orphelins de l'Éden

5.16.2008

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Aujourd'hui, dès le moment où je mets le pied dehors, dès que je sors du onzième, tout bouge.

D'abord, je recroise Dn., cet homme paisible et élégant. Il a le même âge que Fr., notre ancien voisin d'en-dessous. Il me salue, poliment, par "Hi Lu" cette fois-ci. Dommage, j'aimais bien le "Lady". Son accent est charmant. Jamaïquain, presque certaine. Il m'invite à arrêter dans le salon de coiffure quand je le veux. Parce qu'il porte toujours une chemise d'un blanc immaculé sur sa peau noire. Je crois qu'il est barbier. Je travaille là-haut, lui dis-je, en lui pointant le sommet de la Greene. Il pensait que j'habitais là. C'est tout comme. Quarante heures semaine, c'est presque un chez-moi ce foutu onzième. Je le salue et je file. J'ai rendez-vous.

Vivement mon ostéopathe. Je vous le dis, cette femme a été placée sur ma route pour guérir mon corps, ce véhicule nécessaire au bon fonctionnement de mon esprit.

Je descends donc à la station Henri-Bourassa pour me rendre chez elle. Je me rends vers le parc Ahunstic, cet oasis de verdure. Je vais couper au travers en me gavant du décor chlorophyllien. Un raccourci aux bouffées saturées de pollens de toutes sortes. Les pommiers sont en fleurs. Ce sont nos cerisiers japonais à nous. Toutes ces branches lourdes de pétales fuchsia, c'est d'une beauté à couper le souffle.

Mais je respire, bel et bien. Et je foule le tapis d'herbe et j'aperçois un triangle créé par trois érables, là tout près des rampes de skate, un espace défini par les trois troncs s'élevant en flèches, distanciés les uns par rapport aux autres en isocèle parfait et serré. Je me vois au coeur du triangle. Comme ça, tout d'un coup. J'ai l'intuition de ma place là, de l'énergie qui s'y trouve. Je m'y installe donc, après avoir déterminé la direction où mon corps doit faire face. Je comprends la position adéquate après un bref examen des racines. Mon instinct me fait stopper mon visage devant l'arbre qui a une souche qui déborde pour former une mare noueuse au pied de l'ancêtre aux ramures parées d'un vert tendre.

Au coeur, je ferme les yeux. Cet endroit, c'est mon temple. La sorcière en moi le sait, la prêtresse le reconnaît, l'humaine le perçoit. Ici gît la magie, ici passe le courant. Alors je commence.

Seigneur, merci.
Parce que tu es là et que tu m'aimes. Dans ces moments difficiles, ceux de l'incertitude étourdissante, tu m'écoutes et dans le brûlement des larmes qui piquent les yeux, tu me guides.
Merci pour tous ceux qui m'entourent et merci pour la grandeur de la création, la plus forte. À toutes tes manifestations, je reconnais ce langage clair et éblouissant, par ce cardinal flamboyant que tu m'as envoyé ce matin, par ces rencontres parfaites au moment parfait. Tu es tout-puissant. À moi de me rappeler que je suis une part de toi.

Suis-je croyante? Je me plais à penser que vous savez par maintenant que je parle à l'univers, que je communique à l'ensemble. Dans cette solitude d'être soumis à la liberté, je m'en remets au tout. C'est tout. Et si je dis "seigneur" ou "dieu" quand je prie, c'est par respect pour cette immense intelligence indicible. Un mot n'est qu'un mot. Ce qu'il désigne, c'est ça l'important.