orphelins de l'Éden

1.29.2013

pierre angulaire

J'ai des images qui m'habitent.  Gracieuseté Xavier Dolan et son Laurence anyways.  Moi, la cinéphile à ses heures, j'ai enfin pu me régaler d'un long métrage, après plus d'un an de disette.  Il y a bien eu des animations pour enfants entre-temps et même une pièce d'archives déterrée la semaine dernière par M. pour la présenter à garçon parce qu'il avait été marqué par elle - La Guerre des tuques -,mais rien d'autre depuis la naissance de fillette.  Pas le temps, tout simplement.  Pas la possibilité de m'installer confortablement devant l'écran pour un bloc d'environ deux heures.  À peine la possibilité de prendre ma douche sans une interruption quelconque, alors imaginez.  Deux heures, c'est une é-ter-ni-té, et avec les enfants, la notion du temps se confond en vortex.

Le film, nous l'avons loué samedi après-midi sur ITunes, quand la sieste des enfants a débuté.  Un coup de tête, un geste complètement irréfléchi, mue par un manque véritable.  Vortex, ça veut dire: une demi-heure de visionnement sur le coup; une heure et demie le lendemain après-midi - avec une fillette réveillée tôt de sa sieste, que nous devions superviser et divertir en même temps que de suivre les scènes intenses et belles qui s'enchaînaient, sans perdre le fil -; et un dernier vingt minutes cette même soirée - parce que je me suis exceptionnellement tirée du lit quand fillette s'est endormie pour sa nuit.  Une oeuvre-fleuve étalée sur douze ans, une oeuvre morcelée dans son visionnement.  Des plans émouvants comme des tableaux.  Une histoire d'amour pathétique et lumineuse à la fois.  Un cri de marginalité assurément.


ÇA FAIT DU BIEN


C'est pour dire que je reviens à une vie normale.  Pour preuve, pour en revenir à mes moments douche - en moyenne un gros dix minutes, séchage de crinière inclus -, ils ont des allures de virée au spa ces jours-ci si je compare avec il y a un an, six mois ou même seulement trois.  Pour en rajouter, fillette a passé une heure seule avec sa mamie la fin de semaine dernière, pendant le cours de natation de garçon, et vous savez quoi, tout a bien été.  À aujourd'hui treize mois, je peux dire que nous avons franchi un cap.  Je sens que je m'engage sur une pente ascendante et qu'au sommet, mon ego m'attend.  Ce don total que j'ai choisi - l'attachment parenting - pour leurs premières années de vie peut mettre la pédale douce.  À voir mes cocos, et même si c'est loin d'être fini, je sais qu'il a porté fruit.  La fondation est jetée.  Mais surtout, elle est là pour rester.  Et à partir d'elle, garçon et fillette construiront leur vie.  Et je pourrai reprendre l'espace qu'est la mienne, avec eux dans elle.          

1.21.2013

ordre du jour

Je touche du bois.  Vous me voyez venir, oui.  C'est à propos de mes journées avec fillette, de notre rythme ces temps-ci.  En fait, il s'est installé un peu avant le temps des Fêtes et depuis, il se maintient bien agréablement pour la bête d'habitudes que je suis.

Une fois le déjeuner de garçon avalé - devant ses petits bonshommes, seul bloc de télé de la journée -, nous le sortons de son pyjama - lui et moi -, nous allons nous brosser les dents - fillette a aussi sa brosse depuis plus d'un mois et c'est un joli moment où nous sommes là, debout dans la salle de bain tous les trois, à nous frotter l'émail -, je vérifie une dernière fois la couche de fillette, et hop, je l’emmitoufle, pendant que garçon s'y met lui aussi de son côté et que je l'aide pour de petits détails techniques - glisser ses bas de pantalon dans ses chaussettes, "snaper" ses bretelles de pantalon de neige, passer ses manches de manteau par-dessus ses mitaines, etc.  Finalement, j'installe poulette dans la poussette et nous voilà partis, direction la garderie, à cinq maisons du paradis.

Là-bas, j'assois fillette dans un coin du vestibule et je déshabille garçon pendant que je jase, jase avec Cr. son éducatrice en or, et parfois un autre parent arrivé en même temps que nous.  Et hop, je sors, réinstalle fillette dans la poussette - ces temps-ci de froid sibérien, cela veut dire la bulle protectrice, en plus des couvertures - et me voilà engagée dans une marche d'environ une heure, soit dans le grand parc, soit vers une épicerie pour quérir un aliment nécessaire pour le souper.

Autour de 10 h 10 - oui, oui, c'est très précis pour une fille qui n'a pas de montre -, je passe le pas de la porte et fillette ouvre ses yeux, chiale jusqu'à ce que je la mette au sein - une fois les vêtements chauds retirés, bien sûr - et fait son pipi sur le pot.

Jusqu'au dîner vers midi, nous allons souvent au pot, parce que miss est pisse-minute pendant cette brève période.  J'en attrape et j'en rate.  Mais bon, je fais mon possible.  Détail mignon à ce propos: j'ai remarqué aujourd'hui même que madame brandit son petit poing d'une certaine manière pour faire le signe "pipi-petit-pot".  Il me faudra être attentive pour voir si elle le fait quand l'envie vient.  Le véritable signe est un poing fermé avec un bout de pouce qui sort - un peu comme le jeu du nez que l'on a attrapé - que l'on agite de gauche à droite.  Elle l'a fait quand elle m'a vu le gesticuler en lui expliquant que les pipis se faisaient dans le pot, comme je lui montre depuis au moins un mois maintenant.  C'est pour dire que le langage des signes est le résultat d'une constance et de beaucoup de répétition.  À ce sujet encore, fillette utilise ses mains aussi pour signifier "encore", "fini" et "musique", comme le faisait garçon.  Des signes simples et adaptables à une multitude de situations - surtout les deux premiers.  Elle a aussi inventé le signe "je veux".  Elle tend la main tout simplement, en penchant parfois un peu la tête, pour faire la mignonne.

La deuxième sieste vient vers 14 h.  Entre les deux dodos, j'arrive à accomplir l'essentiel de mes tâches ménagères - lessives, balayeuse, vaisselle, préparation du souper, pâtisserie si le coeur m'en dit -, mais souvent,  quand elle dort, je continue à m'activer pour tout boucler avant d'aller chercher garçon, vers 16 h, fillette se réveillant entre 15 h 15 et 15 h 45 habituellement, parfois avec un soubresaut pendant sa sieste qui demande que je retourne lui donner le sein étendue, afin qu'elle ne vogue à nouveau vers le sommeil.

Vers 16 h 30, nous sommes de retour à la maison.  Je mets le souper en branle, si ce n'est déjà fait.  Papa arrive autour de 16 h 50.  Nous mangeons vers 17 h 30, pour terminer le repas vers 18 h.  Je ferme la cuisine - comme je dis du fait de rincer la vaisselle et de nettoyer les comptoirs - et vers 18 h 15, nous avons jusqu'à 19 h 40 pour jouer, incluant souvent un moment de danse et presque tout le temps une collation du soir avant le bain.  Bain à 19 h 40.  Les deux cocos sont savonnés à partir de 19 h 50.  À 20 h 05, nous sommes tous les quatre dans l'îlet, pour un quinze minutes de détente en groupe avant le dodo.  À 20 h 20, les hommes partent de leur côté et la miss et moi, nous restons ensemble pour un dernier moment de jeux et de câlins, jusqu'à ce qu'elle s'endorme autour de 21 h, après plusieurs tours au sein - le droit, le gauche, pleure un petit coup, le droit encore, le gauche...

Nos journées sont réglées au quart de tour.  À chaque minute, sa raison de passer.  Toute cette enfilade de gestes et d'évènements devient le canevas sur lequel se jette notre fleuve tranquille et fait vibrer la fibre monacale en moi.  Mais rassurez-vous, ce perpétuel leitmotiv comprend aussi sa part de rires et de caresses spontanés.  En vérité, je vous le dis, pour adoucir la cadence de la routine, rien de mieux que l'amour qui surgit en pied de nez.

1.15.2013

le jour et la nuit

Tu as réussi.  Notre deuxième expérience dans la piscine s'est déroulée paisiblement et je sais que tu as même commencé à y prendre plaisir.  Papa et fillette étaient juchés dans les gradins.  Peut-être était-ce leur présence qui t'as donné le courage de surmonter ta crainte.  Peut-être était-ce le fait que je t'avais expliqué que cette fois-ci, nous ne prendrions pas de douche là-bas, ni avant ni après.  Peut-être est-ce toi, le principal responsable de cette force dont tu as fait preuve pour continuer.  Sans doute un mélange de tout cela, mais l'important, c'est de te féliciter.  Parce que tu étais beau à essayer de tout ton soûl de t'amuser, même si je la sentais bien encore cette peur, tapie dans tes tripes, prête à prendre le contrôle en te faisant perdre la maîtrise dès qu'elle en aurait l'occasion.  Comme lorsque nous avons joué à "quelle heure est-il monsieur le crocodile" et qu'en sautant - toujours dans mes bras -, un peu d'eau sur le visage et dans la bouche t'a surpris.  Le chat mouillé est revenu deux minutes, le temps que j'arrive à te calmer.  Fort que je te dis.  Bravo mon beau loup.

Sinon, ça y est, le paradis est équipé d'un ventilateur de récupération de chaleur ou si vous préférez,  d'un échangeur d'air.  Notre bol d'air intérieur sera renouvelé presque huit fois dans la journée avec un flot d'air extérieur.  Ce ne peut être qu'un plus pour notre santé globale, sans parler de l'amélioration de la qualité de notre sommeil.  Déjà, nous sentons une subtile différence dans notre environnement.  Quelque chose comme l'empreinte de fraîcheur qui nous englobe quand nous mettons les pieds dehors.  Mille fois mieux que l'odeur de draps accrochés sur la corde.  

Fillette, pour sa part, est toujours cette minuscule personne complètement craquante.  Nous avons reçu Cr. l'éducatrice en or de garçon avec sa petite famille samedi soir et elle, cette femme qui en a vu de près des enfants dans sa vie, dit de toi que tu es comme une adulte, mais miniature.  Tellement présente, attentive, à l'aise.  Tu te déplaces depuis tes quelques 78 cm - nous sommes allés chez le pédiatre aujourd'hui même - avec une confiance certaine et je suis fière de te voir aussi autonome, si petite.  Je sens que tu as su tirer de l'enveloppement que je t'ai donné toute la sécurité qu'il te fallait pour que tu déploies tes ailes, toujours un peu plus, facilement.  Bien sûr, tu as encore besoin de mes bras quand tu es très fatiguée ou que tu te fais un gros bobo - madame la téméraire.  J'en profite alors pour te coller tout contre moi parce que tu es ma petite chatte d'amour et que bientôt, tu seras encore plus grande, plus indépendante.  Il me faut vite prendre mon temps.  De savourer le vôtre.    

1.07.2013

vaincre

Comme un chat qu'on aurait jeté à l'eau.  C'est dans cet état de panique que tu t'es agrippé à mon cou hier, pendant ton tout premier cours de natation.  J'avais hésité à t'inscrire dans ce groupe parce que tu as eu tes trois ans fin octobre dernier et que c'était l'âge maximal, mais mon intuition m'a finalement fait opté pour ce niveau plutôt que celui plus avancé.  Une petite tortue que tu es donc, et moi avec toi, je suis ta maman tortue, là pour te protéger et te guider.  Et c'est exactement ce que j'ai fait quand ton corps s'est tendu de peur et que tes pleurs ont atteint des octaves qui m'étaient étrangers, tellement tu étais possédé par cette crainte de tomber.  Parce que c'est comme cela que tu m'as expliqué pourquoi tu n'aimais pas l'eau, quand au bout d'une quinzaine de minutes, nous avons pu en parler un peu, comprenant à présent que je n'allais pas te lâcher.  J'ai peur de tomber, que tu m'as dit.  Et moi de tenter de te faire comprendre que justement, c'est pour cela que nous étions là, pour que tu apprennes à nager, à flotter dans l'eau, à la trouver agréable plutôt que terrifiante.

Dans ce groupe parents-enfants, tu étais définitivement le plus grand de tous les tout-petits, mais cela n'a aucune espèce d'importance parce que de tous, tu es celui qui étais le moins à l'aise.  Les autres batifolaient littéralement dans les bras de leur maman ou de leur papa, à suivre les instructions de Nc., le jeune homme qui m'a murmuré à un moment, quand tu as réussi à enfin décrocher tes bras de mon cou pour lancer un ballon, qu'il fallait y aller une étape à la fois, tout doucement.  J'en ai bien l'intention.  Même si j'ai clairement senti que nous en dérangions dans le groupe, surtout des parents axés sur la performance se demandant ce que nous faisions là.  Oui, oui, la performance de leur progéniture âgée d'à peine deux ans, en les poussant plus loin que leurs limites, déjà.  Par exemple, Nc. dit que l'enfant doit sauter une fois du bord de la piscine dans les bras du parent.  Un papa a fait recommencer sa fillette environ dix fois.  Nc. veut que l'enfant avance ventre contre une planche en styromousse, soutenu par le parent.  Un autre papa lance la planche et demande à son garçon d'aller la chercher.  Nous, garçon et moi, nous tournions mollement parmi ces duos gonflés à bloc, à juste apprivoiser l'eau sur son petit corps.  Garanti que c'était là tout un accomplissement.

Pour la suite, j'ignore comment ça ira.  Je t'ai répété à plusieurs reprises hier que chaque fois que nous nous rendrions à la piscine faciliterait ton apprentissage de la natation, au point où tu en viendras à reconnaître le plaisir de battre les pieds dans les flots et de sentir toute la légèreté qu'ils te confèrent.  Tu m'as paru convaincu que c'était bien possible.  Petite tortue deviendra loutre, puis salamandre, crocodile, baleine et ainsi de suite, jusqu'au jour où cette peur n'ait plus aucune emprise sur toi.  D'ici là, une étape à la fois.