Debout à 4 h du matin, ma soeur B. et moi avons vu passer six heures de la journée, lever de soleil derrière le décor urbain de la grande Toronto y compris, assises dans notre charrette motorisée. À la différence des mennonites et de nos ancêtres, ce sont les chevaux sous le capot qui ont fait le gros du travail, surtout que pour la majorité de ce voyage de retour, le cruise control nous a rendu drôlement service. Merci technologie.
Alors oui, nous les avons visité ces fameux êtres humains vivant leur foi chrétienne basée sur des valeurs spécifiques: la simplicité dans les habitudes de vie et la non-résistence. Ainsi, ils utilisent parfois des objets conçus selon l'évolution technologique de l'ère contemporaine, mais optent toujours pour des choix qui leur permettent de perpétuer leur quotidien dans un dépouillement visé intentionnellement. Par exemple, à la ferme laitière où notre franchement sympathique et décontractée guide nous a amenés, la collecte des centaines de litres de lait se fait mécaniquement et pour la transformation de l'eau d'érable recueillie des arbres entaillés à un bout de la propriété, les installations modernes permettent d'obtenir le sirop en un rien de temps comparativement aux anciennes manières de faire. Cependant, leurs habits demeurent ceux d'une autre époque - robe longue de coton épais et bonnet recouvrant la chevelure pour les femmes; chemise claire, pantalon sombre et bretelles pour les hommes -, ils ne possèdent pas de poste télé et n'ont qu'un téléphone par propriété, s'ils en ont un. Bien sûr, il y a une foule d'autre détails instructifs à connaître à propos de cette communauté, entre autres qu'elle est si unie en temps de malheur, dans le cas de l'incendie d'une demeure par exemple. Les mennonites ne souscrivent à aucun régime d'assurance, en lien avec les valeurs citées ci-haut, alors, si besoin il y a, ils se serrent les coudes et rebâtissent ce qui doit l'être. La façon de vivre la valeur de non-résistence a été pour moi le point à retenir. Comme tout citoyen du pays, ils paient leurs impôts, mais fait intéressant, ils n'acceptent aucune aide gouvernementale pour continuer à cultiver la terre et en retour, les instances politiques acceptent que les membres de cette communauté ne soient pas obligés de participer à une guerre dans une telle éventualité. C'est une des expressions de cette valeur pilier.
Des terres cultivées, j'en ai vu ce jour-là, mais aussi hier lorsque nous sommes revenus de Niagara et que le beau-père de ma soeur B. a décidé de prendre les chemins de campagne pour rentrer au bercail. Je ne pouvais être plus heureuse, moi qui adore ces aventures improvisées dans des contrées inconnues. Pour nous rendre aux chutes, nous devions séparer notre groupe dans deux véhicules. Ainsi, B. et sa belle-mère ont placoté ensemble dans une de deux voitures tandis que son beau-père, ses deux enfants et moi occupions l'autre en formant un joyeux petit groupuscule. Em., ma filleule, l'aînée de deux petits poulets âgée de quatre ans et demi, et Wi., mon adorable cabotin de neveu de trois ans, ont été de bons voyageurs, ne se chamaillant que rarement et cessant leurs enfantillages dès que j'en formulais la demande. Notre journée touristique fut des plus agréables, surtout lorsqu'après avoir subi la douche tout en gouttelettes provenant des fantastiques chutes, visité l'horriblement américanisée à outrance rue Clifton Hill et mangé notre délicieux pique-nique dans un espace vert au pied d'un bel arbre hospitalier, nos véhicules se sont rendus à Niagara-sur-le-lac, bourgade impeccable au centre-ville bordé de jolies boutiques située à une petite vingtaine de kilomètres de l'attraction majeure de la région. La beauté des propriétés longeant la route est à couper le souffle et partout, des panneaux indiquent le nom de vignobles ou de vergers à visiter. Avant de quitter ce petit coin merveilleux, j'ai d'ailleurs acheté un gros contenant bourré de cerises belles comme des rubis tout juste cueillies des arbres rabougris.
Ces derniers jours ont surtout été marqué par mes compagnons au quotidien. J'ai été un élément de cette mini-tribu, celle divisée en deux véhicules, et je me suis fait offrir une hospitalité d'une générosité naturelle par les beaux-parents de B. Mamie et Papi, comme les enfants les appellent, m'ont ouvert leur demeure comme si j'étais de leur propre sang. Nombreux furent les moments de détente simples, les délicieux repas santé à la bonne franquette et les conversations tournant autour de nos familles et de nos valeurs de vie. L'énergie émanant de ce couple de sexagénaires m'a encore une fois impressionnée. Leurs petits-enfants carburant sur leur pure jeunesse n'ont rien à envier à ces grands-parents rieurs, fanfarons, actifs, mais surtout fous amoureux de leurs petits bouts.
D'être auprès de ma B. m'a aussi fait un bien énorme. Cette soeur avec laquelle j'ai partagé ma chambre à coucher jusqu'à l'adolescence, pour ensuite partager notre logement quelques années, je la retrouve toujours aussi rigolote, enjouée. Bien sûr qu'il y a parfois des frictions, par exemple lorsque nous n'arrivons pas à trouver notre chemin et qu'elle, qui est à la roue, commence à s'impatienter, mais nous sommes nous-mêmes l'une avec l'autre et c'est la beauté de notre relation.
Enfin, il y a eu auprès de moi cette semaine ces deux poulets, Em. et Wi., petits êtres en pleine exploration, constamment. Ils sourient, se blessent, pleurent, charment, bougonnent, surprennent, désobéissent, font fondre nos coeurs de leur tendresse spontanée. Ce sont tes cousins bébé Bo. et ils savent que tu t'en viens bientôt te joindre à leur bande. Bientôt, toi aussi tu bénéficieras de tous ces gens si bons qui forment ta grande famille. Chanceux.