orphelins de l'Éden

1.19.2008

hommage en deuil majeur

Pendant que le jour s'installe dehors et que Nougat le gros chat qui s'est fait détartrer les crocs pour la première fois de sa vie en douze ans mardi dernier pour nous revenir en top forme, ronronnant plus fort que jamais, fait la galette, en cillant paisiblement, sur le fauteuil de cuir beige près de moi, je me dis que cette semaine, ces derniers jours, une digue s'est ouverte et les mots coulent, coulent. J'ai envie d'écrire, beaucoup.

Mais cette semaine aussi, le sourire est revenu et avec lui, le rire, et la seule fois où j'ai un peu pleuré, c'était par débordement d'amour pour mon amoureux solide comme un chêne, qui a ployé sous la tempête qui m'a happée, après de longs mois de gestation insidieuse, mais sans jamais ne fendre ou céder. Ces derniers jours, il m'a démontré que Ludivine-la-superwoman peut s'appuyer sur lui et délester le rythme incessant. Tout est pris en charge. Monsieur est aux commandes. Dimanche dernier, par exemple, il m'a installée dans une strie de lumière jaune et vive, dose directe de vitamine D, et m'a obligée à demeurer assise là, appuyée au lave-vaisselle, où le Soleil plombait, pour vingt minutes ferme, en pleine corvée de ménage. Je suis restée assise, à gober ma pilule comme me l'avait prescrit mon docteur particulier, celui qui m'aime et me chérit.

Écrire. Pour vous dire aussi que cette digue, imaginez-vous, ce rempart invisible qui s'élevait entre moi et le onzième, là où j'ai craqué, mon milieu de travail, là où je passe plus de temps qu'au paradis, ce mur qui était devenu une pièce étouffante dans lequel il me prenait de plus en plus de temps pour trouver la lumière intérieure lorsque j'y pénétrais, là, se trouvait et se trouve encore la relation principale qui est à la source de mon malaise profond qui a enflé en catastrophe. Cette semaine, j'ai parlé avec Vr., mon amie, ma collègue. Enfin.

Vr. et moi, nous travaillons ensemble depuis environ deux ans et demi. Au début, je me souviens, nous étions dans le même équipe. À cette époque-là, nous ne nous parlions pas beaucoup à part pour nous saluer mutuellement et parfois pour se questionner l'une et l'autre poliment sur le travail à faire. Et puis, Gr. est arrivé. Ce clown extraverti à la puissance dix mille nous a réuni en quelques mois et nous sommes devenus un trio. Et puis, Gr. est parti et nous sommes restées elle et moi, liées maintenant par amitié. Les circonstances nous ont encore réunies dans la même salle de travail et notre complicité s'est développée, mais malheureusement, cette complicité nous a aussi mené à l'échange de pointes d'agressivité passive quand venait le temps du travail.

Comprenez-moi bien, ni moi ni Vr. ne sommes des personnes méchantes. Nous sommes respectueuses, sociables. Mais étrangement, entre nous deux, dans notre cas, dans celui de notre relation, quelque chose de très difficile à expliquer s'est installé. Professionnellement du moins. Bon, pour notre défense, je peux ajouter ici que plusieurs facteurs ont mis en scène cette tension insaisissable sur le coup: le départ de notre ami Gr., le concours de la permanence, les nouveaux projets au travail, l'adaptation à une panoplie de nouvelles méthodes de travail, notre équipe réduite, la proximité malsaine que ce dernier facteur a provoqué pendant des mois et j'en passe peut-être.

Quoi qu'il en soit, bien qu'il nous ait fallu des mois pour arriver à crever l'abcès, s'est fait. Nous avons eu plusieurs conversations heavy - dont une, la première à ce sujet, remontant même à septembre. Maintenant, comme par magie, pendant les deux derniers jours au onzième qui viennent de passer, j'ai eu l'impression de retrouver l'énergie qui m'animait dans mes premières années dans ce milieu. Je me sens libérée.

Alors pourquoi avoir attendu aussi longtemps avant de parler avec Vr., surtout si nous sommes amies? Pour plusieurs raisons, mais je crois que la principale peut se résumer à ceci: parce que nous avons justement développé une amitié et que les tensions survenaient surtout lorsque nous étions en mode professionnel. Alors, nous avons voulu, chacune de notre côté, balayer le problème de notre confrontation sous le tapis. Confrontation parce que Vr. et moi, nous sommes similaires: leader, minutieuse, productive. Deux éléments alpha toujours embarqués l'un sur l'autre, ça fait des flammèches, c'est indéniable. Et flammèches il y a eues, mais deux minutes plus tard, étrangement, nous pouvions parler de recettes de Ricardo sans problème. Pendant des mois. Et non, nous ne sommes pas aveugles, seulement, peut-être avons-nous voulu nous épargner pour préserver notre amitié. Mauvais choix, de toute évidence.

L'important surtout, c'est de dire à quel point j'aime Vr. Et je lui ai dit. Et je lui ai cité Bob Marley (dans la chanson Who the cap fit) qui dit: Your worst enemy could be your best friend, And your best friend your worse enemy. Je lui ai dit parce que jusqu'à aujourd'hui, je n'avais jamais été aussi grugé par une relation amicale qui me donnait autant à la fois. Et c'est pour cela que j'ai cherché partout ailleurs la source de ma souffrance, partout ailleurs. Bien sûr, en me rapprochant du bobo, le onzième, en tant qu'entité, m'est apparu comme un candidat susceptible de pouvoir porter le lot de mon malaise profond, mon pattern, comme un autre. Bien sûr, parce que tout ce temps, le malaise qui m'étouffait était déguisé en amitié. Là se trouve la véritable tristesse.

Sur une toute autre note, je tiens à vous inviter à aller voir le nouveau blog de mon amie M-H: www.clichesurbains.canalblog.com. Le blog (l'ancien) de M-H est mort, vive le blog (le nouveau) de M-H!

Ah oui, une dernière petite chose. Je m'adresse ici à tous les automobilistes de la région métropolitaine. Hier soir, au coin des rues Masson et Papineau, un cycliste est venu se planter devant mon véhicule. Devant. Pas à côté. Devant. Dans le milieu de la voie. Monsieur à deux roues a décidé que la chaussée, la voie surtout, lui appartenait tout autant qu'à moi, le véhicule à quatre roues. Ce que je trouve aberrant surtout, ce que si quelqu'un décide une telle chose - qui en soit est aberrante parce que le code de la route ne stipule aucunement que les vélos ont les mêmes droits de circuler DANS les voies que les automobiles-, ne faudrait-il pas qu'il respecte l'ordre de priorité de chaque véhicule? Pendant que je vous écris, je me souviens de Rd., l'amoureux de Cl., la maman de M., qui nous racontait, à leur retour de France tout récemment, que là-bas, dans certaines régions, les vélos circulent justement dans les voies et que les automobilistes ne font que les dépasser comme ils le feraient avec un conducteur plus pépère.

Sur ce, bon week-end glacial. Préservez le croquant de vos oreilles et je vous donne des nouvelles du poulet que nous allons tenter de dorer aujourd'hui.