orphelins de l'Éden

11.04.2008

panacée

Il y a longtemps que je ne me suis assise nulle part, paralysée par l'inspiration, totalement obnubilée par le flot de mots imposant leur besoin impérieux de prendre vie à même le vide d'un espace vierge. Pareille autorité est absolument grisante. Je me souviens d'années où je griffonnais de pleins cahiers que je choisissais soigneusement pour recueillir ces venues sacrées, parce que pour accueillir la grâce il faut berceau plus que convenable. Aussi, avec le temps, j'ai développé goût à me munir d'un stylo à la pointe extrafine de bonne qualité pour la faire glisser sur le néant et voir jaillir l'éclat. Mes outils sont toujours sur moi, mais maintenant, rares sont ces moments de saisissement où je deviens faisceau, réceptacle, vaisseau transmetteur.

Quand j'ouvre mon cahier ces jours-ci, c'est davantage pour me souvenir de mes dernières entrées faites à même ce médium démodé à présent qu'il y a dans ma vie ce que vous avez devant les yeux, mon blogue. Mais encore, parfois je ressens la pulsion de gribouiller pour ne pas oublier, ne pas laisser glisser l'émotion à traduire, ne pas permettre à l'idée de poursuivre son petit bonhomme de chemin, l'encapsuler sommairement pour peut-être la développer plus tard. Ainsi, dans les pages que je traîne avec moi, ma calligraphie au rendu de plus en plus aplati aligne des choses telles que:

Saisir le bonheur
chaud comme une bulle
bon comme une pâtisserie.

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le temps efface tout
à part le souvenir
qui ressuscite

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Petit à petit, dans le grand vent du parc, je comprends que le temps apaise mon agitation. Bien sûr que je savais, mais comprendre demande souvent plusieurs expériences.

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Il fait beau quand
de mon onzième étage
les voitures scintillent
sur l'autoroute


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la scrutation impudique
belle bouche bée
en pâmoison de jeune vierge mouillée
qu'il est ivre l'ivrogne
qu'il est puant l'itinérant
qu'il est laid le défiguré
désemparé, désorienté, délaissé
et pourtant, tu t'agglutines à lui
l'âme jetée à ses pieds


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Peu importe si le doute s'arrime momentanément
il finit toujours par rouler avec la vague de fond.

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Rien de bien important au final. Des bribes, des balbutiements, des exercices, de la gymnastique pour ne pas perdre le contact avec la source qui m'a séduite il y a toutes ces années. Surtout, ne pas tarir ce sein au lait rédempteur. Pour ma santé mentale. Garder la forme.