orphelins de l'Éden

10.15.2010

en accéléré

Mes hommes dorment en paire de parenthèses. Un espace de repos pour égarer l'inconfort de la maladie dans le dédale d'un sommeil réparateur. Papa est fiévreux et dans un état lamentable depuis hier soir, garçon éternue de la glu depuis mercredi matin. Ce n'est qu'une question de temps avant que je n'aie à livrer ma propre bataille avec le virus qui s'est accroché les pieds dans le tapis d'entrée du paradis.

Dehors, le soleil est lui aussi au lit. La journée avance sans que cette pluie qui bouche le ciel ne cesse ni que ce vent brusque qui remue les cimes des arbres ne tombe. Pour un vendredi, il aura fallu bien du courage à tous les travailleurs pour suivre le chemin du boulot, chose que je me suis imaginée faire ce matin sous ces trombes glacées, pour aussitôt me rappeler que mon boulot est ici, sous mes yeux, pas plus haut que trois pommes.

Trois grosses pommes tout de même, il faut le dire. Garçon est grand, à défaut de me répéter. Maintenant, il se tient debout bien droit comme un I quelque fois dans une journée, les deux mains occupées à tenir un objet, les abdominaux travaillant à maintenir son équilibre, à son insu, les jambes écartées et les pieds bétonnés. Parfois, monsieur esquisse quelques pas sans appui, mais toujours, il recherche cette jambe d'adulte, cette poignée de marchette, ce mur ou cette armoire à proximité pour sécuriser sa position verticale. Autre avancement dans son développement psychomoteur: il plie les genoux pour ramasser quelque chose à ses pieds. C'est fou comme un simple fléchissement d'une articulation peut suffire à délier toute la structure du corps et lui insuffler l'élan par le ballant. Très bientôt, il marchera par la force de sa musculature qui se prépare à ce grand moment par petites étapes presque anodines.

Garçon flirte également avec l'imaginaire depuis quelques jours. Il gambade avec sa marchette et s'arrête tout net pour se pencher, prendre quelque chose d'irréel entre ses deux petits doigts et me tendre cette main pleine de rien pour que j'accepte ce cadeau immatériel en lui disant "merci". Beau coco. Qui remplit des contenants de plus petits objets dans sa salle de jeu, qui fait claquer le couvercle d'une casserole pour faire du bruit, qui dit "a-ten" pour tout et pour rien plus souvent qu'autre chose dernièrement ou qui lance des "ti-ti-ti" stridents lorsqu'il est heureux au parc. Se peut-il que bientôt tu aies déjà un an. Se peut-il que moi, je me sens en avoir cent tellement je suis dans un espace-temps tout autre, occupée par ta vie condensée.