Lorsque j'étais étudiante au bac, mon premier gros travail universitaire fut rédigé dans le cadre d'un cours portant sur les Livres bibliques de l'Ancien Testament. J'avais choisi d'étudier plus en profondeur un livre complexe et long, rédigé en versets, celui de Job. J'aimais la prémisse de cette leçon moralisatrice.
Satan, qui dans ce Livre apparaît comme étant un membre de la cour de Dieu, une particularité unique dans toute la Bible, demande que l'on mette Job à l'épreuve. Son argument béton pour ce faire c'est que Job est le serviteur de Dieu le plus pieu parce qu'il a tout: richesses, troupeaux immenses et famille nombreuse. Selon Satan, qui est aussi appelé L'Adversaire dans certaines traductions du livre saint, il faut tester Job, le dépouiller de ses biens pour voir s'il continuera à vénérer Dieu.
Dieu lui accorde la permission d'affliger Job, ce que Satan s'empresse de faire en réduisant sa fortune à néant, ce qui n'est rien par rapport à la mort qui happe ses dix enfants. Job, avec sagesse, dit quelque chose du genre: "Nu, je suis né devant Dieu, nu je retournerai à lui." Satan demande à Dieu d'affliger la personne même de Job, ce qui lui est accordé en autant qu'il ne le tue pas. Job devient terriblement souffrant d'une espèce de peste qui l'oblige à aller vivre en retrait de la communauté, sur un tas de fumier. La femme de Job lui implore de maudire Dieu qui l'afflige, trois de ses amis arrivent pour le convaincre d'avouer ses torts - parce que selon eux, si Dieu le punit, c'est qu'il a péché -, un quatrième ami lui dit que Dieu décide de tout et qu'il doit l'accepter, ce que Job fait déjà.
Au final, Dieu restaure la fortune de Job et lui redonne dix autres enfants, quand, même après moult souffrances, il aime le Créateur au-dessus de tout, et accepte tout de Lui.
Si je vous parle de Job, c'est que je repense à lui ces jours-ci. Souffrant encore dans mon allaitement, qui devrait être naturel si l'on se fie au fait tout simple que j'ai des seins et que mon bébé doit pouvoir téter tout naturellement justement, je me suis demandée plus tôt cette semaine pourquoi Dieu m'infligeait ce défi colossal. Job, lui, était plus sage que moi. "Si Dieu le veut" suffisait à le ramener dans le voie de l'acceptation paisible, très bouddhiste d'ailleurs, à part que dans le bouddhisme, c'est le concept plus philosophique de l'éveil qui l'emporte sur celui d'un Dieu.
Allaitement souffrant, accouchement par césarienne pour cause de présentation par le siège, dilatation du bassinet droit de garçon, très long moment d'incertitude avant de finalement concevoir. Pourquoi. Tous ces défis, toutes ces épreuves qui teintent amèrement celle-là même de vivre le miracle de la vie.
Mais en y regardant de plus près, en y réfléchissant juste un peu plus, je comprends bien que l'important, c'est de pouvoir profiter de ce miracle de la vie, de pouvoir m'émerveiller devant ces bruits de joie et ces beaux yeux bleus aux longs cils. Dieu au fond savait ce qui nous attendait dans toute cette aventure. Peut-être attendait-il que je sois assez forte, prête à tenir dans l'adversité.
Et que sont mes défis face à ceux du peuple haïtien. Bien peu de chose me dis-je, bien peu de chose. Ils tapent dans leurs mains en chantant Dieu, malgré les dizaines de milliers de cadavres qui les entourent. Souffrir, mais tenir bon. Sagement.