orphelins de l'Éden

10.19.2007

digression

Quand je sors pour marcher sur mon heure de dîner et que j'emprunte le petit chemin de pavé uni qui longe le bâtiment, mon regard remarque une première coccinelle écrasée, puis une autre, puis une flopée d'autres, anéanties, aplaties, baignant dans leur jus de bestiole. Hier, un de ces insectes qui porte chance s'est posé sur la fenêtre du onzième et je l'ai montré à mes collègues en honorant l'effort gigantesque qu'elle avait dû déployé cette coccinelle pour aboutir là, ci-haut, par le seul moyen de ces minuscules ailes picotées. Ces coccinelles sont oranges. Il me semble que celles d'il y a quelques années étaient rouges. Sans doute une autre espèce. Sans doute aussi une autre conséquence du réchauffement planétaire. Comme toutes ces guêpes errantes du mois d'août. Regardons bien le monde qui nous entoure parce qu'il ne ressemble pas à celui qui nous attend, c'est certain.

Alors, je vois les feuilles jaunes d'un arbre dont l'espèce m'est inconnu virevoltées dans un grand coup de vent par dizaines. Elles se détachent tels des confettis lancés sur le parvis de l'église. L'image est impressionnante. Mais autour de moi, personne ne semble remarquer ce moment fragile. C'est aujourd'hui, là, que cet arbre perd son panache et se prépare à sa dormance. Pas demain ni hier. Cet arbre-là se métamorphose live. Debout au coin de Wood et Maisonneuve, à deux pas d'une église aux airs gothiques, je l'observe avec déférence.

Une réflexion me vient à l'esprit. Je me souviens que dernièrement, j'ai dit à quelqu'un que je connais - je ne me souviens plus qui - que l'humain n'avait rien inventé. Toutes les couleurs et toutes les formes et tous les symboles et toutes les manifestations de quelque medium artistique que ce soit, tout ça nous vient de notre observation de la nature. Observation consciente, inconsciente, subconsciente, innocente, consentante, violente. L'art traduit la vie telle qu'elle bat dans les choses de la Terre. Même la science: la mécanique s'inspire des corps animaux; la physique tire les leçons des phénomènes naturels, la chimie aussi. La religion pour sa part a voulu séparer la création de l'acte de création pour qu'il y ait un début et une fin, un ordre. Un moyen de suivre une ligne directrice. Un filon pour le sens de l'existence. Justification de la souffrance surtout, mais bon, aussi reconnaissance du bon, du beau et du bien.

Je pense à tout cela et puis j'appelle mon ostéopathe pour annuler mon rendez-vous de mercredi. Revenir au plancher des vaches comme dirait ma mère, parce que je fais aussi partie du monde qui m'entoure et qui change, c'est certain.