orphelins de l'Éden

5.21.2008

pécule permanent

Ça y est, l'univers a décidé que ça débloquait enfin pour mon processus de permanence. Je signe le 6 juin prochain. Ce jour-là, je serai assermentée comme membre officiel du onzième, là pour rester, si je le veux, toute ma vie professionnelle, si je le désire ainsi. M. viendra, ma mère aussi, ma soeur G., son amoureux peut-être, des collègues qui travailleront cette journée-là. J'aimerais que le tout se fasse dans l'allégresse, des rires plein l'atmosphère. Il y a eu assez de découragement et de larmes. Voici venu le temps du soulagement.

Et puis, when it rains, it pours. Dans le bon sens. M. est rentré du travail hier soir, une bouteille de vin à la main. Monsieur avait eu son évaluation dans l'après-midi et après seulement dix mois de services rendus dans sa boîte, son patron lui a offert une augmentation.

Nos assises financières se stabilisent donc drôlement, bien que nous soyons plus du genre fourmis que cigales depuis longtemps déjà.

Le travail qui donne l'argent, moi je n'ai pas de problème avec ça. De toute façon, c'est dans notre nature de nous occuper les mains et la tête. C'est vrai que le rythme du quarante heures semaine peut devenir aliénant, c'est vrai. Mais à chaque jour suffit sa peine et même si j'étais installée à ma table dans un champ en Italie avec vue sur la mer au bout d'une terre cultivée à écrire, je travaillerais encore. Je travaille quand je cuisine, je travaille quand je vous écris, je travaille quand je marche, quand je rencontre, je travaille aussi. Je travaille ma conscience, mon rapport à l'autre, l'harmonisation selon les personnalités et les affres de l'ego. Je travaille quand je lis. J'apprends de nouveaux mots, je m'imagine les univers décrits, je me plonge dans les sentiments pour m'en gaver, je digère la matière. Je travaille constamment, même quand je me repose, je travaille, à me refaire une santé. Le travail, c'est la santé. Et l'argent qui s'en suit, c'est la monnaie d'échange. Je donne mon énergie à un employeur qui me rémunère et à mon tour, en me procurant ce dont j'ai besoin, je donne ma rémunération à quelqu'un qui a donné son énergie.

Fr., notre ancien voisin d'en dessous, me félicite quand je l'appelle en rentrant du travail pour lui annoncer les bonnes nouvelles et prendre des nouvelles de lui et Pr., son amoureuse. Nous parlons pendant une bonne heure. J'ai l'oreille en chou-fleur quand nous raccrochons l'appareil, mais je le sens satisfait d'avoir pu se libérer des derniers développements de la saga dans laquelle Pr. se retrouve plongée. Pr. souffre de plus en plus de blancs de mémoire et sa santé mentale se détériore à une vitesse fulgurante. Une de ses soeurs gèrent ses finances, c'est pour dire. Mais justement, là où il y a de l'argent, il y a des rapaces et le pire de chacun se révèle. Parce que Pr., qui vit pauvrement depuis des années, abandonnée de tous, de ses soeurs et frères et de ses propres enfants, à part pour Fr., vient de se voir octroyer une pension d'un ancien employeur. Tout à coup, elle a des sous et d'un coup de baguette magique, ses soeurs l'appellent pour l'amener magasiner et son fils débarque pour repartir avec les poches un peu plus pleines.

Moi, je vous le dis, le tabou dans notre société, ce n'est ni le sexualité ni la religion, pas même l'allégeance politique. Le tabou, c'est l'argent. L'argent dans le couple, l'argent dans les familles, l'argent entre amis. L'argent est une ressource, rien d'autre et pourtant, sans lui, il faudrait revenir à la source, à ce moment-là où l'humain échangeait son talent. L'argent est un choix de société. Il a été jugé plus simple de recevoir de l'argent pour son talent pour ensuite choisir ce que l'on en ferait. Un genre d'outil intermédiaire. L'argent est un outil obtenu par l'effort. Mais pas toujours bien sûr. Il y a la criminalité et la loterie pour venir brouiller les données et faire rêver certains. Quoi qu'il en soit, l'argent n'est pas un but, c'est un moyen. Un moyen pour alléger cette vie de labeur. À nous de le désacraliser.