Mon dernier message blogue, quand je le rédigeais, il me paraissait inoffensif, presqu'anodin. Je vous l'ai déjà dit, quand je m'assois devant l'écran, je ne sais pas où je vais aller, ce sont les mots qui surviennent et qui prennent le dessus. À partir de ces premiers mots, j'enchaîne et je change de direction seulement si d'autres mots s'imposent plus loin. Un peu comme de l'écriture automatique. C'est ma technique d'écriture. Mes trois premiers manuscrits se sont construits de pareille façon.
Bien sûr, ces mots qui surviennent, ils puisent dans ce que je vis, ce qui a retenu mon attention, ce qui suscite mon intérêt. Mais parfois, comme pour mon dernier message, je trouve qu'ils m'amènent à révéler des choses banales, et ces fois-là, je décide de les suivre quand même là où ils m'amènent parce que cet espace blogue est là pour ça aussi, pour parler des choses banales qui ne le sont pas au final puisque chaque chose a sa place et sa raison. Et surtout, il ne faut jamais se fier aux premières impressions.
La preuve, je vais vous la donner. Pendant la rédaction de mon dernier message, quand je suis arrivée aux mots "je chie", je me suis dit: "Mais pourquoi les mots m'amènent-ils là?" Les mots, mon esprit, mon raisonnement, dans le contexte de l'écriture, ça revient au même. Mais puisqu'ils sont survenus dans un contexte et qu'ils avaient leur place, je les ai laissés là. Passant au prochain paragraphe, M. rentre dans la pièce orange, et lance,
out of the blue et sans lire là où j'en suis dans mon message
, que depuis qu'il a décidé de réduire sa consommation de bière - il avait pris l'habitude de se détendre en rentrant du travail en décapsulant une bouteille - il est constipé. En vieux couple que nous sommes, ce genre de déclaration ne se fait pas souvent malgré tout parce que nous sommes assez réguliers lui et moi. Mais comme je l'ai dit dans le dernier message blogue, un péristaltisme régulier est un signe de santé. M., en changeant une habitude de vie, a modifié sa routine et son corps doit retrouver son rythme, c'est tout. Rien de trop grave. Dans son cas, sa santé ne s'en portera que mieux.
Moi quand il fait sa déclaration, je ne peux m'empêcher de faire le lien avec le passage que je viens tout juste de compléter, celui où j'ai hésité. Je lui en parle et il me dit: "Mais pourquoi vas-tu écrire quelque chose comme ça?" Et je lui lis le passage en question, dans son contexte et il décrète que tout le monde qui lit mes messages connaîtront nos habitudes. Oui, quelques-unes et alors? De toute manière, une vie, une individualité, c'est un million de petites choses. Celui qui prétendra me connaître de fond en comble, eh bien, celui-là je lui donne ma peau et mon cerveau sans peur. Ce ne pourra être que mon clone, et encore. Il le sera vraiment seulement s'il possède aussi le contenu de mes tiroirs mnémoniques puisque je suis le résultat de millions de millions d'expériences, alors une telle probabilité est assez mince.
Mais je m'éloigne de cette démonstration de preuve voulant que mon dernier message blogue, somme toute ordinaire, se soit avéré de portée assez particulière. La première preuve, c'est ce petit moment bizarre entre M. et moi, le timing surtout.
La deuxième, c'est que lorsque je reviens de ma marche ce soir-là, juste après avoir complété la rédaction de mon message blogue, je me tape le nez contre une porte d'entrée fermée à clef. Je fais le tour et la porte patio est également barrée. Sur le comptoir de la cuisine, je vois qu'il y a nos plats de lunch qui tiédissent et un petit mot. Sur ce bout de papier, mes yeux peuvent reconnaître l'écriture de M., mais je n'arrive pas à décrypter le contenu. Dans mon esprit, je fais les liens suivants: les plats de lunch signifient que lorsque je suis partie, il a fait cuire les fèves jaunes comme je le lui avais demandé et peut-être qu'après s'être acquitté de cette tâche, il a décidé d'aller se promener puisqu'il semblait déçu de ne pas pouvoir m'accompagner, ce qu'il avait voulu faire, mais à vélo. Alors, je me suis assise sur les marches d'entrée du paradis et j'ai attendu. Ne portant aucune montre, jamais, j'ai estimé l'heure et j'ai attendu.
Dix minutes, vingt, trente. Aucun signe de mon amoureux. Bien sûr, à cette heure-là, j'avais déjà fait le deuxième lien avec mon dernier message blogue divaguant sur ma routine dont les deux dernières phrases étaient: "Ça me plaît ce rythme peinard. Justement, ça me dispose à l'imprévisible." Est-ce que le fait d'être embarrée dehors, c'est du domaine de l'imprévisible? La réponse, c'est oui. Depuis que nous sommes ici, ça ne m'est arrivé qu'une seule fois et cette fois-là, j'avais marché jusque chez la mère de M., qui a un double de notre clef. En arrivant là-bas, j'avais remis le cadeau d'anniversaire à Rc., l'ancien amoureux de sa mère. Ce cadeau, c'était un bâton de marche. Il avait été heureux comme un pape et moi, j'avais retrouvé mes clefs dans mon sac quand j'étais arrivée à la maison. Comme quoi la vie avait son propre plan ce jour-là, comme à tous les jours.
Assise dans l'attente, mon esprit a commencé à chercher d'autres possibilités de l'absence imprévisible de M. Rapidement, j'ai pensé que je devrais peut-être aller demander à un voisin si je pouvais emprunter leur téléphone le temps de passer un coup de fil chez la mère de M. Cette semaine, elle nous a appris qu'elle et Rc., son ancien amoureux, c'est fini. Je me suis dit que M. était peut-être avec elle, pour lui tenir compagnie. Mais il était rendu 21 h dépassées et j'ai jugé que ce serait impoli de déranger quelqu'un. J'ai aussi pensé que je réveillerais sa mère si au fond, M. n'était pas là. Alors, j'ai attendu, presque résolue à dormir sur le perron, dans l'éventualité que M. dorme chez sa mère
in extremis en pensant que j'étais bien au chaud dans notre lit. Parce que, quand il est apparu au bout d'une heure dans la voiture de sa soeur, il m'a dit qu'il s'inquiétait pour moi puisque je ne répondais pas au téléphone. Dans sa tête, j'étais partie avec ma clef. C'est pour ça qu'il avait quitté précipitamment pour se rendre chez sa mère, qui ne filait vraiment pas, avec la certitude que je rentrerais à la maison, que je tomberais sur son message et que je viendrais à mon tour le rejoindre là-bas.
Deuxième preuve donc, toujours se tenir prêt pour l'imprévisible. Lien assez béton.
La troisième preuve que mon dernier message aux allures banales m'ait amené à faire des liens avec le cours des choses, c'est le lendemain qu'elle s'est matérialisée dans une conversation téléphonique avec mon amie Sr. Il y avait un mois que nous ne nous étions parlées elle et moi. J'arrive à la maison et sur le répondeur, elle m'a laissé un message avec une conclusion énigmatique. Je l'appelle sans attendre et elle m'apprend qu'elle a été en arrêt de travail toute la semaine. De fil en aiguille, elle m'explique que son corps a décidé de miner complètement son appétit et qu'elle, une gourmande de nature, a angoissé sur ce drôle de symptôme. Elle s'est fait donner plusieurs pistes pour trouver la source du problème. Je lui ai donné la mienne à rajouter dans son panier. Ma conclusion à cette réaction de son corps, c'est justement qu'elle a besoin d'établir une routine de vie saine et agréable. Elle me dit qu'elle a lu mon dernier message blogue et nous parlons de l'importance d'une routine, de ses effets sur la santé. Il est de notre responsabilité de rendre notre vie plaisante et paisible. Si nous ne le faisons pas, qui le fera pour nous? Une vie saine, comment est-ce que ça se définit? Avec nos valeurs et la manière que nous les départissons selon nos priorités. Par exemple, la santé est importante pour moi alors j'ai décidé d'accorder une place de choix à la popote et à la qualité des aliments que nous ingérons; de me sentir bien dans ma peau est important pour moi alors j'ai décidé de commencer à marcher sérieusement; d'écrire est important pour moi alors je blogue à tous les deux jours en moyenne.
Alors voilà, ce dernier message blogue, il a été comme une araignée au milieu de sa toile. Fascinant processus que cet inconscient révélé par l'écriture. C'est une des raisons qui me fait revenir ici depuis deux ans maintenant. Aujourd'hui, en ce 20 juillet 2008, j'entame ma troisième année sous vos yeux. À la nôtre!