orphelins de l'Éden

9.10.2008

il était une fois

La concentration. Je réalise que la fenêtre de la pièce orange est une ouverture qui m'aspire. Je le réalise parce qu'un des frères de la famille guatémaltèque et deux de ses amis placotent autour d'une Ford Escape stationnée juste en face du paradis. Leurs mots me sont inaccessibles à l'ouïe, mais le bourdonnement de leurs voix m'attire à eux. J'ai beau faire face à l'écran, leurs présences m'interpellent. Dans le silence de l'après-midi, il y a eux qui vivotent, leur flânerie de jeunes adultes un peu paumés. Heureusement, le temps de faire jouer Abbesses de Birdy Nam Nam, la Ford lève l'ancre et mon ouverture redevient cette bonne vieille peinture naturaliste où figurent deux immenses sapins qui dissimulent une maison inanimée, un ciel, aujourd'hui taché de coton couleur lumière et contre-jour, et parfois un rare passant ou une voiture qui roule tranquillement. Je stoppe la musique. Les chants d'oiseaux reprennent le dessus quand le ventilateur de mon portable décide enfin de cesser son boucan. Je peux m'adresser à vous, attentive, toute là comme on dit.

Que voulez-vous, parfois, quand une conversation prend place et lieu à proximité de ma petite personne, j'ai une certaine difficulté à faire une coupure. Au début, les voix m'attirent et mon cerveau essaie de comprendre là où les interlocuteurs en sont. Bon, mettons au clair quelque chose tout de suite, je suis tout à fait pour la vie privée, l'intimité, le respect de la bulle de son prochain. Cela étant établi, je vous avoue que mon cerveau a tendance à prendre quelques secondes avant de se ressaisir. Parfois seulement. Parce que honnêtement, la plupart du temps, quand je suis plongée dans une lecture, je vous l'ai dit, j'y suis à cent mille à l'heure, en totale osmose avec le fil narratif. Cependant, si la lecture ne me comble pas et ne réussit pas à m'aspirer entièrement, mon oreille vagabonde là elle peut se poser en importune. Ce qui est plutôt rare. Parce que je n'aime pas me sentir désoeuvrée en plein trajet de transport en commun. Lecture égale plaisir, moment de détente, espace culturel qui permet à mes cellules grises de garder la forme, ma bulle. Parfois aussi, il m'arrive de voir que mon livre tire à sa fin. En regardant l'épaisseur formée par le groupe de pages qui me restent à parcourir jusqu'au dernier mot, je peux arriver à estimer le nombre de voyages qui seront sustentés. Je calcule quand je devrai replonger dans une nouvelle lecture et conséquemment, j'en viens à calculer le moment où je devrai me rendre à la Grand Bibliothèque. Tout ça pour en venir au voyage du retour de cet après-midi avant l'épisode de déconcentration.

Assise dans l'autobus, je réalise soudain que ma lecture fond à vue d'oeil. Les pages au papier épais m'ont joué un tour. Devant moi, deux anglophones jasent d'où ils en sont dans la vie, puisque, comme je l'ai compris quand, un à un, les passagers s'installaient dans leur siège, ils se sont salués, surpris l'un et l'autre de se retrouver après autant d'années. Un d'eux est étudiant en ingénierie à Concordia, l'autre en est à sa troisième année de bac en music theory. Bon, une fois l'intro passée et le bus rempli, je redeviens lecture. À un moment, celui-là où je constate que oh, oh, peut-être que je n'aurai pas assez d'essence pour nourrir mon habitude demain matin, je lève les yeux pour fixer un point vague et j'ouvre mes oreilles à leur conversation. Je trouve qu'ils s'expriment bien, surtout le music theory qui ponctue son discours réceptif à l'ingénieur en devenir avec des formules positives et légères, du genre "very nice, very nice" ou "great stuff". Mais c'est l'ingénieur en devenir qui explique quelque chose au moment où je m'immisce subtilement dans leur échange. Il parle de sa soeur qui a décidé d'étudier la biologie suite à la mort d'un arbre dans leur cour. Donc l'arbre est mort et la mère a demandé à ce qu'il soit déterré. Coupe les branches, scie le tronc, arrache la souche. La mère voyant le trou laissé là veut lui trouver une vocation. Un membre de la famille suggère de replanter un arbre, mais non, ça prendra trop de temps à combler la béance. L'ingénieur en devenir pense à un étang et l'idée plaît. Tout ce beau monde se lève les manches, creusent et maintenant, après quelques années de bon fonctionnement, les poissons y pullulent, à l'aise. La soeur, au contact de ces animaux soumis aux intempéries des saisons qui ont passé depuis l'initiative collective de cette famille à recréer un microscome, est séduite par toutes les connaissances qu'elle découvre pour s'assurer de leur bien-être. L'histoire est belle. Et je replonge dans l'exact passage où le narrateur explique comment, venu ses douze ans, son père lui a fait cadeau de douze poules rousses pour le responsabiliser. Hi ha hi ha ho!

3 Comments:

At 6:01 p.m., Anonymous Anonyme said...

Message tout mignon! Ah ces oreilles...

Bises J

 
At 4:00 p.m., Anonymous Anonyme said...

chut ne montre pas ça à Arthur. Qu'est-ce qu'il va me demander pour son prochain anniversaire ????????? 31 poules !!! nonnnnn hihihihihihi

PS : dernier courriel perdu dans l'espace ? tant pis, il ne nécessitait pas de réponse rapide. Mon cerveau a fait son travail tout seul cette fois-ci ahaha

 
At 1:48 p.m., Anonymous Anonyme said...

Vendredi en solo alors qu'il aurait du être un trio de trois cours à enseigner. Pas capable. C'est tout. Fatigue. Et j'ai alors repensé pendant cette nuit agitée à ton conseil : "se reposer à la maison pour prévenir le pire..."

Voilà, je le mets en pratique.

Bises, J

 

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