orphelins de l'Éden

11.30.2009

vouloir, pouvoir

J'ai mal. Samedi, j'étais une véritable loque, réduite en larmes, drainée par le mélange de peur et de douleur de la mise au sein. Je crois que c'était le fond qu'il me fallait toucher afin de m'endurcir. Combien de femmes qui ont allaité m'ont parlé du fameux deux semaines qu'il faut passer au travers avant de commencer à vivre un allaitement plus agréable? Eh bien, puisque monsieur a délaissé la téterelle il y a une semaine, j'espère qu'il ne me reste plus qu'une semaine à souffrir. Le contact direct de sa bouche sur mon mamelon a provoqué des crevasses que je n'ai pas prises en main assez rapidement. Les blessures se sont aggravées, mais aujourd'hui, je crois qu'elles sont en voie de guérir. Tout réside dans la bonne mise au sein. Malheureusement, les premières séances sans téterelle n'ont pas été réussies, sans doute dû à mon enthousiasme de le voir s'accrocher sans béquille, alors je n'ai pas compris assez rapidement l'importance de la position adéquate à adopter pour lui et moi. Qu'importe, je tiens bon et le lait coule. Le plus dans tout ça, le côté positif donc, c'est que les séances se sont écourtées d'une grosse moitié par rapport aux interminables mises au sein avec téterelle. Avec cette béquille de silicone, il devait travailler beaucoup plus fort, alors il s'endormait et s'éternisait au sein.

Il pousse. Depuis quelques jours, les pyjamas taille 0-3 mois qu'ils portaient depuis sa venue au monde ont été remplacés par d'autres de taille 3-6 mois. Il allonge assurément.

Des sécrétions le font respirer en cochonnet. Nous avons beau essayé dégager ses fosses nasales avec de l'eau salée et de les pomper avec une poire, rien n'y fait. Je l'appelle mon bébé raptor. Ça finira par passer j'imagine.

Ses blocs nuit s'étirent petit peu par petit peu. Hier soir par exemple, il s'est endormi à 20 h 30 pour ne se réveiller à nouveau qu'à 2 h. Après son boire, qui a duré une vingtaine de minutes, papa l'a collé contre lui et garçon a replongé jusqu'à 5 h 30. Nous dormons donc.

Je suis toujours aussi folle de son odeur. Quand je le porte sur moi, je me penche à intervalles réguliers pour humer sa fine chevelure. Dieu s'est arrangé pour concocter le parfum parfait pour la mère que je suis. À chaque bouffée, je l'aime un peu plus encore. Si une telle chose est possible.

Et je me dis qu'avec cet amour, aucun obstacle n'est infranchissable.

11.28.2009

prince charmant

Fouettés par le grand vent, baignés par le majestueux soleil, je me suis rendue jusqu'à la pâtisserie avec garçon pour y cueillir de délicieux croissants, Bo. au chaud dans l'Ergo. Marcher. Revenir à ma forme, vivre à mon niveau d'énergie, renouer avec mes habitudes. Petit à petit, ce corps que j'incarne ne m'est plus si étranger.

Cette semaine, M. m'a fait l'amour. J'ose cette confidence parce que parfois, partager des moments comme celui-là peut lever le voile sur des tabous. Malaise que de parler de sexualité après un accouchement. Étape cruciale pour la suite des choses dans le couple pourtant, étape cruciale pour ré-apprivoiser cette dimension qui habite la femme que je suis, devenue mère. Après un mois à avoir investi mon nouveau rôle intensément, j'avoue que la femme désirable et désireuse avait pris un peu beaucoup le bord. Aussi, il faut dire que la chirurgie qui a lacéré mon anatomie avait chassé l'envie de jouer aux fesses le temps de la guérison.

Vous ai-je déjà confié que j'appelle M. le maître de l'amour? Je le surnomme ainsi pour tout son talent à lire mon corps, à l'approcher avec délicatesse ou fougue selon ce qu'il perçoit comme appel secret de sa part. Dans le cas de cette séance importante, il a eu l'intuition de me préparer en me parlant de son désir de s'unir à nouveau à moi et d'enfin étendre son corps sur le mien deux jours avant de m'approcher. Nerveuse de revenir à ce genre de contacts intimes après toutes ces semaines de distanciation d'avec cette part de moi-même, j'ai même versé des larmes le moment venu pour relâcher la tension de me retrouver nue près de lui. Avec douceur, il m'a calmée et m'a demandé si je préférais encore attendre. À mon grand étonnement, je ressentais surtout une crainte vive de ne plus être belle comme auparavant aux yeux de mon amoureux, avec mon pubis balafré et mon ventre encore mou. Mais lui, l'homme de ma vie, m'a prise comme si j'étais la même que toujours et m'a offert, tel une rose, l'équilibre.

11.26.2009

point de rassemblement

Cet espace est devenu une voie de ventriloquie de mon existence auprès de Bo. Pour ceux et celles qui en ont marre d'entendre parler de lui, passer votre chemin parce que vraiment, ça ne fait que commencer.

Monsieur a eu un mois hier si vous calculez du 25 octobre au 25 novembre, comme ma grand-maman l'a fait. Pour nous, c'est dimanche qu'il a atteint ce cap. Nous sommes encore en mode calcul aux semaines comme pendant la grossesse, où je franchissais toujours une nouvelle étape me rapprochant du grand jour à tous les vendredis qui passaient. J'imagine que cette manie devrait nous passer bientôt, surtout qu'à Noël pile, nous célébrerons tes deux mois d'existence.

C'est dans la nuit de dimanche que monsieur a décidé de commencer à prendre le sein définitivement sans besoin de téterelle, à mon grand soulagement. Sans vouloir nous mettre de la pression, j'attendais quand même ce moment qui allait nous libérer de cet accessoire que nous devions trimballer à chacune de nos sorties, stériliser constamment et qui en plus, ralentissait considérablement les séances d'allaitement. Depuis que Bo. prend le sein sans cette tétine de silicone, ces boires ont raccourci vu que le lait rentre davantage au poste comme on dit.

Un autre facteur qui a beaucoup aidé la prise du sein, surtout du droit, c'est une visite lundi dernier chez A-M, mon ostéopathe aux mains miraculeuses. Elle a consacré l'heure complète à ausculter garçon sous toutes ses coutures. Entre autres, il avait de la difficulté à prendre mon sein droit en position de la madone. Je suspectais un torticolis de naissance, même s'il n'est pas né par voie naturelle. De fait, elle a perçu une torsion de tout son côté gauche et après avoir rectifié sa posture, elle m'a demandé de l'essayer au sein. Monsieur a commencé à téter sans rechigner et j'en ai eu les larmes aux yeux. De l'or en barre cette femme guérisseuse.

En plus de cette torsion, elle a aussi inspecter son rein droit, celui avec la dilatation. Elle m'a expliqué le pourquoi de cette anomalie selon elle et elle a travaillé un peu la région. Elle croit qu'une contraction musculaire amène l'uretère à se distendre ailleurs dans son parcours. Là-dessus, nous serons fixés lorsque nous irons au Children's le 4 décembre passer la cystographie dont un urologue, un spécialiste donc, nous interprétera les résultats juste après. Quel soulagement de savoir que très bientôt, nos lanternes seront bel et bien éclairées.

A-M a également travaillé son appareil respiratoire parce qu'elle n'aimait pas la petite toux plaintive qu'il émettait par contrariété de se faire tripoter. Depuis, sa voix a changé pour le mieux lorsqu'il s'emporte. Quelque chose s'est définitivement libéré.

Finalement, elle a manipulé les os de son visage pour rectifier l'ouverture de son palatin et lui permettre un meilleur pouvoir de succion, ainsi qu'une meilleure respiration nasale.

Nous nous sommes rendus à son bureau situé dans Ahunstic grâce à l'amoureux de la mère de M. qui nous y a si gentiment conduits. Puisque nous ne possédons que Jasmine la Fit et que M. doit l'utiliser pour aller au boulot pour éviter de se taper trois heures de transport en commun par jour, Bo. et moi devons "bummer des lifts" pour nous déplacer. Ma mère nous a dépannés pour nous rendre à l'hôpital une fois, et Cl., la maman de M., nous a transportés à maintes reprises d'une clinique à l'autre depuis ces deux dernières semaines. La générosité de tout notre entourage est grandement appréciée. C'est dans ces moments de dépendance que nous réalisons à quel point il est bon d'être bien entourés, de faire partie d'un tissu social - n'est-ce pas qu'une famille, c'est là où commence la société? - solide.

Bo. anime les meilleurs sentiments dans chacun de nous, ces meilleurs sentiments qui y étaient déjà, mais qui semblaient n'attendre que cette belle opportunité de nouveau venu dans le clan pour s'exprimer plus concrètement. Les bébés sont les catalyseurs du beau, du bien et du bon de la nature humaine. Sûr et certain.

11.23.2009

partage - portage

Oui je sais, j'avais dit: pas de photo. Mais, fidèle à mon habitude, je dissimule les visages et réussis ainsi à vous présenter ce beau moment d'amoureux.

Bo. préfère l'Ergobaby à l'écharpe, bien que techniquement, il aurait fallu attendre qu'il soit un peu plus solide par lui-même avant de l'utiliser. Mais puisque garçon est grand et qu'il a un cou déjà fort, il s'installe en grenouille et s'endort à tout coup contre nous. Je cuisine avec lui sur moi, poursuis mes tâches ménagères - ces fameuses! - et l'autre soir, nous avons même dansé un beau slow collé mémorable sur un air de Human Highway. De le porter me rappelle mon ventre rond de grossesse avec l'avantage de pouvoir baiser sa tête douce et chaude quand je veux.

11.20.2009

réutilisation

Dehors novembre, mais si doux qu'il donne espoir d'un hiver fabuleux, court et blanc à souhait. Puisque je passe le plus clair de mon temps à l'intérieur du paradis, je peux dire que mon film, mon présent qui défile si vous préférez, se concentre sur les menues tâches accomplies dans mon nid. Tiens, hier j'ai nettoyé le grille-pain. Bien sûr, rien d'excitant à ce quotidien de prime abord, mais pour moi, le confort de notre maisonnée et le sentiment d'accomplissement suivant chaque petit geste restaurateur de ce même confort suffisent à me motiver puisque j'aime vivre sous notre toit.

J'aime la fonctionnalité de chaque pièce et bien que le paradis ne soit pas vaste, j'aime les espaces qu'il nous offre. J'aime la lumière du jour qui passe de l'arrière à l'avant, de l'aurore à l'aube. J'aime la chaleur de notre îlet, le soutien de notre divan orange, l'appel à créer de mon bureau, le plaisir de manier les outils de la cuisine. Dans la salle de bain, j'aime le jet qui me remet à neuf et aussi, venir y changer les fesses de Bo.

Très bientôt maintenant, les pièces bâties par M. dans le sous-sol seront des lieux habitables. Finalement, c'est un tireur de joints professionnel qui est venu faire le sale boulot. Ne lui reste plus qu'à sabler - à peine vu qu'il a appliqué le plâtre de manière impeccable - et après, on se lance dans la peinture. Suivra la pose des planchers flottants, des portes, et voilà, nous retrouverons l'usage de cet étage, grandement amélioré. À notre goût surtout. Le bureau déménagera en bas et la pièce orange deviendra l'antre de Bo. M. l'appelle déjà sa salle de jeux.

Il nous faudra quelques semaines sans doute pour investir ces nouveaux mètres cubes disponibles définitivement, mais avec tous les objets en surplus à l'étage supérieur qui n'attendent que cela d'avoir leur place désignée, on aura à coup sûr l'impression d'un renouveau au paradis, cerise sur le sundae de tous les efforts de M., mon super-héros, vous l'avais-je dit?

11.18.2009

délicieuse proximité

M. a recommencé à travailler lundi. Mardi matin, il a trouvé difficile de quitter, surtout que Bo. avait dormi collé à moi toute la nuit pour que je le sustente en demeurant couchée et que la veille, une visite de sa soeur venue voir son neveu lui avait enlevé du temps particulier avec son fils. Il a décrété que désormais, il allait éviter les visites les soirs de semaine afin de pouvoir se régaler exclusivement de son bébé. L'égoïsme d'un père avide de son garçon. Craquant.

J'avoue que je suis choyée de pouvoir vivre ce congé auprès de Bo. Ensemble, nous passons les heures et de plus en plus, je me fais au rythme qui commence à avoir des airs de routine. Les heures de boires de monsieur sont assez stables depuis quelques jours et ainsi, je peux entrevoir le futur proche sans trop de mal. Aussi, Bo. boit plus le jour et un peu moins la nuit, ce qui veut dire qu'il a de belles périodes d'éveil le jour et de beaux blocs dodo la nuit. Je crois que nous avons un bon bébé comme on dit.

Vers 14 h, je suis sortie marcher avec Bo. installé dans un des deux porte-bébé que le père de M. et son amoureuse nous ont offerts. C'était notre première promenade en duo. Ma cicatrisation va de bon train considérant que nous avons pu faire un tour d'une demi-heure et que la douleur était plutôt de l'ordre de l'inconfort. Quel beau mois de novembre. Dommage que nous commencions à peine à en profiter.

Que dis-je? Je profite comme jamais.

11.16.2009

update

Chères S. et C., mamans-qui-m'ont-donné-des-conseils-qui-me-sont-allés-droit-au-coeur, chères amis et parents qui me laissent des mots d'encouragement,
je peux officiellement dire que je n'avais pas imaginé à quel point vivre avec mon enfant allait complètement accaparer mon univers et le réduire à une poussière au creux de sa petite main. Ma soeur G. qui me lit peut-être pensera, avec son expérience de mère, qu'il ne faut pas me laisser me contrôler par mon poupon. Contrôler, accaparer, réduire, tous des mots cruels pour décrire une réalité tout autre: je suis totalement en amour avec mon beau garçon. Je souhaite de tout mon coeur que ses premiers jours, ses première semaines - il a déjà passé le cap de trois semaines! - soient une période où notre contact, celui entre un fils et sa mère, se fasse le plus solidement possible, dans la plus belle communion. Alors quand il pleure et qu'il s'époumone, je le réconforte de mon mieux, quand je lui donne le sein et que ça s'éternise, je tiens bon, quand le sommeil me tire la langue, je me rappelle que ce n'est que temporaire.

Sinon, des nouvelles de son problème de dilatation de son bassinet droit. Nous somme allés passer une échographie la semaine dernière et ça ne s'est pas résorbé. Alors la pédiatre que nous avons rencontrée lui a prescrit une prise d'antibiotiques quotidienne pour prévenir une éventuelle infection urinaire. Vous me connaissez, j'ai tenté de poser des questions à cette blouse blanche assez avare de son savoir merci. Quand nous sommes sortis de cette rencontre, M. et moi avons décidé d'attendre un peu avant de remplir la prescription, n'ayant pas été satisfait des réponses évasives formulées par dame de glace et d'attendre une seconde opinion, que j'ai obtenue aujourd'hui, d'un autre pédiatre, à un autre hôpital celui-là. Avec les chiffres que je lui ai fournis, il a pu dire que la dilatation était de grade II dans le jargon et que ce n'est qu'à partir du troisième que la prise d'antibiotiques préventive est recommandée. Mais nous n'aurons la confirmation de ce stade qu'au moment d'une cystographie que Bo. doit subir. Bref, à suivre.

11.13.2009

sms

Les minutes s'effritent. Je me fixe des objectifs simples: lavage de ceci, vaisselle, douche, préparation de repas. Tout cela entre les séances lentes de tétée de ma belle sangsue. Dormir aussi. Récupérer les heures éveillées la nuit. M. reprend le boulot lundi. Il ne sera plus là pour m'encourager par sa seule présence. Ça ira, oui? Je réussirai à reprendre mon souffle, à ma sortir la tête de l'eau. Chaque jour nous rapproche d'une routine moins échevelée.

11.10.2009

parmi tant d'autres

Qu'est-ce que tout semble flou côté temps qui s'écoule. Moi qui ne porte pas de bracelet-montre depuis plus de dix ans, je n'ai plus que comme points de repères les couinements de Bo. qui m'indiquent qu'il s'éveille et que je dois tendre le sein. Après avoir écrit à propos des sessions qui s'éternisent, deux nuits plus difficiles ont suivi. Monsieur buvait beaucoup et longtemps. Je croîs donc je bois. Sans doute une poussée de croissance et aujourd'hui, à la pesée du CLSC, nous avons pu constater que tu avais pris plus de poids que la moyenne de 20 grammes par jour. Toi, le sumo, tu en as pris 32.

Et puis, ton nombril est tombé hier. Tu as un beau petit bouton creux au milieu de ton ventre rond.

Lorsque nous te donnons ton bain aux quelques jours, tu tiens les deux bords du transat sur lequel tu es déposé avec tes mains aux longs doigts et tu te laisses bercer par la chaleur de l'eau et les ondes que nous provoquons en te savonnant. Tes jambes dépliées flottent, ton regard traduit toute la détente qui t'apaise. Moment de sensations agréables.

Je te surnomme Papichu. Ça m'est venu comme ça, il y a deux jours je crois. Mes soeurs m'avaient bien averti que ces petits mots d'amour pour nos enfants survenaient d'eux-mêmes.

Je me frotte les yeux. Il n'est que 20 h 08. Allez hop. Ça continue. Pour la vie.

11.07.2009

mon chêne

Réveillés à 8 h 40 ce matin pour une nouvelle tétée, M. et moi discutons de comment je vis ça jusqu'à maintenant de devoir veiller nuit et jour sur mon petit. Je lui dis que je comprends les femmes qui font un post-partum et j'ajoute que selon moi, ça a beaucoup à voir avec cet isolement qui se crée lors des sessions d'allaitement. Bien qu'on puisse cajoler avec nos mots et nos mains notre poupon au sein, il y a aussi de longues périodes de silence qui nous ramènent à nos pensées et si nous n'avons pas l'habitude de ce lieu de solitude ultime, l'angoisse de son retour inexorable à la prochaine soif peut s'installer. Il ne faut pas avoir peur d'être avec soi-même et ce, pour des semaines et des semaines, voire des mois, jusqu'à ce que notre petit développe de plus en plus ses moyens de communication.

Dans mon cas, j'avoue que les creux de la nuit et de l'après-midi sont plus difficiles à cause de la fatigue surtout, mais je tiens bon. Quand ça s'éternise, je me rappelle aussitôt à quel point cet être blotti contre moi est désiré et extraordinaire. Je le chatouille de mon amour et il me répond en serrant les lèvres goulûment et confirme son état de satisfaction par une bonne déglutition.

Mais il y a aussi un autre facteur extrêmement aidant dans toute cette aventure et c'est justement le support de mon amoureux. Parce qu'en plus de faire plus que sa part dans la maisonnée, il me dit que je suis belle, qu'il m'aime et m'encourage dans mon nouveau rôle. Il me fait sentir femme et mère à la fois, avec beaucoup de délicatesse et de douceur. Je remercie le ciel d'avoir enfanté par M. Je ne pouvais espérer meilleur partenaire ni meilleur père.

11.04.2009

pianissimo

Au paradis, Bo. se la coule douce et nous auprès de lui. Je crois que le calme du nid nous aide tous à bien vivre ces moments importants.

Le jour, nous vivons dans le salon où je donne le sein, et la pièce orange où coco se repose entre deux boires dans son moïse placé sous la fenêtre ou collé sur son papa grâce à l'écharpe. Tant que la cicatrisation de ma plaie ne sera pas complétée, je ne pourrai pas nouer mon fils à moi. Alors je profite de sa proximité quand sa bouche cherche ma poitrine, instants tendres qui ramassent son corps tout près du mien.

La nuit, tout se passe dans notre îlet, à part le changement de couches, la stérilisation des téterelles et ma nouvelle collation nocturne. Sinon, Bo. dort près de nous, bien emmitouflé entre nos têtes ou en grenouille sur son papa. Le co-dodo se passe à merveille jusqu'à maintenant. Instinctivement, je perçois son changement de respiration dans mon sommeil et je m'éveille en même temps que lui. Pendant qu'il s'étire et qu'il bâille pour secouer sa torpeur, je me prépare à l'accueillir pour le nourrir. M. s'occupe ensuite de lui changer ses fesses souillées et nous repartons pour un nouveau bloc de deux à trois heures de sommeil.

Le bien-être de Bo. est le principal élément dans la routine quotidienne. Vient ensuite la détente de l'atmosphère par la musique soft - M. vient tout juste de faire l'acquisition d'un disque parfait: Two Suns de Bat for Lashes -, la douceur de la luminosité de novembre, l'entraide au sein de notre couple et la préparation des repas. Depuis notre retour, et même pendant nos jours à l'hôpital, nous avons toujours préparé nos repas, à deux exceptions où notre voisine Algérienne nous a offert, pour nous soulager un peu, des repas dignes de la royauté, passés par-dessus la clôture arrière. Un geste d'une générosité authentique intrinsèque à sa culture de partage.

Garçon nous guide plus qu'autre chose. Nous suivons son rythme, avec respect. La formule semble bonne.

11.02.2009

fortissimo

Monsieur pesait 8.1 livres à sa sortie de la matrice à 19 h 32 précises et mesurait 21 1/4 pouces. Voilà pour tous ceux qui me prédisaient un petit bébé en regardant ma bedaine. Pas gros, mais long, oui. Un poids en extension.

Ses cheveux, ils étaient ondulés, collés sur sa tête par le mélange de vernix et de liquide amniotique séché. Son nez aux narines ailées, pareil à celui de son papa. D'ailleurs, plus nous le découvrions en le scrutant avec fascination, plus j'avais la confirmation que mon intuition avait été bonne: bébé Bo. est la version miniature de M., jusqu'aux sillons sous les yeux que j'ai remarqués lorsque mon fils est venu s'installer à mon sein.

Notre séjour à l'hôpital aura duré quatre jours et demi, du dimanche matin au jeudi midi. Après l'intervention chirurgicale rondement bouclée, nous nous sommes retrouvés tous les trois dans la chambre privée 305, notre bulle d'intimité pour les premiers jours de ces instants fondamentaux. Seul le flot constant du personnel médical et des préposés nous rappelait au monde extérieur. Et quel flot.

Pendant les premières heures suivant la césarienne et la naissance assistée de Bo., les signes vitaux venaient être consignés à tous les quarts d'heure, pour ensuite passer au demi-heure, puis aux heures et finalement, aux quatre heures.

Dès que je me retrouvai réunie avec mon fils, je demandai de l'aide pour débuter à l'allaiter. C'était le début de plusieurs tentatives, opérées par autant d'infirmières, pour le mettre au sein. Mes mamelons étant paresseux, ils ne stimulent pas assez son palais et Bo. n'a donc pas le réflexe de succion pour s'y accrocher tout à fait, réflexe qu'il a de très bon pourtant quand vient le temps d'aspirer un auriculaire. Mes seins ont tellement été pétris, triturés, malaxés, même pincés, qu'ils se sont couverts d'hématomes en peu de temps. Les premiers boires ont donc été le résultat de l'extraction de colostrum, une précieuse goutte à la fois recueillie au creux d'une petite cuillère en plastique que nous glissions ensuite entre les lèvres de Bo. Quand au bout de quelques sessions pénibles une infirmière a décidé d'aller chercher une téterelle, il a agrippé l'embout de silicone placé sur la pointe de mon sein avec appétit et c'était le début de ses sessions de sustentation.

Mais par la suite, à chaque nouveau quart de travail du personnel infirmier - minuit à 8 h, 8 h à 16 h, 16 h à minuit -, une nouvelle opinion entrait dans notre chambre. La téterelle? Mais pourquoi? Avez-vous essayé sans? Laissez-moi tenter avec vous. Pourtant, toujours, il leur fallait admettre que pour l'instant, Bo. a besoin de cette "béquille".

Mais au final, on s'en fout. C'est ce que M. et moi avons décrété pour garder le moral face à cette cohorte négative, incluant la pédiatre qui nous a fait rester une nuit de plus à l'hôpital entre autres pour cette raison. On s'en fout parce que Bo. boit bien, prend du poids et évacue en urines et en selles, signes indéniables. Heureusement aussi, ma soeur G., ma marraine d'allaitement, m'a donné un coup de main éclair, mais salvateur lors de sa visite du lundi soir, et en deux temps, trois mouvements, Bo. a pu se régaler sans plus ressentir toute ma maladresse.

Quand nous avons pu quitter jeudi midi, c'est avec un soulagement immense que nous avons intégré Jasmine la Fit en nouvelle équipée. Le moteur activé a réveillé la carcasse sur roues et dans l'habitacle, Sigur Ròs a commencé à nous bercer tous les trois. Papa avait choisi tout particulièrement l'ambiance sonore pour son fils. À peine en marche, installée sur la banquette près de Bo., j'ai éclatée en sanglots gros comme des moutons sur une mer battue par l'ouragan le plus impressionnant. M. a croisé mon regard dans le rétroviseur et l'émotion l'a aussi totalement secouée. Nous avons pleuré jusqu'au paradis et encore en passant la porte. Quel moment fort. Celui qui ramenait notre nouvelle vie pour de bon à la maison.

11.01.2009

tsunami

Une semaine. Notre garçon vit à l'air libre depuis sept jours. Il est né par césarienne, mais nous avons tout de même eu la surprise de l'expérience des eaux crevées.

Tout a débuté dimanche matin dernier, le 25 octobre donc. Comme lors du test de grossesse maison que j'avais fait à 4 h du matin le 1er mars dernier et qui avait annoncé la venue d'un petit être, enfin, ce qui avait changer nos vies, c'est installée sur le bol de toilette que j'ai commencé cette journée qui allait changer pour de vrai-vrai nos vies à tout jamais, avec toi dans nos bras cette fois. Notre ange matérialisé au bout de sa gestation. Véritable miracle, bouleversant complètement nos perceptions même de l'existence en nous démontrant toute la force de la création qui se perpétue aussi parfaitement.

Plouc, plouc, plouc. C'est le bruit que ça faisait après avoir fini mon pipi du matin. Incapable de fermer la valve tout à fait, je suspectai l'incontinence dont certaines femmes enceintes souffrent vers la fin de leur grossesse. C'est M. qui suggéra plutôt que c'était peut-être du liquide amniotique. Percevant une vague teinte rosée, je décidai de contacter le département de maternité de l'hôpital en leur expliquant le coup du compte-gouttes. L'infirmière de garde me proposa de venir pour en avoir le coeur net. Si les eaux étaient crevées, c'était vraiment une mini fissure à ce moment-là.

D'ailleurs, rendus sur le lit d'observation, nous étions prêts à rentrer à la maison après que cette même infirmière ait décrété, après avoir effectué un genre de test PH, qu'il n'y avait nulle trace de liquide amniotique dans mon vagin. Déçus, nous attendions que le médecin de garde, Dr. Ct., celui qui nous avait suivi pour infertilité, vienne confirmer le constat qui nous renverrait au paradis bredouille. Il s'avéra que le spéculum du cher docteur, aidé sans doute par la palpation de mon col par l'infirmière au préalable, acheva le travail timidement entamé par la nature. Mes eaux ont dès lors coulé d'un flot tout chaud et voilà que j'éclatai en sanglots, chavirée par cette requête à Dieu, dès cet instant exaucée, de pouvoir vivre le rush de la surprise.

Je crois que bien peu de femmes souhaitent sentir le travail s'installer en contractions comme je l'ai fait de 9 h à 18 h 45 ce jour-là. Parce que mes eaux ont crevé, mais que l'échographie a révélé que bébé Bo. était placé en siège complet et que le médecin accepta d'attendre que le travail débute pour voir si Bo. se déplacerai en déployant ses jambes, ce qui rendrai la délivrance par voie naturelle moins dangeureuse, tout en m'interdisant de me déplacer à part pour me rendre à la salle de bain, pour ne pas trop forcer la venue du travail. D'ailleurs, il ne voulut pas induire le travail avec de l'ocytocine artificielle; ses mots exacts: "La nature fait bien les choses. S'il doit naître par le siège, le travail débutera de lui-même." Mais pendant toutes ces heures installée et désireuse d'accueillir la douleur des contractions, la nature décida qu'il me fallait plutôt me rendre au bloc opératoire.

Étrange comme parfois mes mots prédisent mon futur. Toute la description de la procédure décrite dans mon message antérieure, je devais la recevoir mardi le 27 octobre, mais pour cause de conflit d'horaire avec un autre rendez-vous à la clinique, j'avais accepté d'aller à cette rencontre préopératoire le vendredi en matinée plutôt, juste avant un dîner avec mon amie-collègue Cht., qui d'ailleurs eu la gentillesse de venir me cueillir à l'établissement de santé.

Alors, dimanche dernier, je savais exactement ce que je vivrais, à part que finalement, c'est la rachidienne que l'anesthésiste me suggéra fortement pour vivre mon expérience. Aiguille moins grosse, nul besoin de la laisser installée au dos pendant l'intervention, effet plus certain et évacuant mon système plus en douceur. Je vous épargne ma peur quand l'intervention débuta, cette particulière sensation d'être ouverte et fouillée, mais indolore. Et finalement, très rapidement en fait, l'anesthésiste clamant pareille qu'une confidence: "Ça y est, on voit les pieds. Vous ressentirez une pression sur votre abdomen. C'est qu'ils le sortent."

Et puis, ton premier tout petit son émis nous annonçant officiellement ta liberté hors utérine. Ton papa et moi s'échangeant un regard d'anticipation certaine à l'idée hallucinante d'apercevoir tes traits après toute cette aventure, ultime récompense, ultime départ.

Quand l'inhalothérapeute et l'anesthésiste eurent terminés leur inspection de toi déposé dans un incubateur, ils t'apportèrent à ton papa et nous eûmes l'honneur de ton regard de vieille âme dans un corps tout neuf. En larmes et soulagés, plus rien nous importa à part toi.