orphelins de l'Éden

5.31.2008

superstition

Petit mot extra rapide pour dire qu'aujourd'hui, peu nous importe la pluie puisque nous allons peinturer la cuisine chez ma grand-maman. M. est dans la douche pendant que je tape et mon bol de granola baignant dans du lait d'amandes est à mes côtés. Dans la pièce orange, c'est encore l'aube tamisée et l'écran brille d'une luminosité qui irrite.

Dans une semaine, je serai une employée au futur assuré, non pas que mon statut de temporaire ne m'assurait pas un futur. Disons seulement que certains éléments des bénéfices en tant que permanente sont plus intéressants.

Vendredi prochain donc, j'enfilerai une robe. Oui, oui, moi la miss aux pantalons larges et confortables ou aux jupes grano en été, je gainerai même mes jambes de bas collants. Toute cette journée, je marcherai les pieds glissés dans mes souliers plats de cuir rouge et étroit. Je me mettrai sur mon 36 comme on dit. Que voulez-vous, il y aura prise de photo du genre moi qui serre la main du grand patron ou moi entourée de mon amoureux et de ma famille pour former un groupe heureux.

Eh bien imaginez-vous donc que hier soir, en sortant de l'épicerie où nous sommes allés chercher des asperges du Québec pour le souper, j'ai senti une boursouflure sur ma lèvre inférieure, dans le coin gauche. Un feu sauvage. Moi qui pensais justement la semaine dernière au fait qu'il y avait bien longtemps que je n'en avais pas eu un. Toucher du bois maudit, pourquoi n'ai-je pas touché du bois?

5.28.2008

ceci n'est pas une pipe

Nougat le gros chat fait le pot de colle. Parfois, comme il y a quelques minutes à peine, elle bondit sur le repose-pied du fauteuil beige à côté de mon bureau d'écriture, passe au dit siège pour ensuite se hisser sur le plateau du bureau avec la seule force de ses pattes avant. Dans un élan, tout son corps massif balance sur le bureau et la voilà envahissant mon espace de travail pour recevoir quelques caresses. Maman, je suis là, tu ne peux pas me manquer n'est-ce pas? Alors flatte-moi le flanc et plonge ton visage dans ma fourrure soyeuse pour me donner des bisous pendant que je frotte mon museau sur les coins du meuble afin d'y imprégner mes phéromones. Belle panthère va.

Je reviens à peine de ma journée au onzième. Pendant mon heure de dîner, je suis allée à la Grande Bibliothèque afin d'y dénicher mes bouquins copains des prochains jours. J'ai mis la main sur deux romans format poche de la section nouveauté. Mon choix s'est arrêté sur ceux-là après avoir lu en diagonale le résumé à l'arrière de la jaquette. De la lecture légère, facile.

C'est environ à ce moment-là que mon mal de bloc a commencé. Dans le métro, à mon retour au onzième, j'ai eu une bouffée de chaleur pas possible. Mes paupières sont devenues des chapes de plomb et mes tempes m'ont semblé trop étroites tout à coup, tendues par le mal battant derrière elles à chaque flux sanguin.

Alors parce que j'y pense depuis quelques jours, je me dis que cette douleur, elle peut peut-être m'inspirer. Voyez-vous, je vous offrir un haïku, un de ces petits poèmes abstraits. Idéalement, il me faudrait le rédiger en japonais pour respecter sa construction typique de dix-sept mores. Bon le terme "more" ne se retrouve pas défini dans le Petit Robert, cet outil indispensable à ma bonne rédaction, mais plutôt sur Wikipédia où l'on dit d'elle qu'elle "est un son élémentaire émis lors de la phonation". Dans le dictionnaire, il est dit qu'un haïku est un "poème classique japonais de dix-sept syllabes réparties en trois vers (5, 7, 5)." Moi, c'est dans les Clochards Célestes de Jack Kerouac que j'ai connus ces courts amas de mots. Un haïku peut être utilisé par un maître spirituel désirant amener sa pupille au-delà afin qu'il franchisse le mur du convenu pour ainsi accéder au domaine de tous les possibles. Ce poème est donc terriblement simple et terriblement complexe à la fois. Kerouac, qui revenait au bercail dans ce récit autobiographique, faisait le poirier et composait de ses courts poèmes pour s'élever.

Donc voilà, je me lance:

Douleur palpable
devient vraie pour celui
qui abandonne

Oh la, la, je crois que ça y est, j'ai réussi. Mon premier haïku. J'aurais pu aussi choisir comme premier vers:

Souffrance vive

mais je crois que le choix de "douleur palpable" apporte une matérialité, un élément incarné qui ajoute un obstacle majeur puisque le mental est celui qui a emprise sur le corps, l'esprit étant le chef d'orchestre. Comment alors ne pas dire d'une douleur palpable qu'elle soit vraie? Si mon doigt peut venir se déposer sur la source du mal, comment ne pas y accorder sa dose de réalité et donc d'existence? Comment alors ne pas s'abandonner à cette idée qu'elle soit vraie? Et donc ne pas ainsi s'abandonner à la douleur elle-même?

J'ai mal à la tête. Vous l'ai-je dit?

5.26.2008

la roue tourne, toujours

Au téléphone, il y a moins d'une heure, ma grand-maman m'a assurée que je n'avais pas à arroser mon jardin. Puisque j'ai semé des haricots, des bettes à carde, des capucines et des radis dans le potager, j'ai l'impression qu'il leur faut une tonne d'eau pour qu'ils arrivent à germer. Sans parler des graines de fleurs dans les pots, mais bon, M-H, si tu me dis que les tiennes ne se sont pas animées en semis, je crois que c'est foutu.

Ma grand-maman était triste au bout du fil. Sa voix était voilée lorsque je lui ai demandé des nouvelles de ma tante Eg. Vous vous souvenez de mon grand-oncle décédé à la fin de mars? Eh bien, voilà que sa veuve, son amour de toujours, est hospitalisée. Le médecin a averti ses enfants de se préparer à ce qu'elle n'en ressorte pas. Grand-maman dit que ça fait partie de la vie tous ces départs, mais je sens que cette proche perte lui pèse terriblement. Elle voit sa famille décimée par les années qui s'enchaînent et elle, elle est un témoin, de plus en plus seule face à ce passé qui l'a vue évoluer parmi les siens. La vie qui s'éloigne donc.

La vie, celle qui est palpable, celle sur laquelle nous avons emprise, c'est celle du présent. Ainsi, je continue à plonger mes racines dans l'environnement du paradis. Il y a un an, M. et moi venions de recevoir les clefs de la maison et tranquillement, nous commencions à imprégner les lieux. Aujourd'hui, à l'arrêt d'autobus, tous ces jours plus tard, j'ai parlé avec J-D, ma deuxième voisine à notre gauche, pour la troisième fois.

C'est la semaine dernière que je l'ai rencontrée pour la première fois à l'arrêt. C'est elle qui m'a reconnue puisqu'elle s'est informée de la clôture que nous avions retapée pendant la fin de semaine qui venait de passer. Au cours de notre deuxième conversation, qui a aussi pris lieu la semaine dernière à l'arrêt, en attendant l'autobus de 6 h 27, nous avons parlé jardinage et conserves maison. Elle m'a gentiment offert de me donner sa recette de relish absolument délicieuse à ses dires.

Alors ce matin, lorsque je l'aperçois à l'arrêt pour notre troisième rencontre. Elle m'apprend qu'elle s'est rendue à Montréal samedi pour aller voir une exposition de courtepointes d'une beauté inouïe. Elle espère remporter le prix du concours lancé aux visiteurs qui est une de ces oeuvres cumulant des heures et des heures de travail minutieux. Elle m'explique qu'elle en a elle-même fabriqué cinq depuis quelques mois seulement, depuis qu'elle a pris un cours en fait. Je l'écoute me parler de cet artisanat complexe et elle m'apprend que ces couvertures conçues de nombreuses pièces de tissus peuvent être enregistrées au patrimoine. Elles font donc partie de notre héritage collectif.

Arrivée au travail, je parle avec Nc., ma patronne, de ma rencontre du matin. Elle me dit que c'est bizarre parce que justement, en fin de semaine, elle s'est rendue chez son frère parce que sa belle-soeur est mourante. Cette femme conçoit des courtepointes à temps perdu, comme hobby. Dernièrement, elle hésite à en commencer une autre parce qu'elle ne veut pas la laisser inachevée, en plan.

Alors par cette journée pluvieuse, la mort a rôdé, tout près. Elle est aussi venue ce soir, dans ma conversation avec J-P, ce jeune homme que je rencontre dans l'autobus de 15 h 54 parfois. Pendant tout le trajet, nous avons conversé, de l'embarquement à ma descente à mon arrêt. J'apprends qu'il a retrouvé plusieurs anciens copains de classe, pas grâce à Facebook, mais plutôt parce qu'il est tombé sur un site Internet des anciens élèves du lycée français au Cameroun où il a étudié pendant quatre ans. Il me parle de la vie là-bas. Il tranche que sans l'école, ça aurait été franchement ennuyant là-bas. Il m'explique que sa liberté était restreinte à cause des dangers à se promener dans les rues, tout simplement. Heureusement, qu'il m'apprend, il revenait ici passer les étés. Pendant notre discussion, il dit qu'ils étaient lui et son frère à fréquenter le lycée et qu'ils étaient reconnus là-bas comme les deux Canadiens. C'est parce que je m'enquiert à propos de son frère qu'il me dit qu'il est décédé. Une tristesse passe alors sur son visage et par son air, je comprends que c'est un secret douloureux qu'il porte. Je lui donne mes condoléances. Il n'est jamais trop tard pour compatir avec un endeuillé.

La Faucheuse était aussi là lorsque j'ai terminé mon roman d'Aharon Appelfeld, un auteur Juif, dans l'autobus ce matin. À la fin du récit intitulé Tsili, la jeune héroïne se fait opérer parce que son foetus est mort et qu'il doit être extirpé de son utérus. Un peu glauque comme passage.

Heureusement, une journée est composée de plusieurs fils conducteurs, de plusieurs moments. La triste fin se mêle aussi au renouvellement des débuts. Grossesses nombreuses au bureau, nouvelle demeure pour Al., mon ami-collègue, nouveau ré-aménagement à partir de demain au onzième, premier jour d'exploration pour le robot qui vient tout juste d'émerger de la sonde qui s'est rendu jusqu'à Mars. À nous de boucler la boucle en reliant chaque pièce les unes aux autres. Tiens, un peu à l'image d'une courtepointe à la beauté inouïe.

5.24.2008

flashback

Cinq heures de jardinage plus tard, je n'ai pas encore terminé. Mais c'est bien avancé, ça c'est sûr. Les graines de linaires, de zinnias et de gazanies que M-H m'a si généreusement données reposent dans un terreau humide, les boîtes à fleurs aux teintes violacées sont suspendues aux rails à l'avant de la maison, le carré du potager a été désherbé, prêt à recevoir les plants et semences demain à la première heure. Du boulot d'endurance. Je sens que je vais me réveiller complètement moulue après tous les petits bonshommes et les pliés avant que j'ai exécutés. Les souffrances d'un corps aux longs membres qui manquent de souplesse.

Mais qu'importe les courbatures. Rien ne m'empêchera d'aller danser demain, dans le fier soleil du dimanche. M. veut inviter un collègue à lui que je n'ai jamais rencontré. Moi aussi, j'invite une collègue. Ct. a accepté avec enthousiasme de venir explorer l'événement lorsque je lui en ai parlé vendredi. J'adore initier quelqu'un à ces bains de bonnes vibrations. Am., la soeur de M., qui est déménagée aujourd'hui dans son super premier logement qu'elle partagera avec deux copines, viendra elle aussi. Am. a été initiée il y a deux ans si je me souviens bien. Depuis, elle retourne danser sur cette musique électronique qui fourmille de possibilités tellement ses ramifications sont diverses et enivrantes.

Ce matin donc, nous l'avons aidée à passer du condo, là où leur mère habite, à son nouveau nid, un bel espace étalé sur deux étages avec comme extra, une mezzanine et un balcon sensationnel. M. en est jaloux de ce coin aménagé à hauteur de grenier, tellement qu'il se demande si nous ne pourrions pas faire quelque chose de similaire dans le nôtre. Am. a versé une larme lorsque je lui ai fait réalisé qu'elle coupait la cordon, que ça y était, maintenant elle passe à sa vie adulte pour de bon.

Ça m'a fait penser à tous ses logements que j'ai habités, à toutes ces fois où je me suis retrouvée à devoir faire mes adieux à un lieu qui m'avait abritée pendant des mois ou des années. Je me suis revue aux côtés de ma soeur B., mon éternelle coloc, dans notre premier appartement, puis dans notre deuxième et enfin à celui que nous avons partagé des années plus tard, pour deux ans.

J'avais quinze ans quand je suis arrivée dans mon premier appartement, elle en avait dix-huit. Ce fût par un mois de septembre que notre foyer de femmes s'est démantelé: moi et B. ensemble, dans un logement près du Cégep Maisonneuve parce qu'elle y commençait ses études, ma soeur G. dans un appartement de type condo dans le quartier gay, près de là où la ville bat à son plus fort la nuit, et ma mère à Boisbriand au dernier palier d'un bloc appartement de trois ou quatre étages. Ma mère m'avait demandé si je voulais l'accompagner là-bas, mais c'était ma dernière année au secondaire et je voulais rester à la même école, dans Notre-Dame-de-Grâce, à l'autre bout de la ville complètement. Deux semaines après notre aménagement, des amis me surprenaient pour mes seize ans.

Nous sommes demeurées deux ans dans ce premier appartement à proximité du Stade. Quand le temps est venu des études collégiales, je me suis tout naturellement dirigée à trois coins de rue de là, au Collège de Maisonneuve moi aussi. Dès cette première année, j'ai participé à la troupe de théâtre. Si j'en parle, c'est que j'ai rencontré une des personnes avec qui j'ai vécu ces deux années d'intense collectivité pas plus tard que cet après-midi, lorsque nous étions aux serres Dauphinais, à choisir nos annuelles.

Elle est rentrée, l'air vachement détendu. Je l'ai interpellée par son prénom. St. m'a regardée et voilà, nous étions toutes les deux zappées plus de dix ans dans le passé. Elle vient d'accoucher d'un garçon et c'est ce qui la rend si zen, qu'elle m'apprend. Parle, parle, jase, jase. Elle habite elle aussi la rive-sud maintenant. Elle bosse à Montréal et elle est son propre patron, à la tête d'une agence de publicité qu'elle a fondée il y a dix ans. Elle dit que c'est bon signe que nous nous soyons reconnues, c'est que nous n'avons pas trop mal vieilli. Oui, St. est toujours aussi belle qu'alors.

Quand je remonte dans la voiture chargée pour l'embellissement du paradis, je repense à ce premier appartement où St. est venue, avec d'autres. Dans une boîte remplie de photographies, je sais qu'elle est là, sur papier glacé. Elle, moi, Sm. et Br. À ce moment-là, St. aurait aimé être aimée de Br., mais c'est plutôt avec moi qu'il s'est acoquiné. Nous étions tous dans la troupe de théâtre alors. Les histoires de coeur, ça ressemblait plus à des histoires de fesses. Non pas que ce n'étaient pas des relations sérieuses, mais disons que nous étions jeunes, curieux, maladroits. St. ne m'en a pas voulue. Enfin, je ne crois pas. De toute façon, ma relation avec Br. n'a pas duré et la session a pris fin.

Étrange comme ma vie s'éloigne de moi.

5.23.2008

envol

Journée en dents de scie. Pleut, pleut pas, pleut, pleut pas. Vendredi somme toute assez peinard, à regarder par la fenêtre les cieux s'ouvrir et se fermer.

Au onzième, l'atmosphère était bonne. Climat de détente. Les blagues et les réparties ont fusé tout au court des heures qui se sont succédées. Tout baigne.

En fin de semaine, il y a au menu: déménagement de la soeur de M., Am., jardinage et notre premier piknic de l'année.

Eh oui, Am., cette belle brindille d'infirmière déménage enfin du nid familial. Elle vivra sa première expérience de colocation avec deux copines. On croise les doigts pour que l'amitié soit la plus forte.

Puisque la lune de mai vient de passer, il est venu le temps pour moi de me noircir les ongles et de sarcler ma parcelle de terre sur laquelle j'espère voir pousser les tiges vertes de mes légumes que je récolterai dans quelques semaines. Aussi, je taillerai notre haie de cèdre, j'ensemencerai des bouts de gazon qui ont jauni et j'assemblerai des boîtes de fleurs pour enjoliver notre façade.

Dimanche, nous planifions aller rouler nos hanches sur les beats en plein air que nous servirons la brochette de disques-jokeys invités à la Place de l'Homme. Ô joie! Mon corps a grand besoin de se fondre au fluide musical pour devenir vague, onde, néant gravide ouvrant sur l'ensemble qui bat. Me perdre dans le tout. Fermer les yeux pour mieux voir dans la transe. M'unir aux rythmes parce qu'ils sont moi et que je suis eux. Bon Dieu, si la réincarnation existe, j'ai été derviche tourneur, nul doute.

J'ai sûrement été merle aussi, à siffloter des mélodies complexes et légères, perchée sur une clôture de bois, dans l'air humide du printemps mouillé, en glonflant mon poitrail orangé, en fier-pet que je suis. Parce que je suis un merle et que je suis perchée et que mes trémolos éveillent et égayent. Qu'elle est belle cette lumière qui éclabousse tout. Samedi, il paraît que les vers seront gras sous les bouts de pelouse jaunis. Génial.

5.21.2008

pécule permanent

Ça y est, l'univers a décidé que ça débloquait enfin pour mon processus de permanence. Je signe le 6 juin prochain. Ce jour-là, je serai assermentée comme membre officiel du onzième, là pour rester, si je le veux, toute ma vie professionnelle, si je le désire ainsi. M. viendra, ma mère aussi, ma soeur G., son amoureux peut-être, des collègues qui travailleront cette journée-là. J'aimerais que le tout se fasse dans l'allégresse, des rires plein l'atmosphère. Il y a eu assez de découragement et de larmes. Voici venu le temps du soulagement.

Et puis, when it rains, it pours. Dans le bon sens. M. est rentré du travail hier soir, une bouteille de vin à la main. Monsieur avait eu son évaluation dans l'après-midi et après seulement dix mois de services rendus dans sa boîte, son patron lui a offert une augmentation.

Nos assises financières se stabilisent donc drôlement, bien que nous soyons plus du genre fourmis que cigales depuis longtemps déjà.

Le travail qui donne l'argent, moi je n'ai pas de problème avec ça. De toute façon, c'est dans notre nature de nous occuper les mains et la tête. C'est vrai que le rythme du quarante heures semaine peut devenir aliénant, c'est vrai. Mais à chaque jour suffit sa peine et même si j'étais installée à ma table dans un champ en Italie avec vue sur la mer au bout d'une terre cultivée à écrire, je travaillerais encore. Je travaille quand je cuisine, je travaille quand je vous écris, je travaille quand je marche, quand je rencontre, je travaille aussi. Je travaille ma conscience, mon rapport à l'autre, l'harmonisation selon les personnalités et les affres de l'ego. Je travaille quand je lis. J'apprends de nouveaux mots, je m'imagine les univers décrits, je me plonge dans les sentiments pour m'en gaver, je digère la matière. Je travaille constamment, même quand je me repose, je travaille, à me refaire une santé. Le travail, c'est la santé. Et l'argent qui s'en suit, c'est la monnaie d'échange. Je donne mon énergie à un employeur qui me rémunère et à mon tour, en me procurant ce dont j'ai besoin, je donne ma rémunération à quelqu'un qui a donné son énergie.

Fr., notre ancien voisin d'en dessous, me félicite quand je l'appelle en rentrant du travail pour lui annoncer les bonnes nouvelles et prendre des nouvelles de lui et Pr., son amoureuse. Nous parlons pendant une bonne heure. J'ai l'oreille en chou-fleur quand nous raccrochons l'appareil, mais je le sens satisfait d'avoir pu se libérer des derniers développements de la saga dans laquelle Pr. se retrouve plongée. Pr. souffre de plus en plus de blancs de mémoire et sa santé mentale se détériore à une vitesse fulgurante. Une de ses soeurs gèrent ses finances, c'est pour dire. Mais justement, là où il y a de l'argent, il y a des rapaces et le pire de chacun se révèle. Parce que Pr., qui vit pauvrement depuis des années, abandonnée de tous, de ses soeurs et frères et de ses propres enfants, à part pour Fr., vient de se voir octroyer une pension d'un ancien employeur. Tout à coup, elle a des sous et d'un coup de baguette magique, ses soeurs l'appellent pour l'amener magasiner et son fils débarque pour repartir avec les poches un peu plus pleines.

Moi, je vous le dis, le tabou dans notre société, ce n'est ni le sexualité ni la religion, pas même l'allégeance politique. Le tabou, c'est l'argent. L'argent dans le couple, l'argent dans les familles, l'argent entre amis. L'argent est une ressource, rien d'autre et pourtant, sans lui, il faudrait revenir à la source, à ce moment-là où l'humain échangeait son talent. L'argent est un choix de société. Il a été jugé plus simple de recevoir de l'argent pour son talent pour ensuite choisir ce que l'on en ferait. Un genre d'outil intermédiaire. L'argent est un outil obtenu par l'effort. Mais pas toujours bien sûr. Il y a la criminalité et la loterie pour venir brouiller les données et faire rêver certains. Quoi qu'il en soit, l'argent n'est pas un but, c'est un moyen. Un moyen pour alléger cette vie de labeur. À nous de le désacraliser.

5.19.2008

comme dans le bon vieux temps

Mon homme m'impressionne. Quand nous habitions l'appartement de la rue Jarry, il me disait souvent qu'il était manuel. Il me le disait surtout quand il fallait bricoler quelque chose dans ce logement délabré. Moi, j'étais plutôt sceptique. Le voyant toujours assis à son ordinateur à se casser la cervelle sur du code, je ne comprenais pas où ni comment il aurait pu développer sa dextérité suffisamment pour se définir comme tel.

Eh bien, après le toit du cabanon il y a un mois, voilà que monsieur a tout donné de lui-même pendant deux jours d'effort et de dur labeur pour redresser notre clôture. Ainsi, sous un soleil de plomb samedi et un dimanche gris, lui et Nr., notre voisin d'à côté avec qui nous partageons la cloison, ont bûché en creusant, clouant, calculant, réalignant afin que les panneaux de bois viennent à présent s'arrimer à des poteaux neufs et solides.

Nr. est un homme au début de la cinquantaine à l'humour subtil et agréable, capable de détendre la rencontre. Ls., sa femme, porte le même prénom que ma mère et, comme je l'ai appris pendant ces deux jours à la côtoyer dans de multiples taches, a une énergie et une personnalité qui lui ressemblent beaucoup. Ls. est une femme à l'esprit pragmatique. À plusieurs reprises pendant les travaux de réfection, elle a soumis des idées pour faire avancer les choses plus rondement. Elle-même m'a avoué qu'elle aurait aimé travailler dans la construction, pour être à l'extérieur la plupart du temps plutôt qu'assise à un bureau à pousser une mine et pour développer cette intelligence du bâtiment si près de la logique et du gros bon sens.

Gl. et Nc., les anciens propriétaires du paradis, étaient de bons amis à Nr. et Ls. Les deux couples se sont voisinés pendant vingt-sept ans. Les filles de Nr. et Ls., qui sont aujourd'hui au début de leur vingtaine, venaient jouer dans la cour de Gl. et Nc. régulièrement lorsqu'elles étaient enfants puisqu'à l'époque, ils avaient retiré un des panneaux pour réunir les deux cours arrière.

Ces deux derniers jours à travailler de pair avec eux, nous avons resserré nos liens. Nr. et M. ont développé leur complicité en restaurant le clôture et Ls. et moi, nous avons travaillé de concert à soutenir l'effort des hommes et à teindre les poteaux et quelques panneaux.

Nous avons aussi partagé trois repas avec eux. Samedi midi, j'ai concocté un repas simple et efficace constitué de pizza, pâtes pesto et salade verte. Autour de la table, nous avons trinqué nos verres d'eau à ce labeur commun et appris à nous connaître un peu mieux.

Le soir venu, je suis enfin allée à la P'tite Charcuterie. Là, l'artisan charcutier préparent des terrines, des mousses et des saucisses sans agent de conservation, de coloration ou de liaison. Sur les lieux, un homme à l'accent européen m'explique que les viandes dans les comptoirs sont des produits locaux et qu'il est possible de faire des commandes spéciales de gibier. Je suis là parce que je veux des brochettes de poulet puisque que Nr. et Ls. cuisinent sur le barbecue une fois la neige fondue et qu'il y a longtemps que j'ai mangé un repas de viande. Je suis là aussi parce que je sais que cet endroit rentre dans la catégorie "artisanale" et donc que les produits sont le fruit d'un souci de qualité supérieure. Cette charcuterie pas comme les autres, nous avons la chance de l'avoir à un saut de crapaud du paradis. Autant en profiter. Alors, avec Nr., Ls. et une de leur fille, St., et son amoureux, Js., nous partageons ce repas délicieux composé aussi de salade quinoa et de croûtons au basilic que j'ai préparés.

À la fin de l'agape, St. nous invite à déguster un thé. Son amour de la boisson chaude est évident. Elle va chercher sa panoplie de sachets pour que nous choisissions chacun à notre tour la sorte qui nous plaît. J'opte pour un thé blanc à l'arôme délicat, tandis que Js., son amoureux, choisit un thé aromatisé à l'érable et aux noix. St. et M. partagent une théière de thé vert qu'elle rehausse d'une goutte de jus de citron frais. St. manipule tous les outils nécessaire à la préparation d'autant d'infusions et elle rayonne de plaisir. Je lui promets de lui offrir du rooibos, ce thé rouge aux mille et une vertus, qui n'est pas vraiment un thé, le rooibos n'étant pas un théier, mais plutôt un buisson rougeâtre de la famille des acacias.

Donc week-end de voisinage et de mains à la pâte. Travail drainant, mais satisfaisant. Réunion de plaisir, malgré l'accablement des fins de journée épuisante.

Mon homme m'impressionne, vraiment.

5.18.2008

tissu conjonctif et conjoncture

Mon corps ressent son passage entre les mains d'A-M, mon ostéopathe. Mon bassin dit "j'existe", mon coude dit "j'existe", mon crâne aussi. Pendant notre rencontre vendredi dernier, elle m'a écouté lui raconter les nombreux remous psychologiques de la dernière année. En fait, avec du recul, je dirais que le gros des mois difficiles se sont déroulés tout de suite après les deux premières rencontres que j'avais eues avec A-M. Je le réalise encore plus quand je lui relate en condensé les défis qui m'ont été donnés à relever pendant cette année qui s'achève en étant là, devant elle.

A-M est une femme de mon âge. Ses cheveux de jais sont de la même couleur que ses yeux. C'est une personne d'une écoute sans jugement, qui propose des pistes pour une meilleure santé globale. Ainsi, pendant qu'elle tâte mon estomac et qu'elle m'explique que mon intestin grêle est irrité, elle me demande si je suis encore végétarienne. Oui, mais depuis décembre, j'ai décidé de réintégrer un repas de viande biologique de temps en temps. Elle me demande mon type sanguin. Je suis O-. Ayant lu le fameux livre du docteur en naturopathie Peter J. D'Adamo, je comprends qu'elle aussi. Je sais qu'il me faudrait manger de la viande, faisant partie du groupe sanguin le plus ancien de l'espèce humaine, celui des hommes des cavernes, de la lance et de la chasse aux mammouths. Moi faim, moi manger chair calcinée dans feu, moi assimiler cette protéine mieux. Selon A-M, l'irritation de mon petit intestin pourrait s'expliquer par la consommation de légumineuses comme les pois chiches ou les fèves rouges, plus complexes à décortiquer pour mon système. Elle me recommande aussi de ne pas trop prendre de produits laitiers. Je ne prends qu'un yogourt aux deux jours environ et du beurre sur mes rôties du matin. Parfait. Elle poursuit en me demandant si je mange beaucoup de fruits de la famille des agrumes. Je prends un verre de jus d'orange à tous les matins. Elle va chercher le fameux livre sur une tablette derrière la table sur laquelle je suis étendue et elle déniche le tableau informatif dans lequel il est plutôt recommandé pour le groupe O de consommer du jus de pruneau, d'ananas ou de cerise noire. A-M me rappelle que le système digestif d'une personne du groupe O est plus acide que celui des autres groupes. Donc, décortiquer une viande satisfait mon estomac à l'acidité disposée à cette tâche. Ainsi, ayant un système plus acide, il me faut également éviter des aliments comme les produits laitiers qui acidifient le corps ou les fruits acidulés.

Pour tout vous dire, j'ai lu le fameux livre des groupes sanguins il y a environ huit ans. À l'époque, je bouffais toute littérature me permettant d'approfondir mes connaissances sur l'impact de l'alimentation sur le corps. Ce bouquin venait d'atterrir sur les rayons et, comprenant que le sang est le liquide porteur des nutriments allant gorger les organes, je me l'étais procurée et puis exploré.

Après l'introduction explicative, j'avais réalisé que je ne me souvenais plus de mon groupe sanguin. Je l'avais déjà su parce qu'en secondaire trois, dans notre cours de biologie, nous nous étions piqués le bout du doigt pour analyser la goutte écarlate, mais le temps qui passe avait emporté avec lui cette information. Alors, j'avais débuté la lecture de l'ouvrage, passant d'un chapitre à l'autre en tentant, par les informations avancées, de déterminer mon groupe sanguin en concordant mes préférences innées aux multiples tableaux d'aliments bénéfiques pour chaque groupe. Entre-temps, plus sérieusement, j'avais décidé d'aller découvrir mon groupe sanguin, mais j'appris alors que le processus prendrait environ deux semaines, d'un première rencontre avec un médecin dans une clinique sans rendez-vous à la prise de sang dans un centre de prélèvements, pour finir par l'analyse de mon liquide vital. Ce faisant, j'avançais dans ma lecture et, si je m'en tenais à mes préférences et à mon régime, je devais faire partie du groupe A, celui dont l'apparition dans le génome de l'espèce correspond aux premiers humains sédentaires ayant cultivé la terre pour récolter des céréales, des rhizomes, des fruits, des fines herbes, que sais-je.

Mais le décret tomba deux semaines plus tard et je sus que je faisais plutôt du groupe O, le plus nombreux, le plus ancien. Déçue peut-être par cette information qui ne correspondait pas avec mes penchants naturels, instinctifs, je dénigrai un peu le contenu du livre et le déposai sur une tablette pour l'oublier ou presque. Puisque je l'avais quand même lu ce livre et que malgré tout, les informations avaient collé.

Tout ça pour dire que selon A-M, qui réhabilite cette lecture à mes yeux, huit ans plus tard, je devrais aider mon système à faire selon sa nature pour optimiser ma santé globale et ainsi préparer un meilleur terreau pour la venue de la vie en moi.

Mais c'est ça aussi que j'ai aimé de ma rencontre avec cette femme qui a une petite fille âgée de neuf mois, c'est qu'elle m'a rassurée quand au processus de l'enfantement, elle qui s'est spécialisée dans la fertilité. Après m'avoir écouté débiter les remous des mois passés, elle a dit quelque chose que ma mère m'avait dit pas plus tard que la veille: mon corps a subi beaucoup de stress psychologique et donc un foetus aurait dû attacher solidement sa ceinture dans ses montagnes russes. Pas un bon moment pour porter un embryon. Un enfant, ça doit venir dans l'allégresse.

Donc les pendules sont remises à zéro. L'année de coups de dur a pris fin vendredi après-midi dans ce petit local où A-M m'a bercé l'âme en même temps qu'elle m'a réaligné le radius, replacé ma deuxième vertèbre, re-balancé le bassin, décongestionné l'intestin, assoupli les os du crâne. D'ailleurs, arrivé là, elle m'a dit que mes os étaient d'une rigidité inquiétante. Elle m'a demandé si j'avais eu de lourdes migraines dernièrement. Non. Étonnant selon elle. Je lui ai dis que c'est peut-être pour cela par exemple que mes idées noires étaient plus difficiles à chasser et que la larme à l'oeil me venait si facilement. Oui peut-être.

Je l'ai remercié. Je lui ai dit: "A-M R., moi, Ludivine S-J., te remercie d'avoir croisé mon chemin aujourd'hui pour tout le bien que je ressens." Elle a ri et a répondu "merci" humblement. Parce que c'est vrai que j'ai senti qu'une chape de tourments venait d'être retirée au contact de ses mains guérisseuses. J'ai tremblé et j'ai pleuré, mais cette fois, les larmes étaient paisibles, neutres de soulagement.

5.16.2008

préciser en exprimant

Aujourd'hui, dès le moment où je mets le pied dehors, dès que je sors du onzième, tout bouge.

D'abord, je recroise Dn., cet homme paisible et élégant. Il a le même âge que Fr., notre ancien voisin d'en-dessous. Il me salue, poliment, par "Hi Lu" cette fois-ci. Dommage, j'aimais bien le "Lady". Son accent est charmant. Jamaïquain, presque certaine. Il m'invite à arrêter dans le salon de coiffure quand je le veux. Parce qu'il porte toujours une chemise d'un blanc immaculé sur sa peau noire. Je crois qu'il est barbier. Je travaille là-haut, lui dis-je, en lui pointant le sommet de la Greene. Il pensait que j'habitais là. C'est tout comme. Quarante heures semaine, c'est presque un chez-moi ce foutu onzième. Je le salue et je file. J'ai rendez-vous.

Vivement mon ostéopathe. Je vous le dis, cette femme a été placée sur ma route pour guérir mon corps, ce véhicule nécessaire au bon fonctionnement de mon esprit.

Je descends donc à la station Henri-Bourassa pour me rendre chez elle. Je me rends vers le parc Ahunstic, cet oasis de verdure. Je vais couper au travers en me gavant du décor chlorophyllien. Un raccourci aux bouffées saturées de pollens de toutes sortes. Les pommiers sont en fleurs. Ce sont nos cerisiers japonais à nous. Toutes ces branches lourdes de pétales fuchsia, c'est d'une beauté à couper le souffle.

Mais je respire, bel et bien. Et je foule le tapis d'herbe et j'aperçois un triangle créé par trois érables, là tout près des rampes de skate, un espace défini par les trois troncs s'élevant en flèches, distanciés les uns par rapport aux autres en isocèle parfait et serré. Je me vois au coeur du triangle. Comme ça, tout d'un coup. J'ai l'intuition de ma place là, de l'énergie qui s'y trouve. Je m'y installe donc, après avoir déterminé la direction où mon corps doit faire face. Je comprends la position adéquate après un bref examen des racines. Mon instinct me fait stopper mon visage devant l'arbre qui a une souche qui déborde pour former une mare noueuse au pied de l'ancêtre aux ramures parées d'un vert tendre.

Au coeur, je ferme les yeux. Cet endroit, c'est mon temple. La sorcière en moi le sait, la prêtresse le reconnaît, l'humaine le perçoit. Ici gît la magie, ici passe le courant. Alors je commence.

Seigneur, merci.
Parce que tu es là et que tu m'aimes. Dans ces moments difficiles, ceux de l'incertitude étourdissante, tu m'écoutes et dans le brûlement des larmes qui piquent les yeux, tu me guides.
Merci pour tous ceux qui m'entourent et merci pour la grandeur de la création, la plus forte. À toutes tes manifestations, je reconnais ce langage clair et éblouissant, par ce cardinal flamboyant que tu m'as envoyé ce matin, par ces rencontres parfaites au moment parfait. Tu es tout-puissant. À moi de me rappeler que je suis une part de toi.

Suis-je croyante? Je me plais à penser que vous savez par maintenant que je parle à l'univers, que je communique à l'ensemble. Dans cette solitude d'être soumis à la liberté, je m'en remets au tout. C'est tout. Et si je dis "seigneur" ou "dieu" quand je prie, c'est par respect pour cette immense intelligence indicible. Un mot n'est qu'un mot. Ce qu'il désigne, c'est ça l'important.

5.14.2008

hier pour aujourd'hui

C'est décidé, je suis observé. Quelqu'un quelque part. Pour sûr, un oeil flotte.

Je pars en mission ce midi. Rares sont ces missions où je dévale la Greene pour aller prendre le métro, mais aujourd'hui, l'objectif se trouvait dans le Vieux-Port et donc la ligne orange me mènerait près du but. Je dévale donc, d'un pas plus que décidé. Les muscles de mes jambes, ceux longeant mes tibias - si de tels muscles existent - commencent à me brûler tellement je pousse la marche à la limite du rapide. Je ne jogge pas. Je déteste le jogging. Les bronches enflammées, très peu pour moi.

Qui se trouve là, juste après que j'aie traversé le coin de rues en diagonale? Eh oui, dans le mille, l'homme Noir classe au sourire doux. Je le salue, d'un pas pressé, terriblement déterminée à accomplir ma mission en une heure top chrono. Il me dit: "Hello lady." Je lui lance un bonjour. Belle journée, encore, comme nous sommes chanceux. Et là, il me dit, sans blague: "You're very gracious."

Mes pieds bloquent. Ma marche s'interrompt. Je rebrousse chemin. C'est plus fort que moi, vraiment, ça me tire vers cet homme et ça me fait lui baragouiner, à cet homme aux jambes croisées, dans un anglais maladroit, quelque chose comme quoi, justement, j'ai écrit à son propos pas plus tard qu'avant-hier, le jour où nous nous sommes vus et dit de lui qu'il est un exemple de dandysme, d'élégance. "Thank you lady! How nice of you." "Gotta go, see you soon." "OK lady, good day." Mais nous avons le temps d'échanger nos noms. "Call me Lu." Toujours compliqué mon prénom, même pour un francophone, alors imaginez pour un anglophone. Le tronquer donc. Lui, c'est Dn. Jamaïquain je crois.

Je file.

Je poursuis ma marche accélérée et je sors de la boutique où m'attendait un objet que j'offrirai à Tl., la petite fille de Jl., mon amie, et Tv., son mari. Tl. a eu trois ans lundi dernier, le jour où je décidais de commencer mon message avec ce chiffre.

Qui que tu sois, toi qui me regardes et m'observes, dis-moi, est-ce moi qui vois, sans le savoir?

Peu importe, je reviens sur mes pas, au même rythme soutenu. Il fait chaud. Le jour est à son zénith. Alors, j'ai retiré mon chandail à manches longues en coton léger et mes bras sont dénudés. Je suis en camisole. D'un pas rapide. Je me dirige. Objectif: boulot. Temps restant: moins d'une demi-heure.

Près de la bouche de métro, deux hommes discutent. Un d'eux lève le regard et le pose sur moi. D'accord, un regard, une personne, ça arrive pratiquement à toutes les secondes quand on marche sur une rue bondée. Je marche. Objectif, temps restant. Passant près d'eux, il me souhaite une bonne journée mademoiselle. Moi, je fais comme à mon habitude quand ça arrive ce genre de "bonjour" là, je lui renvois son salut, poliment. Mais sans ralentir le pas. Objectif. De toute façon, je ne ralentis jamais le pas à ce genre de "bonjour" là.

Il y avait longtemps qu'un homme ne m'avait interpellée, femme que je suis. Ce doit être quelque chose qui a à voir avec l'espèce. De temps en temps, l'homme chasse la femme. Il fait le brave et cherche à retenir son attention. Moi, le courage, je trouve ça noble, même si ça veut dire attendre au dernier moment pour s'adresser à la personne qui passe. Courage tout de même. Alors je reste polie et je poursuis mon petit bonhomme de chemin.

C'est le printemps. Les bras nus, ça suffit pour émoustiller. Ça nous ramène presque à une autre époque. Cheville sacrée, nuque gracile, poignets délicats. Articulations de chair pour un corps à deviner sous le costume. Heureuse de savoir qu'à cette époque, celle du baiser profond avec la langue échangé souvent au premier rendez-vous, il reste un peu de ce mystère qui fait que parfois, on imagine la rencontre avec l'autre par convoitise.

"Lady", ça me plaît bien. Ça fait autre époque ça aussi. Comme ma lecture des derniers jours qui prend place des années 1941 à 1947. Autre époque, autres moeurs. Guerre, Angleterre, Londres, amours, interdits, secrets.

Est-ce moi qui vois, sans le savoir?

5.12.2008

l'étranger

Trois. C'est le nombre d'étrangers qui m'ont adressé la parole aujourd'hui. Le premier, il s'est manifesté pendant mon heure de dîner, en compagnie de ma soeur G. Prenant toutes les deux un bain de soleil dans un petit parc charmant avant de remonter au onzième, les souliers dans un sol sableux semblable à une plage du sud, un homme est arrivé, tenant la main d'une enfant d'au plus deux ans. Il nous a saluées, comme un poli citoyen le fait envers un concitoyen qui partage un même lieu paisible. Bonjour à vous qui savourez le même moment que je m'apprête à savourer. Dans un état d'esprit communautaire. Ensemble. Ainsi, lorsque nous nous levons à peine deux minutes après leur arrivée, il lance quelque chose comme quoi notre halte ici prend fin déjà. Eh oui, que je lui réponds, le devoir du boulot. Bon après-midi qu'ils nous souhaitent avec la gentillesse d'une vieille connaissance. Quel baume.

Et puis, le deuxième étranger me paraît bien exotique lorsqu'il m'apparaît. Lui, assis les jambes croisées, m'a sans doute aperçue bien avant, dévalant la côte Greene d'un pas décidé à attraper la rame de métro qui me permet d'être dans la première moitié de la file d'attente de l'autobus quittant à 15 h 54 le quai d'embarquement. L'homme est un Noir aux allures de dandy, mais sans tout l'attirail, émanant une classe naturelle, l'air décontracté et serein. Poli lui aussi, mais d'une politesse semblable à celle de l'homme de cet après-midi, franche et apaisante. J'aime l'espèce humaine, qu'il vibre, et chacun mérite un respect authentique. Cet homme-là me rappelle les hommes au Bélize, ce petit pays aux routes de terre dont on entend jamais parlé au bulletin de nouvelles. Pendant quelques jours là-bas, j'ai vu ces hommes-là, pareil à cet homme-là, pouvant se contenter de s'asseoir confortablement des heures durant, à se faire lécher par l'Astre et le souffle aux humeurs suivant une mystérieuse symphonie. L'homme me regarde, il me voit. Je le vois aussi, quand enfin je l'aperçois, en traversant en diagonale le coin de rues, me dirigeant directement sur lui. Si je détourne le regard, je mens. Et ce mensonge est trop gros parce qu'il est clair que nous nous sommes vus. Il me sourit et je lui souris en retour. C'est tellement plus facile d'accepter cette venue de l'étranger, l'espace d'un instant de pure camaraderie au sein de l'espèce. D'autant plus que nous avons le bonheur ici d'échanger quelques mots et de nous comprendre, partageant le même langage, au sein de l'espèce aux millions de mots. Comment ça va? Bien. Bien. Beau soleil, belle journée. À bientôt et bon après-midi. Quel baume. De l'inattendu qui fait chaud au coeur.

Et puis, l'étranger numéro trois est une femme. Celle-là, c'est parce que les portes à l'arrière de l'autobus ne veulent pas ouvrir lorsqu'elle appuie sur l'une d'elles et qu'elle s'impatiente un peu et que je pousse doucement, là où il le faut, et qu'elle me regarde, quand les portes balancent enfin, l'air de dire "mais j'ai fait la même chose". Pour la rassurer et l'aider à faire diminuer sa pression artérielle, je lui dis que les portes de ce modèle d'autobus sont parfois capricieuses. Elle hoche la tête, d'accord avec cette idée qui fait que ce n'est pas elle l'incapable, mais plutôt la porte qui est capricieuse. Loin de moi l'idée qu'elle ne soit incapable, mais que voulez-vous, les gens ont tendance à se faire monter le rouge aux joues pour des pacotilles. Alors vaut mieux les rassurer et les aider à faire diminuer leur pression artérielle. Une mini-bombe de désamorcée, ça fait un mini-baume à tout coup, un mini ouf!

Et puis, il y a eu aussi deux pas étrangers tout à fait, mais un peu tout de même. Ceux que j'appelle mes réguliers. Ceux du trajet d'autobus, ces visages familiers qui s'activent aux mêmes heures que moi pour se transporter en commun. Ce matin, ce fût Jn., un des quatre fils d'en face, le plus vieux, celui aux airs rebelles, mais à l'énergie altruiste bouillant sous ce couvert looké. Le second, c'est en rentrant que je l'ai croisé, dans l'autobus de 15 h 54. J'ai rencontré J-F, ce jeune homme handicapé, qui bouffe toute littérature qui concerne les grands hommes politiques contemporains. Sa lecture d'aujourd'hui, la revue Le Point. Intello à l'os, mais toujours prêt à rire un bon coup. D'ailleurs, il s'esclaffe littéralement quand, en parlant des vacances, il m'annonce qu'il n'en a pas, jamais, avec grand sérieux, et qu'avec une ironie pleine de sympathie, je lui dis: "Ah oui, c'est vrai, tu es une machine. Jamais besoin de décrocher un peu." Il rit et rit et répète le mot "machine" comme s'il l'entendait pour la première fois. Enfin, il me dit que lorsqu'il prendra des vacances, ce sera pour faire un voyage à Amsterdam et à Cannes, seul.

Et parce que nous parlons d'étrangers sympathiques, sachez que demain, M. se verra offrir un cadeau sur l'antenne de CISM. Si vous voulez écouter en simultané, syntonisez le 89,3 juste après le bloc pub de 8 h. Maryse, l'animatrice de Pas de parcimonie, devrait dédier une chanson à mon amoureux, parce que je lui en ai fait la demande il y a un mois, pour son anniversaire, et qu'elle n'a pas eu le message à temps. Elle a donc décidé de le faire demain, un mois plus tard. M., qui adore Maryse, une étrangère, pour ses choix musicaux, va prendre la voiture afin de recevoir live ce cadeau particulier. Je dis "prendre la voiture" parce que mon chéri se déplace maintenant en scooter. Oui, oui, Jasmine a maintenant un petit frère que Honda a appelé Ruckus. Moi, je l'appelle Scoot, gentiment. M. c'est scooter boy. Zoom zoom. Et demain, Maryse lui envoie une rose, un papillon, une chanson. Juste pour lui. Avec amour. L'amour de faire des choses qui font sourire. Pour la beauté du geste qui multiplie cet état de détente qu'est le don, sans attache, gratuit et enrichissant. Les uns et les autres, unis par la force de la rencontre. Simplement.

5.09.2008

à portée d'attention

Autre chapelet de coïncidences. Sept petites billes, deux filons à suivre.

Premièrement:

- Ce matin, autour de 9 h 30, en revenant du petit coin, en passant dans un des couloirs du onzième, je remarque les photographies couleurs imprimées sur des pages 8 X 11.5 qui sont affichées là. Sur elles apparaissent les quatre gagnants de la cagnotte. Ils sont, chacun à leur tour, tombés sur une gomme blanche après avoir inséré 25 ¢ dans la fente et tourné la manivelle qui fait cric-cric-cric. C'est le club social qui a juché cette machine pleine de gommes aux teintes vives sur un classeur jaune malade, "parké" dans le couloir gris-beige sale au tapis bleu-mauve nettoyé aux trois ans illuminé au néon, il y a peut-être deux mois maintenant. Donc en passant là, remarquant les visages de mes heureux collègues chanceux, je me fais la remarque qu'il y a environ deux semaines que la dernière balle blanche a abouti dans la paume de quelqu'un. Je tends le cou un peu, rapidement et je ne vois aucune gomme blanche dans le lot. Peut-être étaient-elles toutes placées dans le fond du récipient? Je poursuis mon petit bonhomme de chemin.

Sur l'heure du dîner:

- Je sors pour marcher. Il y a quelques jours que je n'ai pas pu faire mon circuit. Je débute tranquillement, en traversant la Catherine et j'entame mon ascension vers les rues pentues. Comme à mon habitude, mon regard se porte sur tout se qui bouge et gargouille autour de moi. C'est surtout la nature qui attire mon attention, à part quand une Mercedes passe à deux doigts de me couper les jambes. En regardant les corolles des tulipes fixées au bout des longues tiges vert menthe, je pense à cette fleur rouge qui a retenu mon attention hier et que je vous ai livrée avec ce "presque une rose" pour titre de message. Je pense à la suite des mots "presque une". Je pense au fait qu'il m'a fallu regarder dans le dictionnaire pour déterminer s'il y avait place à élision. Je pense au mot élision. À sa spécificité. À son rôle pour décrire une règle du français écrit. Et puis, je continue mon petit bonhomme de chemin.

À la toute fin de mon heure:

- Je vais chez Johnny Coutu et débourse 1,98 $ bien exactement pour mon achat. En regardant un affreux bol de platisque rouge qui m'encourage à prendre a penny en cas de besoin, je dis à la caissière de garder les sous noirs.

En après-midi, en revenant d'un autre tour au petit coin:

- Je vois Pl., mon collègue Italien à l'humour corrosif, qui agite les bras théâtralement et qui ne cesse de dire que c'est lui qui aurait dû gagner. Je comprends assez rapidement que Mr., une autre collègue, Italienne aussi, à l'humour tout autant corrosif, vient tout juste de voir tomber une boule blanche dans le creux de sa main en coupe. Pl. joue l'offensé en disant que c'était la sienne, qu'il est celui qui a mentionné qu'il la sentait venir cette gomme blanche à laquelle une belle cagnotte doit être rattachée puisqu'il y a un bout que personne ne l'a remportée. Dans sa paume, pas de gomme blanche, mais 23 ¢. Il se plaint que Vr., notre collègue, n'a pas bronché lorsqu'il a dit qu'il lui manquait 2 ¢ pour tenter sa chance.

Je dis:

- Pl., j'ai laissé deux sous noirs au Jean Coutu. Ce à quoi il répond: Damn!

Et puis, cinq minutes plus tard, lorsque Mr. s'installe pour se faire prendre en photo afin d'aller rejoindre le mur des winners:

- Ma soeur G. qui travaille juste à côté de moi, me demande ce que veut dire le mot "élision" parce qu'elle travaille à un texte et elle vient d'écrire "j'haïrais", mais le correcteur le souligne et lui indique la règle de français. Je lui explique que l'apostrophe ici n'est pas à utiliser, qu'elle doit réhabiliter la lettre "e" au pronom. Eh bien.

Dernièrement, mais joyeusement:

- La cagnotte est calculée et Mr. pourra s'acheter une bonne bouteille ce soir puisque 23 $ de gommes mâchées lui reviennent. La plus grosse gagnée jusqu'à aujourd'hui. Pl. regarde les 23 ¢ au creux de sa main, piteusement, les yeux ronds comme les deux zéros manquants afin de rivaliser ce montant.

5.08.2008

presque une rose

5.06.2008

il y a de l'électricité dans l'air

J'ai un nouveau bébé. Après le souper et après avoir rédigé gentiment ce message, je vais m'asseoir tranquillement avec mon petit bijou pour découvrir comment l'utiliser correctement. Enfin, je pourrai mettre derrière moi tous les ∂ ‍ ‍‍ ‼ ΰ ¿ §⌂ ₪ ♪ ¡ que je lâche dans ma tête à chaque fois que mon citron de merdique d'appareil Canon me meurt sous les yeux au bout de quelques photos seulement, et ce après l'avoir renvoyé deux fois chez le fabriquant, à la recherche de cette bibitte bizarroïde qui brouille les circuits, pour me faire dire à tout coup qu'il n'y a rien qui ne va pas chère petite dame, vous hallucineriez pas un peu? J'ai fait une grosse bourde en achetant un appareil ré-usiné pour économiser un pauvre 200 $ il y a deux ans, mais que voulez-vous, il paraît qu'on apprend de nos erreurs. Alors voilà, mon nouveau bébé s'appelle Nikon D40 et je l'ai pris dans mes mains il y a dix minutes pour envoyer une prière au cosmos: svp, faites que cet appareil m'accompagne pour le restant de mes jours et me procure des moments de pure satisfaction, à chacune de mes utilisations.

Il vous semblera peut-être ridicule d'imaginer cette scène, mais vraiment, je commence à comprendre que si je ne fais pas la paix avec les appareils électroniques que j'utilise dès le début de notre relation, je ne pourrai jamais récupérer cette opportunité de clarifier la situation des ondes qui doivent se comporter en bonnes colocs. Plus simplement, l'humain, moi, émet des ondes, traversé de champs magnétiques. Les appareils électroniques avec lesquels nous rentrons en contact émettent aussi des ondes émanant de leurs propres champs magnétiques. Face à mon ordinateur ou mon appareil photo numérique, j'émets, il émet, nous émettons, alors il faut que nos vibrations s'harmonisent pour assurer le bon flot qui débouchera à la bonne marche de l'interaction.

Folie? Si seulement. Dans mon cas, deux appareils m'ont prouvé qu'il est possible d'entretenir des relations d'amour-haine avec eux. Le premier cas des deux, c'était avec mon ordinateur acheté avec mon premier prêt à vie. J'étais universitaire à l'époque et j'ai bénéficié d'un programme gouvernemental pour faire l'emprunt sans intérêt. Quand l'ordinateur est arrivé chez moi, il ne m'a fallu que quelques jours pour retourner avec lui au magasin qui avait construit mon bolide. Le gars chez Microbytes n'avait rien pu trouver. Ce n'était ni la tour contenant les circuits, ni l'écran. Le problème, c'est que l'écran se brouillait étrangement, sans jamais crier gare d'abord. Il brouillait, c'est tout. J'ai même essayé de changer mon ordinateur de place dans l'appartement, sous recommandation d'un spécialiste de l'informatique qui m'a assuré que ça pouvait peut-être aidé, vu que les ordinateurs rentraient parfois en interférence avec d'autres champs magnétiques. Tiens encore eux. Bref, le gars de Microbytes, eh bien celui-là avait diagnostiqué que mon ordinateur souffrait d'un poltergeist. Il était bien sérieux. Il m'expliqua que ça arrivait parfois, très rarement, qu'un ordinateur délirait sans explication.

Mon nouveau bébé fait un beau bruit quand j'appuie sur le déclencheur pour saisir un cliché. C'est un bruit doux qui me dit: cette fois, c'est la bonne.

5.04.2008

avec respect

Ils ont perdu. Malgré le premier but qui leur appartenait, malgré leur avance de deux buts en deuxième période, les Flyers l'ont remporté. Rendons à César ce qui est à César. Bravo (et une chance que vous aviez cette palissade de Biron et ce terriblement efficace Umberger). Bravo à vous aussi chers Canadiens qui avez réveillé la ville et sa province en ravivant le partisan sommeillant en nous depuis trop longtemps. J'espère que ce n'est que partie remise pour la saison prochaine.

Nous étions donc installés dans le divan orange hier soir quand de la joie d'une victoire, nous sommes passés à la tristesse de ne pas accompagner le tricolore plus loin. Avec nous, il y avait Nc. et Gl., les anciens propriétaires du paradis. Nous venions de terminer le souper. Il y avait des mois que tous les quatre, nous essayions de faire coïncider le meilleur moment de rencontre. Depuis notre installation, nous savions qu'ils figuraient sur notre liste d'invités à convier dans notre demeure.

Nc. est rentrée pareille à une souris. Ce n'était pas sa première fois depuis leur déménagement d'il y a presqu'un an, mais cette maison a été la leur vingt-sept ans. Encore une fois, elle a posé son regard sur chaque recoin de cet espace dans lequel elle avait tramé une foule de petites habitudes. Comme celle de s'asseoir à une place précise dans le salon, là où Gl. s'était installé pour regarder le match hier soir. En riant un peu quand nous étions à la cuisine en train de ranger après le dessert, elle m'a dit qu'elle avait failli s'installer sur le genoux de son homme par la force de ce vieil automatisme.

Je tenais à les recevoir parce que nous sommes conscients que cette maison, c'est grâce à eux, à leur énergie, que nous y sommes si bien aujourd'hui. Bien que nous ayons rafraîchi la décoration et épuré les lieux, comme les deux nous l'ont dit à plusieurs reprises hier soir, l'âme du paradis, c'est eux qui l'ont couvée. Avec leur bonhomie et leur générosité, ils ont imprégné la charpente et maintenant, nous bénéficions de ces vibrations positives.

Pendant que nous mangions, j'avais laissé la porte patio entrouverte malgré le temps frais. Des merles, des étourneaux et des bruants se relayaient sur les fils électriques et sur les clôtures pour remplir l'air de mélodies. Gl. et Nc. nous ont dit que ces chants leur manquaient maintenant qu'ils habitent un condo où il n'y a pas d'arbres matures, ni de parc pour attirer et protéger de son couvert la faune. Gl. nous a demandé si nous reconnaissions le chant du cardinal. Oui, c'est notre oiseau totémique, l'être mystérieux.

Ils nous ont parlé du voisinage, de tous les enfants qu'ils ont gardés, de cette petite fille qui habitait à deux maisons du paradis et qui était venue une fois s'installer sur les marches d'entrée pour regarder Gl. tondre le gazon. À un moment, Gl. lui avait offert des chips, qu'elle avait acceptées, et pour faire une blague, il lui en avait mis dans ses poches. La maman avait appelé Gl. pour le tancer. Il est comme ça Gl., boute-en-train.

Ah, j'entends mon amoureux qui circule en traînant ses savates d'une pièce à l'autre. Il vient tout juste de me déposer un bi dans le creux du cou après m'avoir saluée. Aujourd'hui, monsieur change notre toilette. L'amoureux de sa mère, Rc., qui a construit toute sa maison de A à Z, vient lui donner un coup de main. Une fissure dans le coude nous oblige à la changer. Nous opterons pour une toilette écologique qui nécessite moins de litres d'eau pour le renvoi de nos besoins. Saviez-vous que nous sommes la seule espèce qui évacue dans l'eau, à part la faune marine bien sûr? Dans de l'eau potable devrais-je ajouter. Au Japon, il réutilise les eaux usées des maisonnées pour alimenter les réservoirs des toilettes. Dans la contrainte, l'humain trouve les solutions pour s'adapter. Ici, avec tout cet or bleu à perte de vue et à portée de main, qui penserait intégrer cette technologie dans nos demeures? Heureusement, nous allons dans la bonne direction. Les mentalités s'ouvrent et accueillent l'urgence de faire notre part. À ce sujet, si vous avez oublié à quel point la Terre est forte et belle, regardez l'émission Découverte dans les prochaines semaines qui rediffuse la série Planète Terre. Ça donne le goût d'y rester encore longtemps, avec humilité.

5.02.2008

douleur et péché mignon

Mes patrons au onzième, ils réagissent. Parce que les blessures se multiplient, ils bougent leurs fesses et hier en rentrant travailler, Rc. et moi, nous avons été invité à tester de nouvelles tables de travail. Rc. souffre d'une tendinite elle aussi. Comme moi, c'est la manipulation répétée de la souris qui la tue. Son remède miracle, c'est un bon verre de rouge quand elle n'en peut plus, combiné à ses anti-inflammatoires. Elle sait bien que c'est risqué de mélanger alcool et médication, mais ça fonctionne bon dieu.

Mais en plus de Rc. et moi, il y a Ln. aussi, qui est partie chez elle depuis la mi-avril, après s'être fait injecter de la cortisone dans le bras. Tendinite. Ma soeur G. a elle aussi une douleur qui revient de temps en temps. Vr., une autre collègue, a des points dans le dos, à la hauteur des épaules. Et d'autres, et d'autres. Bref, nous sommes des éclopées parce que utilisatrices de nos stations de travail qui ont besoin d'être rafraîchies.

Après trois traitements chez l'acupuncture, j'ai décidé d'attendre mon rendez-vous chez l'ostéopathe. Les aiguilles n'ont pas amélioré ma condition. Il m'aurait fallu continuer les sessions, mais j'ai appris que mon assureur ne me rembourse les frais d'acupuncteur seulement s'il est un médecin Canadien pratiquant cette science particulière. Fr., mon acupuncteur, n'est pas un de ceux-là. Ch., mon amie-collègue, connaît un bon acupuncteur médecin Canadien. Elle a connu auprès de lui de bons résultats. Je store donc l'information dans mon tiroir "choses à retenir pour utilisation future".

Entre-temps, ma mère m'a appelée hier pour me dire que dans son bureau, deux secrétaires ont aussi souffert de tendinites. Une d'elle a réussi à calmer la brûlure qui lui montait jusqu'à l'oreille en combinant l'utilisation d'une souris genre joystick pour sa main droite, l'utilisation de sa main gauche pour la manipulation de la souris conventionnelle et des massages sportifs. Après une brève recherche sur le net, j'ai trouvé cette souris ergonomique dont j'ai imprimé les informations pour les donner à un de mes patrons qui m'a demandé si ça venait avec des jeux vidéo. Ma mère m'a fourni les coordonnées du masseur et en retour, je vais les afficher sur un tableau de liège au onzième pour que tous mes collègues puissent bénéficier des services de cet expert.

Assez pour ça.

Sur un tout autre sujet, j'ai découvert un autre paradis du cupcake. Parce qu'il faut bien se faire plaisir, je reste à l'affût et c'est ainsi qu'en marchant sur la très jolie Monkland, j'ai aperçu le nom de ce comptoir à pâtisseries: Cho'cola. Les choix sont nombreux et c'est une maman qui a ouvert cette enseigne. En plongeant mes dents dans mon petit gâteau au Grand Marnier - moi qui ne raffole pas particulièrement des gourmandises qui ont une saveur alcoolisée - j'ai compris qu'après l'avoir mangé, je serais rassasiée de sucré pour les semaines à venir. Wow. Vive cette mode des cupcakes! Ça rend joyeux, du moment où il faut se décider avec lequel on repart, au moment où on le déguste, en passant par l'instant où tous les collègues salivent en regardant cet objet comestible surmonté d'une rosette de glaçage chocolaté sortir de sa coquette petite boîte. Menoum.