orphelins de l'Éden

9.08.2008

mansuétude

Dans mes mains, il y a un million de petites lignes, de fines ridules mystérieuses qui marquent ma peau, cette tendre chair d'extrémités constamment légèrement incurvées. Si j'écarte mes doigts et je que tends mes paumes ventre ressorti, c'est dans un effort que je forme deux soleils imparfaits. Au repos, mes doigts ne sont jamais tout à fait droits. Mes phalanges courbent naturellement de façon à ce que mes mains réunies par mes bouts de doigts tiennent une balle imaginaire. Moi grand singe. Main arrondie pour fruit, tête, épaule, genou. Mains aux paumes marquées d'avenir.

Dans ces millions de petites lignes, il paraît qu'il y a des informations qui en disent long sur ma vie. Mon destin suit les crevasses les mieux définies. Il paraît aussi que plus une paume est marquée de fines ridules, plus l'individu a voyagé d'une vie à une autre, dans la spirale des réincarnations.

Moi, ce que je peux dire de mes mains aujourd'hui, c'est qu'elles ont tiré des mauvaises herbes en revenant du boulot et qu'elles ont ainsi provoqué la confusion absolue chez des perce-oreilles qui profitaient de leurs racines pour exister en secret. Mes mains l'ont fait parce que hier, j'ai été lâche. Plutôt que de besogner autour du paradis, j'ai fait nuages gris en symbiose avec merdique météo et je me suis blottie dans la couche, Nougat le gros chat étendue de tout son long entre mes bras, mes mains au chaud dans les courbes de son noir velours, ses doigts de pattes posés sur mes avant-bras.

Lâche ces derniers temps, je le suis comparativement à ces dernières années, au même moment de l'an, où je canne habituellement mes tomates, mes pêches, mes confitures. Jusqu'à venir, mon bilan se résume à un gros zéro pot. Aucune pomodoro blanchie puis épépinée, aucune pêche tranchée et mise à baigner dans du sirop, aucune concoction de petits fruits bourrés de vitamine C pour beurrer les tranches de pain par matins frisquets. Dans la voix de grand-maman à ma petite pause ce matin, je sens bien que cette inertie ne l'impressionne pas du tout. Remarquez, elle est gentille ma grand-maman, elle ne juge pas ouvertement ni vertement. Tout est dans son ton quand elle dit aved déception: "C'est la première année où tu ne cannes pas." Oui, c'est vrai que ça allait être ma quatrième année de tomates et de pêches. Mais avant, grand-maman, je ne faisais rien de tout cela. Et tu sais quoi grand-maman, cette année, j'ai voulu préserver mon énergie. Bien sûr qu'elle comprend qu'elle dit. Elle me suggère de prendre soin de ma fatigue.

Mais je ne suis pas fatiguée. J'ai voulu me préserver parce que mon mois de septembre de l'an passé, il a été drôlement miné par mon manque de repos. Dans ma tête, l'empreinte de ce mois épuisant qui a été suivi par mon dégonflement spirituel au cours des suivants est encore brûlante. Ma décision de ne pas consacrer tous mes temps libres à la mise en pots de denrées revient à mon instinct de survie. L'automne dernier a été pénible. Celui de cette année s'annonce plutôt bien.

Qu'à cela ne tienne, mes mains touilleront la spatule de bois dans les marmites samedi lorsqu'avec ma grande soeur, nous mettrons en pots nos framboises, bleuets, fraises et branches de rhubarbe. Des confitures. C'est tout ce que je fais cette année. Nous nous ferons notre réserve d'antioxydants sucrée, histoire de me faire la main.

2 Comments:

At 10:03 p.m., Anonymous Anonyme said...

Et franchement: vive le sucré! =)

 
At 4:30 a.m., Blogger B said...

C'est important d'etre capable d'ecouter son instict et de ne pas trop en faire... Je pense souvent a toi meme si je suis a l'autre bout de la planete!
Love u,
ta Bxo

 

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