orphelins de l'Éden

12.30.2008

test échoué

Je n'ai pas touché de bois. Foutu de merde, je n'ai pas touché de bois. Alors voilà, c'est raté. J'ai pleuré à nouveau. Malgré mon impression d'être plus forte, malgré les bons voeux de Ziwi, j'ai craqué. Premier jour de sang coïncidant encore une fois à l'annonce d'une nouvelle grossesse dans mon entourage. Décidément l'ironie céleste n'a pas dit son dernier mot.

12.29.2008

pardon

Un mot me chicote la cabosse aujourd'hui. Jalousie. Ce poison qui atrophie le coeur pour le transformer en pierre. Jalousie de ce qu'est l'autre, de ce qu'il a de plus que nous, de ce qu'il peut de plus, de ce qu'il réussit mieux. Jalousie parce que l'on ne se connaît que trop. Jalousie qui s'abreuve de notre faiblesse, de notre incapacité à nous dépasser, à aller plus loin que ce foutu gazon plus vert, de se relever les manches et de dire non à cette mensongère, cette jalousie, et plutôt de crier oui à l'accomplissement par motivation obtenue par alchimie des sentiments.

Ai-je déjà jalousé? Peut-être est-ce parce que je suis trop bonne avec moi-même, mais je crois que j'ai davantage péché par envie. Quelle est la différence me direz-vous? Jalousie, envie, c'est du pareil au même. Eh bien, pas à mes yeux. Jalousie rime avec haine tandis qu'envie s'apparente à de la convoitise. Mais partout dans les dictionnaires, l'un est rapporté à l'autre. Jalousie à envie, envie à jalousie. Du pareil au même donc. Même que c'est l'envie qui figure parmi la nomenclature la plus communément utilisée pour désigner l'un des sept péchés capitaux. N'empêche, bien que j'aie péché d'envie cette année et à d'autres moments dans ma vie, je considère que mon âme n'a jamais entretenu assez de méchanceté pour vouloir arracher quoi que ce soit à qui que ce soit. Intuitivement j'ai toujours su que si tel avait été le cas, je n'aurais pas joui de ce que je n'aurais pas acquis de manière honnête. Si je veux obtenir quelque chose dans la vie, quelque chose de matériel ou de spirituel, c'est à moi de fournir l'effort qui me permettra de parvenir à mon but. La jalousie gruge et suce l'âme. Le laid n'est pas ma nourriture.

Oh la, la, bien sérieuse la blogueuse à l'orée de la nouvelle année, à l'aurore de ce pénible périple qui aura duré douze longs mois. Samedi soir, chez la maman de M., pendant le repas, nous avons abordé le sujet de l'année à venir. Avec franchise, j'ai avoué en désiré une cent mille fois meilleure que celle qui s'achève. Rc., le conjoint de Cl., la maman de M., a fait une remarque comme quoi il ne fallait pas dire une telle chose. Je crois qu'il sous-entendait que la vie est longue et qu'on peut parfois avoir des moments plus difficiles que d'autres et qu'il faut tenir bon. Eh bien cher Rc., c'est ce que j'ai fait cette année, j'ai tenu bon. Et comme je te l'ai dit à ce moment-là, oui cette année qui se conclut figure parmi les plus merdiques de toute ma vie. Mais je sais bien que maintenant, toutes mes joies seront mesurées grâce à toutes ces tristesses qui m'ont été données de passer au travers. Je sais que plusieurs parts de moi sont mortes au sortir de ces épreuves qui se sont dressées sur mon parcours. Heureusement, la plupart d'entre elles avait besoin de le faire.

Et je crois que tout arrive
Tout vient à
Qui sait mourir
Pour mieux revivre
Ce n'est pas sans peine
Je crois qu'on revient mieux
Après le deuil de soi-même

(paroles tirées de Revivre de Daniel Bélanger)

Revenue mieux, oui. Grandement. Plus de larmes vaines depuis presqu'un mois maintenant. Autant dire une éternité avec la mer salée que j'ai envoyée au dépotoir cette année par voie de milliers de mouchoirs imbibés. Étonnant que mes glandes lacrymales ne se soient pas complètement asséchées d'avoir été à ce point surmenées. Mais de loque envieuse et égarée, je suis redevenue un être aux humeurs normales, tout juste affecté par son biorythme. J'ai retrouvé le délice des jours complets sans remue-ménage des méninges, l'élixir de l'humour léger et jojo, la complicité sereine avec la race humaine, l'enveloppement discret du grand manitou. À nouveau forte de moi-même. À l'abri de toutes les jalousies.

12.27.2008

bonne nuit

Dans mon dernier rêve duquel je m'éveille à peine, il y avait une foule de monde, dont beaucoup du onzième, avec qui je devais me rendre travailler à New York, et j'étais malade d'une étrange maladie qui me remplissait le sexe d'insectes grouillants et me faisait régurgiter des légumineuses entières une à une. Enfin bref, l'important c'est que juste avant d'ouvrir les yeux définitivement, j'ai vu mon grand-père qui est décédé depuis bientôt onze ans. Il demandait quelque chose pour l'aider à voir en me tendant une boîte et en me disant qu'il n'arrivait plus à retrouver l'objet transparent. J'ai d'abord mis le doigt sur une lentille cornéenne, mais ce n'était pas ce qu'il voulait. Il m'a dit que c'était encore plus petit. Finalement, j'ai retiré de la boîte un iris bleu glacier comme ses yeux et là, il m'a remercié, c'est ce dont il avait besoin. Il se l'est installé et quelques instants plus tard, il a partagé une réflexion sur son corps vieillissant le laissant de plus en plus souvent tomber. Mon grand-oncle, décédé lui aussi, mais complice de mon grand-père dans leur vivant, est alors apparu pour acquiescer en silence aux propos prononcés d'une voix si solennelle et projetée que tous les gens présents se sont tus pour écouter. Oui le corps se détériore, mais que pouvons-nous faire face à cette contrainte inévitable, à part l'accepter?, ai-je philosophé en guise de réponse. Mon grand-père s'est retrouvé avec une cigarette au bec et a demandé de l'aide pour l'allumer parce que tout à coup, il n'avait plus de bras. C'est une cousine de ma mère, auteure dévote, qui s'est avancée vers lui avec un briquet et il m'a fallu me retirer de la scène et aller rejoindre ma mère. Ensemble, nous avons ouvert les vannes de nos émotions nés du sentiment de cette mort si proche de cet homme et puis, j'ai ouvert le yeux.

De revoir cet homme qui est décédé il y a plus d'une décennie me surprend toujours. Surtout que de son vivant, mon grand-père n'était pas du genre à venir à la maison de manière régulière et spontanée. Nous allions plutôt chez mes grands-parents aux occasions du calendrier: Pâques, anniversaires de l'un ou l'autre, Noël. Mon grand-père est un homme qui s'est métamorphosé dans les dernières années de sa vie. Les maladies qui l'ont réduit à un corps souffrant, vulnérable et dépendant ont atteint son esprit pour adoucir son coeur. L'homme des dernières années étaient plus ouverts à autrui, plus doux, plus repentant d'une certaine manière. Mon Dieu, le ciel se rapproche étrangement et ma vie comporte des épisodes dont je suis peu fier, m'accueilleras-tu tout de même? À présent, tu as réintégré son immense sein. Je le sais.

Ce qui me surprend de le revoir, c'est que je dis toujours que j'ai une bien mauvaise mémoire et c'est vrai, je le réitère, j'ai une bien mauvaise mémoire. Mais de le voir de manière si claire, les traits de son visage comme s'il était là, devant moi, ça me fait dire que mon inconscient est peut-être le voleur responsable de mes blancs. Il est peut-être celui qui happe les informations et les détient à sa guise de me les retransmettre par voix onirique quand bon lui semble. Parce que Dieu sait que mes rêves, ils sont assez rocambolesques. Ils n'ont rien à voir avec le débit gentil des jours qui coulent. Mes rêves sont des amoncellements d'informations du quotidien, du passé; des associations délurées qui passent pour tout à fait normales dans les environnements pétés mis en scène par mon esprit qui voyage; des rencontres avec des individus connus ou pas qui interagissent avec moi de manière à provoquer la prochaine tournure dans ces univers presque indescriptibles. Aussi étranges que soient mes rêves, je crois que c'est plutôt le contraire qui me ferait perdre la boule. Mon inconscient a trop besoin de cette aire de jeu pour contribuer au maintien de ma santé mentale et vous savez quoi, je ne crois pas que faire l'amour soit la petite mort de l'humain, je crois plutôt que c'est le fait de rêver qui nous rapproche le plus de ce moment ultime où l'esprit lâchera prise du corps pour aller s'éteindre à notre insu dans le firmament. Nuit noire et enveloppante de l'éternité.

12.25.2008

moteurs de bonheurs

Joyeux, joyeux Noël. Il n'est pas encore 7 h du matin et voilà, la journée qui commence sera ponctuée d'expériences culinaires. Les deux oies dégèlent dans le lavabo à l'heure qu'il est. Elles ont mis presqu'une journée entière à se détendre le muscle à température ambiante. Je me suis tirée du lit en pleine nuit, pendant que des vents violents se brisaient sur le paradis, pour aller m'assurer de la progression de leur dégel, mais la chair froide au toucher était encore raide. Quand M. se réveillera, je commencerai à travailler sur mes bouchées aux oeufs. Et puis, après le dîner, je me dirigerai chez ma soeur G. pour commencer à dégraisser les volailles. Je lui donnerai aussi un coup de main pour toutes les autres petites choses qui garniront la table.

Croyez-le ou non, hier soir, M.et moi avons écouté un film qui se terminait avec cette statistique: 500 milliards de dollars sont investis à l'échelle de la planète à tous les ans en publicités de tous genres et l'ONU estime que seul 10 % de cette somme astronomique pourrait enrayer la faim dans le monde. Ça m'a fait penser à la courte prière qui concluait mon dernier message. Malheureusement, ce ne sont pas les "si" qui construisent le monde et le font progresser, bien qu'ils aient leur utilité. Ils signifient des propositions, des formulations de nouvelles idées et puisque l'esprit humain collectif a besoin de vivre des transitions confortables pour que les nouvelles valeurs primées tiennent véritablement la route, les "si" ont pour rôle de préparer les consciences afin de les mener à l'acceptation des actions qui leur sont rattachées.

J'écris cela et je ne peux m'empêcher de faire le lien avec Jésus. Bonne fête en passant être mystique par excellence même si cette date a été déterminée un peu beaucoup basée sur d'autres critères que ta véritable venue au monde. N'empêche, la gloire du Soleil a quelque chose à voir avec ton statut dans la conscience collective. Jésus, lumière de ce monde. Grand homme d'action surtout. Rebelle inspirant qui a déboulonné les pratiques judaïques pour tenter de tirer l'essence de cette religion dans laquelle il était né. L'essence, mes amis, ce n'est rien d'autre que cet Amour qui nous porte à la vérité de nos paroles et de nos actes fondée sur un équilibre parfait entre le respect de notre être et celui de l'ensemble. Je suis toi et tu es moi et nous sommes une part de la Vie qui coule dans chacun de nous. Jésus le pacificateur, mais aussi Jésus avide de justice. Jésus qui désacralise, mais aussi Jésus l'agneau de Dieu. Les paraboles de cet homme qui a marqué l'histoire humaine, ce sont en quelque sorte des "si" mystérieux qui, s'ils sont intégrés, nous mènent à des mises en pratique libératrices. Jésus libre donc, mais aussi Jésus humble. Aujourd'hui, je souhaite à tous le juste milieu du Bouddha quant à l'appropritation de ses deux valeurs baromètres. En tant que frères spirituels, ils seront bien d'accord avec mon syncrétisme.

12.23.2008

faire bonne chère

De la bouffe, de la bouffe et encore de la bouffe. Le temps des fêtes, c'est aussi le temps des tables élaborées, des assiettes débordantes, des oiseaux rôtis, des desserts décadents.

Alors aujourd'hui, en ce 23ième jour du mois de décembre, le onzième a perpétué sa tradition du brunch de Noël. L'idée, c'est que tout le monde doit apporter un petit quelque chose de bon à se mettre sous la dent histoire de se bourrer la panse en commun. Cette année, je dois dire que les tables étaient si bien garnies de si bonnes choses que ce fût le brunch le plus réussi de mes quatre années à y avoir participé. Gb. le chasseur avait apporté de l'outarde exquise, d'autres avaient concocté des salades de tous genres, M-È l'Haïtienne avait préparé un bon bol de riz créole, Dn. la Roumaine avait contribué avec des rôtis de porc d'une tendreté pas possible, Nd. l'Italienne avait apporté de la pizza aux patates, spécialité italienne que j'ai découverte lors de mon tout premier brunch au onzième. Moi, j'avais préparé un caviar d'aubergine la veille que j'ai présenté sur des croûtons au sésame. Et puis, il avait la table des desserts: pain au chocolat et aux bananes de Cht. moelleux à souhait, traditionnels baklavas extra mielleux de Nk. le Grec qui sortent à chaque année de la cuisine de sa mère, du sucre à la crème de Mt., qui avait peur qu'il ne soit granuleux, mais pas du tout, pas du tout cher ami, au contraire très réussi. Une vraie orgie des papilles que je vous dis.

Pour faire descendre un peu tout ce méli-mélo d'aliments en collision une fois passés mon oesophage, je me suis rendue au marché Atwater. Parce que comme je l'ai dit, le temps des fêtes c'est aussi le temps des tables élaborées, il me fallait trouver un rôti de dinde pour notre repas de samedi prochain qui aura lieu chez la maman de M. Nous avons décidé de nous réunir chez elle en début d'après-midi ce jour-là pour tous mettre la main à la pâte et concocter quelques recettes tirées du numéro de Noël de Ricardo. Ensemble, nous arriverons à remplir nos assiettes de pétoncles saisies servies sur purée de céleri-rave en entrée, suivies du rôti de dinde aux épices farci aux noix et de la tourtière aux pois chiches et aux champignons accompagnée de chutney aux betteraves et canneberges. Pour terminer sur une touche sucrée, j'ai commandé une bûche pralinée à la pâtisserie où je vais souvent chercher des croissants les dimanches matins.

Mais avant ce jour-là, il y a jeudi, Noël donc, chez ma soeur G. Ensemble, elle et moi, nous avons établi le menu avant-hier. En entrée, j'ai proposé des bouchées: encore du caviar d'aubergine, mais en plus, des feuilles d'endive farcies aux oeufs et aux lardons, une autre recette du Ricardo. Pour le repas principal, nous tenterons de cuisiner les oies que M. et moi sommes allés chercher chez une de ses tantes au mois d'octobre. Pour accompagner cette volaille à la chair rougeâtre, nous glacerons des carottes au sirop d'érable et nous ferons une purée de pommes de terre à l'ail. Grand-maman apportera aussi des tourtières au porc haché et sans doute son ketchup maison. Un ami des hôtes contribuera au repas en amenant une variété de fromages et pour le dessert, G. fera des biscuits tandis que grand-maman a déjà fait des tartes.

Merci mon Dieu pour le pain d'aujourd'hui et béni soit l'acte de communion qu'est de partager un repas. Faites que chacun sur cette Terre trouve sa ration quotidienne pour l'éternité. Amen.

12.21.2008

la journée la plus courte peut aussi être éternelle

Par la fenêtre, j'aperçois un parfait paysage hivernal: les grands sapins sur le terrain de la famille guatémaltèque devenus grands-pères blanchis, les flocons se précipitant par dizaines de million au gré des vents constants, le tapis laiteux et resplendissant recouvrant toutes les surfaces soumises à cette abondance venue tout droit des cieux. Peu d'âmes circulent par pareille journée. Tout semble en suspens. On dirait Noël avant le temps.

Quand nous sommes sortis plus tôt pour pelleter une partie de l'averse de cette tempête à longue haleine, nous nous sommes précipités dans un banc de neige à l'arrière de la maison. M. a bondi sur ses pieds quand de la neige a réussi à s'infiltrer à sa taille parce que l'élastique de son manteau n'était pas bien installé. Je l'ai nargué en lui reprochant ne pas s'être vêtu de sa peau bleue, lire ici combines.

La tâche s'est avérée plus courte et agréable que d'abord prévue. La neige avait des aspects de duvet et s'envolait avec légèreté à chaque coup de pelle. Comme il fait bon de s'activer d'un bon effort.

À un moment, M. et moi nous nous sommes croisés, lui avec sa grande pelle mangeuse de banc de neige, moi munie d'une des deux nouvelles pelles rouges achetées hier, et nous nous sommes salués d'un sourire plein d'amusement et de paix.

Je dois dire que nous filons des jours doux. Notre deux se porte à merveille à l'orée de la nouvelle année. M. est toujours cet être gamin qui me couvre de compliments sincères. Je suis toujours amoureuse de ses beaux yeux de bichon couleur noisette. Nous formons une belle paire et dans notre nid, bien au chaud, l'amour veille.

12.20.2008

so-so-so-solidarité

Dans le froid du jour, nous nous sommes promenés à bord de Jasmine la Fit d'un bout à l'autre de St-Hubert-on-the-beach pour faire une partie de nos achats de Noël. L'échange de cadeaux qui aura lieu le 25 dans ma famille est chose réglée. M. et moi avons chacun réussi à mettre la main sur quelque chose de pratique oscillant entre 20 et 30 dollars qui peut convenir autant à ma grand-maman qu'à mon beau-frère. Pas évident. Vraiment pas. Mais enfin, nous avons arrêté nos choix et demain, je mettrai le tout sous emballage.

Du côté du noyau maternel de la famille de M. nous avons aussi opté pour un échange. Cet après-midi même, nous avons pigé le nom de la personne à qui nous devons trouvé le quelque chose souhaité en respectant les suggestions faites par chacun. Du côté du noyau paternel de la famille de M., nous avons convenu de la date de rencontre pour célébrer à l'heure du souper aujourd'hui, mais pour les cadeaux, aucune décision de groupe n'a été prise. M. a dit à son père que pour lui et moi, rien n'est nécessaire et en retour, nous leur avons demandé à lui et sa conjointe ce qu'ils désireraient recevoir. Son père a répondu qu'ils y penseraient.

Noël ne devrait pas être ce temps de l'année où nous partons en direction des magasins en pestant. Vendredi dernier, à la fin de notre quart de travail, Al., mon collègue, s'est vêtu en marmonnant de faibles jurons, évidemment contrarié, parce qu'il devait affronter les foules du Carrefour Laval à la recherche des cadeaux qu'il compte donner au moment des célébrations. En blague à demi fondée sur une vérité, je lui ai dit que ses étrennes seraient contaminées par son déplaisir. Triste, surtout lorsque l'on sait qu'au fond, offrir est censé être un plaisir.

Mais Al. n'est pas différent de la plupart d'entre nous. Noël est associé à cette obligation sociale qui dit qu'il faut des cadeaux. Heureusement, cette fête est célébrée en famille et chaque cellule peut choisir de faire les choses à sa façon. Dans ma famille par exemple, nous faisons des échanges à des montants raisonnables depuis quelques années déjà et nous ne souffrons aucunement de n'ouvrir qu'un seul petit quelque chose. Dans d'autres familles, chaque membre choisi de verser une somme qu'il aurait consacré à l'achat de cadeaux à un organisme de charité. Les cadeaux ne sont pas une mauvaise idée en soi. Cependant, ils ne doivent pas angoisser les individus ou pourrir l'esprit des fêtes. Parce que cet esprit des fêtes doit justement réunir les gens, les rapprocher, les détendre pour les mener aux rires, aux réjouissances, au tissage de bons moments qui se transformeront en bons souvenirs. Le cadeau ultime du temps des fêtes, c'est ce merveilleux prétexte de nous voir, de partager une boustifaille élaborée en commun, de regarder les flocons tomber en ressassant nos histoires de famille. À notre époque de poules à la tête coupée où le temps de qualité est une denrée rare, pourquoi ne pas réaliser que l'existence de ce moment d'arrêt forcé est une bénédiction en soi?

12.18.2008

ma sorcière bien-aimée

Ils étaient là, debout devant la porte arrière de l'appareil roulant, quatre adolescents aux jackets ouverts sur des couches de vêtements superposés, casquette vissée sur la tête. Ils étaient là comme à tous les soirs quand je prends l'autobus du retour et qu'ils se traînent les pieds les uns derrière les autres après avoir monté, mais cette fois, l'un d'eux a décidé de montrer à ses ti-n'amis, une fois parkés au milieu de l'espace juché sur quatre roues, que son téléphone portable pouvait cracher une des dernières chansons hot de leur mode musicale. Cracher, c'est le bon terme. Un audio exécrable rendant la chanson déjà ultra-mauvaise bien pire encore que si elle sortait d'un haut-parleur décent. Et puis, un autre du groupe a voulu faire compétition à l'appareil portatif de son ti-n'ami et il a à son tour transformé son téléphone en machin tonitruant. J'ai patienté quelques minutes avant de plonger mon regard sur eux, de façon évidente, mais leurs yeux n'ont pas voulu soutenir les miens. Ils ont joué à ceux qui faisaient semblant de ne pas voir tout le sérieux qu'il lisait dans mon regard. Alors je leur ai demandé leur attention par la parole. Excusez-moi, mais croyez-vous que votre musique intéresse l'ensemble? Sérieusement? Je vous le demande poliment. Alors l'un d'eux a traduit mon langage à ses autres ti-n'amis et il a sorti une paire d'écouteurs de sa poche. Oui, ai-je poursuivi pour conclure, c'est une bien meilleure idée.

Je crois que la plupart des gens craint ces groupuscules de jeunes adultes pubescents aux looks de durs à cuire tout droit sortis de vidéo de rap aux messages caricaturaux prônant trop souvent un mode de vie axé sur l'axiome sans foi ni loi. Moi, quand je vois des adolescents, je vois au travers leurs armures stylées, leurs affublements "in", pour apercevoir toute l'insécurité qui les habite, toute l'innocence malgré leur sous-culture baignant dans l'amoralité. Si je perce à jour leur fragilité, même s'ils se déplacent souvent en petites meutes, c'est que je considère l'humain en eux, l'être en pleine construction, l'individu cherchant sa place au soleil.

D'ailleurs, quand je m'introduisais à mes groupe d'adolescents du temps où j'ai eu l'opportunité de leur enseigner, je leur disais toujours que si j'étais là, c'était parce que je sais que trop souvent, les adultes les évitent eux, êtres marginaux. Beaucoup voit les adolescents comme des êtres dérangeants, à problème. Le mythe de l'ado tout mêlé au comportement imprévisible est un fort préjugé social. Moi, je leur disais à mes élèves que j'avais fait le choix d'être parmi eux plutôt que parmi les tout-petits du primaire. Je voulais les respecter et les accompagner dans ses années de métamorphose.

Si les adolescents ne m'inquiètent pas, c'est peut-être parce que je me souviens si bien de celle que j'ai moi-même été. La typique adolescente à l'armure stylée, mais à l'innocence certaine parmi sa sous-culture baignant dans l'amoralité. À bien y repenser, je crois que l'attitude bien dosée de ma mère à mon égard à cette époque de ma vie a beaucoup contribué au fait que malgré toutes les situations où j'ai disons expérimenté et testé mes limites, je n'ai jamais été totalement dans le pétrin. Toujours sa voix qu'elle avait réussi comme par miracle à me vriller dans le cerveau me parlait aux moments cruciaux. Respecte-toi, respecte ton prochain, respecte-moi. L'adolescente que j'ai été a compris que si elle s'en tenait à ses préceptes, elle ne se tirerait pas trop mal d'affaire. Mais l'adolescente que j'ai été a voulu elle aussi être cool et différente dans ce monde trop occupé pour la voir exister. Alors c'est pour ça qu'aujourd'hui, quand je me suis adressée à ces jeunes adultes, je l'ai fait respectueusement, comme maman me l'a si bien appris.

Maintenant, reste à comprendre comment elle a réussi à me vriller ce message dans les neurones de façon si efficace, pour qu'un jour quand mon tour viendra de laisser mon adolescent passer le pas de la porte, je puisse avoir la certitude que là où qu'il soit, ma voix y soit aussi.

12.16.2008

simpi

Déjà, nous nous lançons dans la recherche d'un party du nouvel an, admettons que nous irons dans un party du nouvel an. L'an dernier nous avions décidé de ne pas sortir nous trémousser sur des beats déments pour célébrer la veille ultime. Nous avions plutôt opté pour un accueil de l'an collés l'un à l'autre, M. et moi, en bon couple que nous formons, près d'un feu crépitant dans la cheminée, à écouter le Bye-Bye 2007 coussi-coussa. Je me souviens qu'un peu avant l'heure de la diffusion de l'émission comique, nous sommes tombés sur le spectacle de Madonna à la chaîne TVA. En regardant cette diablesse d'artiste s'épivarder avec tant d'énergie qu'elle doit sans doute fricoter avec l'alchimie pour se conserver aussi bien, je me suis rappelée les nombreuses heures passées dans le sous-sol de mon ami S-P, du temps de mes années cégepiennes.

À cette époque, je faisais partie d'une troupe de théâtre. Deux années de suite, je suis montée sur les planches, au sein d'un groupe d'individus qui sont devenus ma famille du moment. Nous avions un local où nous nous réunissions beau temps, mauvais temps, répétition ou pas. Dans ce local grand comme un garde-robe désordonné, des divans mangeaient tous les bas de murs, à part à l'endroit où une table carrée et deux chaises trônaient. S-P, c'était mon meilleur ami dans le groupe. Homosexuel affirmé à l'humour cinglant , S-P avait un coeur en or. Ensemble, nous formions une paire dépareillée. Moi grande et effilée comme une asperge, lui plutôt petit, mais tout aussi effilé. Je me souviens de ses bottes d'armée aux cap d'acier été comme hiver, de ses cheveux bleus, de son percing dans le nez.

S-P m'a envoyé un courriel à mon dernier anniversaire. Un mot sorti du passé. Bonjour, je t'écris pour te dire que je pense à toi à tous les 21 septembre qui passent. Eh bien. Ça m'a touchée droit au coeur et j'ai répondu quelque chose de maladroit à propos de son anniversaire près du mien, mais dont je ne me souviens plus de la date exacte.

S-P, je le tiens pour grand dans ma vie. Immense. Il m'a montré à vivre sans se soucier de ce que les autres pensent, de manière désinhibée. Libre. Libre et heureux, par joie émanant de la volonté.

S-P a quitté le cégep pour devenir coiffeur, métier qu'il pratique depuis des années avec un succès de plus en plus marqué. Nos routes se sont séparées depuis des années maintenant. Mais j'ai encore en ma possession de ses lettres qu'il avait sûrement écrites pendant des cours longs à en mourir. Dans ces lettres, il me dit des choses à propos de ma présence dans sa vie, de notre amitié qu'il chérit et qui nous soude pour toujours il l'espère. Oui, S-P, toujours tu es en moi quand je vois Madonna, quand je vais chez le coiffeur, quand je repense à qui j'étais au début de ma vingtaine, quand je manipule mes balles à jongler puisque c'est dans ta cour à Brossard où tu habitais chez ta mère que tu m'as appris à le faire par un certain après-midi d'été, quand je danse devant des tours de son plus hautes que moi puisque c'est avec toi que je suis allée dans mon premier rave. Je me souviens de toi S-P et je devrais sans doute t'avoir dans ma vie, te retrouver. Mais de toute manière, je ne t'ai jamais perdu.

12.14.2008

contour

Je dévie de quelques pas de ce sentier à peine tracé dans le parc immense et je me laisse tomber dans le manteau blanc qui se déchire de la forme exacte de mon corps caché sous mon parka matelassé. Je suis à nouveau gamine. Le visage tourné vers un ciel couleur anthracite, chargé à bloc, comme prêt à ouvrir son ventre où bout la prochaine tempête. Mais pour l'instant, ce ne sont que de microscopiques bijoux de glace qui viennent mourir dans la fourrure de mon capuchon dans un crépitement qui s'échappent du royaume céleste. Le silence du froid, du dimanche matin immobile, de cette saison bien engagée à présent, tout ce silence, il me fait croire que je suis un ange flottant ailleurs que dans le maelström du plancher des vaches. Décidément, l'hiver calme le jeu.

Tout ce froid et cet immobilisme, si on les pénètre, ils nous accueillent pour nous ramener souvent à ces souvenirs d'enfance où pendant de longs après-midi, les bonshommes de neige prennent forme. Ainsi affaissée dans la neige, emboîtée à la perfection dans la matière, je me dis que seul un regard d'enfant pourra reconstituer sans trop d'efforts la scène que ma trace évoquera. Quelqu'un a voulu s'allonger ici, voilà, c'est tout. Un adulte passera et son regard suivra les pas, qu'il comptera peut-être s'il est pointilleux dans sa reconstitution, qui mènent à la marque creusée pour en venir à estimer quels volumes ont pu remplir cette béance. Peut-être pas non plus. Peut-être que l'adulte passera son chemin et qu'un enfant aussi et que je me perds à ne rien dire, une fois de plus.

Là, étendue sur le dos, les jambes repliées, une main couvrant l'autre sur le ventre, je me suis écoutée parler dans ma tête de la soirée de la veille. Une réunion d'amis de M. pour l'anniversaire d'un des leurs, quelques bonnes conversations. J'ai revu Dv., vulnérable et si intelligent malgré son air perdu, I., que j'apprends à connaître un peu plus à chacune de nos rencontres, Ls., l'éternel chercheur d'apaisement dans son rapport à Dieu. Je crois qu'il m'a recommandé la lecture de Jésus, fils de l'homme de Khalil Gibran une vingtaine de fois en l'espace d'une heure. Ls. est comme ça, totalement intense.

Et puis, le fils de l'homme, j'irais le prendre dans mes bras tout à l'heure. Petit Lc. qui tire beaucoup de jus à sa maman sentira bon le bébé, son visage dans mon cou, pendant que nous jaserons du quotidien chamboulé des nouveaux parents qui font du super boulot.

À la table au souper d'hier soir, M. et moi étions installés à côté du couple formé par la soeur du fêté, Dm., et son conjoint, M-A. Ils attendent leur premier enfant pour le mois de juin. Dm. a mangé une patte d'ours à la mélasse sortie comme par magie de son sac avant que le repas ne soit commandé parce que son estomac creusait de plus en plus. Nous avons donc parlé grossesses et bébés. M. en a même profité pour dire à son ami A. que nous étions sûrs maintenant de pouvoir procréer. Et bien que nous ayons appris qu'une autre grossesse est en cours parmi le groupe d'amis, en plus de celle de Dm. et M-A, ce qui monte à six le nombre de grossesses de ce nouveau baby boom autour de nous, mon coeur n'a pas perçu un seul pincement parce que maintenant, ma tête lui dit que ça finira par être notre tour d'être les deux pieds dedans. La raison et l'émotion s'équilibrent bien ces jours-ci. Un répit né du gel. Une trève de doutes. Une bombance qui scelle l'alliance. Reste plus qu'à voir pour les jours à venir.

12.12.2008

féerie saisonnière

Depuis deux jours que je fais tourner en boucle l'entraînante Your Rocky Spine de Great Lake Swimmers, un groupe de la région de Toronto, et que je ne m'en lasse pas de cette délicieuse ballade romantique, joueuse, remplie de banjo qui me fait rebondir sur place à 9 h 10, installée à mon écran pour venir dire coucou.

Coucou.

Il neige une poudre qui sature tout l'air sous le ciel gris, presque blanc. Plus tard, j'enfilerai mes pantalons par-dessus mes combines et je m'emmitouflerai le haut du corps pour aller soulever la pelle le temps de faire voler des poignées d'eau gelée en flocons en me remplissant les poumons du froid qui les décape sainement. Mais pour l'instant, je m'étire les pattes comme le gros chat Nougat quand elle nous accueille à la maison et je me délecte de ces heures de paresse tranquille qui s'annoncent.

Voyons voir, je dois préparer une tarte aux fèves aduki pour le souper, nettoyer la litière de madame la panthère, plier le linge que j'ai lavé hier et le ranger, lire le Voir de la semaine, peut-être faire la vaisselle, peut-être pas. Peut-être me rouler en boule pour une sieste. Peut-être un peu de télé s'il y a quelque chose de bien. Peut-être un peu de lecture pour m'avancer dans mon bouquin du moment, Twist. Une histoire d'enlèvement d'une petite fille de onze ans rendue par différents personnages dont la captive elle-même, apportant chacun leurs perspectives, sans mélodrame, parfois même avec humour. Habile.

Et ça me fait penser que je dois quand vous mettre au courant du fait que j'ai bel et bien commencé mon nouveau manuscrit. Mes problèmes d'informatique n'étaient en fait que des broutilles que M. a réglées en deux, trois mouvements. Il faut diagnostiquer ma chère. Oui, oui mon amour. Alors, voilà, ça ressemble pour l'instant à un long monologue qui ne souffle que le temps de prendre une nouvelle direction de développement. Définitivement, l'exercice de bloguer régulièrement m'a délié les structures du mental en plus des doigts. Et oui, c'est autobiographique puisque je réussis surtout à trouver de la facilité à livrer ce que je sais pour vrai. En toute relativité. Mais du moins cette relativité, cette possibilité de ne pas saisir tout à fait, elle s'ancre dans un souvenir de réalité. Alors, ça me satisfait et je persiste à croire que plus je l'écrirai ce que je livre a posteriori, plus ça ressemblera à matière qui se prend bien comme l'on accueille la voix de n'importe quel personnage qui nous fait vibrer.

Bon assez déambulé dans mes méandres d'auteur. Revenons à nos moutons. Blanc, blanc, bê-ê, bê-ê. Hier soir, pendant ma pause du onzième, je suis sortie pour braver la nuit mordante afin de mettre en boîte des clichés de ce décor endormi et figé sous la glace et le manteau blanc. Des jeux de lumière et de scintillement sur fond de chair de citrouille. Une merveille difficile à traduire. Mais tout de même voici quelques instantanés intéressants.







Vous avez remarqué la fée clochette apparue au milieu de nulle dans la première photographie? Moi je dis que je pourrais vendre cette preuve de son existence une fortune aux magnats de la presse paparazzi et ainsi tous vous offrir des vacances de rêve. Ça vous dit?

12.10.2008

le plus beau cadeau de Noël

Ça y est, nous le savons pour sûr maintenant, nous sommes fertiles, capable, en tant que couple, d'enfanter. La confirmation nous a été donnée après que j'aie éclaté en sanglots, étendue sur la table, les pieds dans les étriers, les jambes écartées, un tube se rendant jusqu'à mon utérus. Le médecin a pressé quatre fois sur le piston de la seringue pleine du liquide bleu qui lui permettrait, par échographie, de constater si mes trompes étaient débloquées. La sensation du flot remontant le courant était insoutenable. Quatre fois. Le médecin a été surpris de ma réaction. Mal à l'aise, il a tenté comme il a pu de me calmer, mais c'est la main de M. sur mon front qui a tiré le mal. Puis, il a dit: "Tout est beau" et la pression pas possible dans mon bas ventre a cessé. Quelques minutes plus tard, l'infirmière a pénétré le bureau avec une copie des résultats du spermogramme que M. avait passé et qui semble-t-il avait été égaré. Comme je l'avais pressenti, une erreur s'était glissée dans l'épellation de son nom de famille et les secrétaires de la clinique qui communiquaient avec les préposées de l'hôpital n'avaient pas pensé chercher le dossier avec le numéro d'assurance maladie. Quoi qu'il en soit, l'infirmière plus perspicace a remis le document au médecin qui a son tour nous a rendu le "tout est beau" là aussi. Une fois ces réponses obtenues, le médecin a commencé à nous expliquer qu'à ce stade, nous pourrions commencer le traitement hormonal qui ferait que je multi-ovulerais pendant quelques mois. Je l'ai interrompu gentiment pour lui dire que non merci, pas pour l'instant docteur, nous savons que nous pouvons enfanter naturellement, reste plus qu'à être patients. Un peu surpris, il a respecté notre décision et nous avons quitté la clinique dans la tempête.

Puisque je travaille de soir cette semaine, nous avons dîné et je suis allée au boulot après notre rendez-vous. La douleur dans le bas ventre s'étant résorbée, je croyais que ça irait. Mais voilà qu'à 17 h 30, mon plexus est secoué de frissons qui ne veulent pas se calmer malgré la deuxième veste que j'enfile et le foulard autour de mon cou. Je crois que les symptômes de grippe apparus la veille viennent de ressurgir malgré ma cure à l'echinacea. Je quitte donc le onzième à 18 h et je me lance dans la gueule du loup.

Gueule du loup parce que la tempête de cet après-midi se poursuit et que la ville est complètement paralysée. Les automobilistes forment des files qui n'en finissent plus et avancent au millimètre à l'heure. Je réalise à quel point c'est vrai lorsque, assise sur un banc dans un autobus, nous prenons une heure pour nous rendre là où habituellement il nous en prend un gros cinq minutes. Malgré la chaleur dans l'engin, je porte ma tuque, encore fiévreuse. Je sens mes cernes se creuser à chaque minute qui passe. Je n'arrive pas à me concentrer sur ma lecture et je ne suis pas assez confortablement installée pour me laisser aller au sommeil.

Mon regard flotte sur les passagers autour de moi. Les appareils électroniques apparaissent et disparaissent des mains. Les cellulaires sonnent, les IPods s'allument, les IPhones se manipulent, les consoles de jeu portatives dépannent. L'ère technologique à son meilleur. Mais une jeune femme lit un livre à l'arrière de l'autobus. Son titre et la couverture bleu royal accroche mon oeil. Le visage angélique de la jeune femme aussi. Parmi tous les voyageurs aux traits tirés, son teint de pêche surprend.

Après plus d'une heure dans l'autobus avançant à pas de tortue, la femme en diagonale de moi nous annonce qu'elle ne se sent pas bien du tout. Sa voisine lui tend un sac de plastique et je fais ouvrir la fenêtre par ma voisine. La jeune femme en face de moi, la voisine de la femme nauséeuse, cherche des Gravol dans son sac qui n'en contient plus apparemment. La femme vomit un peu. Je lui tend un mouchoir après demandé à l'ensemble des passagers près de nous si quelqu'un aurait un peu d'eau s'il vous plaît. Personne n'en a. Dommage, ça lui aurait fait du bien de pouvoir s'éponger le front. Mais l'air froid la calme et elle s'écrase contre la vitre pour somnoler. À un moment, elle ressurgit et nous annonce qu'elle va mieux, s'est passé. Ma voisine tente de refermer la vitre qui ne veut plus glisser jusqu'au bout. De toute manière, l'air frais éveille les esprits confinés à cet espace contraignant.

Quand j'ai demandé pour de l'eau, j'ai remarqué qu'une femme à la chevelure blanche se tenait debout dans l'allée depuis plus d'une heure, alors, je lui cède mon siège. Je me tiens debout pour la traversée du pont Champlain qui prend presque une demi-heure. De mon côté, la fièvre semble être tombée. Enfin, nous émergeons sur la rive-sud et les passagers commencent à vider l'appareil, arrêt après arrêt. Un arrêt avant le mien, la vieille dame à qui j'avais cédé mon siège passe près de moi pour descendre, mais s'arrête pour me remercier. C'est bien peu. Et puis, mon tour vient, mais avant je demande à la femme nauséeuse si ça ira. Oui qu'elle me répond du bout des lèvres.

J'arrive au paradis à 20 h 30, deux heures après avoir embarqué dans l'autobus. M. est installé sur le divan avec Nougat roulée en boule sur lui. Il vient de pelleter l'entrée. À présent, il pleut à l'extérieur et ce matin, nous nous sommes réveillés dans l'univers d'un palais de glace où Jasmine la Fit était un beau carrosse figé. L'hiver pour de vrai cette fois et je sens qu'un enfant s'installera dans moi au printemps.

12.08.2008

créer de l'ambiance

Il trône dans le coin du salon, notre beau sapin. Hier soir, après une longue sieste collés serrés, nous avons bravé la tempête, M. et moi pour aller le choisir, lui et pas un autre parmi tous les autres proposés aux désireux d'égayer leur foyer pour le temps des fêtes. Le soleil venait tout juste de tomber quelque part derrière de lourds nuages remplis de poussière neigeuse qui ne laisserait au final qu'une mince couche de blancheur immaculée partout au sol et je me concentrais sur la route se dévoilant au travers un parebrise embué dans les coins. Nous avions décidé un peu plus tôt cette semaine que ce serait ce jour-là, dimanche donc, que nous décorions notre sapin pour nous engager dans l'esprit des réjouissances. Et puis le voilà, debout et joli, aujourd'hui, lundi.

Dans ses branches, nous avons accroché des décorations que la mère de M. nous avait offertes l'année passée lorsqu'elle était revenue d'une virée fructueuse chez IKEA, profitant des soldes d'après Noël. Elle avait choisi des couleurs thématiques: le rouge et le blanc. Alors nous avons pendu les grosses boules cerise et les flocons scintillants dans le ramage touffu de l'arbre que nous avons choisi plus court que celui de l'an passé. La mère de M. est d'une générosité à couper le souffle.

Cette semaine, je dois trouver une étoile, un ange ou autre chose pour couronner notre ami pour le mois. Sinon, il est beau de simplicité, un peu nu certes sans un cadeau ni une crèche à ses pieds. Tiens, une crèche, ça pourrait être une idée ça aussi. J'ouvrirai l'oeil en allant au Salon des métiers d'art cette semaine. Je sais qu'un des artisans se spécialise justement dans les scènes de la nativité.

Sapin, Noël, cadeaux. Deux échanges: une avec ma famille, une autre dans la famille de M. De notre côté, nous avons fixé un montant plus que raisonnable pour dénicher un cadeau qui peut convenir à n'importe qui participant - de ma grand-maman âgée de quatre-vingt-un ans à mon beau-frère Rb., un mordu de sucré et de sport extrême - et qui ne peut être quelque chose d'inutile. Aussi, pas le droit de certificat de cadeau ni de bouteille de la SAQ. Pas si facile au fond. Vivement le Salon. Dans la famille de M., nous n'avons même pas encore tiré les noms au hasard. Il faudra le faire la fin de semaine prochaine, sinon, ça sera la folie de dernière minute.

Et puis, il y a un petit quelque chose pour mon amoureux bien sûr. Rien de gros. C'est ce que nous nous sommes dits. Juste un petit quelque chose de rien du tout qui nous plaira à coup sûr. J'ai ma petite idée et non, tu n'en sauras rien ici non plus.

12.06.2008

ho ho ho

Une bonne dose de plaisir, ça recharge les batteries. Le temps des fêtes est officiellement commencé. Hier, le onzième a célébré près d'un sapin décoré, unifié par le désir de passer une soirée qui nous suivrait pour les mois à venir tant elle serait agréable. Je crois que c'est réussi.

Le party de Noël. Notre comité social avait choisi d'adopter la même formule que celui de l'an passé: déroulement au troisième de l'immeuble, cocktail, traiteur, remise de cadeaux, danse. Cependant, cette année, la sauce a mieux pris, l'ensemble n'a pas comporté de temps mort, et de petits extras au planning ont rehaussé l'ambiance d'une grosse coche.

D'abord, tous les convives avaient été invités à la soirée vêtus de leurs plus beaux atours s'il vous plaît: robe élégante pour les dames, habit cravate pour les messieurs. J'ai adoré la réaction de Gb., un collègue qui travaillait de jour comme moi hier et qui s'est pointé à 7 h 30 vêtu dans un impeccable complet gris à la cravate somptueuse. Ne comprenant pas pourquoi tous les autres étaient en jeans - vendredi, c'est jeans day au boulot - tandis que le party était le soir même, je lui expliqué que nous avions décidé de jouer à Superman et donc d'aller nous changer dans une cabine téléphonique juste après notre quart de travail complété. Plus tard, des collègues féminines sont arrivées fraîchement mises en beauté par leur coiffeur rien de moins. Les gens ont embarqué à fond la caisse dans l'idée de nous mettre sur notre 36. Un autre collègue, Al., a même refilé son habit porté pas plus tard que cet été à son propre mariage. C'est pour dire. Pour ma part, j'avais opté pour un petite robe que je me suis procurée il y a cinq ans au look année soixante sans manche et en tweed orangé pâle. Pour compléter le tableau, j'ai refilé des bas collants chocolat lignés, enfilé mes fameuses chaussures rouges cerise des grandes occasions, et passé les perles offertes par ma soeur B. adorée il y a deux années autour de mon cou et sur mes oreilles. La totale. Enfin pour moi qui ne m'habille pour ainsi dire jamais ainsi. Mais franchement, presque tous les collègues étaient d'une élégance à couper le souffle. Nous aurions aussi pu bien être dans une réunion de big shots de ce monde.

Après le souper, il y a eu la remise des prix. Là encore, petite touche différente par rapport à l'année passée. Cette année, le comité social avait décidé de sonder les collègues du onzième pour trouver les cinq gagnants dans les catégories suivantes: fashion icon - le ou la plus looké de l'étage -, mère poule ou père poule - la personne la plus attentive et de meilleur conseil -, Jack in the box - l'ultime dilateur de rate -, Ricardo ou Di Stasio - celui dont nous voudrions voler le lunch tellement ça semble bon - et le Cas Wilson - la catégorie la plus particulière considérant qu'il fallait sélectionner une personne avec qui nous serions parachuté pour un an ferme sur une île déserte (à vous de l'interpréter comme bon vous semble). Un des wizz de l'informatique sur notre étage avait participé à la conception d'un montage vidéo d'entrevues de certains finalistes. Un moment de pur plaisir. Ma bouille est apparue au moment de la catégorie Ricardo ou Di Stasio. Comme mentionné par ma petite personne, j'ai été très touchée de constater que mes lunchs grano avaient suscité de la convoitise. Je n'ai pas remporté le premier prix, mais Vr., la gagnante, mérite bien cet honneur, elle qui a deux enfants et qui mitonne des petits plats avec tant d'amour day in day out.

Cette année encore, nouveauté. Une collègue Hl. a eu l'initiative de préparer un petit quelque chose pour que l'ensemble du onzième récompense les efforts des quatre membres du club social qui réussissent à égayer grandement l'atmosphère sur l'étage. À un moment donc, je me suis levée et j'ai cogné sur mon verre à vin avec mon couteau pour que Hl. s'avance au micro. Pendant ce temps, je suis allée chercher les cadeaux à leurs intentions et vraiment, les quatre mousquetaires ont été touchés par ce geste généreux et spontané.

Après, place à un peu de karaoké. Beaucoup de rires encore une fois, beaucoup de voix cassées ou off beat, mais oh la, la que c'était plaisant. Le dernier groupe a dû interpréter une chanson dont j'oublie le titre maintenant mais que tout le monde connaît. Les pauvres s'égosillaient avec tant de difficulté que j'ai décidé de tirer par la main une collègue pour qu'elle vienne avec moi sur la piste de danse afin de faire les sirènes de leur numéro chambranlant. Deux autres collègues se sont joints à nous et les quatre ensemble, nous avons tenté de ressembler à quelque chose. Oui, beaucoup de plaisir.

Finalement, le DJ assez ordinaire a enchaîné les tubes connus et moins connus. De nombreux collègues se sont aventurés sur la piste, avec rythme et joie. Danser, c'est s'amuser à l'état pur et plusieurs collègues l'ont compris. Moi, comme à mon habitude, j'ai bien tenté de briser le fameux cercle qui se forme toujours quand un groupe danse ensemble. Je dois avouer que cette année, j'ai senti que les danseurs se permettaient encore plus de créativité que par les années précédentes. De mieux en mieux donc côté lâcher prise du selfconsciousness et hourra pour le total abandon.

Une pensée toute spéciale pour Cht. qui n'a pas pu être de nôtres hier soir parce qu'au petit matin, la maladie l'a frappée et qu'elle a dû rentrer s'aliter. Tu étais avec nous chère amie, je te l'assure. Pensée toute spéciale aussi à ma soeur G. qui vient d'accoucher il y a deux semaines et demie et qui a Lc. pendu au sein depuis. Toi aussi tu étais là G. Beaucoup de collègues m'ont demandé comment la petite famille se porte. Aussi, en parlant des bébés à venir à table, ceux de deux collègues assis parmi nous entre autres, nous avons dit à quel point tu étais rayonnante pendant ta grossesse. Enfin, une grosse pensée extra spéciale pour deux amies réunies à l'autre bout de la Terre, ma soeur B. et GM., sa fesse gauche. Vous deux aussi vous avez été parmi nous, entre autres quand les gens me complimentaient sur mes belles perles et que le sujet menait à comment tu vas ma B., et tes enfants, et au fait que GM. est là près toi, présentement. D'ailleurs GM., ton absence s'est ressentie une fois sur le dance floor, you party animal you.

Alors voilà, la vie au onzième fût bonne hier soir. Mais depuis que j'ai pris ma décision de ne plus complètement m'identifier à mon boulot puisque je suis écrivain, la vie au onzième est beaucoup plus légère, garanti. Mise en perspective. Dans l'ensemble du tableau de ma vie.

12.03.2008

et me passer la soie

Soirée très occupée à cuisiner un ragoût aux lentilles à m'entretenir au téléphone avec ma soeur G. à apprendre que notre nation est sur le point de vivre une page historique à écouter un discours à la nation livré par un Stephen Harper tout droit sorti d'un brushing impeccable à passer ensuite à M. Dion qui semblait avoir enregistré sa réplique dans le sous-sol chez sa mère avec ses ti-namis à M. qui me présente en anglais s'il vous plaît le produit sur lequel il bosse depuis plus d'un an parce que demain il rencontre un client who doesn't speak French à faire deux brassées de lavage à les accrocher.

Bon. Du calme. La prochaine chose sur ma liste, c'est d'aller m'étendre sur une plateforme moelleuse pour y demeurer, collée au chaud avec les deux êtres les plus aimables de toute la planète à mes yeux, pour environ les sept prochaines heures et demie. Du calme. Avant, je dois me brosser les dents.

12.01.2008

force de Lorentz

Prête à commencer un nouveau filon pour un nouveau manuscrit, voilà que je me retrouve devant mon ordinateur qui ne veut plus démarrer. Après avoir tout essayé - bouton démarreur, débrancher la source de pouvoir, prière - je me suis installée à la machine de M. pour venir vous jaser un brin.

Ma relation avec les ordinateurs est assez particulière. Mon premier prêt à vie m'a servi à l'achat de mon premier ordinateur personnel. Avant ça, je partageais une machine avec ma soeur B., du temps où nous habitions ensemble en colocation. Quand je déballai l'engin pour le brancher, il fonctionnait bien.

Mais le deuxième jour, j'ai remarqué que les mots devenaient flous tout à coup, s'embrouillaient subtilement pour ensuite revenir à la normale. À l'époque, mon amoureux qui s'y connaissait un peu dans la matière n'a pas pu comprendre pourquoi la clarté de l'image venait et partait, alors nous avons contacté un technicien à la boutique qui m'avait vendu l'appareil et il nous a suggéré de le changer de pièce, d'aller le brancher ailleurs dans l'appartement. Il nous expliqua que parfois, les ondes magnétiques ambiantes rentrent en conflit avec celles de l'ordinateur. Nous avons essayé toutes les pièces sans succès. Le détraqué fût donc ramené à la boutique.

Là-bas, deux tests assez simples furent mis en branle. D'abord, le technicien brancha l'appareil, la tour donc, à un autre écran que le mien. Au bout d'un moment, le texte s'embrouilla. Le technicien ne se satisfaisant pas de ce premier résultat décida d'aller jusqu'au bout en branchant ensuite mon écran à un autre ordinateur. L'embrouillement survint à nouveau. Nous étions tous les trois subjugués devant ces résultats confondants. Là, le technicien déclara: "C'est un cas Poltergeist", puisque la tour ou l'écran aurait dû être le problème, un seul des deux composants de l'ensemble, mais pas les deux de toute évidence.

Il nous expliqua que parfois, des cas d'ordinateurs détraqués ne sont jamais résolus, que le problème semble ne pas avoir une source spécifique et raisonnable. Ces cas-là, ils les classent donc dans une catégorie où les esprits ont leur mot à dire. Eh bien, dans le mien d'ordinateur, l'esprit s'amusait comme un petit fou.

Depuis, j'ai eu d'autres rencontres mystérieuses avec des Poltergeist - "esprits qui font du bruit" si on s'en tient à la traduction du terme. À bien y réfléchir, l'appareil technologique et l'humain sont amenés à devoir s'entendre pour bien fonctionner ensemble puisque chacun dégage son propre champ magnétique puissant. Le jour où j'ai commencé à parler à ma machine, elle m'a semblé plus réceptive. Bien sûr, c'est peut-être seulement dans ma tête que cette entente opérait. Quoi qu'il en soit, Arthur C. Clarke et Stanley Kubrick n'avaient peut-être pas tout à fait tort avec leur HAL 9000. Mieux vaut ne pas trop s'en remettre aux technologies. Un jour, elles n'auraient plus besoin de nous.