orphelins de l'Éden

12.01.2008

force de Lorentz

Prête à commencer un nouveau filon pour un nouveau manuscrit, voilà que je me retrouve devant mon ordinateur qui ne veut plus démarrer. Après avoir tout essayé - bouton démarreur, débrancher la source de pouvoir, prière - je me suis installée à la machine de M. pour venir vous jaser un brin.

Ma relation avec les ordinateurs est assez particulière. Mon premier prêt à vie m'a servi à l'achat de mon premier ordinateur personnel. Avant ça, je partageais une machine avec ma soeur B., du temps où nous habitions ensemble en colocation. Quand je déballai l'engin pour le brancher, il fonctionnait bien.

Mais le deuxième jour, j'ai remarqué que les mots devenaient flous tout à coup, s'embrouillaient subtilement pour ensuite revenir à la normale. À l'époque, mon amoureux qui s'y connaissait un peu dans la matière n'a pas pu comprendre pourquoi la clarté de l'image venait et partait, alors nous avons contacté un technicien à la boutique qui m'avait vendu l'appareil et il nous a suggéré de le changer de pièce, d'aller le brancher ailleurs dans l'appartement. Il nous expliqua que parfois, les ondes magnétiques ambiantes rentrent en conflit avec celles de l'ordinateur. Nous avons essayé toutes les pièces sans succès. Le détraqué fût donc ramené à la boutique.

Là-bas, deux tests assez simples furent mis en branle. D'abord, le technicien brancha l'appareil, la tour donc, à un autre écran que le mien. Au bout d'un moment, le texte s'embrouilla. Le technicien ne se satisfaisant pas de ce premier résultat décida d'aller jusqu'au bout en branchant ensuite mon écran à un autre ordinateur. L'embrouillement survint à nouveau. Nous étions tous les trois subjugués devant ces résultats confondants. Là, le technicien déclara: "C'est un cas Poltergeist", puisque la tour ou l'écran aurait dû être le problème, un seul des deux composants de l'ensemble, mais pas les deux de toute évidence.

Il nous expliqua que parfois, des cas d'ordinateurs détraqués ne sont jamais résolus, que le problème semble ne pas avoir une source spécifique et raisonnable. Ces cas-là, ils les classent donc dans une catégorie où les esprits ont leur mot à dire. Eh bien, dans le mien d'ordinateur, l'esprit s'amusait comme un petit fou.

Depuis, j'ai eu d'autres rencontres mystérieuses avec des Poltergeist - "esprits qui font du bruit" si on s'en tient à la traduction du terme. À bien y réfléchir, l'appareil technologique et l'humain sont amenés à devoir s'entendre pour bien fonctionner ensemble puisque chacun dégage son propre champ magnétique puissant. Le jour où j'ai commencé à parler à ma machine, elle m'a semblé plus réceptive. Bien sûr, c'est peut-être seulement dans ma tête que cette entente opérait. Quoi qu'il en soit, Arthur C. Clarke et Stanley Kubrick n'avaient peut-être pas tout à fait tort avec leur HAL 9000. Mieux vaut ne pas trop s'en remettre aux technologies. Un jour, elles n'auraient plus besoin de nous.