orphelins de l'Éden

10.16.2007

apprendre par coeur

Dans l'autobus ce soir, il y avait un adolescent plus vieux que jeune, vêtu de vêtements bouffants, armature des temps modernes. Il était affalé sur la banquette arrière, une de celles qui longent les parois. Son corps était étendu sur trois places bien qu'il soit bel et bien assis et non allongé. Je décidai de m'asseoir à côté de lui, les places étant de moins en moins nombreuses. Les "yos", ils ne m'intimident pas. Mais je sais que plusieurs n'osent les approcher. Alors, je prends place. Instantanément, il glisse une place plus loin que moi. Je n'en prends pas offense. Monsieur a besoin d'espace pour ses fringues surdimensionnées. Pauvre de lui. N'a-t-il pas compris que le bus se remplit toujours à cette heure? Que là où qu'il aille, il lui faudra partager sa précieuse bulle de dur à cuire. Et de fait, un dur à cuire plus mature, du genre plus sûr de lui, plus vrai dans ce qu'il émane, plus branché dans son énergie à cette source qui fait qu'on sait qu'il a vécu quelque chose qui le transforme en dur à cuire, eh bien lui, il s'asseoit à côté du dur à cuire de surface, du poser, de la coquille. Monsieur n'a pas le choix de se redresser et de se serrer dans une place, comme tous les autres, par contrainte civique.

Je comprends que l'on veuille être différent. Je le comprends parce que j'ai longtemps voulu être unique. Mais vouloir être unique et savoir qu'on l'est, c'est différent. Différent parce que souvent, il faut passer par cette volonté de se distinguer pour réaliser qu'on se distingue. Chercher en nous la particularité nous mène à la déceler chez l'autre et à l'apprécier. Et puis, à un moment, on s'éprend de ses variantes tant et tellement que l'on se décolle un peu de soi pour plonger dans le monde fantastique des possibilités sans fin. Pour revenir inexorablement à ce coeur qui bat, celui qui diminue son rythme à toutes les nuits, celui qui pompe, celui qui s'emporte quand on court, celui que l'on oublie tout le temps à part avant un moment décisif parce qu'il est le seul que l'on entend. Ce coeur, c'est ça qui nous distingue parce qu'il module toutes les sphères de ce qui nous compose, il est notre GPS dans l'univers. J'ai peur alors je suis. J'ai mal alors je suis. J'aime alors je suis. Rien de plus, rien de moins.