orphelins de l'Éden

7.29.2011

le move

Lorsque nous sommes revenus du Vermont, M. s'est donné pour mission de trouver des petites culottes pour garçon. Heureusement qu'il en a eu l'initiative. Pourtant, c'est moi qui, au printemps, avais parlé de cette idée de tout simplement retirer les couches de garçon cet été avant qu'il ne commence la garderie, en espérant qu'il en vienne à comprendre le plaisir d'avoir les fesses libres. Étant à la maison avec lui, nous pourrions l'aider à faire le grand saut pendant la belle saison. Mais surtout, je sentais que toute notre approche bébé-pas-de-couche-à-temps-partiel faciliterait la transition. L'été progressant, ton papa a donc décidé de prendre le taureau par les cornes comme on dit.

Eh bien voilà - je touche du bois parce que vous savez comment ça peut faire virer le vent d'évoquer certaines choses -, mon intuition semble se confirmer. Garçon comprend très rapidement. Nous n'en sommes qu'à la deuxième semaine et déjà, nous avons réussi une sortie en petite culotte hier soir après le souper. Dès notre retour au paradis, une fois installé sur le petit pot, il a fait un gros pipi. Quand le jet vient, garçon s'exclame "l'eau-l'eau" pour nous en avertir et nous venons danser joyeusement autour de lui qui bat des mains.

Tout va si bien que j'ai hésité à lui mettre une couche ce matin avant notre sortie à vélo pour nous rendre dans un parc pour la matinée. J'ai opté pour la couche, mais une fois là-bas, au moment que je sentais opportun, nous nous sommes rendus dans une toilette publique et je l'ai installé sur le banc. Il est resté immobile dix secondes, concentré à chercher le pipi dans lui - il regardait son pénis -, pour finalement me dire non, un non que j'ai respecté sans insister. Quelle ne fut pas ma surprise de trouver sa couche sèche lorsque nous sommes rentrés à la maison. Assis sur la toilette, il a dit "l'eau-l'eau" tout fier, conscient de ce qu'il venait d'accomplir.

Alors, il me faut faire des essais, accepter qu'il y aura des accidents - comme il y en a au paradis -, arriver à trouver des moyens pour qu'il urine installé sur des toilettes publiques - ma belle-maman m'a parlé d'un petit pot pliable! - ou debout derrière un arbre si nous sommes mal pris -il n'a jamais voulu uriner debout même s'il voit son papa le faire.

Quand on plonge, on se mouille, mais cette fois, c'est pour apprendre à rester au sec. Toute une étape à franchir, mais déjà, nous nous habituons à tes petites fesses. C'est facile, elles sont si jolies.

7.27.2011

braille charnel

Sur mon épaule droite, j'ai un grain de beauté bombé et à sentir tes petits doigts tournés autour de lui ce soir pour réussir à t'endormir, j'ai compris que pour toi, cette marque physique que je porte te réconforte et te permet de reconnaître mon corps même dans le noir, même si tes yeux sont fermés, qui te le permettrait aussi même si ton nez était bouché et que tu n'aurais plus mon odeur pour te guider. Il y aurait mon grain de beauté bombé. Comme il y a aussi les petites grappes de tétines miniatures, de chaque côté de ma poitrine, près de mes aisselles, qui m'ont poussé pendant ta maturation dans ma matrice et que celles-là, tu aimes les toucher lorsque tu prends le sein. Ta petite main libre court et se promène sur elles en appréciant leur relief j'imagine. Si tu les tires, je te dis que ça me fait mal et tout de suite, tu recommences en douceur à faire aller tes petits doigts sur ma peau constellée de ces aspérités molles qui te plaisent tant. Tant que j'en viens à faire la paix avec ces grappes de tétines miniatures. Mon grand garçon qui est encore mon tout petit.

7.25.2011

ce que femme veut

Nouveau rendez-vous pour rencontrer un nouveau médecin. Quand j'ai téléphoné pour demander le changement de professionnel et que j'ai expliqué à la secrétaire que c'était pour cause de différend profond qui affecterait mon accouchement même, elle a accepté de me proposer un autre obstétricien. Pendant qu'elle cherchait à trouver lequel ou laquelle, je lui disais que j'en avais vu plusieurs lors de mon dernier suivi et que lui ou elle pourrait m'aller, et en passant, j'ai mentionné un médecin qui a suivi ma soeur G. pour ses deux grossesses et qu'elle a beaucoup apprécié. Finalement, c'est avec lui que j'aurai peut-être la chance de poursuivre à cette clinique. Dr. P. qu'il s'appelle. Je serai honnête avec lui et je lui décrirai l'expérience que je veux vivre pour toi, c'est-à-dire un accouchement vaginal après césarienne le plus naturel possible, dans un contexte d'intimité et de confiance. S'il me sort lui aussi l'argument qu'il y a des risques de rupture utérine, je serai capable cette fois de lui citer la maigrelette statistique qui veut que cette terrible éventualité n'advienne que dans moins de 1 % des AVAC et que cette faible probabilité l'est encore plus si la femme a la liberté de ses mouvements pendant la délivrance puisque d'être contrainte sur le dos force des muscles à mal se contracter et donc augmente les possibilités de déchirure abdominale.

Mais la joie ultime serait qu'une sage-femme du CLSC du Haut-Richelieu me contacte pour accepter de nous rencontrer. Là, le spectre de l'intervention chirurgicale s'évanouirait d'un coup, même si je sais qu'au final, c'est toi et moi ensemble qui allons battre la mesure.

7.23.2011

mater un contretemps par la reconnaissance

La même journée que le Dr. C m'est tombé sur la noix, nous visitions officiellement en soirée la garderie de Cr., là où garçon et miracle renouvelé s'épanouiront jusqu'au moment de commencer leur vie scolaire.

Nous avons vu le potager, le coin dîner dans le solarium, l'espace polyvalent et principal pour les jeux, les bricolages et les siestes. Elle nous a expliqué la routine des amis et entre deux sujets, nous avons parcouru des documents à signer pour l'intégration de Bo. qui débutera le 31 août.

Pendant tout ce temps, les enfants de Cr., Ct. et Et., jouaient avec garçon, tout sourire. Un coffre à costumes les a tenus occupés la plupart de la rencontre. L'ambiance était détendue. Il faut dire que depuis le printemps 2010, moment où j'ai abordé Cr. au petit parc pour savoir si elle avait une place pour garçon, plusieurs conversations et rencontres spontanées ont solidifié les relations. Déjà Bo. reconnaît cette femme qui deviendra une personne clef dans son existence sans l'ombre d'un doute.

À un moment, Cr. a respiré un bon coup et nous a annoncé avec délicatesse qu'elle avait fait une erreur de calcul pour l'intégration de miracle renouvelé. Quand j'avais su que je te portais, je l'avais tout de suite informé de ta venue pour lui demander si une place se libérait pour septembre 2013, ce à quoi elle m'avait répondu oui. Malheureusement, l'enfant qu'elle croyait voir quitter pour l'école cette année-là ne peut que commencer sa scolarité qu'à partir de septembre 2014. Bref, dans l'embarras, elle a tout de même chercher à trouver une solution et ce à quoi elle est arrivé, c'est de nous proposer une place pour janvier 2013, ce qui te donnerait un an pile.

Sur le coup, j'ai tout de suite tiqué mentalement: un an, c'est trop peu pour ne plus t'avoir près de moi. L'autre option, c'était septembre 2014, ce qui t'amenait à deux ans et demi et qui signifierait prendre un congé sans solde beaucoup plus long que prévu, ce que nous aurions du mal à assumer. Après réflexion, nous en sommes venus à la conclusion que puisque tu seras notre deuxième enfant et que tu auras garçon près de toi pour te stimuler, peut-être grandiras-tu plus vite et accepteras-tu de le suivre chez Cr. avec joie. Aussi, nous avons demandé à Cr. si nous pouvions commencer à temps partiel - mais payer temps plein pour son budget - en t'envoyant par exemple deux jours semaine pour disons quatre ou cinq mois, le temps que nous sentions que tu sois assez mûr pour une intégration complète.

Nous ne te connaissons pas encore, ni tes besoins, ni ta personnalité, mais malgré ce changement de plan, nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour te savoir heureux et dans nos efforts pour atteindre ce but, choisir Cr. pour assurer ton développement dans l'amour une fois que je retournerai au travail est une évidence.

7.20.2011

jekyll and hyde

Je lis présentement un ouvrage extrêmement bien documenté intitulé La naissance orgasmique: Guide pour vivre une naissance sûre, satisfaisante et agréable rédigé à quatre mains par Elizabeth Davis, sage-femme, et Debra Pascali-Bonaro, doula. Je n'en suis qu'au deuxième chapitre, mais déjà, toutes les informations et témoignages fournis me parlent, moi qui crois encore au pouvoir du corps de la femme pour accoucher, même après ma césarienne. Cette fois, pour toi, je veux un accouchement naturel. Je veux qu'ensemble, toi et moi, nous vivions toutes ces étapes du plus important labeur de notre espèce. Oui, j'y crois encore.

Ainsi, lorsque Dr. C, mon supposé toubib baba cool, me sidère avec la conversation qui suit, je craque à mon retour au paradis pour plaider mon désir profond auprès de ton papa, afin qu'il comprenne que je ne plaisante pas: cette fois, personne ne m'imposera la peur.

Il arrive dans le bureau, pressé parce que nous sommes trois dans des pièces minuscules à l'attendre chacune de notre côté, pendant qu'une pelletée d'autres poireautent dans la salle d'attente. Il est en retard.

- Tout va bien?
- Oui, merci.

(Je m'installe sur la table pour qu'il vienne sonder mon bas-ventre avec le Doppler, mais il est encore à noter quelque chose dans mon dossier.)

- Saviez-vous qu'une maison de naissance va ouvrir à Saint-Jean-sur-Richelieu? que je lui demande.
- Ah? répondit-il avec un léger agacement dans la voix mélangé à de l'incrédulité. Quand?
- Ils prévoient l'ouverture pour le printemps 2012, mais le suivi avec les sages-femmes débutent au mois d'août.

Pause. Lui toujours dos à moi, occupé à mon dossier.

- Ça t'intéresse-tu? avec un détachement feint.
- Oui, je m'étais informée pour mon premier accouchement, mais habitant la rive-sud, je n'avais pas accès aux maisons de naissance sur le territoire montréalais et comme vous le savez, il n'y en par ici. Je me suis informée pour celle de Saint-Jean et malheureusement, on m'a dit que je n'étais pas sur le territoire desservi par le service.

J'omets intentionnellement d'ajouter que je suis sur la liste d'attente et que s'il n'y a pas assez de demandes, on m'appellera dès août pour commencer mon suivi.
Autre pause. Cette fois, il vient avec le Doppler. Nous entendons ton coeur qui bat avec énergie. Ça m'émeut encore. Je regarde Dr. C, éblouie, mais lui, il évite mon regard et son visage est fermé. Silence pendant qu'il retourne à mon dossier, pour noter encore. Je descends de la table, j'enfile mes Birks, attrape mon sac, me dirige vers la sortie. Il se tourne enfin.

- En tout cas, c'est une bonne affaire que tu aies été refusée parce qu'elles auraient été assez folles pour t'accepter, qu'il me lance avec agressivité.
- Qu'est-ce que vous voulez dire?

Je m'en doute, mais je veux l'entendre de sa bouche.

- Avec ta césarienne, accoucher dans une maison de naissance, c'est de l'inconscience! encore avec cette agressivité qui me frappe de plein fouet.
- Mais au moment de mon accouchement, deux ans auront passé et ma cicatrice sera bien guérie alors un AVAC est tout à fait envisageable, que je lui réponds, selon les informations médicales que son équipe et lui m'ont eux-mêmes données.

Pressé, il ouvre la porte pour poursuivre la conversation dans le couloir, avec son même ton agressif qui fait que les deux infirmières à leur poste se retournent vers nous.

- S'il y a déchirure, c'est pas à une maison de naissance qu'ils vont pouvoir faire quelque chose.
- Bien sûr que non, mais l'hôpital est juste à côté.
- Ce sera trop tard! En tout cas, on en reparlera, mais c'est n'importe quoi comme idée.
- Je ne voulais pas vous fâcher, et je tourne les talons.

J'en ai eu assez. Pas besoin de cette attitude d’arriéré. J'avais lu sur un forum à propos du projet d'implantation de maisons de naissance sur la rive-sud que l'équipe d'obstétriciens de Pierre-Boucher mettait des bâtons dans les roues dans le processus pour éviter que les sages-femmes ne viennent marcher sur leurs plates-bandes, mais là, Dr. C m'en donne la triste preuve.

À M., je dis que si j'en ai la chance, je veux que nous rencontrions une sage-femme, surtout que pour l'instant, les accouchements se feraient à l'hôpital de Saint-Jean, parce que la maison de naissance n'est pas ouverte avant le printemps, ce qui le rassure. Avec une sage-femme, sûrement que le processus se ferait avec un plus grand respect de nos volontés. Aussi, si nous n'avons pas cette option, le centre Anna-Laberge à Châteauguay devient la deuxième possibilité.

Je ne veux absolument pas me retrouver clouée à un lit à Pierre-Boucher pour finir en salle d'opération parce qu'eux auront déterminé que la situation est trop risquée avant même de nous avoir donné une chance, oh que non monsieur le docteur que je veux plus voir du tout.

7.19.2011

le pouvoir des mots

Garçon a commencé à dire: oui. Le jour où nous sommes arrivés à la maison du Vermont, c'est sorti comme ça, plutôt que son fameux hochement de tête ou que son "huh" affirmatif. Depuis, ce petit mot est prononcé à chaque fois que nous lui posons une question, à part si la réponse est non, bien sûr.

Ton papa est très impressionné par cette force de communication qui vient de se décupler nous semble-t-il. Par ce nouveau jalon atteint, nous entrevoyons les mots qui viendront gonfler ton vocabulaire et nous donner encore plus de plaisir pour comprendre. Te comprendre, nous assurer de nous faire comprendre, comprendre les choses et évènements qui nous entourent, ensemble comme avant, mais par le langage plutôt que par la déduction. Bientôt, tu en viendras à tous ces "pourquoi" et "comment" qui te turlupineront à force de jeter des regards avides autour de toi, sachant à ce moment-là que nous pourrons nourrir ta curiosité. Je te souhaite de trouver en nous les guides qu'il te faut.

7.17.2011

purement

C'est fait, nous sommes rentrés. Rentrés d'où penserez-vous puisque je n'ai rien mentionné ici. Mais pardi, du Vermont! Et si je n'en ai glissé mot auparavant, c'est que M. n'est pas chaud à l'idée que sa blonde le révèle sur la toile quand nous quittons le paradis. Alors maintenant que notre retraite dans les vertes montagnes est terminée, je peux souligner les points culminants des derniers jours.

Là où nous étions, c'était au milieu de nulle part, dans un village petit d'une poignée de maisons à peine. Quand j'avais trouvé cette maison sur un site de propriétés à louer dans cet état américain que nous avions beaucoup aimé visiter pendant l'été 2008, mon critère principal était qu'elle soit situé près de Montpelier, cette capitale hippie où le fabuleux magasin d'aliments naturels Hunger Mountain Coop allait nous servir de point de ravitaillement pour la cuisine de la semaine. Aussi, m'y prenant en mars pour réserver quelque chose en juillet, plusieurs chalets affichaient déjà complet. C'est ainsi que nous nous sommes retrouvés à sillonner des chemins de terre et de gravelle pour tout déplacement de la semaine qui vient de passer.

Malgré tout, nous avons bien frappé. Pour pas cher du tout, nous avions un bel espace au décor dépouillé et chaleureux parce que pour la plupart en bois, juché à flanc de montagne, nous offrant une vue panoramique sur cette nature presque intacte grâce à une fenestration importante dans les aires communes et ouvertes. Les plafonds de type cathédrale et la mezzanine augmentaient cette impression de vastitude. Surtout, je disposais d'une cuisine fonctionnelle pour concocter nos repas.


Pour le reste, nos activités peuvent se résumer à des sorties avec Jasmine la Fit dans des villes et villages de la région de la capitale. Une visite à la fabrique de la fameuse crème glacée Ben & Jerry's à Waterbury, un tour à Burlington où nous avons dîné au délicieux Skinny Pancake à deux pas du Lac Champlain, une descente grisante en "alpine slide" pour M. et garçon à Stowe, une randonnée pédestre dans le Allis State Park et quelques virés à Montpelier, bourgade peace s'il en est une.

Nos batteries sont chargées de bon air et quand je ferme les yeux, je ne vois que de la chlorophylle. Si près de nous, cet havre regorgeant de richesses simples. À le voir, j'espère toujours pouvoir ainsi le retrouver.

7.15.2011

24 sur 24

Les vacances, ça fait que garçon et papa s'amusent comme des fous. À tous les jours, M. reste avec nous et pour Bo., c'est de la pure joie. Avec lui, c'est le jeu, les rires, les avions de papier, les tours d'essai de son vélo sans pédale, les becs sur le ventre et les poursuites tout en bond autour de la maison. Garçon l'appelle encore "maman", mais je suis prête à parier que d'ici la fin de son congé, M. pourra l'entendre dire à nouveau le fameux "papa" - parce qu'il le disait lorsqu'il a commencé à parler le petit torieux - de sa voix douce.

Il n'aura fallu que ces quelques jours pour que M. en vienne à comprendre mieux que moi parfois à décoder les besoins de Bo. et ça le rend tout heureux, non par orgueil mal placé, mais plutôt parce qu'il a l'impression de lire sa progéniture comme il se doit quand on en a une. Pas toujours facile d'être celui qui regarde le lien maternel se renforcer au fil du congé de maternité qui progresse et que l'on doit prendre la route du boulot plus souvent qu'autrement.

Garçon profite de son clown de papa, il se colle à lui s'il se fait bobo, il se tourne vers lui s'il a besoin d'un coup de pouce pour préparer sa prochaine bouchée, il le cherche dès son réveil, prêt à l'aimer encore plus, toujours plus.

7.13.2011

éternel retour

Les dates et les calendriers qui font avancer nos vies, ils servent à notre mémoire, nécessairement. Ils nous rappellent les évènements qu'il ne faut pas oublier comme l'on peut oublier lorsque l'on vieillit et que nos vies qui avancent se remplissent d'une foule d'occupations qui nous brouillent l'attachement au passé. Dans mon cas en tout cas. La nostalgie me vient par flashes et décide elle-même de là où elle me largue dans moi. Tout ça dans les moments du présent les plus anodins. Je récure ma baignoire et elle me frappe. Je bois un verre d'eau et elle me noie. J'essaie de relaxer dans une seconde nue et elle vient habiter cet interstice sans la moindre retenue. Ne m'oublie pas. J'étais là avant toi.

Mais je l'ai souvent écrit, si j'écris, c'est parce que je n'ai pas une bonne mémoire. Ma nostalgie ne carbure qu'aux tiroirs non verrouillés de ma caboche. Autant dire qu'elle bondirait de joie au répertoire qui s'ouvrirait à elle si je m'étendais sur un divan.

Ma théorie, c'est que je vis dans le présent. Bon, rien de fracassant comme affirmation surtout quand tout le monde peut en dire autant. Seulement, je crois sincèrement avoir un niveau de connexion au présent un peu plus élevé que la moyenne. D'ailleurs, je n'ai pas de compte Facebook et une des raisons principales qui explique ce choix, c'est que d'imaginer des gens de mon passé qui me retrouveraient, ça me fout les jetons. Non pas que ces relations n'étaient pas vraies et sincères lorsqu'elles occupaient une place significative dans ma vie au moment où elles l'ont fait, non, bien sûr que non. Mais j'ai pour mon dire que si ces relations se sont élimées au fil du temps au point de s'effacer de mon présent, à quoi bon revenir à elles, ou plutôt à l'ombre d'elles-même. Je ne suis plus la Ludivine qui est allée à l'école primaire d'un petit village franco-ontarien, non plus que je suis cette personne qui a travaillé au Dunkin Donuts sur Queen Mary. À quoi bon me retrouver alors.

Pourtant, j'aimerais parfois que ma nostalgie parvienne à sonder des zones plus reculées sur la ligne du temps, malgré ma connexion au présent. Et quand le calendrier revient avec ses dates sémaphores, ce besoin m'anime tout particulièrement. Si les réseaux sociaux pouvaient me permettent de reconnecter avec ton âme, ton amour, ta voix, ton visage, je serais la première accroc. D'ici là, ton anniversaire est une pierre blanche que je polis soigneusement à chaque année et grâce à lui, le présent fait place à ta mémoire. Papa.

7.11.2011

soulever le poids

Quand ma soeur G. a pris la parole pour nous remercier d'avoir assisté à la cérémonie de baptême de son deuxième garçon, Ar., sa gorge s'est serrée parce qu'elle n'a pu s'empêcher de penser à là où ils étaient il y un an de cela.

Car il y a un an de cela, ils venaient d'apprendre le sexe de leur second enfant en même temps que le radiologiste leur avait expliqué que leur enfant avait une malformation: une fente au niveau labial, peut-être même au niveau du palais. Je me souviens encore de l'appel de ma soeur pour m'annoncer les deux nouvelles. C'est un autre garcon et il a un bec de lièvre - le terme péjoratif qu'ils ont utilisé parce que c'est plus connu que le terme scientifique que nous ne connaissions pas encore. Au téléphone, G. m'a avoué avoir beaucoup pleuré lorsqu'ils lui ont annoncé la nouvelle, mais déjà quelques heures plus tard, elle puisait une force dans son rôle maternel.

Nous aussi nous nous étions fait annoncer un bémol lors de notre échographie avec garçon: l'histoire avec sa dilatation du bassinet au niveau du rein droit. Beaucoup moins majeur direz-vous, mais aucun bémol n'est facile à avaler pour les parents, croyez-moi. Pour ma soeur et son conjoint débutait dès lors tout un parcours d'acceptation du destin et de rencontres avec des spécialistes à l'hôpital Sainte-Justine.

Puis, Ar. vit le jour et sa différence physique, les mois qui passèrent nous la fit oublier, en plus des interventions chirurgicales. Aujourd'hui, ma soeur G. le dit, le pire est derrière eux. Ar. est en santé, en plus d'être beau comme un coeur, vrai de vrai.

Depuis quatre ans maintenant, tous les étés apportent une nouvelle échographie dans notre famille puisque ma soeur G. et moi avons été bénies des cieux à intervalles réguliers chacune notre tour, aux deux ans. Bientôt, je l'ai déjà écrit, ce sera à nous de retourner dans une pièce sombre où un technicien manipulateur de sonde prendra une foule de mesures qu'un radiologiste viendra ensuite nous interpréter. Ce que je veux entendre à ce moment-là c'est: vous avez un bébé en santé, tout à fait normal. Garçon ou fille, ce n'est vraiment qu'une cerise sur le sundae, presque un caprice d'humains trop habitués à la technologie qui dessert un but réellement plus déterminant pour l'avenir de l'enfant.

7.08.2011

manger frais

Les fraises de la fin de semaine dernière m'ont beaucoup déçue, tout le geste de les cueillir aussi. Jamais au grand jamais je n'avais vécu une si pauvre expérience. Pas assez mûres et si éparses sous les feuillages touffus qu'il m'aura fallu plus d'une heure pour remplir mon panier de quatre litres avec une récolte franchement bof. An. m'a trouvé bien critique, elle qui les jugeait bien beaux ces petits fruits. Mais voilà, de son propre aveu aujourd'hui après une seconde expérience de cueillette pour me contenter - de fraises trop mûres cette fois-ci -, elle ne connaît que les fraises américaines qui débarquent dans les supermarchés en plein mois de janvier, étant Brésilienne d'origine.

Moi, soulever les feuilles d'un fraisier, je m'y connais un peu. Bon, quelques années ne m'ont pas vue m'accroupir dans un champ, mais j'ai quand même plusieurs paniers de remplis à mon actif d'humaine cueilleuse. C'est comme on pourrait dire une tradition familiale. Je crois surtout que cet attachement aux récoltes qui marquent la belle saison nous vient de ma grand-mère. En lui parlant cette semaine de ma déception, nous en avons conclu que cette année, le temps des fraises aura été radicalement écourté par un printemps trop pluvieux et froid.

Puisqu'elle est maintenant âgée de 84 ans, ramasser des fraises au ras du sol est devenu trop difficile. Pour une femme qui battait des records de cueillette lorsqu'elle travaillait pour un agriculteur de Mirabel, c'est tout un deuil. Heureusement, il y a encore les framboises accrochées aux branches de leurs arbrisseaux et justement, elle planifie y aller dans les jours qui viennent avec sa meilleure amie parce que c'est à leur tour d'arriver sur les étals des producteurs locaux.

Suivre l'été au fil de ces trésors arrivés à maturité sous le soleil d'ici, c'est un peu beaucoup ça l'abondance.

7.06.2011

l'importance de l'anodin

An. me demande si je note les "milestones" de Bo., les moments clefs de son évolution humaine. Sur le coup, je réponds que non et puis je me ravise. Ma foi, je blogue et ce faisant, j'en glisse quelques-uns ici et là. Parfois avec un peu de retard par rapport à l'évènement, mais tout de même, je crois qu'à fouiller mes écrits, il pourra retrouver des capsules descriptives de ses progrès et reconstituer son parcours comme l'on assemble un puzzle.

Ainsi, comme s'il savait que c'était l'un des sujets du jour, il décide de nous surprendre avec un de ces moments clefs de son évolution humaine ce soir, pendant notre marche dans le grand parc, après le souper. Enfin, c'est moi qui le qualifie de tel ce geste doux et tendre qui fait fondre nos coeurs de parents simultanément.

Tu t'installes entre nous deux. Tu attrapes la main de ton papa et comme ça, tu demandes ma main avec ton autre main. Liés de pareille manière pour la première fois, je crois vraiment que c'est à inscrire dans l'éternité des mots sur écran.

7.04.2011

clic, il fait clair

Un éclair a zébré le ciel et sa lumière bleutée m'a fait sortir sur le balcon arrière pour voir cet orage se lever si subitement. Au loin, l'horizon ardoise mangeait le bleu à toute allure pendant que d'autres cumulonimbus grondaient. De retour à l'intérieur, il n'a fallu que quelques minutes pour qu'une de ces fameuses décharges électriques s'affaissent si près du paradis que la maison qui travaillait - comme le dit si joliment Urbain Desbois - s'éteigne d'un coup. Silencieux le lave-vaisselle, la sécheuse, l'air climatisé, le réfrigérateur, le déshumidificateur, les ventilateurs. Bang. Plus rien. C'était notre première vraie panne d'électricité depuis que nous sommes installés dans notre nid et dehors, le mercure oscillait autour d'une trentaine de degrés.

M. a remarqué que les maisons d'en face ne semblaient pas touchées. Il est sorti à l'arrière pour demander à nos voisins Algériens s'ils avaient toujours du courant et K. lui a répondu que non, d'ailleurs aurais-tu une chandelle à nous refiler. Faisant cela, M. est revenu avec le bon truc de cette cuisinière aguerrie de mettre notre viande du frigo au congélateur, au cas où cette coupure durerait toute la nuit.

On dit souvent que c'est lorsque nous venons à manquer de quelque chose que nous réalisons sa valeur.

En me mettant au lit hier soir dans notre paradis complètement endormi, je me suis souvenue combien la crise du verglas en 1998 avait bouleversé de vies, combien j'avais été chanceuse de vivre alors dans un logement qui n'avait manqué de cette précieuse électricité qui fait tout fonctionner ou à peu près tout dans nos chaumières qu'une heure à peine pendant ces deux semaines de grande noirceur. Trente degrés, c'est accablant, lourd, mais moins trente degrés, c'est terriblement menaçant, rien de moins. D'ailleurs, combien de foyers ont été installés dans les maisons après cette preuve de notre vulnérabilité face aux éléments.

Quand vers une heure du matin le répondeur a lancé "answer on, please wait for the beep", nous avons compris que la source d'énergie nous était redevenue accessible. Chacun de notre côté, nous nous sommes tirés du lit pour aller remettre en marche tous les appareils nécessaires à notre confort et puis apaisés, nous avons à nouveau sombrer, bien conscients de notre dépendance à cette invisible électricité.

7.01.2011

farouche

Alors voilà, depuis deux jours qu'ils sont revenus dans notre quotidien, nos voisins Brésiliens. Hier, deux petits sauts de crapaud chez eux, aujourd'hui, virée dans un parc avec des jeux d'eau et puis barbecue au paradis pour le souper, demain, autocueillette de fraises et poutine dans un shack à patates réputé pour être l'un des meilleurs de la province, rien de moins.

Ce soir, pendant que je préparais les salades et la courge spaghetti à l'ail, An. me confie que je lui fais peur, que ma grossesse m'a changée, que je suis plus directe, que mon attitude a perdu une certaine douceur, qu'elle essaie de m'expliquer. Je lui demande si je l'ai offensée d'une quelconque manière, si je l'ai brusquée. Elle me répond que non, que c'est juste une observation qu'elle ne peut s'empêcher de faire, ayant été loin de moi ces six dernières semaines et donc à même de le constater. Aussi, elle se souvient que je lui avais parlé d'un phénomène similaire qui m'avait envahie enceinte de Bo. et elle comprend maintenant ce que je voulais dire. C'est comme si d'être en gestation d'une vie me rendait avide d'essentiel dans mes relations humaines. Cut the crap, get to the point and be nice doing it. Évidemment, cela compte pour moi également.

Peut-être que le fait d'avoir retrouvé une certaine solitude au quotidien lorsqu'elle était partie demande que je me réhabitue à la socialisation. Je dois retrouver le bonobo en moi.