orphelins de l'Éden

5.07.2009

étranger familier

Quand je suis arrivée sur le quai à Lionel-Groulx, j'ai remarqué cet homme, grand, noir, et quelques secondes après, je l'ai reconnu, Hr. Mon premier réflexe a été d'aller vers lui. Mon corps m'a d'ailleurs projeté dans sa direction. Et puis, j'ai remarqué que son regard m'a balayé sans sembler me reconnaître. Il faut dire que nous étions à une distance d'un wagon l'un de l'autre. Mon corps a stoppé son élan parce que j'ai réalisé que je n'avais pas croisé Hr. depuis cette époque où j'habitais un appartement avec ma soeur sur la rue Fabre. Autant dire un peu plus de sept ans. Et déjà à cette époque, Hr. que je croisais était bien loin de cette Ludivine qui l'avait connu adolescente, au cours de deux étés consécutifs, dans le cadre d'ateliers créatifs. Hr. était un des instructeurs si je me souviens bien ou un des organisateurs ou un des participants les plus expérimentés ou quelque chose comme ça. À l'époque où je l'avais recroisé des années plus tard, il y a un peu plus de sept ans donc, son garçon venait de naître et professionnellement, il commençait à décrocher des contrats ici et là en tant qu'acteurs au petit écran. D'ailleurs, je ne cesse de le voir apparaître dans des publicités depuis. Je sais aussi qu'il a participé à des téléséries, mais puisque je ne suis pas trop les feuilletons télévisés, je ne sais pas s'il continue à vivre de son métier convenablement.

Quoi qu'il en soit, mon corps a stoppé parce que je me suis dit: "Qu'est-ce que nous nous dirions? Nous connaissons vraiment en fait?" Hr. que j'ai côtoyé pendant des semaines il y a des années et des années, celui que j'ai ensuite croisé à quelques reprises au fil de mes années à déambuler sur les trottoirs de Montréal, le connaissais-je, me connaît-il? Non. Mon corps a stoppé et nous sommes chacun monté dans notre wagon lorsque le train est arrivé une minute après que je l'aie reconnu. En inconnus qui se sont croisés. Je sais que nous nous serions salués si nous nous étions vraiment mutuellement vus de visu et je sais que nous aurions ensuite poursuivi notre chemin sans converser ou si peu. Les relations s'entretiennent au degré de leurs profondeurs. Hr. est de ceux qui font partie des chapitres passés de ma vie. De ceux que je reconnais et qui me reconnaissent, le temps de poursuivre notre chemin au présent.