orphelins de l'Éden

7.13.2008

souffle

Bonne fête papa. Tu aurais eu 56 ans aujourd'hui. Nous t'aurions sans doute célébrer autour d'un bon repas en famille. Assurément, ma soeur G. aurait glissé un mot à propos de son garçon dans son ventre et B. et ses enfants auraient été des soleils pour toi puisque tu ne les aurais pas vus depuis deux ans toi non plus. Je t'aurais trouvé un cadeau qui t'aurait plu, sûrement quelque chose à voir avec ton amour de la musique. Il paraît que les vinyles réapparaissent dans les bacs. Tu aurais souri en le tenant entre tes mains, celui que j'aurais choisi pour toi, sûrement celui de Black Mountain, ce groupe contemporain qui a le son des années 70 que tu aimais tant. Un de plus à ta collection.

Puisque tu es parti depuis presque vingt ans maintenant, que ton âme s'est alors séparée de ton enveloppe corporelle et que tes cendres sont retournées à la poussière de la planète, je ne fais que fabuler. Mais comme à tous tes anniversaires qui sont passés depuis le 18 février 1989, je pense à toi, à ce jour qui t'avait vu naître. Je sais que maman et tes deux autres filles penseront aussi à toi. C'est inévitable. Cette date est encerclée sur le calendrier de nos vies.

Bizarrement, cette année, j'ai beaucoup pensé à toi hier, la veille de ton jour de naissance. Vois-tu, j'ai assisté aux funérailles de la mère d'un ami de M. Cette femme était gravement malade depuis des années, mais comme sa fille l'a dit pendant le service, elle était une battante au coeur rempli de joie et de générosité. Elle a tenu bon longtemps face à la maladie. Al., l'ami de M., a interprété une pièce de Radiohead en grattant la guitare sèche et en chantant cette plainte déchirante. Quand il a terminé, j'ai chuchoté à M. qu'Al. est extraordinaire, ce que je pense depuis que je le connais. Sa mère avait tout organisé: la cérémonie, les chansons à propos qui ont ponctué le service, un mot d'adieu à l'entourage, jusqu'au choix du buffet servi après. Elle a même pensé à ce que ses deux enfants reçoivent chacun un peu de ses cendres, tassées dans une colombe de verre taillé, un objet discret, tenant dans la paume d'une main. Une belle pensée.

Quand Al. nous a raconté que la veille, il a dû serré les mains de gens qu'il ne connaissaient pas du tout, mais qui étaient venus lui transmettre leurs condoléances, j'ai repensé aux trois jours où nous avions dû nous tenir à côté de ton cercueil ouvert afin que le village en entier te voit une dernière fois, toi le rebelle qui les effrayaient sans doute un peu par ta différence. Quand Al. nous a raconté comment il a appris que sa mère a vécu ses dernières heures, je t'ai revu alité à l'hôpital tes derniers jours, cloué là par la paralysie et tes autres blessures causées par l'accident. Quand la soeur d'Al., Dm., a lu son mot à sa mère à l'église et qu'elle a éclaté en sanglots, je me suis souvenu du moment terrible où ton cercueil a été emporté par le cortège pour la dernière fois, de mes cris de panique.

Que faire d'autre que de prendre Al. dans mes bras, de l'écouter et de lui transmettre des mots d'encouragement? Le temps passe, tu verras, la douleur s'estompera, son image dans ta tête aussi malheureusement, mais ta mère sera toujours là. Mon père est toujours là. Tu es toujours là, toi qui a complété le cycle de ta vie pour te fondre à l'éternel. Bonne fête papa.