orphelins de l'Éden

2.02.2008

Punxsutawney Phil ou Shubenacadie Sam

Parce que la vie est ainsi faite, je me retrouve, hier soir, dans un lieu que j'ai beaucoup fréquenté à une autre époque de ma courte existence. Le Café Campus. Nous nous sommes rendus là, M. et moi, sous un mélange de pluie glacée et de billes microscopiques qui pincaient parce qu'en ce vendredi soir, Radio Radio, le groupe de rap acadien mentionné l'autre jour, performait au Petit Campus. Nous l'avions appris grâce à leur page myspace. Décidément, nous l'aurions leur galette après tout.

Alors attablés au deuxième palier avec nos blondes importées, M. et moi discutons des lieux. Il n'est pas venu ici souvent, trois ou quatre fois, tout au plus. De mon côté, je me revois partout lorsque je balaie du regard la salle vide qui se remplit peu à peu d'étudiants du cégep. Je me revois sur la piste de danse vêtue de mes corduroys verts que j'ai tant aimés, je me revois en train de fumer une cigarette - moi qui ne fume pas, mais pas du tout - parce que j'ai un bu un verre de trop, je me revois au balcon, enlacée de Tr. mon premier amoureux qui vient de m'annoncer qu'il veut que nous reprenions notre relation après m'avoir laissée à ma première peine d'amour il y a quelques mois. Je repense aussi à ce videur sur qui j'avais jeté mon dévolu lorsque j'avais dix-huit ans et que j'habitais seule. Après plusieurs semaines à flirter avec lui, je l'avais invité à venir chez moi goûter mon pain doré - lire ici: le lendemain matin de notre nuit ensemble. Il n'y a jamais goûté. Dommage.

Dix minutes avant l'ouverture des portes, nous descendons pour réaliser que nous avions mal lu les informations concernant le déroulement de la soirée: le spectacle ne commence pas à 22 h, mais bien à 23 h 30. Finalement, nous aurions eu le temps d'aller prendre un verre chez Sr., qui nous avait invités. Mais bon, pas de mal, nous sommes ici, autant en profiter. La porte ouvre enfin et devinez quoi, je me fais carter. Je lui demande si c'est une blague, je lui montre presque mes pattes d'oies qui apparaissent quand je souris. Rien à faire. Tout de suite après, nous arrivons au petit comptoir du vestiaire et là, c'est un des bouncers que j'ai un peu connu à l'époque où j'étais une habituée. Il me replace et il me dit que la vie l'a ramené ici après qu'il soit parti quelques années. Son regard est chargé d'amerture. Pour le consoler d'une tristesse que je perçois, je lui dis que la vie passe vite et lentement à la fois. Petit rire mélancolique.

Nous y voilà enfin, à ce moment où nous parviendrons à mettre la main sur leur mini-album. Les lieux ont complètement changé. Maintenant, le Petit Campus a perdu son côté ringard pour offrir à présent un bel espace de performance. Quand je vais chercher nos pintes de blanche au bar, je demande à la serveuse si elle sait si les artistes vendent leur album. Sait pas. Quand j'amène nos broues au comptoir où nous sommes installés, M. va demander au préposé à l'entrée si l'album de Radio Radio est disponible pour achat. Sait pas. Alors, lorsque nous voyons les MC sortir de derrière un rideau lourd dans le coin opposé à nous, je me dirige vers eux pour leur demander directement. C'est à Tymo que je m'adresse enfin. Déconcerté, il cherche le nom du seul endroit qui vende leur bébé en ville. Une jolie blonde aux traits délicats, son amoureuse, cherche fort elle aussi pour se souvenir, mais ni l'un ni l'autre ni parvient alors Tymo disparaît derrière le rideau en me demandant de l'attendre un instant. Pendant ce temps, la blonde me dit que s'il n'en trouve pas, elle ira au "truck" en débusquer une copie. L'accent. Quel bel accent chantant qu'elle a. Tout comme son amie, l'autre femme assise à ses côtés, qui me dit avec naturel que s'ils n'en trouvent toujours pas après ça, je pourrai prendre ses coordonnées et venir en chercher un chez elle, carrément. Mais Tymo réapparaît avec le seul exemplaire qu'ils ont avec eux. Je lui paie l'objet rarissime en les remerciant tous et je repars le glisser dans mon sac. Mission accomplie.

Pour réchauffer la salle, des DJ enchaînent les platines aux rythmes hip hop, électro, dance hall. Un groupe de jeunes filles se déhanchent sur la piste, verres à la main. À un moment, je ne tiens plus en place et je me lève pour danser. Il y a des mois que je n'ai pas été traversée par les sons immenses des aïgus et des basses projetés par un système puissant. J'ondule, je dissèque, je traduis, je deviens la musique, j'adore. Je m'amuse. Danser égale plaisir pur. Danser égale détente, abandon.

Plus d'une heure plus tard, le groupe s'installe sur la scène. Ils déplacent définitivement de l'air et la foule, en grande partie composée d'acadiens du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Écosse, réagit au quart de tour à leur flow contagieux. Sur le côté de la scène, j'aperçois la blonde de plus tôt qui est debout et je réalise qu'elle est enceinte. Un petit bébé du beat. Les tracks sont livrés avec une énergie saine et une bonhomie attachante. Après que la salle ait sauté sur Tymer, nous prenons la porte de sortie. Il ne faut pas manquer le dernier métro. Que nous manquons.

Jasmine la Fit est restée sagement stationnée au paradis pour cause de conditions de route merdiques. Ainsi, nous nous retrouvons dans un taxi, à partir du coin Ontario et Papineau, dont les essuies-glace ne fonctionnent pas. Pourquoi avoir risqué nos vies après une si belle soirée? A - Le taximan semble confiant que tout ira bien. Il utilise le defrost pour faire coulisser la glace sur son pare-brise. B - Nous sommes trop "gentils" comme l'a dit M. ce matin après que nous en ayons reparlé.

C'est ainsi que nous sommes rentrés, à 40 km à l'heure, sous une météo aux éléments déchaînés, tous les trois hyper concentrés sur chaque centimètre franchi. Arrivés sur Cousineau, le taximan, qui devait retourner chez lui, à Pierrefonds, m'a répondu, quand je lui ai dis de faire très attetion à lui en rebroussant chemin, que ça fait 31 ans que je fais ça vous savez et j'en ai connu des pires. Je lui recommande quand même de synthoniser un bon poste radio pour lui tenir compagnie.

M. et moi marchons pendant cinquante minutes dans la nuit froide de notre St-Hubert sillonée par des tracteurs-souffleurs au boulot dans les entrées des maisons où sont plantées les piquets indiquant qu'ils sont obligés, par contrat, de nettoyer toute accumulation de neige. Nos cuisses se rigidifient, nos pas réguliers nous poussent dans un état méditatif. Ce soir, nous sortions. De notre hibernation.

1 Comments:

At 8:04 p.m., Anonymous Anonyme said...

Suis d'accord avec toi pour M. Labrèche. Sorte de malaise dans la formule, un truc un brin maladroit, un brin amateur malgré une certaine pompe. Enfin, pas génial.

Bises

 

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