orphelins de l'Éden

3.05.2010

recensement

Quand tu te réveilles définitivement de ta nuit, tu bailles d'abord, puis tu t'étires en poussant ton bedon vers le haut, ce qui te fait plier les jambes pareil que celles d'une grenouille, et tu lances tes bras étirés aux poings fermés le plus loin possible au-dessus de ta tête. Ta bouche alors se contracte en une grimace d'effort qui séparent tes commissures d'un bout à l'autre du trait que forment tes lèvres. Lorsque la détente s'installe quelques secondes après cette extension du corps, c'est un petit O de rien du tout qui vient se figer entre tes bajoues, sous tes yeux ronds comme des sous. Jusqu'à ce que tu nous souries à pleines gencives, prêt à commencer ta journée du bon pied.

Tes pieds, ils sont longs, mais larges. Moi, ils me font penser à ceux de ta marraine B. D'ailleurs, tu as aussi sa couleur d'yeux. Toujours ce bleu gris foncé qui émerveille tout le monde. Ton papa dit que tu as mes sourcils, mais pour le reste, tu es lui tout craché selon tout ce même monde que tu émerveilles.

Quand nous t'installons sur ta table à langer pour changer tes fesses, tu apprécies ce moment la plupart du temps. Bien sûr que si tu veux le sein plutôt que d'être là, tu éclates en sanglots dès que ton dos touche la surface. Tu éclates en sanglots aussi lorsque ton dos touche la surface quand tu es fatigué le soir avant la nuit ou si tu veux être dans nos bras encore un peu, parce que tu viens de te réveiller d'une sieste et que tu as besoin de prolonger le partage de proximité. Sur ta table à langer tu pleures également quand nous t'enfilons un cache-couche ou un chandail. Tu n'aimes pas cette sensation de confinement, de très courte durée pourtant, quand tes bras doivent glisser dans les manches.

Sinon, quand tu es sur ta table à langer, tu apprécies le moment. Nous communiquons avec toi en mots doux, en mélodies, en bisous. Tu nous réponds en gazouillis et en rires. Si le moment s'éternise un peu, parce que je monte tes couches lavables par exemple, tu attrapes tes mains et tu te divertis grâce à elles. Soit que tu les utilises pour enfouir ta bavette dans ta bouche, soit tu attrapes tes doigts avec tes autres doigts pour former une boucle qui te fascine.

D'ailleurs, tu formes cette boucle quand nous te tenons au creux de nos bras pour te transporter à droite et à gauche dans le paradis afin de vaquer à nos occupations. Tes mains unies viennent alors se déposer sur notre bras et tu observes.

Tu m'observes entre autres quand je mange mon dîner installée parfois devant toi installé dans ta soucoupe. Cet accessoire t'accueille en position debout grâce à un siège en tissu qui te supporte. Une bande semblable à une tablette circulaire nous permet de t'y présenter des jouets et des peluches que tu commences à manipuler avec davantage de dextérité. Par exemple, hier, pendant que j'étais dans la cuisine à mettre la touche finale à la préparation du souper, je te voyais travailler très fort à attraper le petit éléphant mauve au grelot enfoui dans le ventre pour parvenir à téter sa trompe relevée.

L'ai-je dit? Tu têtes beaucoup et souvent. Tes doigts juste après le sein, ta bavette surtout, nos doigts s'ils passent près de ta bouche inoccupée, même mon nez la nuit quand je t'aide à te rendormir pour un nouveau bloc en te tapotant le popotin doucement.

Je pourrais aussi ajouter que tu pleures toujours entre les deux seins parce qu'à chacun de tes boires, je te donne les deux, mais d'une fois à l'autre, tu sembles l'oublier. Ajouter que tes mains travaillent sans cesse quand tu te nourris pendant le jour et que tu es plein d'énergie, et que je dois les retenir un tant soit peu pour les empêcher de venir près de ta bouche briser la succion en appuyant sur mon sein.

Ajouter que tu es tellement joli quand tu te réveilles de tes siestes dans l'Ergo, avec tes joues rosies par le sommeil, que tu adores que nous te faisions rouler sur le lit à répétition ou danser devant le miroir de la salle de bain. Que tu ris et que tu souris et que tu es zen la grosse majorité du temps parce que nous comprenons ce que tu nous demandes bien à ta façon. Fais-moi encore voler en avion au bout de tes bras, déplace-moi d'ici, je m'ennuie, sors-moi de la soucoupe, j'en ai assez, endors-moi, je n'en peux plus. Sinon, ton rire sonore fuse spontanément quand tu t'amuses. Et à chaque fois, tu nous secoues le coeur de bonheur.