Je vous ai menti. En fait, on ne peut pas vraiment parlé de mensonge, mais disons que je ne vous ai pas dit la vérité. En fait, c'est pas que je ne vous aie pas dit la vérité, c'est plutôt que je vous ai caché quelque chose. Oui, c'est ça, j'ai omis de vous transmettre une information parce qu'il me fallait le faire. Mais maintenant, ouf, je peux vous le dire. Nous revenons d'une semaine de vacances.
M. ne voulait pas que j'en glisse un mot ici avant notre départ parce qu'il est davantage soucieux que moi sur l'aspect sécurité du lien évident entre l'espace virtuel et l'espace réel. Dire sur Internet qu'on quitte sa maison - même si ma belle-soeur Am., que je remercie sincèrement pour ses bons soins prodigués à Nougat le gros chat à tous les jours pendant de notre escapade, ait gardé un oeil sur notre demeure -, ça peut allumer les mauvaises intentions de ceux et celles qui voudraient venir dévaliser notre paradis. Bien sûr me direz-vous, je ne laisse pas beaucoup d'indices du lieu exact de notre nid sur mon blogue, mais selon M. un crac pourrait arriver à faire 1 + 1 = 2.
Alors voilà, bien que tout ait semblé plutôt normal côté messages apparus la semaine dernière - à ce sujet, un gros gros merci aussi à Cht., mon amie-collègue, qui s'est occupé de s'assurer de publier les messages que j'avais préparés à l'avance en prévision de cette semaine loin d'un ordinateur afin de poursuivre le rythme régulier pour ne pas soulever de soupçons -, M. et moi étions plutôt dans un lieu tout autre, complètement ailleurs sur la planète Terre.
Pour la petite histoire, je fais un court résumé. Mois de février merdique, beaucoup de stress, le bouchon saute, Lulu a besoin d'un break sinon ça va barder. M. comprend qu'il doit accepter ma requête de vacances repos total et je me lance dans une recherche frénétique du lieu parfait le samedi 28 février. Pendant quatre heures, je fouille Expédia à l'affût d'un forfait sur une île tropicale dans la Mer des Caraïbes. Je ne veux pas de tout-compris au Mexique ou en République. Je veux plutôt quelque chose qui me rappellerait l'isolement vécu sur une Caye du Bélize quand j'avais 20 ans.
Au bout d'un certain temps, je trouve un forfait deux étoiles sur l'île St-John, la plus petite des trois Îles Vierges américaines. Ce qui m'accroche surtout, c'est le nom:
Concordia Eco-tents. Je me rends sur le web et je me dis que ça y est, nous avons trouvé notre destination de rêve. M. embarque et nous bookons notre voyage le jour même. Le lendemain, nous apprenions que j'étais enceinte de petit être. Mais pas d'inquiétude, puisque pour aller sur cette île, nul besoin de vaccins ni de médicaments contre la malaria. Notre choix s'est donc avéré parfait, à notre insu.
Alors voilà, nous avons préparé notre expédition au milieu de nulle part avec excitation et stress. Mon maudit feu sauvage sorti le mardi précédent notre départ du dimanche 12 avril attestait bien de mon état de fatigue à devoir penser à tout. Mais l'important, c'est que lorsque nous nous sommes envolés, nous partions l'esprit tranquille, certains que tout irait bien.
Ce que je vous propose pour cette semaine, ce sont des extraits de ce que j'ai écrit à la mitaine dans un cahier tout au long de notre aventure exotique. Petite parenthèse au souffle chaud en perspective.
Lundi matin - fête à M.Pendant qu'il sirote une Red Stripe, un des multiples oiseaux siffle sa plainte. Nous sommes dans notre Eco-tent.
Deux vols pile à l'heure nous ont fait traverser l'Amérique étoilée pour nous déposer à environ 21 h sur une île tropicale et endormie. Deux voyages sinueux comme pas possible en taxi et un intermède sur un traversier en mer au clair de lune nous ont mené à notre maisonnette écologique vers 23 h. Dents brossées à même l'eau potable d'un verre et une coquerelle écrasée à la gougoune plus tard, nous nous sommes étendus sous le filet protecteur d'insectes, sur les matelas à la mezzanine, rompus de tous ces kilomètres parcourus.
Là, le concert a débuté. Criquets, oiseaux, vent, ronflement d'un voisin dans une autre tente, la proximité avec la nature nous était évidente, même si le noir était si dense que nous ne pouvions rien discerner de l'environnement. M. aurait aimé avoir une enregistreuse pour capter toutes ces sonorités emmêlées dans une symphonie hallucinante.
Moi, je suis si heureuse de le voir si heureux, lui l'ultime casanier invétéré. Heureux comme un enfant installé à son hublot dans l'avion, heureux et tout à fait attentif pendant les tours de taxi périlleux sur les routes étroites et montagneuses sillonant les îles tout en courbes. Heureux aussi de découvrir notre demeure pour la semaine, de sentir la chaleur de l'été nous courir sur la peau même en pleine nuit et d'apercevoir un lézard miniature nous lorgner depuis notre espace douche, où nous nous laverons au jet, un peu à la manière des voitures soumises à un lave-auto.
Et puis, revenons à tous ces oiseaux. Assis sur notre terrasse pour le gruau du petit-déjeuner, quatre espèces viennent se percher à tour de rôle sur les branches du canarium australianum à l'écorce qui se pèle en lambeaux orangés. Un d'eux, de la taille d'un merle, aux yeux pâles et ronds comme des billes, est venu chercher le coeur de pomme que nous avons déposé sur la rampe, sachant qu'il le convoitait. Les oiseaux ne nous craignent pas ici. Ils virevoltent et pépient constamment. Il y a des pinsons tout noir avec une tache rousse à la gorge et leurs femelles couleur sable, des oiseaux mouches, une espèce semblable à un troglodyte mais à la gorge jaune vif, à la tête décorée d'une strie blanche sur calotte noire.
La vue maintenant.
Notre hutte est si haute qu'elle surplombe la baie aux eaux turquoises où est amarré un voilier et poignent quelques rochers.
Dans une heure, nous sautons dans un autobus pour aller faire le plein de victuailles dans la plus grosse agglomération de l'île, Cruz Bay, qui ressemble à un grand village, surtout quand on sait que la population locale totale de St-John ne s'élève qu'à environ 5 000 individus. En espérant que le voyage ne soit pas aussi houleux que celui de la veille.