orphelins de l'Éden

2.23.2009

en attendant le retour du troc

La tuque hibou, je la porte depuis mon retour de là où j'étais début février. Monsieur mon amoureux me l'a tendue dès notre retour au paradis en m'exprimant sa déception d'en avoir vu d'autres de ces coiffes animales - mais aucune comme la sienne, précisons-le -, alors voilà, elle a perdu de son originalité et il s'en est lassé. Je suis donc celle qui égaie les passants à présent. Et laissez-moi vous dire que des sourires gratuits et sincères, j'en récolte à tous les jours. Ils apparaissent sur des visages jeunes et vieux, de manière totalement aléatoire. Hier, j'ai bien failli ne pas comprendre ce qui avait éveillé l'émerveillement sur le faciès de cette chicklette de Westmount tellement ça m'a pris au dépourvu. Parce que moi, je l'oublie ce hibou posé sur ma tête. Et je n'ai pas l'habitude d'attirer l'attention dans les rues.

Hier, en marchant, la neige collait à mes semelles et les rues pentues étaient plus lentes à mettre derrière moi. Mais comme il faisait bon de déambuler dans ce décor enseveli sous les cristaux échappés des cieux. Février, encore. En plein coeur de l'hiver. Cette saison engourdissante qui ralentit les respirations du coeur et de l'esprit. Il faut faire la paix avec elle ou sinon, s'exiler sur une île équatoriale pour ne plus jamais pouvoir rouspéter. Basta.

Et puis hier soir, après la soupe aux lentilles corails et les croûtons à l'huile de sésame infusée par du thym frais, je me suis installée devant l'écran pour naviguer le Net un brin. En lisant le billet d'une collègue qui blogue tout comme moi, je n'ai pu m'empêcher de me sentir visée. Le sujet: les collègues insatisfaits qui chialent, mais qui ont trop peur de quitter leur confort matériel pour se lancer vers un futur autre. Moi vous savez, mon orgueuil lorsqu'il est piqué, il ne s'arrête pas à l'étape de pester sans agir. Je suis plutôt du genre à réfléchir sur le pourquoi ça me touche une corde sensible, sur le comment je peux changer quelque chose dans moi pour ne plus jamais me sentir pointée par une affirmation semblable et donc vulnérable au jugement d'autrui parce que non outillée pour répliquer sagement, sur quelle action peut améliorer l'être que je suis en devenant l'incarnation de mes valeurs, si amélioration il y a à atteindre. J'ai des poches pleines d'exemples dans le grenier de ma conscience de ces bonds orgueilleux. Comme la fois où en parlant avec un ami lors d'une promenade dans Hochelaga, il fut surpris d'apprendre que j'étais une cliente de la Banque Royale plutôt que membre de la Caisse Desjardins. Cette conversation m'a touchée et m'a fait réfléchir, puis agir lorsqu'un jour est venu m'offrir l'opportunité de bien faire les choses dans le sens de mes valeurs. Ou encore lorsqu'au début de mon végétarisme, les gens à qui j'apprenais mon nouveau choix de vie me lançaient des pointes à propos du manque de protéines à ingérer typique selon eux d'un tel régime. Je me suis relevée les manches et j'ai lu bouquin sur bouquin pour comprendre cet aspect de ma diète. Ce faisant, j'ai récolté une foule d'autres informations qui m'ont permis de désamorcer en un clin d'oeil tous ces répondeurs à la gâchette automatique. Parce que beaucoup d'idées préconçues circulent sur une pelletée de sujets dans notre société aux informations conformistes et remâchées et malheureusement, le réflexe malsain de toujours vouloir avoir raison ou toujours vouloir dire quelque chose de supposément intelligent pendant une conversation coupe souvent le flot constructif que pourrait avoir l'échange réellement ouvert. Maudite manie à vouloir épater la galerie.

Tout ça pour dire que lorsque j'ai lu ce billet, je ne me suis pas sentie piquée dans mon orgueil. Mais ça m'a fait repenser à nouveau à ce tabou qu'est l'argent dans notre société. Oui, j'ai grandi dans une famille au revenu plus que modeste. Ma mère nous raconte parfois comment elle devait aller couper du bois avec son ventre rond de neuvième mois de grossesse pour chauffer au poêle la maison décrépite et puiser l'eau. Mon père et elle étaient très jeunes lorsqu'ils se sont mariés parce qu'ils avaient engendré ma soeur aînée. Nous avons grandi dans un foyer où il y a toujours eu de la nourriture sur la table, mais une nourriture peu coûteuse, en spécial très souvent. Je sais que ma mère et mon père tiraient le diable par la queue. Je sais aussi que c'est cette précarité qui a poussé ma mère à se transformer de femme au foyer à femme de carrière. Je sais que le divorce de mes parents prenait un peu racine dans ce niveau de vie flirtant constamment avec la pauvreté.

L'argent. Le mot répugne plusieurs gauchistes autant qu'il exulte les droitistes. Mais entre vous et moi, qui de nous peut prétendre vivre d'amour et d'eau fraîche. Bien sûr, il a y des êtres comme mon amie S., visitée vendredi dernier, qui arrivent à multiplier le pain, mais même elle a besoin de sous pour arriver à payer les frais du billet d'avion qu'elle prendra sans doute quelque part au mois d'avril ou de mai, pour manger d'ici là, pour payer son loyer. Pourquoi serais-je obligée de choisir entre mon désir de changer d'environnement professionnel et mon besoin de maintien de mon niveau de vie? Pourquoi ne puis-je espérer trouver une situation qui remplit mes deux voeux? L'argent ne fait pas le bonheur. Peut-être bien, mais entre vous et moi, ça aide en s'il vous plaît. Ma mère m'a toujours dit que quelqu'un qui a le ventre vide n'a pas le luxe de pouvoir philosopher. Toute son attention est attirée à ce creux qui gruge ses entrailles. Dans notre société, monsieur-madame-tout-le-monde dépasse parfois le simple nécessaire pour suivre la cadence capitaliste. Mais même pour répondre à ses besoins de base avec des valeurs de simplicité volontaire, il faut un certain pécule.

Et non, ce message n'est pas une réaction prouvant que mon orgueil a été piqué. C'est une opportunité pour moi de me positionner et pour confirmer que j'ai besoin d'argent pour continuer à vivre comme nous le faisons. Nous ne sommes ni des rois ni des dépensiers. Nous sommes seulement des humains qui aiment bien manger, selon nos valeurs, qui aiment leur paradis, qui aiment le fait de ne pas crouler sous les dettes. Notre conseillère financière dit de nous que nous sommes hors norme tellement nous sommes des fourmis. L'argent est nécessaire. Qu'on le veuille ou non. Ce n'est pas le bonheur, mais c'est un foutu facilitateur.

1 Comments:

At 1:48 p.m., Blogger Isabelle said...

Chère Lu, il y avait au moins une dizaine de personnes à qui je pensais quand j'ai écris le blog. Tu en es une, comme j'en suis une et comme certains autres qui sont partis et revenus en sont (hommes et femmes). J'espère juste que tu comprends que pour moi, Demande et tu recevras ne suffit pas. Je suis quelqu'un qui suit Aide-toi et le ciel t'aidera. Mais je sais que pour plusieurs, la situation n'est pas aussi claire ou facile. Tout le monde doit faire ses propres choix d'après leur situation propre. Et je suis contente de pouvoir échanger avec toi via nos blogs et de mieux comprendre comment ça se passe dans ta vie et ta cervelle coiffée d'un beau hibou. D.

 

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