orphelins de l'Éden

5.26.2008

la roue tourne, toujours

Au téléphone, il y a moins d'une heure, ma grand-maman m'a assurée que je n'avais pas à arroser mon jardin. Puisque j'ai semé des haricots, des bettes à carde, des capucines et des radis dans le potager, j'ai l'impression qu'il leur faut une tonne d'eau pour qu'ils arrivent à germer. Sans parler des graines de fleurs dans les pots, mais bon, M-H, si tu me dis que les tiennes ne se sont pas animées en semis, je crois que c'est foutu.

Ma grand-maman était triste au bout du fil. Sa voix était voilée lorsque je lui ai demandé des nouvelles de ma tante Eg. Vous vous souvenez de mon grand-oncle décédé à la fin de mars? Eh bien, voilà que sa veuve, son amour de toujours, est hospitalisée. Le médecin a averti ses enfants de se préparer à ce qu'elle n'en ressorte pas. Grand-maman dit que ça fait partie de la vie tous ces départs, mais je sens que cette proche perte lui pèse terriblement. Elle voit sa famille décimée par les années qui s'enchaînent et elle, elle est un témoin, de plus en plus seule face à ce passé qui l'a vue évoluer parmi les siens. La vie qui s'éloigne donc.

La vie, celle qui est palpable, celle sur laquelle nous avons emprise, c'est celle du présent. Ainsi, je continue à plonger mes racines dans l'environnement du paradis. Il y a un an, M. et moi venions de recevoir les clefs de la maison et tranquillement, nous commencions à imprégner les lieux. Aujourd'hui, à l'arrêt d'autobus, tous ces jours plus tard, j'ai parlé avec J-D, ma deuxième voisine à notre gauche, pour la troisième fois.

C'est la semaine dernière que je l'ai rencontrée pour la première fois à l'arrêt. C'est elle qui m'a reconnue puisqu'elle s'est informée de la clôture que nous avions retapée pendant la fin de semaine qui venait de passer. Au cours de notre deuxième conversation, qui a aussi pris lieu la semaine dernière à l'arrêt, en attendant l'autobus de 6 h 27, nous avons parlé jardinage et conserves maison. Elle m'a gentiment offert de me donner sa recette de relish absolument délicieuse à ses dires.

Alors ce matin, lorsque je l'aperçois à l'arrêt pour notre troisième rencontre. Elle m'apprend qu'elle s'est rendue à Montréal samedi pour aller voir une exposition de courtepointes d'une beauté inouïe. Elle espère remporter le prix du concours lancé aux visiteurs qui est une de ces oeuvres cumulant des heures et des heures de travail minutieux. Elle m'explique qu'elle en a elle-même fabriqué cinq depuis quelques mois seulement, depuis qu'elle a pris un cours en fait. Je l'écoute me parler de cet artisanat complexe et elle m'apprend que ces couvertures conçues de nombreuses pièces de tissus peuvent être enregistrées au patrimoine. Elles font donc partie de notre héritage collectif.

Arrivée au travail, je parle avec Nc., ma patronne, de ma rencontre du matin. Elle me dit que c'est bizarre parce que justement, en fin de semaine, elle s'est rendue chez son frère parce que sa belle-soeur est mourante. Cette femme conçoit des courtepointes à temps perdu, comme hobby. Dernièrement, elle hésite à en commencer une autre parce qu'elle ne veut pas la laisser inachevée, en plan.

Alors par cette journée pluvieuse, la mort a rôdé, tout près. Elle est aussi venue ce soir, dans ma conversation avec J-P, ce jeune homme que je rencontre dans l'autobus de 15 h 54 parfois. Pendant tout le trajet, nous avons conversé, de l'embarquement à ma descente à mon arrêt. J'apprends qu'il a retrouvé plusieurs anciens copains de classe, pas grâce à Facebook, mais plutôt parce qu'il est tombé sur un site Internet des anciens élèves du lycée français au Cameroun où il a étudié pendant quatre ans. Il me parle de la vie là-bas. Il tranche que sans l'école, ça aurait été franchement ennuyant là-bas. Il m'explique que sa liberté était restreinte à cause des dangers à se promener dans les rues, tout simplement. Heureusement, qu'il m'apprend, il revenait ici passer les étés. Pendant notre discussion, il dit qu'ils étaient lui et son frère à fréquenter le lycée et qu'ils étaient reconnus là-bas comme les deux Canadiens. C'est parce que je m'enquiert à propos de son frère qu'il me dit qu'il est décédé. Une tristesse passe alors sur son visage et par son air, je comprends que c'est un secret douloureux qu'il porte. Je lui donne mes condoléances. Il n'est jamais trop tard pour compatir avec un endeuillé.

La Faucheuse était aussi là lorsque j'ai terminé mon roman d'Aharon Appelfeld, un auteur Juif, dans l'autobus ce matin. À la fin du récit intitulé Tsili, la jeune héroïne se fait opérer parce que son foetus est mort et qu'il doit être extirpé de son utérus. Un peu glauque comme passage.

Heureusement, une journée est composée de plusieurs fils conducteurs, de plusieurs moments. La triste fin se mêle aussi au renouvellement des débuts. Grossesses nombreuses au bureau, nouvelle demeure pour Al., mon ami-collègue, nouveau ré-aménagement à partir de demain au onzième, premier jour d'exploration pour le robot qui vient tout juste d'émerger de la sonde qui s'est rendu jusqu'à Mars. À nous de boucler la boucle en reliant chaque pièce les unes aux autres. Tiens, un peu à l'image d'une courtepointe à la beauté inouïe.

1 Comments:

At 1:00 a.m., Anonymous Anonyme said...

Tu sais, tes fleurs, c'est la vie. Alors qui sait peut-être elles ouvriront leur pétales malgré le fait qu'elles soient semées un peu tardivement ? On ne sait jamais !

La vie la mort, on jour avec comme avec un pantin. On tire les ficelles et puis... oui et puis non, pas ce soir...

On jour avec mais un jour on ne joue plus...
On se dit : ce soir j'ai joué, c'était rigolo, on s'amuse bien à froler la mort dans le fond. Ça nous permet de se sentir invincible... de ce sentir en vie.

Et puis finalement, on réalise que, ce n'est pas si drôle, et qu'on ne gagne pas grand chose à jouer à ce genre de jeu..... Parceque de toute façon, il n'y a pas de prix à gagner .... puisque la vie, on l'a déjà, on nous la redonnera jamais...

 

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