orphelins de l'Éden

5.30.2009

se fondre

Après le cours du lundi soir, nous avons toute la semaine pour saisir des clichés en fonction des notions qui nous ont été transmises par notre super prof Lc. Alors ce matin, je suis sortie sur mon balcon avant pour travailler à la tâche de photographier en hyperfocale. Vêtue de mon pyjama et d'une grosse veste de coton tricoté, chaussée de mes ballerines Keen, les cheveux pas trop en bataille maintenant que je les ai égalisés en carré, j'ai installé mon D40 sur le socle amovible de mon trépied, mesuré une distance de 3 pieds en étirant le bras jusqu'au coin de la jardinière dans laquelle la célosie vermillon allait me servir d'objet placé à 1' 4'' et constaté que cette luminosité de jour brumeux était parfaite pour obtenir une ouverture de diaphragme F22 sans devoir trop ralentir la vitesse d'obturation. Bon 1/6 de seconde, ce n'est pas très rapide me direz-vous, mais la stabilité de l'appareil sur tripode rend la tâche plutôt simple. Dieu, la spontanéité d'appuyer sur un bouton quand on voit quelque chose qui nous plaît prend un peu le bord, mais toutes ses connaissances me permettront de mieux contrôler le résultat.

Ce verbe contrôler, son nom commun rattaché, contrôle, je me souviens avoir déjà eu à surmonter la critique d'une proche amie au cours de ma vingtième année concernant ce nom commun contrôle, ce verbe contrôler. Dans une conversation qui a pris lieu dans la cuisine du logement que j'habitais alors avec trois autres colocs, dont mon amoureux de l'époque, tout juste au seuil de la porte menant sur la magnifique terrasse intérieure, cette amie m'a dit que j'essayais constamment de contrôler le flo de nos discussions de groupe, comme un maître d'orchestre un brin tyrannique. Il est vrai qu'à ce moment-là de ma vie, mes cellules grises en constante remise en question répugnaient à utiliser les rencontres humaines autrement qu'à bon escient, et bon escient, ça voulait dire comprendre pourquoi nous existons, comment nous existons, en tant qu'espèce, en tant qu'élément dans l'ensemble, tenter de disséquer les comportements pour mieux les évaporer jusqu'à ce que leur pure intention seule demeure. Ouf. Intense la fille. Oui, intense, je l'étais tout particulièrement alors. Je crois que ce que mon amie a réussi à me livrer comme message ce jour-là, c'était de modifier mon approche pour ne pas les épuiser eux qui m'acceptaient moi la fureteuse animée d'une urgence un peu trop dans le plancher.

Alors, après cette intervention amicale qui m'a ébranlée pour le mieux, j'ai réfléchi sur le nom commun contrôle, le verbe contrôler, et je me suis dit que le verbe maîtriser était peut-être une meilleure action à viser, peut-être parce que mon inconscient l'a associé au nom commun maître et qu'un maître, c'est un individu qui est si dépouillé qu'il ne fait plus qu'un avec son essence véritable, celle de toute chose, et qu'ainsi, il parvint à s'intégrer en caméléon à tout décor. Je me suis donc tu lors de rencontres pour saisir bien davantage le potentiel d'exploration réuni là par les joueurs présents et j'ai de plus en plus glissé des répliques au moment opportun pour faire fructifier le cours de l'échange, comme de lancer une pierre dans un étang et d'observer les ondes circulaires se déployer. Une approche beaucoup moins agressive, non plus des incursions déstabilisatrices, mais plutôt des perches constructives. Bien que parfois, il reste bon de déstabiliser ses interlocuteurs pour ébranler leurs préconceptions, je le fais maintenant avec un peu plus de doigté.

Si j'explore la définition du nom commun contrôle dans mon Petit Robert 2006, la dernière partie dit que le contrôle de soi = maîtrise. Tout cela revient au même vraiment. Parce que si l'on veut que l'autre se sente bien près de soi, il faut savoir se contrôler suffisamment pour dégager cette paix confortable qui nous rend agréable, maîtriser sa nature pour se synchroniser avec celle qui nous est de rencontrer, sous un autre visage. Devenir invisible par synthonisation des vibrations. Invisible, mais modulateur pour le bien, le bon, le beau. Dépouillé, mais fusionné au Tout.

5.28.2009

pour vous

5.26.2009

le plan tacite

Les résultats du prénatest ont déterminés que petit être semblait complètement à l'abri du spina bifida et d'anomalies chromosomiques. Comme tous les parents, nous prions pour que tu nous arrives en santé. Cependant, Dieu seulement sait ce qu'il nous réserve par ton envoi à nos bons soins.

Moi-même, j'ai eu beaucoup de chance juste après être née. Maman avait lu quelque chose à propos des bienfaits des massages prodigués aux poupons et donc, étant sa toute dernière, elle décida de mettre en pratique ses nouvelles connaissances. Elle me pétrissait tendrement les membres quand tout à coup, elle remarqua qu'une de mes jambes étaient plus longues que l'autre. Elle recommença le geste et allongea mes minuscules pattes potelées pour confirmer qu'un de mes deux membres inférieurs était décalé par rapport à l'autre. À la visite chez le médecin qui avait eu lieu quelques jours plus tard, elle lui mentionna sa découverte. D'abord sceptique, venant surtout tout juste de m'ausculter et de déterminer que j'étais un bébé parfaitement constitué, il fit le geste suggéré par ma mère, celui pour m'allonger les jambes à partir de mon bassin pour se rendre à mes pieds. Il ne put nier que ce ma mère avait observé était fondé et détermina que la tête de mon fémur n'était pas emboîté dans mon bassin. Heureusement, parce que mes os étaient encore mous, le tout fut corrigé par une intervention mineure exempte de bistouri et quelques mois de port de prothèses la nuit et de bottines spéciales et coûteuses le jour. Ma mère venait de m'éviter de nombreuses opérations qui auraient au lieu dans mon enfance plus avancée et qui sait, peut-être un boitement à vie.

Mais quand je dis que Dieu seulement sait ce qu'il nous réserve par ton envoi à nos bons soins, je pense surtout au fait que tu seras notre enfant pour toute ton existence. Bien sûr que nous souhaitons que tu naisses en bonne santé, mais nous souhaitons aussi que ton existence soit la plus sereine possible, la plus en harmonie avec la nature dans laquelle tu prendras place, avec cette multitude de tourbillons d'émotions générés par la race humaine qui brasse sans cesse des inquiétudes, avec la force qui t'animera et que tu ne comprendras pas toujours, pas tout de suite, pas tout à fait jamais.

Quand je pense aux imprévus que Dieu nous réserve, je ne peux faire autrement que penser à ma si précieuse filleule Em., première née de ma soeur B., qui nous est pourtant arrivée avec une microphtalmie. Toutes les inquiétudes conséquentes de ce choc. Mais aussi, toute la force qui anime demoiselle Em., princesse parmi toutes les princesses de l'univers. Exister, c'est manifester son mystère. Em. le fait à la perfection.

5.24.2009

capitale nationale ou halte gourmande

Vendredi soir, après le onzième, je suis grimpée dans un autobus Voyageur, direction Ottawa. Là-bas, mon amie Ch., revenue depuis quelques mois de plusieurs années en Asie et quittant à nouveau notre coin du monde pour aller s'installer à Vancouver afin d'étudier pendant quatre ans la médecine traditionnelle chinoise pour devenir Dr. Ch., attendait quelques-unes de ses amies pour une soirée bien arroser. Avant le voyage de deux heures vingt, j'ai englouti un sandwich délicieux à l'émincé de porc bio et relish de zucchini commandé à un petit resto bio et naturel du Vieux-Port appelé Le Stew Pot, à deux pas de chez Olive et Gourmando, où je n'ai pu résisté à pénétrer pour ressortir avec une brioche aux pommes et à la cannelle terriblement moelleuse et un muffin à la rhubarbe qui m'a dépanné hier matin en guise d'apéro à mon petit-déjeuner.

Alors arrivée vers 19 h 30, j'ai attendu pendant un long vingt minutes au terminus Sr., une amie de Ch. que j'avais déjà rencontrée à quelques reprises au cours de mes années d'amitié avec cette grande trotteuse, quand enfin une splendide Accord noire hyper luxueuse - bancs de cuir, GPS avec écran tactile et pivotant intégré à même le tableau de bord - m'a cueillie pour m'apporter à l'appartement où Ch. habitera pour les deux dernières semaines qui lui restent à passer en ville. Sr. que je n'avais revue depuis au moins trois ans a beaucoup changé. Elle a pris un coup de féminité. Ce doit être sa partenaire Bn., une jeune femme pleine d'énergie, qui la rend si belle.

Dans le 1607 d'une tour à logements, Ch. nous accueillit chaleureusement. Son amie Cl. qui vient d'accoucher d'un gros garçon de 10,4 livres (!) me félicita de ma grossesse et, pour la prochaine demi-heure, il ne fut question que de bébés, de grossesse, de symptômes, d'accouchement. Bref, le genre de conversation pas du tout intéressante pour ceux et celles qui ne sont pas à fond la caisse dans cette expérience et donc au bout de ce moment, j'ai détourné le sujet vers quelque chose comme la carrière de Bn. pour donner le coup d'envoi vers d'autres horizons de discussion. Cependant, avant de changer complètement de sujet, Ch. m'a tendu un sac cadeau bourré de papier de soie orange. Pour bébé. De minuscules vêtements à boutons à pression, un champignon qu'il pourra croquer à loisir pour faire ses dents, surtout que la peinture recouvrant l'objet à la binette sympathique n'est pas toxique, une doudou soyeuse en matériel de culture biologique et un éléphant auquel accroché la suce pour ne pas l'égarer, Ch. s'étant souvenue que l'éléphant est mon animal fétiche. J'ai remercié mon amie si généreuse, me rappelant encore une fois qu'elle fût un de mes modèles quand vient le temps d'incarner cette qualité. C'est entre autres Ch. qui m'a appris le plaisir de donner. Ça et une foule d'autres choses.

D'autres amies sont arrivées et l'anglais et le français se sont mélangés sans embûches, tout à fait à l'image de cette Ottawa bilingue. J'ai siroté mon verre d'eau pendant que des bières se décapsulaient et des verres de rouge se remplissaient. Vers 23 h 30, j'ai tiré ma révérence pour aller m'étendre dans le lit et commencé ma nuit. Les rires ont continué de fuser de l'autre côté du mur pendant quelques dizaines de minutes, mais le sommeil l'emporta enfin.

À 6 h 42 le lendemain, je m'éveillai et constatai que j'étais allongée seule dans le lit, quand Ch. aurait dû le partager avec moi. Je la trouvai collée derrière le corps de son amoureux Er., tous deux à l'étroit sur le divan en forme de virgule. Je les obligeai gentiment à aller récupérer quelques heures de sommeil à même le lit pendant que je lirais dans le salon. Au bout de deux heures, ils s'éveillèrent, nous nous douchâmes et la promenade dans Ottawa débuta.

Ch. m'informa d'abord que nous étions dans un quartier défavorisé de la ville. Il est vrai que les bâtiments semblaient moins bien entretenus, mais sinon, ça allait, c'était urbain comme décor, hétéroclite, voilà tout. Nous parvînmes au petit resto Jak's Kitchen où nous prîmes notre petit-déjeuner. J'optai pour le spécial du jour: deux moitiés de bagel garnies de dés d'avocats et de tomates en vinaigrette sur lit de tendres épinards et recouverts d'une tranche de cheddar vieilli, accompagnées d'une salade verte et de pommes de terre sautées à la perfection.

Après ce repas santé, nous refoulâmes le bitume, direction l'immense vente de garage s'étalant dans tout Glebe, quartier résidentiel assez coquet merci. Devant des maisons en brique de belle stature aux parterres impeccablement entretenus, des tables bourrées de babioles de tout genre et des masses de gens déambulant tranquillement pour dénicher la perle qui fera leur bonheur pour un prix dérisoire.

Pendant mes quelques heures passées en compagnie de Ch. et d'Er., si je n'ai pas dit dix fois qu'Ottawa est jolie et agréable, je ne l'ai pas dit une fois. Ottawa est jolie et agréable. Par exemple, ce Glebe est si paisible et la portion de la rue Bank qui y est intégrée, eh bien, la rue Mont-Royal n'a rien à lui envier. Les petits commerces se côtoient avec leurs enseignes colorées et je n'ai pu m'empêcher d'aller m'acheter des douceurs dans une des nombreuses bakeries natural and healthy. À l'intérieur, le paradis pour papilles gustatives. Une foule de brownies, de biscuits, de carrés tendres, de pains aux grains entiers, de viennoiseries bien dorées, de produits cuisinés préparés à base d'ingrédients biologiques, naturels ou locaux. Je me verrais bien arrêter là régulièrement pour y cueillir des aliments sains et goûteux.

Nous descendons Bank jusqu'au Canal Rideau, où nous nous arrêtons le temps de nous reposer un peu les petons. Ch. et moi parlons de l'importance cruciale des courants marins pour en venir au niveau de conscience des pierres pendant qu'Er. prend un bain de soleil étendu dans l'herbe fraîche. Nous reprenons notre chemin. Ch. arrête dans un commerce d'encadrements pour choisir un cadeau pour une amie qui l'a hébergée pendant un mois. Ensemble, tous les trois, nous choisissons deux représentations que Mr. pourra utiliser afin d'habiller ses murs complètement nus pour l'instant.

Notre balade se poursuit jusqu'au Green Door, un restaurant végétarien où un buffet aux plats tous aussi alléchants les uns que les autres sont enlignés. Nous mangeons encore comme des rois et vous l'ai-je dit, Ottawa est véritablement jolie et agréable.

5.21.2009

tu n'as pas de pouvoir sur moi

À nouveau un mal de bloc carabiné. Petit être m'a épargné la fatigue extrême et les nausées, mais là, avec ces compressions pas possible de la cervelle, il s'y prend en grand. Pour ne trop en souffrir, je dois demeurer immobile, par exemple assise devant la télévision. Il ne faut pas que le son soit trop fort ni la lumière d'ailleurs, et plus les heures avancent, plus la ceinture se resserre sur ma matière grise. L'apothéose, elle vient habituellement juste avant de me mettre au lit et même quand je me réveille à minuit, la douleur lancinante y est toujours. Au réveil, je sens encore un résidu du mal qui ressemble à une brume lourde installée sous mon crâne, comme un animal blessé, roulé sur lui-même, qui respire péniblement.

Étant faite comme je le suis, je tente, tant bien que mal, d'essayer de trouver le lien entre mes maux de tête et le déroulement de la matinée qui les précède. Parce qu'ils naissent souvent autour de l'heure du dîner, mais parfois aussi autour de l'heure du souper. Je crois qu'ils surviennent quand je tarde à me nourrir, devant manger régulièrement depuis le début de ma grossesse. Quand je repousse le moment d'ingestion ne serait-ce que d'une demi-heure, cela suffit pour appeler la migraine qui s'installe après en maîtresse et reine, le temps de me faire souffrir de toute son amplitude qu'elle aime à faire gonfler graduellement.

Étant faite comme je le suis, je tente de trouver une autre source. Je scrute les possibilités en cherchant un peu sur le net. En dépareillant l'information bon grain de celle ivraie, j'essaie de comprendre ce qui pourrait causer ces migraines et comment je pourrais y remédier. Ce que je trouve comme explications possibles: stress, fluctuations hormonales, météo changeante, augmentation de la pression artérielle pendant une grossesse. Bref, je ne crois pas parvenir à me le doigt sur le bobo de sitôt.

Alors j'appelle au onzième et je leur dis que je reste au paradis aujourd'hui. Tant que la petite bête tapie dans mon coco ne lève pas les pattes, je ne me sens pas d'attaque. Et puisqu'il me reste un outil dans ma besace pour faire disparaître cette nuisance, je m'en remettrai à Lui. Prières face au mal. Le combat a déjà été remporté dans mon passé.

5.19.2009

cohérence

Pas le temps de venir ici hier parce qu'après ma journée de huit heures au onzième, je devais restée en ville pour aller à mon troisième cours de photo en soirée. Mais parce que parfois des journées passent et qu'on ne réalise pas toujours les minuscules fils conducteurs qui trament des thèmes au passage des heures, le recul du lendemain me permet de relater deux mini-événements dignes d'un rapprochement évident.

D'abord, une dizaine de minutes après être arrivée au boulot, un jour férié je vous le rappelle, mes collègues et moi entamâmes une conversation à propos de l'itinérance, de la pauvreté, des ressources disponibles, des causes pouvant mener quelqu'un à cette vie marginale, de la gentrification de certains quartiers montréalais, du rôle du gouvernement, de la nécessité à investir dans le système d'éducation afin d'outiller les jeunes citoyens à devenir autonomes. Beaucoup de mots, d'arguments échangés, d'opinions basées sur une mélange d'expériences et de préjugés. Une conversation qui s'est étayée en se mordant la queue pendant un bon gros vingt minutes. Après, le sujet de l'éducation a définitivement pris le dessus et bien que j'aie passé cinq années de ma vie engagée dans ce domaine de sorte de pouvoir y devenir une actrice active, je me suis retirée à mon poste pour laisser à d'autres de dresser le portrait selon eux pitoyable de la situation de notre coin du monde. D'après El., une collègue volontariste, elle-même mère d'une enseignante maintenant, notre système éducatif ferait piètre figure sur l'échiquier mondial. Nos enfants seraient en déficience par rapport à ceux de d'autres pays comme la Chine par exemple, la Russie, la France aussi. Moi, bien sûr, égoïstement, j'ai pensé au moment où petit être atteindrait ce stade de fréquenter les institutions scolaires, mais je n'ai soufflé mot.

Quelques heures plus tard, une autre collègue, Hl., Grecque d'origine et Grecque dans son mode de vie et sa spiritualité, me montre des photographies du baptême de l'enfant dont elle est devenue la marraine. La religion grecque orthodoxe m'impressionne à chaque fois que j'apprends de nouveaux détails liés aux rituels pratiqués. Sur les photographies, on aperçoit le prêtre vêtu d'une soutane d'une beauté à couper le souffle prenant place près du bassin rempli d'eau bénite symbolisant le Jourdain, dans un décor fastueux. Les Grecs orthodoxes sont à l'opposé total des Protestants en ce que le somptueux matérialise le domaine de Dieu pour les premiers tandis que pour les seconds, le dépouillement nous rapproche de l'essence divine. Quel monde étrange réunit ces deux façons de pratiquer sous une même bannière, celle du christianisme.

Je quitte le onzième à 15 h 30 et je me dirige vers le centre-ville en passant par Ste-Catherine d'abord, jusqu'à une boutique de chaussures où je reluque des modèles qui me laissent indifférentes. Je traverse le coeur de la Place Ville-Marie, celui à la surface, coincé entre des tours vertigineuses, et je décide de poursuivre mon chemin sur René-Lévesque, en direction du Complexe Desjardins. Quelques coins de rues plus tard, de nombreux protestants convergent vers une mer de drapeaux des Tigres de libération de l'Eelam tamoul qui m'oblige à traverser le boulevard. Mais justement, il y a là une basilique, une des seules de la ville que je n'ai jamais visitées. L'immense bâtisse religieuse s'appelle la Basilique St-Patrick et lorsque je pénètre dans son ventre, les teintes chaleureuses des boiseries sculptées de moult détails, l'éclairage tamisé créé par quelques cierges allumés et les nombreux vitraux multicolores filtrant les rayons du soleil, les tapisseries étampées de motifs dorés, les colonnades de marbre s'élevant jusqu'à la voûte impressionnante, les fresques dévotes, la chaire magnifique, tout cela qui remplit mes yeux porte un seul mot à mes lèvres: fastueux. Une autre époque du catholicisme montréalais, lui aussi sous la bannière du christianisme, s'étale devant moi dans toute sa splendeur.


Je me rends à l'arrière de l'église, là où les bénitiers se trouvent, mais l'eau qui semble croupie me fait retenir mon geste de plonger le bout de deux de mes doigts. Je fais donc le signe de la croix dans mon fort intérieur et je débute officiellement mon exploration des lieux, respectueusement. Je sors à peine mon appareil photo de son étui quand une femme passe une porte lourde et se signe pieusement. Je cadre ma première prise de vue quand elle m'aborde pour me dire qu'elle est une réfugiée et s'il vous plaît, auriez-vous un peu d'argent pour que je puisse nourrir mes enfants. Pendant qu'elle me déballe sa requête, sa lippe tremble d'émoi et ses mains se frottent. Mon coeur bat tout à coup un peu plus vite. La Ludivine d'il y a quelques années auraient ouvert son porte-monnaie et aurait tendu tout ce qu'elle pouvait se permettre de donner à ce moment-là. Mais là, mon coeur qui bat vite me souffle aussi à l'oreille que depuis quelques années, j'ai choisi de devenir donatrice auprès d'un organisme venant en aide aux personnes itinérantes et que c'est ma façon plus en retrait de contribuer. Je regarde cette femme qui prend mon silence pour un possible gain et enfin, je m'excuse, mais je ne peux rien vous donner. Elle fera ainsi le tour de tous les visiteurs du lieu sacré. Cette femme a compris à quel point des sentiments de contraction naissent dans l'esprit de celui ou celle qui se rend dans cette maison de Dieu, couvant sans doute des valeurs incluant celle de la générosité, qui se fait aborder par elle, par sa souffrance. Une façon de mettre quelqu'un sur des briquets ardents. Mais je ne suis le juge de personne. J'ai seulement le pouvoir de faire des choix. Parfois. Parce que souvent, la survie l'emporte et le luxe de choisir prend le bord. Alors, l'instinct me pousse. Et sans doute cette femme.

5.16.2009

camouflé qui se révèle doucement, tout doucement

Je m'empiffre de chips de maïs aux fèves noires. Nous sommes en train de faire les courses par un samedi soir noyé sous une pluie diluvienne et j'attends M. dans la voiture pendant qu'il se sélectionne des bières de micro brasseries québécoises au Métro du coin. Une croustille suit l'autre presqu'automatiquement et je me dis qu'il me faudrait bien arrêter le mouvement, sinon j'en viendrai à ce goût acide désagréable de reflux gastrique parce que j'aurai manger trop et trop vite. Eh voilà, vingt minutes plus tard, installée devant l'écran, ce goût brûlant est bien là. Heureusement que la soupe du maître commence à peine à s'élaborer dans la cuisine. Ce soir, c'est mon amoureux qui mitonne.

Jusqu'à hier, nous avions plutôt comme plan pour cette soirée de week-end d'aller voir mon amie Ct., depuis peu retrouvée, chanter au Quai des Brumes, mais parce que je suis revenue complètement vannée de ma matinée en ville auprès de M-H hier, M. a mis le holà et a décrété que la Lu devait se calmer le ponpon, surtout qu'elle travaillait aujourd'hui. Petit être tient de son papa. Comme lui, il a le gène chat qui fait que moi, en tant que porteuse, il me dit de me calmer le ponpon à sa façon lui aussi. Il me flanque la fatigue pour cause de nombreux kilomètres marchés, chose qui ne m'aurait pas mis dans un tel état sans sa présence, et je finis par baver sur un coussin du divan orange à 18 h 30, d'un sommeil de plomb qui durera une grosse demi-heure.

C'est que j'oublie presque que le porte tellement il est discret. Je me sens bien et les petits changements - comme ce goût acide lorsque je mange trop et trop vite par exemple - sont venus si progressivement s'installer que je m'y suis adaptée sans plus faire le lien avec lui, petit être qui se déploie. En plus, ma bedaine est souvent dissimulée sous mes vêtements à la coupe relax, coupe que je préfère d'entre toutes, alors je ne le remarque qu'à peine ce gonflement qui témoigne de sa présence. Quand je suis nue devant la glace le matin avant de sauter sous le jet, je vois bien que ma taille a épaissi. M. dit même qu'elle a doublé. Mais la majorité du temps, il disparaît dans ma silhouette longiligne.

Le temps passe tout de même et aujourd'hui, le 16 de mai, je termine ma seizième semaine. Et je crois bien t'avoir senti. Ça a commencé hier justement. Dans mon cas, ce n'est ni une sensation d'ailes de papillon, ni une sensation de gaz, mais plutôt un trait qui se dessine dans le bas-ventre, un peu comme pendant certaines menstruations, sans douleur, seulement un signe du genre je-suis-là. Je t'imagine tournoyer un peu pour davantage de confort.

Le moment de ton arrivée se rapproche et je me demande encore régulièrement comment notre relation se développera. Tous les enfants que je croise sont toi. Tous les parents, sont M. et moi. Que nous réserve notre histoire de cellule? Je deviens pondeuse d'une famille dans le tableau généalogique de toutes nos racines. Quel incroyable honneur.

5.14.2009

sous la loupe

Ployée dans cette puissance éolienne, le front martelée d'aiguilles de pluie glacée, le regard furtif remarquant l'immense pommier d'un voisin rosi de ses fleurs voler en pétales, je reviens d'un énième trou dans le creux du bras. Cinq fioles de liquide écarlate remplie au centre de prélèvements de l'hôpital où j'accoucherai. Prise de sang de routine à ce stade-ci de ma grossesse. Processus indépendant de mon suivi auprès de Dr. C. à la clinique d'obstétrique pourtant rattachée au dit hôpital.

Cet hôpital de la rive-sud n'a rien à voir avec les hôpitaux de Montréal qu'il m'a été de visiter pour une raison ou pour une autre. Le bâtiment semble assez récent et les espaces, divisés de manière moderne. Rien à voir avec les couloirs labyrinthiques et parfois fantomatiques de Notre-Dame. La préposée qui me fabrique ma carte d'hôpital est efficace, mais malgré que je l'aie épelé, elle fait une faute dans le prénom de mon père. Il faut dire pour sa défense qu'il portait un prénom rare. Je souris tristement quand je le lis et continue mon chemin tout de même, certaine que papa ne se retournera pas dans sa tombe pour une telle pacotille.

Arrivée avec un peu d'avance, je m'installe sur un siège, livre en mains, parcourant le passage où l'auteur, l'anthropologue Meredith F. Small, explique à quel moment de l'évolution des espèces la spécificité des mammifères, celle d'allaiter ses nouveaux-nés, serait apparue sur l'échelle du temps. C'était il y a environ soixante-cinq millions d'années, entre l'ère secondaire Mésozoïque et la partie tertiaire de l'ère Cénozoïque. Des bébés dinosaures auraient eu l'habitude de lécher les coquilles desquelles ils venaient d'émerger parce qu'un liquide avait été expulsé là intentionnellement par les femelles mères soucieuses de désinfecter les niches de leur progéniture juste avant leur éclosion. Ce liquide aurait eu des propriétés immunitaires et petit à petit, des espèces auraient transformé leur biologie pour permettre à leur corps de fournir un lait riche et complet à leur nourrisson tout en offrant l'avantage de ne pas devoir se mettre en situation de danger à la recherche de nourriture, autant pour la mère que pour son vulnérable rejeton.

J'en étais à l'assimilation de ses connaissances quand l'heure sonna et que je dus relever ma manche pour me la faire ponctionner par une jeune infirmière très adroite qui me tutoya d'emblée. Une fois le sang recueilli en éprouvettes, elle m'expliqua que je trouverais les explications pour l'échantillon d'urine dans une des deux salles de bain dans le couloir. Quand elle me tendit le flacon vide, elle joignit une petit lingette d'antiseptique sous emballage et me recommanda de bien désinfecter. Bien désinfecter quoi, lui demandais-je, le flacon ou mes mains. Je crois qu'elle ne doit pas se faire demander cette question trop souvent parce qu'elle hésita quelques secondes avant de me répondre les mains, bien sûr. Ah, mais oui, bien sûr, surtout qu'il y a des distributeurs de Purell à tous les mètres dans cet établissement de la santé. Évident.

Les instructions. Oh la, la. Paranoïa des germes, des maladies, des virus, des bactéries. Ne manipuler le flacon stérile qu'après vous être extrêmement bien laver les mains à l'eau chaude et savonneuse. Ne pas mettre les doigts dans le flacon, ni à l'intérieur du couvercle. Préparer une compresse d'eau chaude et savonneuse pour vous nettoyer les parties génitales. Lavage à faire d'avant à l'arrière, très, très important. Sécher le tout avec une compresse sèche. Uriner quelques gouttes dans la toilette avant de commencer à recueillir l'échantillon. Rappel: ne pas mettre de doigt à l'intérieur du flacon, ni sur l'intérieur du couvercle. Désinfecter vos mains avec la lingette. Tout ça pour voir s'il y a infection urinaire ou pas. Il me semble, pour en avoir entendu parler, que si j'en avais une, je le sentirais et deuxio, il me semble que d'aller me frotter les tendres muqueuses avec un savon rose bonbon de distributeur générique ne doit pas aider pour l'irritation. Bref, j'ai à peu près suivi le protocole. Au pire, ils me rappelleront pour avoir un échantillon davantage aseptisé.

Avec chance, j'ai rattrapé à la course les deux fois les autobus qui me ramèneraient au paradis. Le temps que les carcasses bourlinguent sur les artères crevées de nid de poule, j'ai pu feuilleter brièvement la brique Mieux vivre avec notre enfant, version 2009 qui m'a été remise par l'infirmière. Ma soeur G. me dit que c'est une mine d'informations pratiques. Merci le gouvernement.

Entre-temps, les vents fouettent encore tandis que la pluie tombe pour de bon. Nougat le gros chat fait le guet à l'entrée de la pièce orange pour me signifier son insatisfaction de n'avoir plus que quelques graines dans son bol, bien que madame sache très bien qu'il ne se remplira à nouveau qu'autour de 19 h 30. Et M. me demandera sans doute encore aujourd'hui si j'ai senti petit être bouger. Bien sûr que tu le sauras quand ça arrivera grand bêta. Cette expérience qui devrait se produire dans la semaine qui vient, elle sera tienne aussi, promis.

5.12.2009

je grogne

M. plane. Installé dans le fauteuil de la pièce orange, tourné de telle sorte que son nez soit plein soleil couchant, l'ouïe branchée sur un groupe montréalais que nous découvrons à chaque mesure enchaînée, il se détend. Dans nos bedons, un excellent souper. Dans nos humeurs, la joie de l'intimité.

À entendre maman ce soir au téléphone, je constate que ces temps-ci, le rythme fou en atteint plus d'un. Quelque chose dans les astres sans doute. Une période de contraction interstellaire qui presse notre énergie qui s'égoutte goutte par goutte, ploc par ploc dans un trou noir, perdue à tout jamais. Apprendre à nous recharger en nous rebranchant sur nos respirations.

Il paraît que les nourrissons doivent apprendre à bien respirer pendant leur sommeil et qu'une manière que l'espèce aurait utilisé instinctivement depuis son apparition sur le dos de la Terre, c'est qu'un adulte partage ses nuits avec lui. L'enfant et la mère ou le père qui dorment ensemble assurent cette transmission de rythme. Bien sûr, un poupon qui dort seul dans son berceau finira par trouver le rythme lui aussi, par ses propres moyens, mais cette synchronisation naturelle entre le bébé et son parent faciliterait l'émergence de ce réflexe respiratoire.

Nous sommes des animaux. Brandissant des palms, des Ipod, des cellulaires. Animaux. Ne pas se regarder dans les yeux, ne pas échanger nos impressions avec le premier venu, ne pas avoir l'air out. J'exagère bien sûr, mais parfois, quand je regarde la parade passée, je me demande comment j'en suis venue à ne pas complètement devenir assimilée. L'ensemble social et ses conventions. Être branché, être à la mode, être nourri de convenu. Mais voilà, quelqu'un d'une autre culture me regarderait tout particulièrement et ne me verrait pas différente de cet ensemble dont je me sens si éloignée. Ce regard extérieur dirait de moi que je cadre, que je porte la marque nord-américaine. Avec mes fringues, ma voiture, mon boulot, ma maison. Je remplis la pointure de l'expectative d'accomplissement matériel. Je me comporte en bonne fille, noyée dans cette foule de citoyens régularisés. Mon décalage est invisible sinon à mes yeux. Et de toute façon, à quoi bon. Je sais que je suis un agent d'infiltration. Je l'ai toujours su. Mieux vaut me fondre et dissimuler mes crocs.

5.10.2009

l'important, c'est l'essentiel

Mal de bloc carabiné. Oui, sans doute un symptôme de petit être caché au fin fond de moi. Mais aussi parce que j'ai bossé sérieusement à la préparation du brunch servi ce midi pour la fête des mères. Bien que les uns et les autres des invités m'avaient offert d'amener quelque chose, j'ai gentiment décliné leur polie proposition pour faire les choses à ma manière, servir les aliments selon ma créativité culinaire. Parce qu'il y avait longtemps que mon cerveau n'était entré en ébullition pour élaborer un repas mémorable et que j'adore vivre cet exercice qui dure souvent environ une semaine. Une semaine à échafauder des plans d'agencement de saveurs, de couleurs, dans le but de donner aux convives une expérience gourmande agréable. La nourriture partagée et appréciée, ça se trouve dans mes tops dons de moi. Cuisiner avec amour, ça vaut toutes les plus belles déclarations.

Alors, après les courses d'hier après-midi et un beau moment à regarder avec M. un quiscale bronzé au superbe collier bleu métallique tiré de très longs vers de terre d'un cou de bec précis et sans merci les uns après les autres pour ne seulement qu'en grignoter de petits bouts de rien du tout pour aussitôt les oublier, tout contrits de cet amputation subite, je me suis retroussée les manches et j'ai commencé à travailler, mes cellules grises me dictant les étapes à suivre, en fonction des plats, selon une partition répétée inconsciemment depuis quelques jours. Quand je me suis mise au lit deux et heures et demie plus tard, j'ai dû me masser la plante des pieds pour les détendre pendant que M. se brossait les dents juste avant de venir me rejoindre.

Et puis, nuit au sommeil léger, ma conscience sachant très bien tout le travail restant à accomplir avant l'arrivée des invités. En plus, de l'alarme d'une voiture à trois maisons de la nôtre se déclenchant à 23 h 30 pour une quinzaine de minutes, ce qui m'a bouffé un bon quarante-cinq minutes de paix nocturne. Quand j'ai raconté ma nuit à bâtons rompus, maman m'a dit qu'en plus, c'était pleine lune, d'où un sommeil bizarre.

Bref, je me suis tirée du lit à 6 h pour commencer le bal de tout ce qui devait être fait et finalement, quatre heures et demie plus tard, nous finissions juste avant l'arrivée des membres de nos familles.

Au menu:

- mini croissants et mini chocolatines de la pâtisserie à côté du paradis où Mme Rs. fait une pâte feuilletée et beurrée absolument délicieuse;

- muffins bananes et noix enfournés au petit matin par bibi (c'est moi);

- station yogourt, comme je l'ai appelée: yogourt nature ou à la vanille onctueux, framboises, granola, sirop d'érable;

- salade verte aux agrumes (suprêmes de limettes, d'oranges et de pamplemousses roses) et avocats;

- mélange de fruits exotiques: ananas, mangue atulfo (mes préférées!), raisins rouges, caramboles, figues, cerises de terre;

- assiette de fromages;

- bouchées au caviar d'aubergine;

- frittata aux patates douces;

- bacon bio;

- jus, café, confitures.

Dommage que ma machine ait déclaré forfait en fin de repas. Je n'ai pas pu être tout à fait là avec ceux de mon noyau. J'avais demandé à Dieu de faire en sorte que tout le monde se régale, ce qu'il m'a accordé. J'avais oublié de demander la santé, nécessaire au bon déroulement d'une existence sans souci. La santé pour me soutenir dans mon effort d'hôtesse à la petite bedaine. Vieux sage va. Tu me ramènes toujours à l'essentiel.

5.07.2009

étranger familier

Quand je suis arrivée sur le quai à Lionel-Groulx, j'ai remarqué cet homme, grand, noir, et quelques secondes après, je l'ai reconnu, Hr. Mon premier réflexe a été d'aller vers lui. Mon corps m'a d'ailleurs projeté dans sa direction. Et puis, j'ai remarqué que son regard m'a balayé sans sembler me reconnaître. Il faut dire que nous étions à une distance d'un wagon l'un de l'autre. Mon corps a stoppé son élan parce que j'ai réalisé que je n'avais pas croisé Hr. depuis cette époque où j'habitais un appartement avec ma soeur sur la rue Fabre. Autant dire un peu plus de sept ans. Et déjà à cette époque, Hr. que je croisais était bien loin de cette Ludivine qui l'avait connu adolescente, au cours de deux étés consécutifs, dans le cadre d'ateliers créatifs. Hr. était un des instructeurs si je me souviens bien ou un des organisateurs ou un des participants les plus expérimentés ou quelque chose comme ça. À l'époque où je l'avais recroisé des années plus tard, il y a un peu plus de sept ans donc, son garçon venait de naître et professionnellement, il commençait à décrocher des contrats ici et là en tant qu'acteurs au petit écran. D'ailleurs, je ne cesse de le voir apparaître dans des publicités depuis. Je sais aussi qu'il a participé à des téléséries, mais puisque je ne suis pas trop les feuilletons télévisés, je ne sais pas s'il continue à vivre de son métier convenablement.

Quoi qu'il en soit, mon corps a stoppé parce que je me suis dit: "Qu'est-ce que nous nous dirions? Nous connaissons vraiment en fait?" Hr. que j'ai côtoyé pendant des semaines il y a des années et des années, celui que j'ai ensuite croisé à quelques reprises au fil de mes années à déambuler sur les trottoirs de Montréal, le connaissais-je, me connaît-il? Non. Mon corps a stoppé et nous sommes chacun monté dans notre wagon lorsque le train est arrivé une minute après que je l'aie reconnu. En inconnus qui se sont croisés. Je sais que nous nous serions salués si nous nous étions vraiment mutuellement vus de visu et je sais que nous aurions ensuite poursuivi notre chemin sans converser ou si peu. Les relations s'entretiennent au degré de leurs profondeurs. Hr. est de ceux qui font partie des chapitres passés de ma vie. De ceux que je reconnais et qui me reconnaissent, le temps de poursuivre notre chemin au présent.

5.05.2009

la magie du moment

Hier soir, j'ai débuté le cours d'introduction à la photographie que mon chéri m'avait offert pour mon anniversaire il y a plus de six mois. Dans une pièce, nous avons été seize à prendre place à de longues tables sur des sièges rembourrés et orientés vers l'avant, là où un écran plat et un tableau étaient accrochés, prêts à nous afficher la matière. La conférencière - c'est ainsi qu'elle se désigne en se présentant à nous - est une femme très douce, dégageant une grande sympathie. Elle veut nous transmettre l'amour de l'art photographique, mais si nous sommes ici, c'est que nous sommes déjà un peu mordus. Son ton enthousiaste est borderline gnangnan, mais elle est si authentique qu'on ne peut que s'abandonner à ce charme rose bonbon. D'ailleurs, elle est connaisseuse et les photos qu'elle nous montre pour démontrer des exemples de certaines notions qu'elle aborde et qui ont été saisi par son regard, sont d'une beauté à couper le souffle. Un canard qui s'ébroue, une tulipe perlée de rosée. Madame L. G. est une photographe naturaliste.

Tous les participants ont amené avec eux leur appareil. Dans le lot, une jeune femme est la seule à tenir entre ses mains un boîtier argentique. D'ailleurs, à la pause, après avoir discuté avec madame la conférencière, elle quittera le groupe, incapable de relier toute cette théorie axée sur la technologie numérique à son Pentax qui fait figure d'antiquité dans ce contexte. Sinon, tous les autres tiennent entre leurs mains des mécaniques sacrément costaudes comparées à celle de mon Nikon D40, assez basique merci. Mais je l'aime, c'est l'important. Tous ces boîtiers de la mort montés d'objectifs hallucinants ne m'intimident pas, surtout que tout les participants sont au même niveau ou à peu près, c'est-à-dire à celui de photographes amateurs se fiant plus souvent à la piffologie et au mode auto de leur engin performant qu'à des notions bétons qui leur permettent le contrôle du résultat.

Au moins, là-dessus, je peux dire que mes quelques années à manipuler des appareils argentiques m'ont légué des connaissances transposables à la prise de photo à partir de mon appareil numérique. Je comprends les concepts d'ouverture de diaphragme et de vitesse d'obturation, et même un peu celui de ISO. Mais déjà, après ces trois heures de matière jetant les bases, je peux constater que cet apprentissage ne sera pas en vain, loin de là. Mes photographies risquent moins de se faire à tâtons en mode manuel et surtout, je comprendrai un peu mieux comment tirer avantage des multiples fonctions de mon D40. Vivement la précision de toutes ces notions afin de perfectionner ma relation à cet art qui me permet d'affûter mon regard se promenant sur les tableaux du quotidien.

Toutes ces tulipes et ces jonquilles et ces magnolias, n'est-ce pas qu'ils culminent en une explosion de couleurs?

5.03.2009

jardiner ma liberté

Deux jours trop vite envolés. Pourquoi les week-ends sont-ils aussi courts, toujours autant chargés? Dire que sur la planète, plusieurs travaillent beaucoup plus que quarante heures semaine pour récolter beaucoup, beaucoup moins que le salaire moyen ici. Dire que la crise économique brise des foyers par milliers présentement. C'est qu'il me faudrait être heureuse de ma situation. Même si des gens comme Jean Leloup disent que des situations comme la mienne leur hérissent les poils de la conscience. À chacun sa zone de confort faudrait-il dire. Mais encore, quel luxe de pouvoir m'attarder à cette constatation toute occidentale. Zone de confort ici ne s'établit pas comme celles des gens vivant dans les pays défavorisés, là où les zones de confort sont déterminées en fonction des besoins fondamentaux comblés principalement.

Mais tout de même, deux jours, c'est trop vite passé. Par exemple, ce week-end, nous sommes montés chez maman dans le nord. Il y avait depuis cet automne que nous n'étions allés. Bien sûr, nous nous étions vues pour Noël, ensuite au paradis et quelques d'autres fois, chez ma soeur G., mais il y avait des mois que je n'étais rentrée dans cette maison qui est la sienne, là où il fait si bon d'être. Elle nous a accueilli avec générosité et chaleur, elle et avec elle, son amoureux Jc. J'irais à toutes les deux semaines si je le pouvais. Pas de farce. J'adore cet endroit, l'énergie des lieux, la sérénité qui baigne le nid de maman, maman aux bras réconfortants.

Et puis, il y a le père de M. que nous n'avons pas revu depuis le saut de crapaud chez lui pour l'annonce de la venue de petit être le 1er mars dernier. Il y a des amis à moi, dont Ch. à Ottawa, qu'il me faudrait voir. N'est-ce pas M-H, Sr., Sm.? Et mon amie-collègue Cht., avec qui j'aimerais bien passer une heure de dîner à marcher tranquillement. Il y a la fête de maman, la fête des mères et puis celle des pères dans un mois. Les week-ends où je travaille entre tous ceux qui doivent nous servir à voir notre monde. Il y a les mauvaises herbes à tirer par la couette, le deck à teindre, les fleurs à empoter, les légumes à semer, les armoires à laver. Il y a que parfois, j'aimerais qu'il y ait une façon de faire tout en moins de temps, mais de manière tout aussi agréable. Parce qu'heureusement, toutes ces obligations, elles s'accomplissent dans l'agrément. Avec le sentiment de faire du bon boulot, le genre de travail qui fait gonfler mon coeur.

5.01.2009

nourrir la romance

Ce soir, nous sortons. Hier soir, M. a eu la belle idée d'aller voir un spectacle dont les représentations ne s'échelonnaient que sur trois soirs: hier, aujourd'hui et demain. Un spectacle de danse, rien de moins. Mon premier plaisir de voir une oeuvre de la troupe La La La Human Steps. Alors, assis sur nos sièges dans la majestueuse Salle Wilfrid-Pelletier, nous serons happés par la force du mouvement, aucun doute là-dessus.

Avant, nous allons nous régaler au sympathique restaurant dont je vous ai déjà parlé, le Café Bistro La Marinara, où P., cet hôte à la mémoire éléphantesque, nous recevra comme des rois. Lorsque j'ai téléphoné pour réserver, il était heureux de nous passer ses félicitations pour petit être, lui qui savait depuis des mois à quel point nous le désirions. C'est le père de M. qui lui a appris la bonne nouvelle. Le père de M. est devenu un client régulier je crois depuis que nous l'avons invité là-bas à son anniversaire en décembre dernier. J'aurais bien aimé lui annoncer ce soir, en personne, mais ça va, même que je trouve ça touchant que mon beau-père soit déjà fier de toi petit être.

Notre soirée en amoureux me fait un peu beaucoup penser à la soirée que ma soeur G. a passé avec son amoureux Rb. hier soir. Ils sont allés voir un spectacle après avoir soupé en tête-à-tête. Sauf qu'eux, ils l'ont fait parce que depuis l'arrivée de monsieur Lc. en novembre dernier dans leur vie, les rencontres seul à seul doivent être planifiées. Il faut entretenir la flamme. Parce qu'un couple soudé dans l'intimité en est un solidifié dans le quotidien. Plus à même de faire circuler l'amour dans le foyer. Aucun doute là-dessus.