orphelins de l'Éden

11.27.2007

workout

À prime abord, on pourrait croire que je suis une intellectuelle, confinée à sa chaise d'ordinateur pour pianoter tous ces mots enlignés ou installée sur son divan orange à lire ou à regarder la boîte qui cille dans le coin opposé. Physique pourtant, je le suis. Pas de la même façon que ma soeur B., intense dans l'effort, concentrée sur son rythme cardiaque qui accélère, disciplinée. Moi je suis de la vieille école, de celle qui prône l'activité dans les tâches quotidiennes en s'activant justement. Un peu comme la génération de ma grand-mère le faisait. C'est en pelletant ce matin, juste après mon petit déjeuner, que cette réflexion m'est revenue. Elle me revient de temps en temps, quand je sue en passant la balayeuse par exemple ou que mon souffle se raccourcit après avoir grimpé un escalier dans les souterrains du métro. Alors, en soulevant la neige mouillée et lourde, j'ai senti mon oblique interne droit se contracter et je me suis dit "ça y est, je suis en train de me sculpter un ventre de déesse."

Bon bien sûr, mon ventre n'est pas tout à fait plat - j'ai un résidu de graisse de bébé qui a toujours persisté-, mais disons que mon poids, je ne m'en soucie guerre. D'ailleurs, n'ayant pas de pèse-personne, j'en profite pour monter sur celui qu'il y a chez ma grand-maman, dans sa salle de bain, ou sur celui chez ma mère, quand je vais dans sa garde-robe pour me sécher les cheveux. On parle en moyenne de trois occasions par année peut-être. Aussi, quand je vais voir ma médecin généraliste pour mon rendez-vous annuel, je monte sur une super balance précise sur laquelle un jeu de petits poids glisse sur des tiges de métal encochées. Clic, clic, clic, ça y est, je pèse grosso modo la même chose que l'année d'avant, à une ou deux ou trois livres près. En plus, ces rencontres ponctuelles prennent lieu toujours aux alentours du mois de janvier. À ce moment-là, je sais que je suis à mon maximum côté poids parce que c'est l'hiver et que mon corps a besoin de son gras emmagasiné pour me protéger du froid. Mais même alors, je brave la température en chute libre pour marcher sur mon heure de pause. Rien de mieux pour éveiller l'esprit assommé par le boulot. C'est comme sauter dans une rivière glacée après avoir végéter dans un bain tourbillon.

Mes pantalons me parlent aussi. Bien qu'ils ne me disent pas grand-chose vraiment, parce que mon poids ne varie pas beaucoup. Cependant, parfois, je remarque mes poignées d'amour, celles de mes hanches. Je vois qu'elles s'arrondissent et qu'elles débordent de la taille de mon vêtement qui les serre un peu plus. Pendant ces moments-là, je ne change rien à mes habitudes, à part peut-être les pâtisseries dont je me gratifie à l'occasion. Je suis convaincue que si je commençais à obséder, mon poids deviendrait une réalité encombrante. Je crois qu'on donne du pouvoir à ce que l'on veut par la pensée. Si je me concentre sur quelque chose de négatif du genre " j'ai du poids à perdre" ou "j'ai grossi", mon corps percevrait le message si bien qu'il s'épaissirait sans doute, répondant tout simplement à mon commandement. Ce qui trotte dans l'esprit, marque le corps.

Certains diront que l'âge joue pour beaucoup. C'est vrai que le temps modifie l'efficacité de notre système cardiovasculaire, que nos graisses brûlent moins rapidement, que notre système hormonal diminue son pouvoir régulateur. Malgré tout, l'être qui demeure actif, conserve un bon rapport à son corps, indéniablement. Le piège réside dans l'acquis de la machine. Combien d'entre nous réalisons que nous avons un véhicule seulement quand une pièce ne fonctionne pas rondement ou qu'un virus l'assaille? Le corps, notre aspect matériel, notre matériau pour tout dire, c'est notre allié. Lui donner un carburant de qualité et faire rouler son moteur avec soin équivaut à la santé qui permet l'épanouissement dans le monde. Rien de moins.