Journée de chants de cardinaux, de chiens rencontrés au grand parc, de garçon qui marche sur le pont de bois du grand parc, de garçon qui dit "non-non" en plus de secouer la tête, de garçon qui exprime de plus en plus ses moments de frustration en lançant des objets ou en cherchant soit à me tirer les cheveux, soit à me pincer très fort la peau du cou. Eh oui, nous apprenons que la docilité de Bo. a ses limites. Vaincre ces explosions violentes par l'amour et la patience. Pas toujours facile donc peser play dans ma tête pour faire rouler ma cassette mantra préférée: c'est juste une phase.
Journée de coïncidence conversationnelle, si je puis formuler ça ainsi, considérant que ma lecture de cet après-midi était un tête-à-tête entre l'auteur et moi.
Je m'avance peu à peu dans ce livre rédigé par Alexander Sutherland Neill, psychanalyste et pédagogue décédé en 1973, intitulé Libres enfants de Summerhill, Summerhill étant une école fondée par cet homme en 1921 qui est aujourd'hui dirigée par sa fille, Zoë Neill Readhead. En gros, on y apprend la philosophie toute particulière de cet environnement éducatif pas tout à fait comme les autres. À Summerhill, la liberté n'est pas seulement qu'un beau mot écrit en blanc sur une branche de laurier tenue dans le bec d'une colombe imprimée sur un t-shirt, la liberté, c'est le mot d'ordre qui régit les lieux autogérés. Les enfants qui fréquentent l'établissement ont, entre autres, le choix de se présenter en salle de cours ou de jouer dans un recoin de la propriété pendant des jours, des semaines voire des mois s'ils en ont envie. Summerhill, c'est beaucoup plus qu'un lieu d'anarchie. En fait, c'est tout le contraire. C'est un microcosme où des assemblées générales ont lieu à tous les samedis soirs, moment où tous les membres de cette communauté se réunissent pour prendre des décisions collectives, qu'ils votent à mains levées, en vue d'un fonctionnement de groupe harmonieux. Si vous êtes intrigués, aller au fond de la chose en dégotant une copie de ce bouquin devenu "un classique de la pédagogie libertaire" selon l'Encyclopédie Universalis.
Pour en arriver au fait de cette coïncidence, je commence par résumer brièvement l'essence du chapitre parcouru pendant la sieste de garçon, celui portant sur la sexualité. Neill, en bon freudien, prétend que la sexualité est la base de l'identité individuelle, que cela relève de l'instinct, et que de provoquer des associations culpabilité-sexualité dans l'esprit des enfants les transformeront en adultes antivie, antivie dans le sens de haine, de tristesse, de négativisme, de méchanceté. De taper la main d'un enfant qui palpe ses parties génitales par exemple, de le punir parce qu'il jouait au docteur avec des amis, d'utiliser le mot "sale" pour couper court à son exploration, de lui interdire, une fois devenu adolescent, toutes relations sexuelles sous le toit familial et j'en passe. En lisant tout cela, je me dis qu'il me faudrait aborder le sujet avec M., pour commencer à orienter notre rôle parental à ce sujet.
La coïncidence survient lorsque, pendant que nous sommes tous les trois installés dans la salle de jeux de Bo. - sa future chambre -, M. me rapporte des propos qu'il a lus sur Internet aujourd'hui, une histoire de couple parents qui lance cette question: jusqu'à quel moment est-il correct de se promener nus devant nos enfants. M. me résume le contexte de la question - couple jugé par leurs familles respectives dans leur choix de ne pas cacher leur nudité à leurs enfants lors d'un bain ou d'un tour aux toilettes - et la réponse d'une professionnelle qui donne comme indice de bon moment ce changement qui s'opère chez l'enfant quand celui-ci recherche lui-même à préserver son lieu d'intimité, en gardant la porte de sa chambre fermée par exemple.
Je suis heureuse d'apprendre que M. et moi, nous sommes sur la même longueur d'ondes. Bo. pourra accueillir les expériences sexuelles qui l'attendent sur son chemin de vie, quel que soit son âge, sans crainte. Bien sûr, loin de nous l'intention de le pousser à expérimenter. Ce sera à lui de déterminer son rapport à l'intimité. Comme Neill, je crois qu'une exploration sexuelle infantile normale et libre évite bien des perversions futures. Un esprit sain dans un corps sain. Un corps incarné dans chacun de ses recoins.