10.28.2010
10.24.2010
vingt-et-un mois vers l'autonomie
C'est dans la pièce chinoise du château rose de ta marraine B. que tu as répété à quelques reprises ta marche d'une bonne douzaine de pas. Comme ça, hier matin, avant que nous ne partions direction l'Ontario pour une grande réunion familiale qui allait souligner ton premier anniversaire en plus de ceux des six ans de ta cousine Em. et des deux ans de ton cousin Lc., tu t'es élancé vers ton papa dans la cuisine en faisant une dizaine de pas. J'ai fondu en larmes de te voir si grand tout à coup. Que veux-tu, je suis émotive dernièrement.
Tellement émotive que M. a voulu que je passe un test de grossesse la semaine dernière, persuadé que ton petit frère ou ta petite soeur était déjà en route. Il a été déçu d'apprendre que mes sautes d'humeur étaient plutôt sans doute dues à mes nuits fragmentées par tes nombreux réveils. À ce sujet, nous tentons de revenir à tes longs blocs de sommeil en y remédiant par l'homéopathie. M. est sceptique de ce que les granules puissent vraiment influer la quiétude de ton long dodo. De mon côté, je me dis: pourquoi pas? Mr. l'homéopathe en est convaincue elle, alors fonçons.
Un test de grossesse aussi parce que mes menstruations n'ont toujours pas repris. Sans doute dû à mes nuits fragmentées par tes nombreux réveils pour le réconfort du sein. La stimulation de la prolactine dans mon corps semble dicter son ordre hormonal. Ainsi, il est fort probable qu'une fécondation ait lieu avant que les saignements ne reprennent puisque l'ovulation précède l'évacuation des menstrues. Ce serait hallucinant.
Et puis, tu auras un an demain.
Un an d'une vie qui ne fait que commencer. Un an et tu marches mon petit homme. À te voir tituber juché du haut de tes trois pommes dans tes nouvelles chaussures vertes et souples qui ont contribué à ce grand saut - en plus d'une flûte verte en bois presque aussi grande que toi que tu tenais pour aider ton ballant -, j'entrevois cette année à venir et je me dis: toujours du nouveau auprès de toi.
Et mon amour pour toi dans tout ça? Il a définitivement transformé mon coeur en fournaise.
10.15.2010
en accéléré
Mes hommes dorment en paire de parenthèses. Un espace de repos pour égarer l'inconfort de la maladie dans le dédale d'un sommeil réparateur. Papa est fiévreux et dans un état lamentable depuis hier soir, garçon éternue de la glu depuis mercredi matin. Ce n'est qu'une question de temps avant que je n'aie à livrer ma propre bataille avec le virus qui s'est accroché les pieds dans le tapis d'entrée du paradis.
Dehors, le soleil est lui aussi au lit. La journée avance sans que cette pluie qui bouche le ciel ne cesse ni que ce vent brusque qui remue les cimes des arbres ne tombe. Pour un vendredi, il aura fallu bien du courage à tous les travailleurs pour suivre le chemin du boulot, chose que je me suis imaginée faire ce matin sous ces trombes glacées, pour aussitôt me rappeler que mon boulot est ici, sous mes yeux, pas plus haut que trois pommes.
Trois grosses pommes tout de même, il faut le dire. Garçon est grand, à défaut de me répéter. Maintenant, il se tient debout bien droit comme un I quelque fois dans une journée, les deux mains occupées à tenir un objet, les abdominaux travaillant à maintenir son équilibre, à son insu, les jambes écartées et les pieds bétonnés. Parfois, monsieur esquisse quelques pas sans appui, mais toujours, il recherche cette jambe d'adulte, cette poignée de marchette, ce mur ou cette armoire à proximité pour sécuriser sa position verticale. Autre avancement dans son développement psychomoteur: il plie les genoux pour ramasser quelque chose à ses pieds. C'est fou comme un simple fléchissement d'une articulation peut suffire à délier toute la structure du corps et lui insuffler l'élan par le ballant. Très bientôt, il marchera par la force de sa musculature qui se prépare à ce grand moment par petites étapes presque anodines.
Garçon flirte également avec l'imaginaire depuis quelques jours. Il gambade avec sa marchette et s'arrête tout net pour se pencher, prendre quelque chose d'irréel entre ses deux petits doigts et me tendre cette main pleine de rien pour que j'accepte ce cadeau immatériel en lui disant "merci". Beau coco. Qui remplit des contenants de plus petits objets dans sa salle de jeu, qui fait claquer le couvercle d'une casserole pour faire du bruit, qui dit "a-ten" pour tout et pour rien plus souvent qu'autre chose dernièrement ou qui lance des "ti-ti-ti" stridents lorsqu'il est heureux au parc. Se peut-il que bientôt tu aies déjà un an. Se peut-il que moi, je me sens en avoir cent tellement je suis dans un espace-temps tout autre, occupée par ta vie condensée.
10.12.2010
pluie de confettis
Maman est mariée. Jc., son époux depuis dimanche après-midi, l'a transformée en une femme comblée en un peu plus de deux ans et maintenant, c'est pour le restant de leur vie qu'ils se sont promis bonheur, fidélité et entraide mutuels. À la voir resplendir comme elle le fit lorsqu'elle approcha le groupe d'invités et son futur époux réunis près de la tonnelle que les deux amoureux avaient bâtie de leurs mains pour l'évènement, je sais qu'elle est en paix avec cette nouvelle page de son destin.
Maman que j'ai mariée à Jc., son époux. Qui aurait dit qu'un jour, j'aurais l'honneur d'unir ma mère à un homme bon qui allait s'engager à prendre soin d'elle jusqu'au bout de leur chemin ensemble. Ma mère que j'ai vue tant souffrir de cette solitude inhérente au célibat malgré sa force identitaire, ma mère que j'ai vue tant espérer secrètement ce prince charmant qui la prendrait au creux de ses bras en lui murmurant qu'il l'aime, qu'elle est belle, qu'elle est digne de ce sentiment d'être unique dans les yeux de quelqu'un qu'elle estime en retour.
Le 10 ième jour du 10 ième mois de l'an 2010, deux êtres se sont engagés par des voeux émouvants. Que cette union dure toutes les années fastes qu'ils méritent pour les avoir, chacun de leur côté, longtemps désirées à la sueur de leurs coeurs.
10.06.2010
où je suis
Déambulant sur l'avenue Laurier hier, j'avais l'impression d'être dans un décor de cinéma. Les arbres majestueux, les magnifiques façades des immeubles à logements cordés et bien entretenus, les citadins stylés partout sur les trottoirs. Belle Montréal va.
Ma réclusion de la dernière année m'a rendue fébrile. Fébrile à fouler ce bitume que j'ai pourtant foulé des milliers de fois auparavant, fébrile à m'adresser à ce jeune homme affable au Fromentier. D'ailleurs, c'est lui qui m'a convaincu de ce que j'ai souvent dit: les Montréalais sont chaleureux et spontanés. Le mythe de la grande ville qui n'abrite que des gens stressés et individualistes, très peu pour moi. Montréal est ce joyau aux millions de regards.
Parce que oui, en comparaison à ma banlieue, les échanges en ville semblent plus faciles, comme simplifiés. Ici, quand je sors marcher avec Bo., je peux compter sur les doigts de la main ceux que nous croisons et les seuls sourires ou regards complices se partagent avec des gens âgés, quand ils surviennent. En ville hier, en moins de cinq minutes, j'avais eu quatre beaux échanges francs. Ce boulanger d'abord, cet homme qui nous aidé avec la poussette ensuite, un autre sortant de la boulangerie qui était aussi émerveillé que moi par le nombre de poussettes se croisant sur le trottoir, une femme qui s'est joint à notre émerveillement lorsqu'elle est passée en poussant son bébé justement.
Pour qui habite la ville, tout cela paraît banal tant ce genre de contacts va de soi. Mais pour qui vit en banlieue, passe la majorité de son temps à la maison parce qu'il y a peu de possibilités de se déplacer rapidement vers les centres d'activités humaines autre que des centres d'achats, marche pour tout divertissement social, tiens moi par exemple, tout cela est devenu déstabilisant, pour ne pas dire grisant.
Comme on dit en anglais "don't get me wrong", je suis toujours aussi heureuse de vivre au paradis. Notre tranquillité, notre nid, je l'aime énormément. Cependant, cette énergie brute à portée de mains venant de contacts humains simples et chaleureux me manquent. En marchant hier sur Laurier, c'est ce carburant qui m'a inondé l'âme, cette électricité que j'adorais tant quand je baignais dedans constamment.
On dit que tout passe et tout revient. Il reviendra alors le temps où je pourrai à nouveau me sentir moi-même, plantée dans ce décor urbain. Électron du noyau.
10.02.2010
t-o-i
Une véritable petite bouillotte. Brûlant, fiévreux même, mais souriant malgré la bataille en cours quelque part dans ton corps. Laisser cette température élevée griller tout envahisseur et attendre qu'elle ne retombe en t'allaitant à presque toutes les heures de la nuit. Déjà, ce matin ton coco était moins chaud sous mes lèvres.
Et puis, c'est le mois de ton anniversaire. Papa dit que cette année, nous savons exactement quand tu nous arriveras: le 25. Revivre cette attente dans l'inquiétude, me souvenir toutes ces prières formulées afin que tu te retournes et que nous puissions vivre un accouchement naturel. Plutôt, cette cicatrice encore rosée qui sera à tout jamais ta porte de sortie sur mon corps. Pour ton histoire personnelle.
Quand un jour, tu raconteras comment tu es venu au monde, comment Dr. C. t'a expulsé à 19 h 32 par cette incision si petite comparée à tes huit livres de petit homme, comment dès que je t'ai vu après les interminables minutes qu'ont pris l'inhalothérapeute et l'anesthésiste pour t'inspecter, libérer tes voies respiratoires du mucus, te nettoyer sommairement et enfiler une tuque sur ton coco j'ai trouvé que tu avais des airs de ton grand-papa-papa-de-ton-papa à cause des ailes de ton nez, comment c'est sur ton papa que tu as cherché le sein pour la première fois parce que j'étais séparée loin de toi après l'intervention chirurgicale et que c'est avec lui que tu as fait du peau-à-peau.
Avec le recul, je vois cette année si pleine de minutes égrainées en solitudes aux airs de duo cherchant à s'apprivoiser, moi tentant de comprendre ton rythme changeant aux quelques semaines, comprendre aussi mon nouveau rôle à jouer pour le restant de ma vie. Mère. Pour toi, un coeur sur deux pattes, toujours, si intensément à toutes les minutes de cette année saturée de ta vie dans ma vie afin que jamais je n'oublie ce pourquoi je te voulais tant près de moi.