ma sorcière bien-aimée
Ils étaient là, debout devant la porte arrière de l'appareil roulant, quatre adolescents aux jackets ouverts sur des couches de vêtements superposés, casquette vissée sur la tête. Ils étaient là comme à tous les soirs quand je prends l'autobus du retour et qu'ils se traînent les pieds les uns derrière les autres après avoir monté, mais cette fois, l'un d'eux a décidé de montrer à ses ti-n'amis, une fois parkés au milieu de l'espace juché sur quatre roues, que son téléphone portable pouvait cracher une des dernières chansons hot de leur mode musicale. Cracher, c'est le bon terme. Un audio exécrable rendant la chanson déjà ultra-mauvaise bien pire encore que si elle sortait d'un haut-parleur décent. Et puis, un autre du groupe a voulu faire compétition à l'appareil portatif de son ti-n'ami et il a à son tour transformé son téléphone en machin tonitruant. J'ai patienté quelques minutes avant de plonger mon regard sur eux, de façon évidente, mais leurs yeux n'ont pas voulu soutenir les miens. Ils ont joué à ceux qui faisaient semblant de ne pas voir tout le sérieux qu'il lisait dans mon regard. Alors je leur ai demandé leur attention par la parole. Excusez-moi, mais croyez-vous que votre musique intéresse l'ensemble? Sérieusement? Je vous le demande poliment. Alors l'un d'eux a traduit mon langage à ses autres ti-n'amis et il a sorti une paire d'écouteurs de sa poche. Oui, ai-je poursuivi pour conclure, c'est une bien meilleure idée.
Je crois que la plupart des gens craint ces groupuscules de jeunes adultes pubescents aux looks de durs à cuire tout droit sortis de vidéo de rap aux messages caricaturaux prônant trop souvent un mode de vie axé sur l'axiome sans foi ni loi. Moi, quand je vois des adolescents, je vois au travers leurs armures stylées, leurs affublements "in", pour apercevoir toute l'insécurité qui les habite, toute l'innocence malgré leur sous-culture baignant dans l'amoralité. Si je perce à jour leur fragilité, même s'ils se déplacent souvent en petites meutes, c'est que je considère l'humain en eux, l'être en pleine construction, l'individu cherchant sa place au soleil.
D'ailleurs, quand je m'introduisais à mes groupe d'adolescents du temps où j'ai eu l'opportunité de leur enseigner, je leur disais toujours que si j'étais là, c'était parce que je sais que trop souvent, les adultes les évitent eux, êtres marginaux. Beaucoup voit les adolescents comme des êtres dérangeants, à problème. Le mythe de l'ado tout mêlé au comportement imprévisible est un fort préjugé social. Moi, je leur disais à mes élèves que j'avais fait le choix d'être parmi eux plutôt que parmi les tout-petits du primaire. Je voulais les respecter et les accompagner dans ses années de métamorphose.
Si les adolescents ne m'inquiètent pas, c'est peut-être parce que je me souviens si bien de celle que j'ai moi-même été. La typique adolescente à l'armure stylée, mais à l'innocence certaine parmi sa sous-culture baignant dans l'amoralité. À bien y repenser, je crois que l'attitude bien dosée de ma mère à mon égard à cette époque de ma vie a beaucoup contribué au fait que malgré toutes les situations où j'ai disons expérimenté et testé mes limites, je n'ai jamais été totalement dans le pétrin. Toujours sa voix qu'elle avait réussi comme par miracle à me vriller dans le cerveau me parlait aux moments cruciaux. Respecte-toi, respecte ton prochain, respecte-moi. L'adolescente que j'ai été a compris que si elle s'en tenait à ses préceptes, elle ne se tirerait pas trop mal d'affaire. Mais l'adolescente que j'ai été a voulu elle aussi être cool et différente dans ce monde trop occupé pour la voir exister. Alors c'est pour ça qu'aujourd'hui, quand je me suis adressée à ces jeunes adultes, je l'ai fait respectueusement, comme maman me l'a si bien appris.
Maintenant, reste à comprendre comment elle a réussi à me vriller ce message dans les neurones de façon si efficace, pour qu'un jour quand mon tour viendra de laisser mon adolescent passer le pas de la porte, je puisse avoir la certitude que là où qu'il soit, ma voix y soit aussi.
1 Comments:
You go girl!
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