orphelins de l'Éden

4.29.2009

l'image de notre amour

Cette fois, quel émerveillement. Nous t'avons vu. Tu nous es apparu sur l'écran et tout de suite, j'ai reconnu la forme de ta silhouette, ta tête de martien et ton abdomen gonflé. À te voir si immobile, j'ai éclaté de rire. J'ai ri parce que tu m'as rappelé ton papa, son indolence de félin repu.

Le médecin a cherché à te faire bouger un peu en pilonnant de la sonde mon bas-ventre de petits coups rapides. J'ai ri encore plus parce que même ces secousses ne t'ont pas tiré de ta torpeur. Peace man, relaxe. Dr. C. m'a gentiment demandé de cesser de rire pour tenter de saisir des images plus stables qui lui permettraient de procéder aux calculs de l'ordinateur. J'ai retenu mon souffle.

Finalement, tu as bien voulu rouler un peu sur ton côté, dans la position parfaite pour vérifier la clarté nucale, but de cette échographie. Tu es normal qu'il a dit le docteur. Bien sûr, reste à le confirmer par les prises de sang, mais je ne suis pas inquiète.

Par tes faibles mouvements, j'ai pu voir ton squelette, ton crâne, tes côtes, tes vertèbres. Vers la fin, tu t'es placé de telle sorte que nous aperçûmes les deux hémisphères de ton cerveau. J'ai déclaré que tu serais très intelligent. Dr. C. a souri.

Parce que tu as gardé les jambes repliées près de ton corps et que tu ne t'es pas trop activé pour nos regards curieux, nous n'avons pas pu connaître ton sexe aujourd'hui. Tu resteras donc petit être pour quelques semaines encore, jusqu'à l'échographie de routine qui aura lieu autour de la 18e semaine.

Mais ce que tu nous as appris de toi par ta silhouette, c'est que tu serais finalement plus avancé dans ton parcours que nous le pensions depuis l'échographie de la mi-mars. Ma grossesse en serait à sa treizième semaine et quelques jours, donc mon premier trimestre serait terminé. Dans ce cas, tu es né d'une fécondation qui aurait eu lieu après les retrouvailles de tes parents le 6 février, après ma semaine de voyage professionnel. Tu auras une solide santé parce que j'étais revenue de là-bas avec une sale grippe qui m'avait terrassée tout le week-end.

Tu avais l'air en sécurité dans ma matrice, bien niché. Tes petits bras repliés de chaque côté de ta tête et tes jambes sont tout maigres, mais c'est normal, tu ne mesures qu'environ 7.1 cm. Petit martien qui prend ça cool dans son nid d'eau. Tu es encore un peu plus réel.

Et il paraît que nous te prendrons dans nos bras début novembre.

4.27.2009

vouloir

Rebonjour. Il me semble qu'il y a longtemps que je ne me suis laissée aller à cet exercice d'écrire la première chose qui me passe par la tête. Et puis, le temps de la journée est parfait pour replonger dans cette écriture automatique. Le temps de la nuit, ce moment où habituellement mon corps irait se glisser entre les draps pour permettre à l'esprit sa ration d'évasion. Mais voilà, journée hyper chargée, alors le seul moment pour venir faire coucou, c'est ce temps de la nuit. Celui où mon cerveau est drogué par la fatigue de tout ce qu'il a eu à gérer aujourd'hui comme informations.

Droguée par la fatigue donc. Errant sans trop savoir où avancer avec les mots, mais cet étourdissement est bon, euphorisant sans trop de séquelles. Juste un vol plané de l'intellect qui lâche prise, qui fend l'air et suit le courant des vents, pareil à ces oiseaux traits de pinceaux qui filent tranquillement, porter par une vague transparente, sur des mètres et des mètres, qui deviennent des kilomètres.

Du onzième, nous avons cette vue incroyable sur le sud de l'île, ses ponts, un peu de l'ouest aussi. Nous avons vue sur le climat, ses milliers de tableaux, ses millions de teintes. Nous avons les mouettes et les corbeaux, parfois les étourneaux. Nous avons des grains de pluie de toutes tailles, des sacs de plastique au ventre gonflé, virevoltant à des hauteurs vertigineuses, perdus dans les bourrasques. Perdus de toute manière. Perdus de toutes matières.

Il paraît qu'il y a maintenant une échelle pour mesurer le danger de pandémie. Cette grippe porcine serait-elle cette maladie qui éradiquerait l'humain de la planète? J'avoue qu'une part de moi croit à cette fin apocalyptique, qu'une part de moi craint ne plus avoir assez de temps pour savourer cette existence, cette possibilité de tranquillité, de recherche gratifiante. Une part de moi sait que nous sommes fragiles. Perdus dans toutes matières. L'alarme sonne depuis longtemps. Qui aura le courage de commencer la journée, une bonne fois pour toutes?

4.25.2009

samedi - jour de déplacement vers St-Thomas

Parce que notre vol est à 7 h 45 demain matin, nous dormirons notre dernière nuit à deux pas de l'aéroport, dans un Best Western appelé Carib Beach. Avant de quitter notre Eco-tent, nous ratissons tous nos vêtements, nos sacs, nos effets personnels, nos livres même, pour éviter de transporter des coquerelles avec nous. Notre travail minutieux porte fruit puisque deux bestioles s'accrochaient à des fringues, malgré que nous les brassions vigoureusement. Une fois nos sacs empaquetés, nous balayons la hutte et allons à la réception pour y laisser notre clef et surtout, pour y récupérer nos passeports, que nous avons bien failli oublier. Chargés comme des mulets, nous rejoignons la route pour attraper l'autobus local, que nous avons attendu 40 minutes installés sur un coin ombragé, qui nous amena au traversier.

Nous arrivons juste à temps pour sauter sur le bateau quittant Cruz Bay en direction de Charlotte Amalie à 11 h 15. Le voyage entre les îles dure cette fois 45 minutes et une fois sur St-Thomas, nous sautons dans un taxi pour nous rendre à l'hôtel afin d'y laisser nos bagages. En chemin, nous passons à côté de la centrale d'énergie générant toute l'électricité de l'île. Quand je demande au chauffeur quelle est la source d'énergie utilisée pour produire l'électricité, il ne sait pas vraiment, mais nous apprendre qu'ils étudient la possibilité d'avoir recours à l'énergie solaire. Plus tard dans l'après-midi, M. déterminera que c'est sans doute une centrale carburant au charbon vu les colonnes de fumée noire et épaisse s'échappant dans l'atmosphère.

De retour au coeur de la ville, nous dînons au Pizza Hut où je m'impatiente à cause du piètre choix. Parfois les blocages alimentaires de M. pèsent lourds, surtout quand vient le temps de manger au restaurant. Pizza Hut est une valeur sûre pour lui, plus que certains établissements proposant des plats trop exotiques à son goût. Nous faisons la paix avant d'engloutir des pointes de pizza grasses et nous commençons notre exploration de Charlotte Amalie.

Rapidement, nous réalisons que nous n'achèterons rien pour nos familles et amis puisqu'ici, une boutique de bijoux n'attend pas l'autre et qu'à l'autre bout du spectre, les boutiques de souvenirs offrent des articles cheap avec une inscription "St-Thomas" dessus: camisole grillagée, verre à shooter, tasse en forme de crâne genre pirate, etc. Sur St-John, ayant passé la semaine dans un environnement complètement en marge de la société de consommation, nous aurions eu l'option de revenir avec des cartes postales pour tout le monde.

Bref, après une heure à tourner en rond, nous décidons de revenir à l'hôtel en sautant dans un taxi public qui nous laisse à l'autre bout complètement de l'aéroport et nous contraint à nous rendre à pied à l'hôtel sous, à nouveau, un soleil cuisant. Nous parvenons à la réception au bout d'une demi-heure de marche et de mal de coeur - mélange de pizza et de jus au pamplemousse rose Minute Maid hyper sucré. Un gars babacool nous dirige à la chambre 122. Après une sieste pour M. et un peu de télé pour moi - je découvre la télésérie The no1 ladies' detective agency -, nous sautons sous une vraie douche, dans laquelle l'eau ne pue pas le pet - comme c'était le cas dans l'installation de l'Eco-tent où l'eau était chauffée à l'énergie solaire. Nous partons souper sur une terrasse qui donne sur une baie où sont amarrés de somptueux voiliers. Repus, nous rentrons nous mettre au lit. L'alarme sonnera à 5 h 20 demain matin.


Fin

4.24.2009

vendredi - dernier jour complet dans notre eco-tent

Levés à 6 h 30, nous déjeunons en regardant un autre jour splendide débuté. Nous descendons ensuite à la plage après avoir remarqué une colonne de fourmis minuscules qui a envahi l'étage supérieure de notre espace cuisine, là où les chaudrons sont rangés. Nous tentons de les chasser du mieux que nous le pouvons et j'avoue que nous utilisons un peu de l'aérosol RAID acheté chez Lily's, pas du tout écologique. J'ai des limites.

Pour nous rendre au sable blanc au creux de la baie, il nous faut d'abord emprunter le sentier rocailleux et abrupt. En chemin, je prends quelques photographies de cette végétation sèche. Le soleil est cuisant même s'il n'est que 10 h 15 du matin et quand nous arrivons à l'eau turquoise, nous plongeons dans la mer fraîche pour la dernière fois. Vraiment, cette petite baie est assez paradisiaque merci. Nous nageons tranquillement pour finalement sortir et poursuivre notre chemin jusqu'à Drunk Bay, là où l'océan frappe les rochers avec fougue. C'est hier soir après le souper que nous sommes montés au bout de la route de l'Estate pour prendre place sur le banc placé là pour admirer la vue que nous avons aperçu l'océan admirable en effet, dans toute sa force, à quelques minutes seulement de marche de la plage où nous sommes allés toute la semaine.

En nous rendant aux rochers de la rive, nous contournons l'étang brun coincé entre la baie et l'océan de Drunk Bay. Nous comprenons que tous les gens qui passaient avec des seaux blancs au bout de leur bras venaient de récolter du sel, d'où le nom Salt Pond. Nous apprenons par un couple âgé de locaux venus faire le plein, que la récolte se fait environ aux cinq ans après une période de trois mois de sécheresse. Le sel s'accumule sur les bords de l'étang et une fille le ramassait à pleines poignées.




Plus loin, nous sommes arrivés à la côte où les vagues plus fortes venaient se fracasser sur les rochers. D'autres visiteurs ont laissé une trace de leur passage en assemblant des bonshommes avec les pierres. Partout sur les gros rochers, des formes humaines sommaires bravent le temps. M. et moi dévorons des pommes, hypnotisés par le va-et-vient de l'océan, perchés sur d'immenses rochers, vagues humaines sommaires à notre tour.



Nous rentrons au bout d'une demi-heure en repassant par l'étang, puis la baie, à laquelle M. envoie un baiser, puis le sentier. Le soleil est roi et épuisés, nous regagnons notre hutte pour dîner. Nous lisons dans l'après-midi, profitant de nos derniers moments de repos dans notre coin reclus.


4.23.2009

jeudi - plus que deux jours au paradis ailleurs

Hier soir, après que le soleil ne soit tombé, que nous aillons souper, fait la vaisselle et lu encore un peu, M. m'a appelé à venir le rejoindre dans la nuit noire pour voir le ciel étoilé. Sur le coin de Terre où nous sommes, il n'y a pratiquement aucune pollution lumineuse alors sur le dos de la voûte céleste, notre oeil apercevait même de la poussière scintillante entre les astres plus brillants, pareille à un voile léger, mais dense, sans doute tissé de constellations ultra lointaines. Un ciel comme je n'en avais jamais vu dans ma vie, même pas lorsque je fus, pendant quelques nuits, à même d'observer le spectacle nocturne en périphérie d'un village africain.

Et puis hier après-midi, nous avons loué des palmes et des masques pour faire du snorkeling dans la baie au pied de notre hutte. Parmi les coraux, nous avons vu des poissons multicolores de toutes les dimensions, mais ni requin dormeur ni raie ni tortue ni barracuda que nous aurions pu croiser.

Ce matin, après s'être enfilé un solide petit-déjeuner constitué de bananes plantains frites et de pain doré, nous nous sommes rendu à une autre plage, à une autre baie. Nous avons marché sous un soleil de plomb jusqu'à Lameshur. Nous avions apporté le matériel de snorkeling, quelques petites choses à se mettre sous la dent et deux gourdes d'eau, ce qu'une femme, que nous avons rencontrée dans sa cour en nous y rendant, fut bien heureuse d'apprendre. You're gonna need it to get up there. Par deux reprises, nous sommes allés explorer la barrière de coraux où, encore une fois, nous avons repéré des poissons tropicaux, certains d'un mauve presque fluorescent, d'autres avec des rayures jaunes, et certains encore ressemblant à des arcs-en-ciel sous-marins, et un parmi tous avec une peau rappelant les écailles d'un serpent. La marche du retour fut accablante et il m'a fallu m'asseoir une bonne dizaine de minutes à notre arrivée à la hutte avant que ma tête n'arrête de tourner. Bien sûr, j'ai bu pour récupérer toute cette eau suée et chasser le tournis.

Pour le dîner, je nous ai préparé une salade pas mal du tout:

1 1/2 t. de pennes cuits
1 demie d'une petite canne de fèves rognons bien rincées
2 échalotes vertes hachées
1 1/2 avocats en dés
2 t. d'épinards frais hachés
1 t. de lanières de piments rouges coupées en deux
un trait d'huile d'olive
jus d'un citron
sel au goût

Mais pour le souper, beurk! Le saumon acheté au Lily's goûtait la semelle de botte. Heureusement que nous avions du riz et des asperges (encore, mais que voulez-vous il n'y avait pas moyen de trop varié) pour nous boucher un trou. Il est 19 h 30 et nous nous mettons au lit bientôt, complétement crevés par la marche de la matinée. Je m'abandonne, sommeil réparateur.

4.22.2009

signe de vie

Avant le prochain épisode de notre voyage, une chose grandement digne de mention, en temps réel. En ce jour de la Terre, M. et moi revenons tout juste d'entendre le coeur de petit être battre pour la première fois à nos oreilles. Un wouch wouch wouch énergique, un son relevant presque de la science-fiction. Un wouch wouch wouch wouch wouch qui m'a fait éclater de rire. Tu travailles fort dis donc. La semaine prochaine, c'est l'écho pour le test prénatal. Nous aurons peut-être une chance d'apercevoir le sexe de petit être. Peut-être pas non plus. Nous verrâmes.

OK, c'est parti pour la suite.

Mercredi - un peu plus bronzés

Nuit agitée. Des coquerelles apparaissent un peu partout. Petites, rougeâtres et agiles, elles bougent rapidement et se faufilent à la première interstice. Une sur deux finit quand même écrasée par une de nos gougounes. Ces présences rampantes ont éveillé notre paranoïa et c'est l'esprit troublé que nous nous sommes recroquevillés en boulettes pour la nuit sous le filet, nos grands corps bien à l'abri des bestioles friandes de peau morte des pieds supposément.

Juste avant le dodo, occupée à vider ma vessie une dernière fois avant les prochaines heures, j'ai aperçu un long corps noir et luisant pointer du nez de sous une poutre dans l'espace toilette. J'ai d'abord cru à un serpent, mais c'était plutôt un sinistre mille-pattes que M. a réussi à relocaliser en ramassant son corps tubulaire à l'aide des petites pancartes plastifiées éducatives laissées là pour expliquer le fonctionnement de la toilette à compost. Ici, nous sommes vraiment branchés sur la nature.

Avec la petite table à cuisson à deux ronds alimentés au propane, j'ai réussi à nous concocter des repas pas trop mal jusqu'à maintenant, compte tenu que je ne sois pas du tout dans le confort de ma propre cuisine, ni outillée à mon goût ni disposant d'ingrédients de mon choix. Je fais avec ce que nous avons déniché jusqu'à maintenant. M. dit que je suis créative.



Sinon, c'est paisible. Nous lisons, nous nous reposons au soleil, nous nageons, nous préparons nos repas que nous partageons ensuite. Nous écoutons un peu de musique grâce à nos Ipod branchés à des écouteurs portatifs, mais le plus souvent, nous apprécions les bruits de cette faune pépiante et fouineuse, de cette brise soufflant les branchages secs, de cette mer des Caraïbes battant la rive au loin. Nous avons même joué une partie d'échecs hier soir, que M. a remporté brillamment.

Alors oui, la sélection est bien meilleure au Lily's Gourmet Market, en plus dêtre moins dispendieuse. Nous avons attendu l'autobus à l'intersection du chemin de l'Estate où sont érigés les Eco-tents et de la route principale, là où le sympathique propriétaire du resto The Tourist Trap attend les rares clients en écoutant de vieux tubes des années soixante-dix. L'autobus est si bruyant à gravir et dévaler les flancs des bosses de l'île que nous l'entendons arriver quelques minutes à l'avance. Fidèle au mood baba cool des îles, il passe selon un horaire apparemment déterminé, mais tout de même très approximatif alors nous l'avons attendu une grosse demi-heure au soleil, beurrés comme il faut de crème solaire et chapeautés pour prévenir l'insolation. Au retour, après avoir acheté de nouvelles denrées, nous l'avons attendu assis sur les roches de la berge de Coral Bay où des dizaines d'embarcations sont amarrées, pendant que le bon vent nous rafraîchissait agréablement et le temps que M. aperçoive une étoile de mer rouge sous les flots. Le ronron s'est fait entendre et nous avons déboursé notre dollar pour rentrer à la hutte.

Ce midi, nous mangerons des filets de tilapia cuit dans un jus de tomate aillé, accompagné d'un mélange de riz Lundberg complet et d'asperges. Pas trop mal.

4.21.2009

mardi matin - rien à l'agenda

L'oiseau aux yeux pâles est de retour. Il crie pour attirer mon attention. Manger, manger, je veux manger, qu'il croasse désagréablement. Ses imprécations agressives deviennent irritantes dans ce décor si paisible à cette exception. En plus, il fait du bullying en chassant tous les autres oiseaux qui osent choisir les branches du grand canarium australianum pour se poser. Il nous fait regretter notre geste généreux de la veille.

M. se prélasse encore à la mezzanine. Avec la brise fraîche du matin, le repos sous le filet est agréable. Peu de moustiques dont nous avons à éviter la morsure, mais tout de même, je me suis réveillée avec une bosse rouge et blanche au coude.

Notre visite à Cruz Bay n'a pas été assez convaincante pour nous faire regretter d'avoir choisi l'autre bout de l'île comme domicile pour la semaine. Notre dîner là-bas fût exécrable et la petite ville, eh bien, est une petite ville, bourrée de voitures et de construction qui crée des bouchons de circulation. Partout pareil. Mais surtout, nous y allions pour remplir notre frigo puant soit dit en passant et impossible à nettoyer ne serait-ce qu'un peu puisqu'il est fixé à même le module de bois et que les grillages de séparation à l'intérieur sont soudés là. L'odeur émane d'une couche d'eau croupissant au fond. Nous devrons vivre avec. Pour garde-manger, nous disposons d'un Tupperware.

J'avais opté pour le Starfish Market puisqu'il semblait le plus grand et le plus à même de proposer des denrées de qualité. Oh déception. Notre expérience à cette épicerie tourna vite à l'étonnement puis à l'incrédulité devant la très pauvre qualité nutritive des produits proposées sur les tablettes et dans les étalages, et les prix terriblement gonflés, mode de vie insulaire oblige. Nous avons tenté de tirer notre épingle du jeu le plus possible au nom de notre santé, mais je sais qu'il nous faudra retourner à un marché cette semaine. Cette fois-là, nous choisirons Lily's Gourmet Market situé à Coral Bay, un bled beaucoup plus près de notre hutte, et, j'en suis certaine, tout aussi ordinaire dans ce qu'il a à offrir comme aliments. Si je place la barre si basse côté bouffe, ça ne pourra qu'être une nette amélioration si jamais cette épicerie dément mes propos.

Pour 1 $ chacun à l'aller et puis au retour, nous avons parcouru la même trajet que ce qui nous en a coûté 40 $ le soir de notre arrivée en taxi. Bien sûr, à cette heure-là - 22 h 30, un dimanche de Pâques en plus - nous n'avions pas le choix. Mais ce que je trouve difficile à avaler, c'est la petite mise en scène pathétique du chauffeur au moment de payer. Les tarifs sur St-John sont préfixés alors je savais combien ça devait nous revenir environ. En plus, j'avais pris la décision d'augmenter un peu le total puisque de toute évidence, il avait été le seul qui avait accepté le voyage à partir du quai et qu'en plus, c'était un jour férié. Le chauffeur nous a donc donné le montant - 34 $, même si j'avais calculé 30 $: 14 $ pour chacun de nous deux + 2 $ pour notre gros sac à dos; il a rajouté 2 $ par sac à dos, nos petits - en ajoutant "vous savez ce voyage n'est pas très rentable pour moi, vous avez vu la réaction de mes collègues et bla bla bla..." Maintenant que nous avons pris l'autobus - véhicule plus gros, donc plus cher à remplir de gazoline - à peine rempli d'une dizaine de personnes par voyage - donc 10 $ au total - nous comprenons que le chauffeur n'avait pas à nous faire sentir minables avec sa pitoyable tirade. Quoi qu'il en soit, nous sommes encore définitivement regagnant par rapport à tous les autres occupants du complexe écologique qui ont loué un 4 X 4 - apparemment absolument indispensable pour vivre une semaine ici selon une employée à qui j'avais parlé une semaine avant notre arrivée - pour environ 480 $ la semaine. Faites le calcul.

Nous sommes allés à la plage dès notre retour. En nous rendant là, nous avons croisé une foule de crabes ermites sur le sentier. Quand les crabes sentent les vibrations de nos pas qui approchent, ils se recroquevillent dans leurs maisons et jouent les morts, parfois en se rendant plus vulnérables que s'ils avaient décider de simplement s'immobiliser parce qu'en lâchant prise, ils viennent rouler au centre du sentier. Sur cette terre aride où pousse des cactus aux bras longs et minces, ces êtres à la carapace empruntée balaie le sol de leurs pinces aux teintes mauves à la recherche de nourriture. Une communauté de crustacés broyeurs immense et omniprésente. D'ailleurs, dans le cartable laissé dans notre hutte afin d'expliquer le fonctionnement de l'installation verte dans laquelle nous créchons, il nous est recommandé de jeter nos déchets organiques par-dessus la rampe de notre balcon.



Nous avons passé un peu moins qu'une heure à la plage - le temps de faire une saucette - qui s'est vidée complètement de ses visiteurs appelés par la faim à leur souper. L'eau cristalline fut rafraîchissante et M. a fait la réflexion que c'était comme une immense piscine tellement le calme et la clarté de la mer confinée à la baie est parfaite pour la baignade. Outillée de mes lunettes de natation, j'ai exploré de la surface les fonds marins brièvement, le temps d'apercevoir un poisson en forme de prisme triangulaire noir et blanc copiné avec une petite raie. De retour sur la sable fin, installée dans le soleil de fin d'après-midi pour sécher mon body, j'ai déclaré être faite pour cette température agréable. Zéro humidité, bon vent, bras dénudés, soleil éblouissant. Idéal.

4.20.2009

au paradis, ailleurs

Je vous ai menti. En fait, on ne peut pas vraiment parlé de mensonge, mais disons que je ne vous ai pas dit la vérité. En fait, c'est pas que je ne vous aie pas dit la vérité, c'est plutôt que je vous ai caché quelque chose. Oui, c'est ça, j'ai omis de vous transmettre une information parce qu'il me fallait le faire. Mais maintenant, ouf, je peux vous le dire. Nous revenons d'une semaine de vacances.

M. ne voulait pas que j'en glisse un mot ici avant notre départ parce qu'il est davantage soucieux que moi sur l'aspect sécurité du lien évident entre l'espace virtuel et l'espace réel. Dire sur Internet qu'on quitte sa maison - même si ma belle-soeur Am., que je remercie sincèrement pour ses bons soins prodigués à Nougat le gros chat à tous les jours pendant de notre escapade, ait gardé un oeil sur notre demeure -, ça peut allumer les mauvaises intentions de ceux et celles qui voudraient venir dévaliser notre paradis. Bien sûr me direz-vous, je ne laisse pas beaucoup d'indices du lieu exact de notre nid sur mon blogue, mais selon M. un crac pourrait arriver à faire 1 + 1 = 2.

Alors voilà, bien que tout ait semblé plutôt normal côté messages apparus la semaine dernière - à ce sujet, un gros gros merci aussi à Cht., mon amie-collègue, qui s'est occupé de s'assurer de publier les messages que j'avais préparés à l'avance en prévision de cette semaine loin d'un ordinateur afin de poursuivre le rythme régulier pour ne pas soulever de soupçons -, M. et moi étions plutôt dans un lieu tout autre, complètement ailleurs sur la planète Terre.

Pour la petite histoire, je fais un court résumé. Mois de février merdique, beaucoup de stress, le bouchon saute, Lulu a besoin d'un break sinon ça va barder. M. comprend qu'il doit accepter ma requête de vacances repos total et je me lance dans une recherche frénétique du lieu parfait le samedi 28 février. Pendant quatre heures, je fouille Expédia à l'affût d'un forfait sur une île tropicale dans la Mer des Caraïbes. Je ne veux pas de tout-compris au Mexique ou en République. Je veux plutôt quelque chose qui me rappellerait l'isolement vécu sur une Caye du Bélize quand j'avais 20 ans.

Au bout d'un certain temps, je trouve un forfait deux étoiles sur l'île St-John, la plus petite des trois Îles Vierges américaines. Ce qui m'accroche surtout, c'est le nom: Concordia Eco-tents. Je me rends sur le web et je me dis que ça y est, nous avons trouvé notre destination de rêve. M. embarque et nous bookons notre voyage le jour même. Le lendemain, nous apprenions que j'étais enceinte de petit être. Mais pas d'inquiétude, puisque pour aller sur cette île, nul besoin de vaccins ni de médicaments contre la malaria. Notre choix s'est donc avéré parfait, à notre insu.

Alors voilà, nous avons préparé notre expédition au milieu de nulle part avec excitation et stress. Mon maudit feu sauvage sorti le mardi précédent notre départ du dimanche 12 avril attestait bien de mon état de fatigue à devoir penser à tout. Mais l'important, c'est que lorsque nous nous sommes envolés, nous partions l'esprit tranquille, certains que tout irait bien.

Ce que je vous propose pour cette semaine, ce sont des extraits de ce que j'ai écrit à la mitaine dans un cahier tout au long de notre aventure exotique. Petite parenthèse au souffle chaud en perspective.

Lundi matin - fête à M.

Pendant qu'il sirote une Red Stripe, un des multiples oiseaux siffle sa plainte. Nous sommes dans notre Eco-tent.

Deux vols pile à l'heure nous ont fait traverser l'Amérique étoilée pour nous déposer à environ 21 h sur une île tropicale et endormie. Deux voyages sinueux comme pas possible en taxi et un intermède sur un traversier en mer au clair de lune nous ont mené à notre maisonnette écologique vers 23 h. Dents brossées à même l'eau potable d'un verre et une coquerelle écrasée à la gougoune plus tard, nous nous sommes étendus sous le filet protecteur d'insectes, sur les matelas à la mezzanine, rompus de tous ces kilomètres parcourus.

Là, le concert a débuté. Criquets, oiseaux, vent, ronflement d'un voisin dans une autre tente, la proximité avec la nature nous était évidente, même si le noir était si dense que nous ne pouvions rien discerner de l'environnement. M. aurait aimé avoir une enregistreuse pour capter toutes ces sonorités emmêlées dans une symphonie hallucinante.

Moi, je suis si heureuse de le voir si heureux, lui l'ultime casanier invétéré. Heureux comme un enfant installé à son hublot dans l'avion, heureux et tout à fait attentif pendant les tours de taxi périlleux sur les routes étroites et montagneuses sillonant les îles tout en courbes. Heureux aussi de découvrir notre demeure pour la semaine, de sentir la chaleur de l'été nous courir sur la peau même en pleine nuit et d'apercevoir un lézard miniature nous lorgner depuis notre espace douche, où nous nous laverons au jet, un peu à la manière des voitures soumises à un lave-auto.

Et puis, revenons à tous ces oiseaux. Assis sur notre terrasse pour le gruau du petit-déjeuner, quatre espèces viennent se percher à tour de rôle sur les branches du canarium australianum à l'écorce qui se pèle en lambeaux orangés. Un d'eux, de la taille d'un merle, aux yeux pâles et ronds comme des billes, est venu chercher le coeur de pomme que nous avons déposé sur la rampe, sachant qu'il le convoitait. Les oiseaux ne nous craignent pas ici. Ils virevoltent et pépient constamment. Il y a des pinsons tout noir avec une tache rousse à la gorge et leurs femelles couleur sable, des oiseaux mouches, une espèce semblable à un troglodyte mais à la gorge jaune vif, à la tête décorée d'une strie blanche sur calotte noire.

La vue maintenant.

Notre hutte est si haute qu'elle surplombe la baie aux eaux turquoises où est amarré un voilier et poignent quelques rochers.

Dans une heure, nous sautons dans un autobus pour aller faire le plein de victuailles dans la plus grosse agglomération de l'île, Cruz Bay, qui ressemble à un grand village, surtout quand on sait que la population locale totale de St-John ne s'élève qu'à environ 5 000 individus. En espérant que le voyage ne soit pas aussi houleux que celui de la veille.

4.17.2009

à vous, chère communauté

Juste un nombre. Trois chiffres d'alignés. Un point culminant pourtant, quelque chose comme un accomplissement. Voici mon 500e message livré, 982 jours après avoir pondu mon tout premier. Qui aurait cru tout ce qui passerait ici, sous vos yeux, toutes ces douces fluctuations, tous ces moments de changements, les hauts, les bas. Comment pouvais-je me douter de l'addiction qui me guettait à me laisser aller à cet exercice, à cette discipline enivrante, à cette obligation nécessaire comme celle de respirer l'air. J'aime venir ici, découvrir où cela me mène, souvent à mon insu. J'aime relever le défi de progresser, de me métamorphoser subtilement.

Parfois, je me relis. Je relis des tranches de moi au passé. Avec mes yeux du jour, je revois celle qui étais là, totalement investie dans le moment. Souvent, je suis fascinée de constater ce que j'ai perçu alors, ce que j'ai tracé comme passage sur la ligne du temps par ma création. Voilà le secret d'une de mes motivations à continuer d'écrire, cette joie de redécouvrir quelque chose qui ne m'appartient plus et qui ne m'a jamais appartenu d'ailleurs. Quelque chose né de moi, mais de l'instrument que je suis. Pas un pantin remarquez, un roseau plutôt, vibrant au gré du souffle universel. Mes écrits vivent d'eux-mêmes. La preuve, tous ceux que vous êtes à me lire, je sais que vous avez découvert une autre Ludivine que celle que vous connaissiez avant toute cette aventure, une autre entité dotée d'une autre voix. Pas diamétralement opposée bien sûr à celle que vous connaissiez, à cette fille, cette soeur, cette amie, cette collègue, cette membre de votre famille. Mais une Ludivine autre. Et pour ceux qui ne me connaissaient pas et qui m'ont rencontrée ici, je sais que vous n'arriverez peut-être pas à vous défaire de celle que vous avez appris à découvrir lorsque je me retrouverai devant vous.

Nous ne sommes pas constitués d'une seule personnalité, nous sommes la somme de plusieurs identités endossées à plusieurs époques ou nécessaires pour vivre chacun de nos rôles sociaux. Seule l'intimité permet un rapprochement réel auprès de ces multiples couches qui drapent les êtres. Je crois qu'ici, il y quelque chose de cela, de ce rapprochement réel. Je crois que si vous revenez et moi avec vous, c'est que nous parvenons à vivre cette intimité. Cette intimité qui a des vertus de baume. Vous qui me lisez, vous êtes liés sans le savoir à d'autres qui font de même. À chacun d'entre vous, merci. Combien de temps nous retrouverons-nous ici, ensemble? On s'en fout. L'important, c'est qu'on y soit bien.

4.15.2009

inspirer, expirer

Comme on oublie vite. J'oublie l'état de calme qui m'a enveloppé lorsque j'ai su que petit être était enfin atterri dans moi. Les heures s'accumulent et mon pouls s'élève à force de suivre la cadence intense des jours chargés d'obligations. Boulot, métro, dodo. Et téléphones à la famille, aux amis. Et petites courses à droite, à gauche pour combler le repas du soir. Et le repas du soir à préparer justement. Blogue à rédiger, lavage à faire, lave-vaisselle à vider. Et tout ça, ce rythme constant, avant même d'avoir notre enfant.

Parfois, j'ai peur de son arrivée. Je me dis que déjà, j'en fais beaucoup, day in day out. Couvrir tous les angles le plus possible demande une grande attention de l'esprit et maintenir ce niveau d'attention, c'est battre la mesure, sans répit. J'aimerais dire: "Souffle." D'ailleurs, quelques-uns de mes collègues le font pour moi, à la blague. Ils sentent bien que je me lance partout un peu comme un missile nerveux, les nerfs en boule, la tension dans le plafond. J'ai peur de ce que ça sera quand bébé naîtra et que j'aurai toute une nouvelle panoplie d'angles à couvrir. Qu'adviendra-t-il de ma santé mentale? Serai-je capable de jongler avec ce mélange de nouveaux et routiniers éléments? Aurai-je l'énergie de tenir bon pour maintenir le cap, de poursuivre avec cette discipline morale qui me pousse à faire de mon mieux, constamment?

J'ai peur de péter au frette. Le burn-out est le nouveau mal de notre époque. L'humain sur-productif craque parce qu'il n'en peut plus. Serai-je de ceux-là qui n'arrivent pas à déceler les symptômes à temps? Superman, superwoman. Il y en a de ces héros du quotidien qui s'échinent à combler tous les manques à gagner pour eux et les leurs, à s'occuper de leurs besoins avec une prévoyance engageante, presque clairvoyante. Appréhender les détails qui assureront le confort émotionnel et matériel de ceux qu'ils aiment. Il y en a des gens comme ça qui ont le coeur sur la main. Ceux-là, ils s'effacent dans les coulisses pour orchestrer des jours heureux à leurs amours, rendant le tout de manière si subtile que l'effort nécessaire à l'obtention de cette vitesse de croisière est occulté. Seulement, quand ces gens craquent, les autres, ceux qui bénéficiaient de cette constance bienveillante, réalisent peut-être l'ampleur des jours planifiés, tous ces mini-événements, ces mini-engagements. Une derrière l'autre, toutes ces marques d'attention prodiguées par les superman et les superwoman de ce monde, elles forment le tissu d'un bonheur solide. Chérissons ces gens qui nous entourent et qui pensent à nous et si nous sommes cette personne qui prévoit pour le nid, prenons un moment pour nous remercier. Tiens, pourquoi ne pas aller vous faire masser comme le fait ma soeur B. En chemin pour ce moment de détente, bécoter le dos de votre main en disant: "De moi à moi", comme le fait ma mère, et sachez que votre amour, il n'est pas en vain.

4.12.2009

notre mission

Mon chéri vieillit demain. Bien que plus jeune que moi de trois ans et demi, il réalise que sa vingtaine s'achève et que bientôt, lui aussi sera trentenaire.

L'âge, le temps qui passe, les années qui se suivent et ne se ressemblent pas tout à fait. Le temps qui passe, il marque mon corps, lui donne des taches et des cicatrices. Surtout sur mes mains qui se brûlent sérieusement au moins deux fois l'an. Il marque l'esprit aussi, l'accable et le libère, alternativement. La vie est une succession d'ascensions et de descentes, une montagne russe dont on essaie de stabiliser la trajectoire le plus possible afin de ne pas subir les fluctuations de pression.

Je me souviens de ma jeune vingtaine, lorsqu'à ma solitude fondamentale s'ajoutait une pointe d'assurance par rapport à mes ressources spirituelles. Je me disais que tant que je restais ouverte aux événements, aux gens, je me disais que tout irait bien. Avec le temps, la donne s'est complexifiée. Les années qui tombaient me narguaient les rêves et me rappelaient, aussi net qu'un métronome, qu'il me fallait me réaliser, devenir celle qui serait heureuse et satisfaite, ainsi transformée en soleil irradiant de positivisme.

Comme vous le savez, je crois aux fruits du labeur. Un bon jardinier ne mourra jamais de faim, même lorsqu'une partie de ses récoltes est attaquée par une bestiole puisqu'il lui restera d'autres options comestibles parmi ses cultures. Parfois, j'ai pensé régresser tellement les obstacles qui m'étaient érigés avaient des airs de déjà vu. Mais là encore, la vie est ainsi faite que lorsque nous pensons avoir compris quelque chose, avoir calmé un démon pour toujours, il nous réapparaît sous une autre variante, animé d'infimes différences. Sans le savoir, nous sommes perpétuellement en mode relever-un-défi. Rares sont ceux parmi les humains qui peuvent affirmer sans sourciller qu'il ne sont plus que pure lumière, près à se dématérialiser hors de cette dimension. Ici, maintenant, nous avons des étapes à franchir, des sentiments à comprendre à leur juste mesure. Nous avons à devenir meilleur, à chaque moment. Peu importe l'âge que nous ayons. Chose certaine, c'est que tant que nous y sommes sur cette planète, autant relever le plus de défis possibles.

4.11.2009

bec sucré

Avant de quitter les lieux aujourd'hui, il nous a demandé à nous les visiteurs si nous avions des pistes de solution à proposer pour que les choses changent pour lui et ceux qui partagent les mêmes valeurs marginales. Il, c'est Jean-Pierre Clavet, qui nous a fait faire le tour des lieux avec générosité et moults détails de cette vie consacrée à l'agriculture à l'ancienne. Les lieux, ce sont des bâtiments, des terres. À La Ferme le Crépuscule, un peu en retrait du village de Yamachiche, tous les élevages sont certifiés biologiques, ce qui pousse dans le jardin aussi. Les poules à chair sont utilisées par nulle autre que des chefs comme Normand Laprise de chez Toqué et Martin Picard du Pied de Cochon. Mais surtout, M. Clavet peut se targuer d'être le seul à opérer une cabane à sucre biologique. Et les amis, quelle expérience authentique à vivre.


Soixante convives peuvent prendre place dans cette salle à manger chaleureuse aux murs de lattes de bois. Un poêle à bois immense trône dans la pièce sur lequel une multitude de marmites contiennent le repas qui nous sera servi. Que de bonnes choses: soupe aux pois, patates sautées, sirop, fèves au lard, jambon fumé, sirop, saucisses au poulet et au boeuf, omelette, sirop, pain et ketchup maison, oeufs au sirop, crêpes-beignets, sirop. Bien sûr, le prix est plus élevé que dans tout autre cabane à sucre, mais il en vaut la chandelle, je vous l'assure. L'année prochaine, j'aimerais convaincre ma famille de venir pour goûter à cette authenticité, parce que chez nous, nous adorons cette tradition du printemps.

Quand M. Clavet a posé sa question, j'ai répondu que ce qu'il fallait, c'était davantage d'éducation. Il faut que les gens comprennent le cycle de la chaîne alimentaire, qui devient conséquemment une chaîne économique. L'agriculture biologique n'est pas un luxe, c'est un retour à la juste valeur de nos aliments. Il faut retourner à nos fourneaux et surtout, apprécier ce que nous retrouvons dans nos assiettes. Alors, d'abord et avant tout, de l'éducation. Il y a eu une amélioration significative dans les dernières années. La population est en général plus ouverte que jamais à écouter le message. Reste à faire en sorte que les instances gouvernementales réalisent que les agriculteurs qui décident de se lancer dans cette aventure qui vise le respect de la planète méritent une aide financière pour poursuivre leur incroyable labeur. Entre-temps, prions pour que M. Clavet et sa conjointe tiennent bon, malgré toutes les contraintes. Ce sont des gens comme eux qui font que la Terre est un endroit où il fait bon de vivre.

4.09.2009

chômage pascal

Dure journée. Pas du monde. Mes collègues m'ont d'ailleurs souligné qu'une chance que je n'étais pas dans cet état trop souvent. Sale caractère. Nuages gris, feu sauvage emmerdant, mauvaise cohésion d'équipe sur le plancher du onzième, congé à l'horizon alors mon esprit rechigne. Je travaille encore demain, en ce Vendredi saint, mais au moins j'empilerai des heures que je pourrai utiliser pour me reposer par une journée de mon choix.

Vendredi saint, ça me rappelle le maigre et jeûne que ma mère imposait à notre petite famille modeste plantée au milieu d'une communauté campagnarde de confession catholique. Nous ne mangions pas de viande pour toute la durée de cette journée et nous grignotions pas entre les repas. Cet interdit déclaré me rendait ce manque frappant. Ma mère cuisinait donc autre chose. Je crois qu'elle optait pour des plats à base d'oeufs. Tout ce que je sais, c'est que ce jour-là, notre régime était dicté par des moeurs ancestrales. J'avais l'impression d'être différente sous le joug de cette contrainte, ainsi soumise à une loi spéciale. C'est à 15 h que Jésus aurait expiré sur la croix. Il paraît que le ciel se couvre toujours autour de cette heure-là le Vendredi saint. Demain, miss météo prévoit pourtant une journée ensoleillée.

Le dimanche de Pâques, il y avait le film Jésus de Nazareth qui durait une véritable éternité, mais je restais agglutinée devant l'écran, magnétisée par cette saga au personnage si fascinant. Cet homme aux prunelles pénétrantes me clouait sur place. Je savais qu'il représentait cet être qu'on ne cessait de déifier depuis que j'étais toute petite. De le voir ainsi incarné me rendait tous ces récits de miracles farfelus ancrés dans un décor, dans une trame chronologique, beaucoup plus accessibles. Je vivais de grandes émotions scotchée à cette histoire à grand déploiement, année après année.

Et puis, il y avait du chocolat. Peu m'importait que cette friandise n'ait eu aucun lien avec l'histoire grandiose de Jésus, ce que je savais c'est que j'avais passé au travers une journée entière de jeûne pour enfin me voir offrir cette ultime récompense deux jours plus tard. Je croquais dans mes oreilles de lapin avec gourmandise, sentant les grains de riz soufflé parfois mélangés au délicieux corps gras et sucré du cacao commercial craquer sous mes dents. Je rationnais mes avoirs empaquetés pour les quelques jours qui suivaient. Pâques était à tout coup une véritable réussite. Que reste-t-il de ces rituels qui ont marqué mon enfance? Un heureux prétexte pour une réunion familiale. À notre époque de poulets à la tête coupée, vivement ces plages horaire que l'on appelle jour férié.

4.07.2009

reconnaître

Parfois, il suffit de briser la routine, de changer son itinéraire, de revoir une amie perdue de vue depuis plusieurs années, pour retrouver des mots.

Journée de congé, autant dire journée de multiples possibilités. Un rendez-vous en matinée à la hauteur de la porte de la Petite Italie via St-Laurent et voilà, je replonge dans ma Montréal avec le bonheur d'un poisson dans l'eau. Malgré le parapluie qui vire sous le souffle des vents, les retards d'autobus et de métro, mes minutes dépassées l'heure prévue pour la rencontre ce qui a de quoi contrariée une ponctuelle telle que moi, je suis sur le bitume. Je suis à nouveau voyageuse, dévorant les visages et les vitrines, avalant les mètres à grandes enjambées dans des rues que je n'avais pas parcourues depuis trop longtemps.

Elle m'attend. Je vois son visage s'illuminer lorsqu'il aperçoit ma silhouette se dessiner au loin. Elle me cherchait justement, se demandant si cet endroit minuscule comme un garde-robe était bien le bon. Presque six ans que nous ne nous sommes vues, nous qui avons été soudées pendant des années. C'est Ct., une maille du cercle que j'ai formé avec trois bonnes amies au cours de mon adolescence. Ct., ma première meilleure amie à Montréal, lorsque j'y suis arrivée à l'âge de neuf ans. Ct. aux yeux de chat couleur eau tropicale cristalline. Ma partenaire pour Expo Science, celle chez qui je découchais parfois en me réveillant ces fois-là au son de la voix de Joël Le Bigot.

Nous nous sommes attablées à une pièce de verre ronde, juchées sur de hauts bancs, et d'un sujet à l'autre, du coq à l'âne surtout, nous avons comblé quelques blancs de tout ce temps passé séparées. Un peu de moi, un peu d'elle, un véritable set chaleureux, au débit naturel, sans creux inconfortable, sans paroles factices. Des heures de partage, sous d'heureux auspices. Pour la suite, nous verrâmes comme dirait l'autre.

J'ai poursuivi mon petit bonhomme de chemin au Yéti, boutique de plein air où je voulais dénicher chaussure à mon pied. Plusieurs paires testées plus tard, j'ai finalement opté pour des ballerines couleur crème hyper confortables. En grande marcheuse, je suis consciente du choix judicieux de souliers bien conçus procurant un bienfait intégral, surtout que ces mois qui viennent, je grossirai à vue d'oeil. Maman m'avait recommandé le fabricant Keen et bien que j'aie essayé de nombreux d'autres modèles de d'autres concepteurs de godasses - Patagonia, Merell, North Face -, c'est avec un de leurs produits que je suis repartie de la boutique. M. les aime bien. Moi, j'ai l'impression de glisser mes petons dans des pantoufles.

Ensuite, je suis aller engloutir une salade multicolore bourrée de légumes crus râpés nappés d'une vinaigrette aux herbes fraîches Aux Vivres. Ma faim violente et soudaine est sans conteste un symptôme de ma grossesse.

Rassasiée, je me suis rendue dans le sud de la ville pour faire mes adieux à nos anciens charmants voisins qui quittent demain pour quatre mois et demi, direction l'Asie du Sud. Le petit Mt. s'est endormi dans mes bras pour ensuite se réveiller le temps de signifier une envie de pipi. J'ai pris Jn. et P. dans mes bras et je leur ai souhaité bon voyage à ces êtres originaux, aimants, dédiés à la vie bien vécue. Leur initiative atypique me les rend encore plus superbes. Ils ont le courage de leurs idées et la conscience prudente nécessaire à la faisabilité de cette aventure incluant leur bébé de deux mois. Ils ont aussi l'expérience du monde. J'ai totalement confiance qu'ils en reviendront ressourcer, eux qui abritent déjà des oasis à l'infini.

Une journée pareille, ça me redonne des ailes. Définitivement que nous sommes neufs à chaque soleil qui se lève. Définitivement que nous sommes les mêmes à chaque soleil qui se couche. Porteurs du passé et du futur. Présents surtout. Envers et contre tout.

4.05.2009

souffle

Ce matin, installés dans Jasmine la Fit, j'ai dit à M. que nous assistions peut-être à la dernière chute de neige de l'année. Les flocons bourraient l'air de leur course folle et de la voiture à la porte principale du onzième, une marche de quelques pas seulement, je me suis félicitée d'avoir déterrée ma tuque pour me la caler sur ma tête tellement le vent froid mordait mes oreilles. Soubresaut hivernal avant l'envolée du beau temps. Juré, craché.

Il me semble dernièrement que les mots me manquent. Quand j'arrive ici pour livrer comme je le fais depuis deux ans et demi, j'hésite. J'ai l'impression que rien ne ressort de l'ordinaire, que rien ne se démarque assez pour que je vous le signifie à ma manière. Mes yeux continuent à voir pourtant, ma vie se perpétue joyeusement, mes rencontres se poursuivent, les gens qui m'entourent m'inspirent. Mais l'élan lui, on dirait qu'il est essoufflé.

D'ailleurs, vous vous souvenez peut-être de ce projet d'écriture dont je vous avais parlé au mois de décembre je crois, eh bien, la discipline a tenu à peine trois semaines. Trois semaines de labeur sérieux pour avancer dans cette idée que je croyais la bonne. Une idée assez bonne pour me motiver à aller jusqu'au bout. Mais voilà, un premier rendez-vous manqué avec le projet, une première plage horaire occupée autrement que par l'avancement dans ce projet, a suffi pour m'éloigner du droit chemin et m'égarer totalement face à mon engagement.

Lors d'une réunion familiale dernièrement, un oncle de M. m'a dit que je devrais dépersonnaliser mon écriture, explorer davantage le fictif, créer par imagination en utilisant mon langage. Il pense que ça m'aiderait à me rapprocher du succès. Encore une fois, je lui ai dis ce que vous savez déjà, je ne suis pas un auteur capable d'élaborer des univers, de faire naître des personnages, de tisser des toiles de cohérence impressionnantes. Je ne suis pas de la trempe des grands écrivains, ceux qui puisent dans un million de sujets pour arriver à pondre des oeuvres colossales. Mon talent, il tient dans l'humilité d'être humaine et outillée d'un vocabulaire me permettant de décrire certains faits merveilleux et simples, ou tout au moins certaines émotions, certains impressions.

Tiens, j'ai l'impression d'être loin de moi-même. Ça me vient là, en vous écrivant, en faisant courir mes doigts au rythme de mes pensées. J'ai l'impression d'être à côté de moi, en décalage. Est-ce toi petit être qui fait ta place sous le soleil? Est-ce toi qui me décolle le nez de mon nombril? Peut-être que l'oncle de M. m'a offert un présage. Peut-être que mon écriture changera. Peut-être aussi ce n'est qu'une passe, un moment à vivre afin de mieux revenir.

4.03.2009

cette semaine, tu définis ton sexe

L'utérus a la grosseur d'une limette en temps normal, c'est-à-dire, lorsqu'il n'est pas porteur d'une vie en développement. Pendant une grossesse, il grandit bien sûr au rythme du petit être qui se déploie, au fil des semaines. Depuis hier, j'ai commencé ma huitième semaine, alors mon utérus a maintenant la grosseur d'une orange et dans deux semaines d'ici, il aura celle d'un pamplemousse. De mémoire, je croyais avoir déjà atteint le stade pamplemousse et c'est cette donnée que j'ai transmise erronément ce matin à mes deux chers clowns de collègues masculins. Ils se sont bien bidonnés que je les tienne au courant de cette expansion de ma matrice en la comparant à un agrume. Moi, ça m'aide à visualiser ce que je porte comme nid.

Beaucoup de gens s'informent de ma santé ces jours-ci. En me saluant, il pousse un peu plus avec un "pis...?" Pis rien pantoute que je réponds, tout roule comme sur des roulettes. Pendant que je tape ces derniers mots, je touche le bois de mon bureau de travail. Je me souhaite une grossesse sans trop d'inconforts. Je me souhaite d'être de ces femmes qui flottent sur un nuage quand elle porte leur progéniture dans l'abdomen, de celles qui dandinent doucement, les mains sur le ventre, le sourire paisible accroché aux lèvres et aux coins des yeux.

Hier soir, M. et moi sommes allés en ville pour qu'il magasine un peu. J'ai offert à monsieur deux jeans pour son anniversaire, qui tombe le lundi de Pâques cette année. En zieutant les fringues dans les boutiques, je me suis souvenue que ça ne servirait à rien de me laisser tenter par un petit quelque chose pour l'été puisque mon corps ne sera pas du tout le même venu les mois plus chauds. Ma soeur G. me disait pas plus tard qu'hier justement que tous les vêtements qu'elle s'est achetés il y a un an pour s'adapter au progrès de sa propre grossesse, j'en bénéficierai. D'ailleurs, elle m'a déjà refilé un immense Tupperware plein d'habits propres et impeccablement bien pliés.

Sinon, les jours passent et je ne sens pas beaucoup de différence d'avec mon corps que j'ai toujours, ou presque, connu. M. dit que mes émotions sont plus à fleur de peau, mais il oublie que même sans le facteur grossesse, nous avons tous les deux nos caractères et nos têtes de cochon. Pauvres hormones au dos large. Pourtant, il serait facile pour moi de dire "oui, c'est ça, je pète ma coche parce que je ne suis plus tout à fait moi-même", facile pour moi, mais aussi facile pour lui. Hormones au dos large.

Je m'étonne de ne pas avoir déjà dévoré une pelletée de bouquins sur le sujet de la grossesse, de l'accouchement, des premiers jours de bébé, de son développement. Mon amie Jn., mon ancienne charmante voisine, maman du petit Mt., m'a gentiment donné une liste d'ouvrages à compulser, la plupart disponible à la Grande Bibliothèque. Je me laisse encore un mois et après, je commencerai à remplir tranquillement mes cellules grises de matière à mâcher en prévision du point tournant de nos vies. Une fois le troisième mois de complété, je passerai à une autre phase et là vraiment, il n'y aura sûrement plus une minute qui s'écoulera sans que je ne me souvienne de petit être qui m'accompagne à chaque pas. Proéminence aidant et puis, nous entendrons son minuscule coeur battre lors d'une rencontre avec Dr. C. Là, je risque bien d'être soufflée, quelque part dans le firmament. À la rencontre de notre étoile.

4.01.2009

un jour à la fois

Nos anciens charmants voisins viennent tout juste de quitter le paradis. Avec eux, leur petit Mt., né le 6 février dernier. J. et P. vivent une belle expérience avec leur petit guide comme ils l'appellent. C'est Mt. qui leur dit ce qu'il veut, ce dont il a besoin. J'ai faim, ils reconnaissent son pleur particulier, j'ai envie de pipi, je pédale, alors ils l'amènent à un évier où monsieur urine au son du psshh-psshh-psshh émis pour le stimuler. Oui, oui, Mt. n'a pas encore deux mois et déjà il signale son besoin d'uriner et quand il boit au sein, il chie quelque fois dans la journée en même temps parce qu'il existe un rapport entre le réflexe buccal et le réflexe gastrique. J. et P. explorent selon leurs valeurs et proposent en quelque sorte à Mt. des façons de les appliquer pour respecter son évolution, la leur ainsi que leur conception même de l'existence. Que de découvertes. Ils nous parlent du co-dodo, de l'avantage de laisser Mt. nu la plupart du temps pour l'instant, de la sorte de couches réutilisables qu'ils préfèrent. J. me montre comment un nouveau-né possède l'instinct de se mouvoir en véritable bipède. Mt. avance sur la surface de l'îlot sous les projecteurs halogènes et je suis ébahie de voir ses pieds minuscules se lever et se déposer l'un après l'autre, l'un devant l'autre.

Bien sûr, quand je visite ma soeur G., son amoureux Rb. et leur beau Lc., qui a un peu plus de cinq mois, j'apprends aussi énormément. Je les vois s'occuper de leur boule d'amour avec tant d'attention que ma gorge se noue d'émotions à chaque fois. G. me conseille sur une foule de choses au sujet du rapport mère-poupon. Elle est si heureuse de pouvoir me transmettre ses connaissances, et moi, de les recevoir d'elle.

Bien sûr, il y a mon autre soeur, B., qui a deux jeunes enfants maintenant, Em. qui a quatre ans et demi et W. qui va avoir ses trois ans fin juin. Elle aussi veille à me léguer sa sagesse de femme qui est passée par ce moment crucial qu'est la naissance d'un enfant. Mais ma B. le fait avec humour, sachant très bien que l'essentiel, je vais le comprendre une fois que j'aurai à mettre les mains à la pâte, autant dire à me les salir, mais aussi à me réjouir de porter cet enfant, ce bout de M. et moi, au creux de mes bras.

Petit être. Il paraît que ma bedaine a commencé à changer déjà. Deux en deux. Hier, c'est mon collègue Al. qui me faisait la réflexion qu'il avait aperçu mon pot' et aujourd'hui, c'est dame Ln. qui m'a fait la même remarque. Pourtant hier soir, montée sur le pèse-personne chez ma soeur G., j'ai été surprise de voir que mon poids n'avait pas beaucoup augmenté. En fait, je suis encore plus légère que je ne l'étais à pareille date l'an dernier. Mais comme je l'expliquais à Al. aujourd'hui, le plus bizarre, c'est que de vivre cette transformation physique, c'est autre chose que de se l'être imaginée. En fait, moi qui imagine justement beaucoup de choses, je crois que je n'ai jamais réalisé à quels points la métamorphose se ferait graduellement, à quel point je serais branchée sur ces minuscules changements marquant l'avènement d'un être en moi, la concrétisation de son développement progressif.

Dieu que je me sens ignare. Dieu que j'apprendrai.