant, airs kitsch un peu tape les nerfs. Je verrai, mais pas pour l'instant.

De Peel à Jeanne-Mance, je déambule au coeur de ma Montréal qui vaque tranquillement à son début de semaine. J'admire les plis de la cape de MacDonald coulés dans le bronze et je lèche les vitrines pleines de mannequins rigides et immobiles portant des pantalons cigarettes. Tellement loin de mon confort. Les jeans que j'ai commandés sont amples parce que je préfère sentir le sang circuler sous le vêtement et que je ne suis pas la mode, mais plutôt mon goût pour les fringues décontractées.

Plus loin, je m'arrête, émerveillée, devant cette façade d'église surgit de derrière des immeubles qui la masquaient et qui ont été détruits. Je contemple les détails du linteau tout en frises au-dessus des portes massives. La pierre taillée en fioritures révèle des détails fascinants semblable à des vignes serrées dans lesquelles se cachent des oiseaux, dont un hibou solennel. Je remarque aussi deux grotesques qui passent presque inaperçus tellement ils sont petits. Ils sont perchés en haut d'un vitrail de la tour est. Ils sont là, sans rappel de symétrie comme si les tailleurs avaient voulu faire un clin d'oeil à quelqu'un. Peut-être même était-ce un genre de signature? Qui sait.

Je saute dans la 80, direction nord. J'observe le réaménagement du coin Des Pins et Du Parc. Dire que ce carrefour de voies et de feux de signalisation était desservi par un échangeur il n'y a pas si longtemps. L'Homme indécis. Je regarde les chicots d'arbre plantés dans une tourbe aux cicatrices encore bien visibles et j'essaie de voir ces monticules chargés de plantureux végétaux bien touffus. J'aurais 90 ans quand ils ne ressembleront plus à ceux d'aujourd'hui. Des travailleurs s'échinent sur un sentier qui longe le boulevard séparant la montagne du parc Jeanne-Mance. Je vois un tas de pierres. Ce sont les pierres d'origine du sentier. Celles qui ont portés les marcheurs de plusieurs décennies. Ils refont le sentier. Il réutilise ces pierres. Hourra.

Dans l'autobus, un homme à la peau aussi noire que l'onyx vient s'asseoir devant moi. Je suis installée dans le coin arrière du véhicule public. Là, mes grandes cannes ont de l'espace et je peux admirer le paysage urbain qui défile au rythme de la circulation. L'homme me regarde et je sais que je lui ai déjà parlé. Ça remonte à des années. Je marchais vers l'UQAM et il m'avait interpellée juste après la rue Ontario. Je ne me souviens plus trop ce qu'il m'avait dit, mais il voulait être mon ami. Maladroit et désespéré. Moi de lui répondre que si la vie voulait que nous nous croisions à nouveau, elle le ferait tout bonnement. Je me souviens de ses yeux injectés de sang. Les mêmes qu'aujourd'hui. Mais aujourd'hui, ça ne me disait pas. J'étais dans ma bulle, de retour dans mon espace aux milles événements à la minute. Je ne crois pas qu'il m'ait reconnue. Quoi qu'il en soit, je portais mon casque d'écoute et malgré son regard insistant, il a plutôt opté pour parler à son voisin de gauche, un homme au casque d'écoute lui aussi, le sien vieillot, et portant une redingote courte et carrelée à l'écossaise. Les deux hommes se sont parlés et je crois que celui au regard bleu a tendu sa carte d'affaire à l'autre, qui me jeta encore un coup d'oeil ou deux que je perçus par vision périphérique.

Descendue à Bernard, j'ai aimé me retrouver dans ce quartier bien mis. Plusieurs Juifs hassidim, des femmes tout de noir vêtu et des hommes aux habits religieux coiffés de leurs chapeaux hauts et larges marchaient sur les trottoirs, citoyens des lieux. J'ai pensé à la commission Taylor-Bouchard l'espace d'un battement de conscience et je me suis imaginée arriver ici-même d'un village de la Côte-Nord. Un autre monde. Totalement.

Sortie de mon rendez-vous, je me suis arrêtée dans une pâtisserie près de Du Parc et je suis ressortie avec des petites bouchées au fromage sucré que j'ai englouties à l'arrêt d'autobus et des cigares feuilletés au chocolat. D'ailleurs, pendant que je vous écris, je m'arrête régulièrement pour planter mes dents dans ce délice. À chaque fois, je me lèche les doigts avant de poursuivre parce qu'il s'émiette en flocons légers.

Pierre Lapointe m'accompagne. Nougat le gros chat qui a eu treize ans la semaine dernière fait la poule à mes pieds parce que dès que je me lèverai pour aller dans la cuisine rincer mon assiette et prendre une gorgée d'eau, elle me suivra jusqu'à son bol de nourriture vide. Il me reste environ une heure avant que M. n'arrive. Je crois que j'en profiterai pour m'avancer dans ma lecture. Ma brique que je traîne depuis plus d'un mois tire à sa fin. Les Bienveillantes que ça s'appelle, de Jonathan Littell. Un chef-d'oeuvre aride, dur, dense, massif, coup-de-poing, essentiel. Pour se rappeler tout ce dont l'homme est capable par illusion de grandeur et par ignorance de l'unicité qui nous rend tous et chacun indispensable. Vous. Moi. Heureusement.

11.02.2007

polaroid

En fouillant dans un de mes cahiers, je tombe sur un texte que je n'ai pas relu souvent. En fait, chose assez rare, en le parcourant des yeux, aucun souvenir ne s'y rattache. Pas de lieu, pas de circonstance. Fait étrange parce que ma mémoire bien particulière garde dans un tiroir précis tous les petits fils qui me lient à mes pontes littéraires. Celui-là pourtant, il m'échappe et tout à la fois, il m'appartient. C'est un poème.

Je suis où il n'y a que de l'amour
endormi parmi les rochers en chair d'arbre et les pierres devenues papier de larmes
de l'amour caché au coeur de la tempête
un état suspendu, tout en merveilles, paisiblement.
Je marche, les orteils sur la rosée du midi,
paresseuse de quitter ces lieux éternels.

Et puis, ça me revient en vous le retranscrivant. Je crois que j'étais dans le cimetière Côte-des-Neiges quand je l'ai écrit. Je m'étais installée au pied d'un arbre, sur sa racine. Tout près, il y avait des pierres tombales impeccablement alignées, des pierres de soldats tombés au combat. C'est non loin de cet endroit aussi que la clôture en fer forgé est englouti par un autre arbre, un arbre patient et déterminé à ne pas laisser cet obstacle diriger sa trajectoire de croissance. L'arbre au pied duquel j'ai tracé le poème de ma main est placé près d'un chemin de gravier. Là, le sol est dénivelé parce que le cimetière s'accroche au mont en harmonie avec sa nature. Je me souviens que la terre sentait la pluie.