orphelins de l'Éden

12.27.2008

bonne nuit

Dans mon dernier rêve duquel je m'éveille à peine, il y avait une foule de monde, dont beaucoup du onzième, avec qui je devais me rendre travailler à New York, et j'étais malade d'une étrange maladie qui me remplissait le sexe d'insectes grouillants et me faisait régurgiter des légumineuses entières une à une. Enfin bref, l'important c'est que juste avant d'ouvrir les yeux définitivement, j'ai vu mon grand-père qui est décédé depuis bientôt onze ans. Il demandait quelque chose pour l'aider à voir en me tendant une boîte et en me disant qu'il n'arrivait plus à retrouver l'objet transparent. J'ai d'abord mis le doigt sur une lentille cornéenne, mais ce n'était pas ce qu'il voulait. Il m'a dit que c'était encore plus petit. Finalement, j'ai retiré de la boîte un iris bleu glacier comme ses yeux et là, il m'a remercié, c'est ce dont il avait besoin. Il se l'est installé et quelques instants plus tard, il a partagé une réflexion sur son corps vieillissant le laissant de plus en plus souvent tomber. Mon grand-oncle, décédé lui aussi, mais complice de mon grand-père dans leur vivant, est alors apparu pour acquiescer en silence aux propos prononcés d'une voix si solennelle et projetée que tous les gens présents se sont tus pour écouter. Oui le corps se détériore, mais que pouvons-nous faire face à cette contrainte inévitable, à part l'accepter?, ai-je philosophé en guise de réponse. Mon grand-père s'est retrouvé avec une cigarette au bec et a demandé de l'aide pour l'allumer parce que tout à coup, il n'avait plus de bras. C'est une cousine de ma mère, auteure dévote, qui s'est avancée vers lui avec un briquet et il m'a fallu me retirer de la scène et aller rejoindre ma mère. Ensemble, nous avons ouvert les vannes de nos émotions nés du sentiment de cette mort si proche de cet homme et puis, j'ai ouvert le yeux.

De revoir cet homme qui est décédé il y a plus d'une décennie me surprend toujours. Surtout que de son vivant, mon grand-père n'était pas du genre à venir à la maison de manière régulière et spontanée. Nous allions plutôt chez mes grands-parents aux occasions du calendrier: Pâques, anniversaires de l'un ou l'autre, Noël. Mon grand-père est un homme qui s'est métamorphosé dans les dernières années de sa vie. Les maladies qui l'ont réduit à un corps souffrant, vulnérable et dépendant ont atteint son esprit pour adoucir son coeur. L'homme des dernières années étaient plus ouverts à autrui, plus doux, plus repentant d'une certaine manière. Mon Dieu, le ciel se rapproche étrangement et ma vie comporte des épisodes dont je suis peu fier, m'accueilleras-tu tout de même? À présent, tu as réintégré son immense sein. Je le sais.

Ce qui me surprend de le revoir, c'est que je dis toujours que j'ai une bien mauvaise mémoire et c'est vrai, je le réitère, j'ai une bien mauvaise mémoire. Mais de le voir de manière si claire, les traits de son visage comme s'il était là, devant moi, ça me fait dire que mon inconscient est peut-être le voleur responsable de mes blancs. Il est peut-être celui qui happe les informations et les détient à sa guise de me les retransmettre par voix onirique quand bon lui semble. Parce que Dieu sait que mes rêves, ils sont assez rocambolesques. Ils n'ont rien à voir avec le débit gentil des jours qui coulent. Mes rêves sont des amoncellements d'informations du quotidien, du passé; des associations délurées qui passent pour tout à fait normales dans les environnements pétés mis en scène par mon esprit qui voyage; des rencontres avec des individus connus ou pas qui interagissent avec moi de manière à provoquer la prochaine tournure dans ces univers presque indescriptibles. Aussi étranges que soient mes rêves, je crois que c'est plutôt le contraire qui me ferait perdre la boule. Mon inconscient a trop besoin de cette aire de jeu pour contribuer au maintien de ma santé mentale et vous savez quoi, je ne crois pas que faire l'amour soit la petite mort de l'humain, je crois plutôt que c'est le fait de rêver qui nous rapproche le plus de ce moment ultime où l'esprit lâchera prise du corps pour aller s'éteindre à notre insu dans le firmament. Nuit noire et enveloppante de l'éternité.