orphelins de l'Éden

8.23.2008

scission

J'ai les ongles colorés. Ma soeur, son mari et les enfants sont partis de Montréal dans un avion décollant à 7 h ce matin et tout ce qui me reste des dernières journées auprès d'eux, auprès de toi ma B., ce sont mes ongles colorés.

Jeudi, B. et moi, nous sommes allées nous faire faire une pédicure suivie d'une manucure dans un petit commerce tout sur le long avec pignon sur la rue Sainte-Catherine. Une nuée d'esthéticiennes Vietnamiennes se sont affairées à couper les ongles, à râper la corne, à repousser les cuticules des clientes installées dans des fauteuils énormes et vibrants, dont ma soeur et moi. Au moment de choisir la couleur de notre vernis, j'ai trottiné dressée sur la pointe des pieds jusqu'aux centaines de bouteilles alignées sur un mur pour dénicher un rouge sang presque noir pour moi et un mauve foncé pour B. Une fois à l'extérieur du salon d'esthétique, dans le plein soleil du jour, nos orteils semblaient peinturées de la même teinte, à la différence que dans la teinte choisie par B., des reflets argents donnaient à ces appendices des airs de char monté.

Ce moment, cette heure à nous faire triturer les bouts de corps, fût mon dernier seule avec elle pour au moins une autre année. Hier soir, en revenant de chez notre soeur G. où toute la famille a passé une dernière journée ensemble, mes yeux se sont remplis d'eau et les larmes ont coulé jusqu'à mon cou. B. n'aime pas les adieux. Elle préfère faire comme si nous allions nous revoir le lendemain. Puisque c'est elle qui part à l'autre bout du monde, loin de tout son monde, sa famille, ses amis, j'ai décidé d'être solide pour le départ de ce matin. Il ne faut pas que je pense au fait que ma B. part pour un autre long moment de séparation, qu'elle emporte avec elle tout ce qu'elle est, son regard farfelu sur tout ce qui l'entoure, son humour, son écoute, notre lien particulier. Cet été près d'elle m'a fait un bien fou et malheureusement, ce n'est que maintenant qu'elle est partie que je mesure toute la chance que nous avons eue à partager une foule de joyeux petits moments, comme si elle était revenue pour toujours. Nos marches chez maman du début de l'été, les razzias de magasinage, les crèmes glacées avec les enfants, la journée des framboises, le roadtrip de mardi en Estrie, notre jeudi soir sur notre 36. La vie, c'est long, mais la vie sans ma B. c'est pas tout à fait la même vie et c'est foutument lent.

La dernière image que j'ai de toi, c'est à l'aéroport ce matin que tu me l'as laissée. Une femme vous a donné du fil à retordre une fois passé l'entrée pour les douanes à cause des oreillers des enfants, qui étaient si beaux dans leurs pyjamas, près pour le grand voyage. Vous avez dû coincer les coussins moelleux dans vos sacs et finalement, tu es apparue dans l'embrasure, entre les deux gardes, le sourire largement fendu, les mains dans les airs au bout de tes bras tendus, les mains ouvertes à leur maximum, pour nous saluer et nous dire que ça y était, vous pouviez partir. Cette B.-là, pleine de joie spontanée, c'est elle la plus forte. Je prie papa pour que tu ne l'oublies jamais ma soeur. Tu es la plus forte.

1 Comments:

At 8:49 a.m., Anonymous Anonyme said...

.............Elle est forte je suis d'accord ....et moi qui doit vivre avec cette femme ta soeur....
magasineuse profesionnelle....pitoune extraordinaire aux ongles mauve et non rouge !! Qui adore le sangri-la oh lala !!! Qui a des pipilles brillantes Je suis fort aussi !!! et tres chanceux..Je t'aime Lulu
BF

 

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