orphelins de l'Éden

3.29.2010

don du ciel

Notre décision concernant la prolongation de mon congé de maternité en sabbatique d'un an est prise.

Du six mois de plus auquel nous pensions à l'origine et qui signifiait que nous plongions un peu dans le vide côté budget, nous sommes passés à l'an complet qui t'amènerait à deux ans quand nous avons reçu un superbe cadeau de l'univers déguisé en grand-maman cette fois-ci: une somme d'argent qui nous donnera le coussin pour amortir le saut Je resterai donc auprès de toi pour jeter une solide base d'amour parental. Nous remercions Dieu qui pourvoie pour la concrétisation de cette belle opportunité - et rappelez-vous que Dieu pour nous, c'est un mot pour désigner cette essence, cette énergie, qui lie toutes choses.

Ainsi, évacué le stress de trouver une garderie pour septembre. Toutefois, je continuerai quand même d'aller nous montrer le bout du nez à la directrice de l'institution préscolaire à vocation Montessori situé à un jet de pierre du paradis, histoire de la faire craquer à t'accepter pour septembre 2011, cela selon sa propre recommandation. Trois cent cinquante-huit enfants figurent sur la liste d'attente, mais elle dit que si elle nous voit régulièrement, notre intention claire sera récompensée par une place assurée. J'ai confiance que cette garderie aux valeurs tout à fait dans nos cordes sera ce lieu où ta socialisation débutera en grand.

D'ici là, les mois passeront en t'outillant de nouvelles possibilités motrices et intellectuelles, cependant que je prendrai mon rôle d'éducatrice avec un engagement sans bornes.

Merci, merci, merci.

3.26.2010

:)

Pour tes cinq mois franchis, tu nous as fait un cadeau. Par ta nuit à un seul réveil à 2 h du matin, tu nous as dit: "Papa, maman, je grandis." Oui mon beau, et papa dit lui que tu gigotes en titi dans le lit.

3.23.2010

changement de perspective

Quand je passe ma main sur ta tête, c'est de la soie que je caresse. Ma soie, mon loup, mon lapin. Bientôt cinq mois et non, je ne dirai pas que le temps passe vite. Je dirai plutôt que déjà, j'ai peine à me souvenir de toi à ta naissance. Imagine. Vivre auprès de toi constamment me colle assurément le nez sur les détails du présent, mais qu'importe. Je sais que j'ai encore une tonne de présent à savourer, presque pour l'éternité en fait, considérant que le bout de ma vie, c'est le plus loin que j'irai.

3.20.2010

à plumes, à poils, avec nous

Des cardinaux, il y en a tout plein dans notre coin. Encore tout à l'heure, un mâle et une femelle sont venus se percher dans l'arbre qui pousse derrière le cabanon de la voisine qui nourrit tous les animaux errants en diagonale de notre cour. Et hier, deux jeunes mâles chantaient si bien qu'ils m'ont fait ouvrir la porte patio pendant que je préparais mon déjeuner. Et puis, il y a deux vendredis, pendant notre marche en poussette, un tout rouge juché dans un immense sapin m'a transformée en "repéreuse" pour deux dames quinquagénaires, et un autre plus loin, flanqué à la cime d'un immense arbre a salué notre fin de parcours ce jour-là. L'oiseau mystique du paradis tournoie autour pour veiller sur toi, comme il le fait sur nous depuis que nous sommes au paradis.

Le printemps ramène également les V d'outardes et les "quack" des quiscales autant qu'ils semblent inspirer les gens à se procurer un meilleur ami pour la vie puisqu'hier et aujourd'hui, j'ai rencontré deux chiots de huit semaines plutôt qu'un. Un garçon d'une dizaine d'années portait son Husky Roxy dans ses bras sur le chemin menant au grand parc et Jn., ma voisine dada de courtepointes et de relish maison, a comblé son grand et costaud fiston de presque trente ans en succombant à son souhait d'avoir un St-Bernard. La bête duveteuse s'appelle Botka. Eh ben.

Un dernier oiseau, plus rare depuis les dernières années, vole à l'heure où j'écris ces lignes, direction notre coin de pays: l'avion transportant ma soeur B. Elle vient trouver une maison pour sa petite famille. Elle n'a qu'un peu plus que deux semaines pour le faire. Son horaire est encore incertain, mais l'important, c'est que nous pourrons nous régaler de sa présence un tant soit peu. Youpi.

3.17.2010

carnet de santé

Tous les rendez-vous derrière nous, il est confirmé que tu es un petit géant, dépassant à nouveau les percentiles de la courbe de croissance. Côté poids, tu n'as pas encore doublé celui de ta naissance puisque la balance indiquait un 6 kg franc, ce qui se convertit par un 13.2 livres. Il paraît que lorsque tu le doubleras pour atteindre ce 16.2 livres, tu seras prêt à manger des solides et à faire tes nuits. Une autre théorie parmi la pléthore disponible. Aussi, côté poids, tu as baissé de percentile. Moi, je ne suis pas inquiète outre mesure, car comme je l'ai déjà dit, il y a un gros facteur génétique qui entre en ligne de compte, en plus du fait que toi, tu concentres ton énergie physique à étirer plutôt qu'à engraisser.

Madame ta pédiatre, Dr Y., t'a trouvé très éveillé pour un garçon de quatre mois et demi. Il faut dire que tu étais tout sourire pour elle. Enfin, elle a dit que les rougeurs que tu as sur le menton, dans le dos et un peu partout sur le corps, c'est de l'eczéma atopique, problème de l'épiderme à la cause plus que vague. Les sources probables de ces éruptions cutanées inconfortables pour toi sont nombreuses: facteur génétique - encore lui! -, allergènes, et même stress. Moi, je mise soit sur le nouveau produit nettoyant que j'ai utilisé pour la baignoire - biodégradable et doux, mais on ne sait jamais -, soit sur la poire que je t'ai fait goûter trop hâtivement mardi dernier - pour tes boutons tranformés en plaques sur ton menton, mais de petits boutons avaient déjà commencé à apparaître sur tes jambes -, soit sur le gel qu'ils ont utilisé pour l'échographie vendredi dernier - pour les plaques dans ton dos surtout. Quoi qu'il en soit, il est certain que toute la salive qui te coule sur le menton n'aide pas pour l'éruption qui s'y trouve. Dr. Y nous a prescrit une crème à base de cortisone, mais tu me connais, je ne suis pas celle à gober un traitement sans faire quelques recherches auparavant, surtout en ce qui te concerne. Heureusement, le hasard a bien fait les choses puisque Jl., maman de Tl., m'a téléphonée hier et elle m'a conseillé des produits qu'elle a elle-même utilisés pour régler les problèmes de peau sensible - dermatite atopique = eczéma atopique - de sa fille. À date, plus de douze heures après la première application, je crois que les rougeurs se sont atténuées.

Pour ton rein, le spécialiste a déclaré que tout semblait s'être stabilisé, mais pas résorbé. Nous retournons donc à l'hôpital en septembre prochain, le jour de l'anniversaire de ta tante G. bien exactement. Pour tes hanches, pas de nouvelles, bonnes nouvelles comme on dit.

Et puis chez A-M l'ostéopathe, c'est mon corps qui est passé entre ses mains. À la fin de la séance elle a dit qu'il en avait bien besoin. Oui peut-être, mais la prochaine fois, c'est toi que l'on traitera. Toujours ce quelque chose dans le haut de ton corps qui m'inquiète, surtout que depuis une semaine, tu refuses de t'endormir sur ton côté droit. Est-ce que ton rein te fait mal? Ou est-ce plutôt ce craquement au niveau de ton épaule que j'entends parfois qui indique un blocage? A-M y remédiera, j'ai confiance.

Quatre mois et demi, mais j'ai l'impression que nous avons partagé déjà plusieurs vies à voir ton corps se métamorphoser ainsi.

3.14.2010

l'an en quatre temps

Il pleut. Toute cette eau, il fait bon qu'elle tombe. On se croyait presque dans un désert à force de tous ces jours immobiles sous le soleil de plomb. Il fait donc bon qu'elle tombe parce qu'elle est la preuve que les nuages éclatent toujours par ici.

J'ai peur qu'un jour on oublie les quatre saisons à force de les voir se raccourcir à petit feu. J'ai peur qu'un jour, on se demande si nous avons rêvé ces tempêtes blanches et leurs bancs de neige immenses, ces semaines pénibles à attendre que le printemps se révèle sous la fonte progressive des congères, ces canicules lourdes du zénith de l'été, ces vents secs et revigorants de l'automne. J'ai peur qu'un jour notre climat s'aplanisse et que chaque jour soit semblable à celui de la veille, à celui du lendemain. Comme dans un désert.

Certains diront que dans un désert, il y a aussi des saisons. Des périodes où les oasis sont plus hospitaliers, d'autres où les vents lèvent les sables en tourbillons infernaux. Oui peut-être, mais moi mon pays, c'est là où nous vivons de magnifiques transitions qui nous facilitent les cycles quoi qu'on en dise. Quand c'est l'hiver, on sourit au printemps, quand c'est l'été, on récolte ses fruits jusqu'à l'automne. Nous sommes les enfants de ces découpages naturels, bien à notre insu.

Ma soeur B. et sa famille reviennent de leurs quatre ans à Hong Kong dans quelques mois. Elle m'a répété souvent cet hiver que notre hiver est justement la chose dont elle ne s'ennuyait pas là-bas. Je pense que de toutes les personnes à qui elle a dit cela, elle a eu comme réponse: Oui, mais les enfants vont s'épivarder dans la neige, tu verras. Quel enfant n'aime pas construire un fort avec de la neige collante à souhait ou un fameux bonhomme avec une carotte pour nez, comme dans les films? Quel enfant n'apprécie pas la tasse de chocolat chaud qui suit ces heures à jouer dans le froid? Ils aimeront cet hiver qui leur permettra de patiner et de skier, même s'ils devront s'emmitoufler avant de le faire. Nos corps s'habituent à toutes ces pelures à mettre ou à enlever au rythme des saisons. Ils aimeront, sûr et certain. Et toi aussi ma B., tu retrouveras cette part de toi qui fabriquait des pâtisseries avec ta soeur pendant des heures sur la surface croûtée d'une neige rendue glacée par un peu de verglas. Tu verras.

3.11.2010

check up

À nouveau des rendez-vous. Aujourd'hui, chez l'ostéopathe, demain à l'hôpital pour des échographies et une rencontre avec le spécialiste pour une analyse des résultats, et mardi prochain, un saut chez ta pédiatre.

Cette fois-ci, A-M tentera de m'ausculter. Il y a depuis un mois avant ta naissance qu'elle ne m'a pas traitée et disons que mon corps porte de nombreuses douleurs sourdes depuis ta venue au monde. Je dis qu'elle tentera de le faire parce que peut-être que tu ne dormiras pas pendant toute la séance et que nous en profiterons pour te mettre sur la table. Je sens qu'il y a encore quelque chose dans ton cou qui t'empêche de prendre le sein avec détente.

Et puis demain, échographie de tes hanches à 9 h suivie d'une sonographie de ton appareil urinaire une demi-heure plus tard. Pour tes hanches, c'est que puisque tu te présentais par le siège, il faut le faire par prévention et s'assurer qu'il n'y a pas de dysplasie luxante, surtout que c'était le cas pour ton papa et moi lorsque nous sommes nés. Mais si je me fie au fait que lorsque je te masse les jambes, elles sont de la même longueur, je crois qu'elles sont bien emboîtées dans ton bassin. C'est de cette manière toute simple que ma maman l'avait remarqué dans mon cas. Après, imagerie de la région de ton corps qu'il faut suivre de près, vu ta dilatation du bassinet droit. Monsieur le spécialiste nous expliquera sa progression ou sa régression. On se croise les doigts.

Finalement, mardi prochain, ta super médecin pour la vie, Dr. Y., s'assurera que tu profites bien comme on dit. Nous connaîtrons enfin ton poids actuel - nous n'avons pas de pèse-personne à la maison - et ta grandeur. Plusieurs trouvent que tu es bien délicat pour un petit bébé. Moi, je te trouve parfait mon loup, surtout que je sais que si tu pousses tout en longueur, c'est que tu es bien le fils à ton papa et à ta maman. D'ailleurs, tu es aussi le petit-fils de deux grands-pères sveltes au physique nerveux. Je suis confiante que mon lait t'apporte tout ce que tu as besoin pour te développer. La lueur dans ton regard me le confirme à chacun de tes battements de paupières. Elle rayonne ta bonne santé.

3.08.2010

comme du bon vin

Il est revenu ce temps de l'année où nous devons faire nos comptes auprès des paliers gouvernementaux. Relevés, reçus et factures sont à consulter, puis à décortiquer afin d'arriver au montant qui leur est dû ou qu'ils nous doivent. M. et moi, nous aimons bien en finir au plus sacrant comme on dit avec cette tâche de contribuable, surtout que cette fois-ci, le tout s'annonce un peu plus compliqué qu'à l'habitude puisque nous pouvons bénéficier de crédit d'impôt pour nos rénovations et que nous sommes devenus parents.

Mais voilà que trois appels 1-800 plus tard, j'apprends que Bo., qui n'a toujours pas de numéro d'assurance sociale, ne figurera que sur notre demande de l'an prochain côté fédéral du fait que les versements de prestations universelles n'ont débuté qu'en janvier, et que côté provincial, rien à déclarer à son sujet vue que les crédits de soutien aux enfants ne sont pas imposables. Pour accomplir notre tâche de contribuable, il faut un tant soit peu de jugeote.

Il faut un tant soit peu de jugeote même si on utilise un logiciel user friendly comme nous le faisons depuis quelques années déjà. S'atteler à l'exécution de la tâche requiert une certaine concentration parce qu'une question officiellement formulée mène à l'autre tout aussi officiellement formulée, et tout étant inter-relié, il faut éviter les faux pas. Ce que M. aime, c'est de voir le montant de notre retour - ou de notre dû - d'impôt fluctuer dans le haut du coin droit au fur et à mesure que les interfaces se bourrent de données. Moi, tout le processus m'horripile, même s'il est vrai que nous récoltons une bonne somme bien plus souvent qu'autrement.

De m'asseoir avec M. pour accomplir cette tâche m'exaspère. C'est dans des moments comme ceux-là tout particulièrement que je réalise à quel point notre mode de résolution de problème peut différer. Par exemple, lui voulait à tout prix commencer le plus tôt possible, remplir toutes les petites cases reliées à nos relevés, et ensuite clarifier les montants éligibles aux crédit d'impôt pour nos rénos. Moi, je voulais surtout que nous mettions de l'ordre dans notre fouillis de factures liées aux dépenses que nous ont encouru les rénovations, pour ensuite entreprendre le remplissage de chiffres à même le logiciel d'un seul coup, et ainsi en finir définitivement avec cette tâche annuelle qui m'horripile. Finalement, après une prise de bec générée surtout par ma frustration née de mon incapacité à convaincre M. de ma manière de faire, nous avons réalisé qu'ils nous manquaient encore des relevés, entre autres ceux de nos REER. M. compilera donc les montants des rénos et non, je n'ai pas dit: "Na-na-na-na-na-nannnn."

Avoir un bon partenaire de vie, ça veut dire beaucoup ça: passer au travers de moments plus désagréables avec maturité. Je mets de l'eau dans mon vin, il met de l'eau dans son vin et ensemble, nous buvons pour avaler le morceau. Nos individualités se butent quand elles croient savoir le mieux. Mais mon côté pratique me rappelle toujours que ce n'est pas la lutte de pouvoir qui importe, plutôt l'économie de temps et de soucis. Alors oui, je suis aussi capable de reconnaître les meilleures idées de M. Surtout, je suis capable de reconnaître à quel point nous maturons bien ensemble.

3.05.2010

recensement

Quand tu te réveilles définitivement de ta nuit, tu bailles d'abord, puis tu t'étires en poussant ton bedon vers le haut, ce qui te fait plier les jambes pareil que celles d'une grenouille, et tu lances tes bras étirés aux poings fermés le plus loin possible au-dessus de ta tête. Ta bouche alors se contracte en une grimace d'effort qui séparent tes commissures d'un bout à l'autre du trait que forment tes lèvres. Lorsque la détente s'installe quelques secondes après cette extension du corps, c'est un petit O de rien du tout qui vient se figer entre tes bajoues, sous tes yeux ronds comme des sous. Jusqu'à ce que tu nous souries à pleines gencives, prêt à commencer ta journée du bon pied.

Tes pieds, ils sont longs, mais larges. Moi, ils me font penser à ceux de ta marraine B. D'ailleurs, tu as aussi sa couleur d'yeux. Toujours ce bleu gris foncé qui émerveille tout le monde. Ton papa dit que tu as mes sourcils, mais pour le reste, tu es lui tout craché selon tout ce même monde que tu émerveilles.

Quand nous t'installons sur ta table à langer pour changer tes fesses, tu apprécies ce moment la plupart du temps. Bien sûr que si tu veux le sein plutôt que d'être là, tu éclates en sanglots dès que ton dos touche la surface. Tu éclates en sanglots aussi lorsque ton dos touche la surface quand tu es fatigué le soir avant la nuit ou si tu veux être dans nos bras encore un peu, parce que tu viens de te réveiller d'une sieste et que tu as besoin de prolonger le partage de proximité. Sur ta table à langer tu pleures également quand nous t'enfilons un cache-couche ou un chandail. Tu n'aimes pas cette sensation de confinement, de très courte durée pourtant, quand tes bras doivent glisser dans les manches.

Sinon, quand tu es sur ta table à langer, tu apprécies le moment. Nous communiquons avec toi en mots doux, en mélodies, en bisous. Tu nous réponds en gazouillis et en rires. Si le moment s'éternise un peu, parce que je monte tes couches lavables par exemple, tu attrapes tes mains et tu te divertis grâce à elles. Soit que tu les utilises pour enfouir ta bavette dans ta bouche, soit tu attrapes tes doigts avec tes autres doigts pour former une boucle qui te fascine.

D'ailleurs, tu formes cette boucle quand nous te tenons au creux de nos bras pour te transporter à droite et à gauche dans le paradis afin de vaquer à nos occupations. Tes mains unies viennent alors se déposer sur notre bras et tu observes.

Tu m'observes entre autres quand je mange mon dîner installée parfois devant toi installé dans ta soucoupe. Cet accessoire t'accueille en position debout grâce à un siège en tissu qui te supporte. Une bande semblable à une tablette circulaire nous permet de t'y présenter des jouets et des peluches que tu commences à manipuler avec davantage de dextérité. Par exemple, hier, pendant que j'étais dans la cuisine à mettre la touche finale à la préparation du souper, je te voyais travailler très fort à attraper le petit éléphant mauve au grelot enfoui dans le ventre pour parvenir à téter sa trompe relevée.

L'ai-je dit? Tu têtes beaucoup et souvent. Tes doigts juste après le sein, ta bavette surtout, nos doigts s'ils passent près de ta bouche inoccupée, même mon nez la nuit quand je t'aide à te rendormir pour un nouveau bloc en te tapotant le popotin doucement.

Je pourrais aussi ajouter que tu pleures toujours entre les deux seins parce qu'à chacun de tes boires, je te donne les deux, mais d'une fois à l'autre, tu sembles l'oublier. Ajouter que tes mains travaillent sans cesse quand tu te nourris pendant le jour et que tu es plein d'énergie, et que je dois les retenir un tant soit peu pour les empêcher de venir près de ta bouche briser la succion en appuyant sur mon sein.

Ajouter que tu es tellement joli quand tu te réveilles de tes siestes dans l'Ergo, avec tes joues rosies par le sommeil, que tu adores que nous te faisions rouler sur le lit à répétition ou danser devant le miroir de la salle de bain. Que tu ris et que tu souris et que tu es zen la grosse majorité du temps parce que nous comprenons ce que tu nous demandes bien à ta façon. Fais-moi encore voler en avion au bout de tes bras, déplace-moi d'ici, je m'ennuie, sors-moi de la soucoupe, j'en ai assez, endors-moi, je n'en peux plus. Sinon, ton rire sonore fuse spontanément quand tu t'amuses. Et à chaque fois, tu nous secoues le coeur de bonheur.

3.03.2010

brosser à la focale

J'ai été exaucée. Le printemps est arrivé. Beaucoup plus tôt qu'à son habitude de saison transitoire, il faut le dire. Remercier Dame Nature devrait aller de soi, mais je sais que c'est plutôt le réchauffement de la planète le responsable des records de temps doux, de jours gris et de peu d'accumulations.

Nous sortons donc. J'installe Bo. dans la poussette et nous partons soit tricoter les rues du quartier comme aujourd'hui, soit vers le grand parc comme hier. Le soleil était si majestueux que je me suis enfin décidée à me munir de ma caméra pour capter des beautés naturelles.

Ces fruits séchés des vinaigriers me faisaient de l'oeil à chaque fois que je les croisais en empruntant la piste cyclable. Dans le décor aux prédominances ternes, ces grappes veloutés jaillissent dans leur robe vermeille. Des éclaboussures vives sur un canevas grisâtre. C'est d'ailleurs ce que j'explique aux deux jeunes filles qui osent me demander avec leur candeur de pré-adolescentes s'il y a un animal pour que je mitraille ainsi la forêt. Il y a de la couleur, des coeurs battants, des cardinaux empaillés, des cousins de coquelicots si vous préférez. Je leur dis qu'avec mon appareil, je fais de la peinture. Elles sourient gentiment à cette femme à la tuque hibou. Dans un an ou deux, elles n'aborderont plus les étrangers qui les intriguent.

Quand M. revient à la maison, je descends avec lui au bureau pour lui montrer ce que j'ai croqué. Nous tombons sur celle-ci.


M. dit: "On dirait une toile."

3.01.2010

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Parce que tout est encore neuf par rapport à ta présence dans notre vie, je dois à nouveau souligner un anniversaire te concernant. C'est aujourd'hui, il y a un an, que j'éclatais en sanglots à 4 h du matin lors de mon premier pipi (j'étais très enrhumée, donc j'avais le sommeil léger, mais surtout, j'étais excitée à l'idée de faire le test de grossesse) parce que nous apprenions que tu étais accroché à mon utérus. C'était un dimanche. Nous avons fait le tour des membres de nos familles à proximité pour l'annoncer en personne à ceux-là et téléphoner aux autres qui étaient trop loin. En fait, c'est ma soeur B. qui l'a la première appris. Comme préambule, je lui ai dit quelque chose comme: "Je sais que ton anniversaire n'est que demain, mais il fallait absolument que je t'appelle aujourd'hui pour te dire..." Enfin, nous pouvions verser dans la joie pure. Nos familles poussèrent un soupir de soulagement et ce jour-là marqua officiellement le début de ton aventure, même si officieusement, elle avait commencé quelques semaines auparavant, à notre insu.

Alors demain, c'est l'anniversaire de ma soeur B. Elle aura 35 ans. C'est à peine croyable d'écrire ce chiffre. Elle qui anime tellement de mes souvenirs depuis toute ma vie, parvenue à cet âge qui marque la moitié de la trentaine. Moi qui la suis de près, j'aurai l'âge du Christ cette année. À peine croyable d'avoir cette impression d'être pourtant renée depuis peu.

Il y a l'avant Bo. et l'après Bo. J'ai 32 ans de recherches, de vécu, de passages de l'enfance à ma vie de femme . J'ai quatre mois de balbutiements maternels. Mais je sais qu'à partir de toi, j'ai atteint un tout autre niveau. Comme si mon existence venait de s'amplifier, de se dilater. Je ne pensais jamais au futur autant auparavant. Maintenant, mon imaginaire se projette là où il tente de te voir grandir.

Non pas que je veuille brûler des étapes et sauter par-dessus notre précieux présent. Seulement, avant toi, je n'avais pas cet ancrage définitif qui m'aurait permis d'apprécier ma longévité d'humaine. Non pas que l'idée de vieillir me faisait craindre l'avenir. Disons seulement que je n'y pensais pas plutôt, trop habituée de vivre un jour à la fois, avec la prudence de ne rien prendre pour acquis, surtout M. à mes côtés. Avec mes expériences de vie, j'avais compris que la non permanence est un arrimage de l'esprit plus réaliste. Mais avec toi, je me sens aussi éternelle qu'une pierre de l'Himalaya.