orphelins de l'Éden

2.08.2008

socrate, ma mère et une graine

Quand je regarde un film, un documentaire ou une entrevue, que je lis un livre ou un article, que je parle avec quelqu'un, j'absorbe. Je deviens l'éponge curieuse de tout, ouverte à ces nouvelles données qui m'aideront à poursuivre dans la voie intarissable de la stimulation. Je me nourris. Je nourris mon sixième sens. Celui qui me distingue des autres espèces vivantes. Celui de la conscience. Ni meilleure ni pire, espèce distincte pareille à toutes les autres espèces distinctes en elles-mêmes. La conscience donc. Cet espace où les mots, les pensées, les souvenirs, les peurs par quelques-uns de ces souvenirs ou présomptions induites par éducation, les désirs plantés là par nature et que sais-je encore, tous ces constituants qui poussent l'individu à être. Tout simplement, sois.

Que suis-je donc? Ma mère hier me lance, en pleine conversation téléphonique, une de ses expressions dont elle est la détentrice particulière. Ma mère à la conscience bourrée de ses expressions colorées. Elle me dit même que celle-là s'élève au rang d'axiome. Une maxime donc, une "vérité indémontrable mais évidente pour quiconque en comprend le sens et considérée comme universelle" selon le Petit Robert. Axiome donc stipulant que "de parrain, marraine, on retire toujours une graine" ou que "de marraine, parrain, on retire toujours un grain". Amusant. De mes trente ans en tant que fille de cette femme à la tête garante de ces bijoux, je ne l'ai jamais entendu prononcé ces mots. Fascinant.

Je suis donc, entre autres, filleul de mes grands-parents paternels qui vivent encore sur le bord de l'Outaouais, en retrait d'un village grand comme un bled. Qui vieillissent. Et que je n'ai pas vu depuis environ cinq ans et qu'avant je n'avais pas vu depuis environ quatorze ans, quand la mort qui sépare les gens nous a visités, tous. Les désirs malsains de certaines consciences se sont exprimés. L'argent. Le veau d'or. Quand mon père est mort, nous avons dû enterrer toute sa famille avec lui pour demeurer unies et indemnes face à ces désirs malsains de certaines consciences qui s'étaient exprimés. Deuil d'un père, deuil d'une identité.

Je suis donc deuils. Mais je demeure la filleul de mes grands-parents paternels qui vivent encore sur le bord de l'Outaouais, en retrait d'un village grand comme un bled. Et je vieillis aussi. Pour réaliser, seulement après avoir entendu cet axiome fascinant sorti tout droit de la tête préservatrice de ma mère, que je porte bel et bien en moi une graine de ma marraine, cette vieille personne qui est la mère de mon père qui n'est plus. Cette femme perdue au milieu de nulle part, d'une génération aux mains tourneuses de terre, ayant portée une dizaine d'enfants qu'elle a nourris, protégés et éduqués au mieux de ses connaissances, cette femme, elle aime les mots. Elle écrit. Elle a participé à des dictées et remporté des prix. Elle aime les mots cette femme qui est ma marraine dont je porte la graine. Toutes les deux franco-ontariennes à parler cette langue française différente, mais à l'aimer. Parce que c'est une langue belle avec des mots superbes.

Alors voilà, parfois des brèches s'ouvrent sur la ligne du temps et un éclair s'infiltre dans cette conscience de l'individu pour venir insuffler, tel un défibrillateur, une impulsion qui secouera tous les autres éléments compartimentés. Peut-être alors peut-il y avoir naissance dans l'action par voie de prise de conscience. Prendre conscience. Prendre par la conscience. Prendre le quotient par les cornes et l'apprivoiser pour ne pas qu'il abandonne sa fougue, mais plutôt pour qu'il devienne un outil de connaissance de soi. Connais-toi toi-même. Tout le reste suivra.

1 Comments:

At 1:40 p.m., Anonymous Anonyme said...

Juste un petit bisou, comme ça, au passage.

Ton amie J.

 

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