orphelins de l'Éden

7.13.2007

de Saint-Damase à la rue Jarry

Il était une fois, un panier de framboises à 4$ au marché Jean-Talon. Il était là, sur un étal encore ouvert malgré l'heure tardive, coincé entre ceux à 3$ et 5$. Le marchand m'a demandé: "Lequel voulez-vous madame la présidente?" Et puis, il m'a dit que si je le voulais, je pouvais rapporter le petit panier vide puisqu'il les réutilisait. Je suis partie avec mon petit panier plein de baies poilues, à la couleur appétissante, comme ça, sans le sac de plastique bleu que le marchand m'avait offert.

À quelques mètres de là, attablé à une table de pique-nique verte, se trouvait un jeune homme. Nos regards se sont croisés, je lui ai dit: "Dans le parc". Et puis, il m'a reconnu. Nous nous sommes tous représentés les uns aux autres, Ls., M. et moi. Nous avions rencontré Ls. dans le parc Laurier il y a presque un an. Il avait vu nos vélos pliables et je lui avais offert, à cet étranger au coeur bon, de l'essayer pour voir. Après, nous avions parlé longuement lui et moi de voies spirituelles ancrées dans le quotidien. Aujourd'hui, un vélo pliable était appuyé sur la table près de lui. Ça nous a fait sourire. En dix minutes, nous avons parlé de sa relation amoureuse, de choix de carrière, de capitalisme, de banlieue, de sentiments, de communauté, de faire une différence là où l'on est avec les moyens que l'on a. Il a mangé quelques framboises que je lui avait offertes pendant que nous échangions. Avant de nous séparer, je lui ai donné mon adresse de blog. Salut à toi si tu passes par là.

Nous avons remonté Henri-Julien avec l'intention de tourner sur Villeray pour jeter un coup d'oeil chez l'antiquaire où nous avions vu un banc de quêteux avant de déménager. En route, nous croisions d'autres piétons profitant du temps frais par un crépuscule du vendredi. À un moment, un couple s'avança vers nous. Quelques pas avant de les croiser définitivement, j'ai saisi le regard de la femme vers le panier de framboises. Spontanément, je lui en ai offertes. Interloquée, elle a accepté tout simplement en disant: "Mes mains sont sales" d'abord et puis, "La manne du Seigneur" quand je lui ai dit de faire une coupe avec ses deux mains réunies, dans laquelle j'ai fait tombé une quinzaine de baies. Ils m'ont remercié. Je leur ai souhaité un bon souper puisque c'est là qu'ils se rendaient.

Poursuivant notre chemin après avoir noté le numéro de téléphone de l'antiquaire qui était fermé, là où il n'y avait plus celui que nous avions vu, mais plutôt un plus simple, barbouillé de plusieurs taches de peintures de différentes couleurs appliquées à différentes époques sans doute et maintenant délavées, ma jupe portefeuille s'est fendue pour laisser ma jambe se découvrir nue tout à coup. M. a rigolé et je lui ai demandé de tenir le panier de framboises pour que je puisse revenir à une tenue plus correcte.

Sur Gounod, nous avons croisé Mn. et Jc., nos anciens voisins du deuxième étage, habitant sur le même étage que Fn. Nous les avions vus plus tôt dans la soirée quand nous prenions un bain de soleil avec Fn. sur le balcon avant. Je leur offre des fruits, mais ils la déclinent. Ils sont à la recherche d'un club vidéo. Je leur suggère le Videotron pas trop loin où il y a une bonne sélection de films répertoires. Et pour les détracteurs de Videotron, sachez que l'entreprise tentaculaire fait des efforts écologiques ces temps-ci. Elle met la main à la pâte pour sauver des arbres.

Presque arrivés à l'appartement, là où nous avions stationné la voiture, deux vieillards se saluent à distance de nous. Nous croisons l'un et l'autre me dit, losrque nous parvenons à lui: "Tiens, un petit panier de framboises". Je lui en offre à lui aussi et il nous dit qu'il en a récolté quarante de son jardin, lopin qu'il a au communautaire pas trop loin de là, merci quand même. Il trouve que 4$ c'est cher, mais comme on s'entend pour le dire, les framboises c'est plus cher, un point c'est tout. La cueillette est plus délicate et les baies sont plus fragiles.

Nous sonnons chez Fn. pour lui souhaiter une bonne nuit, parce que finalement, nous filons vers le paradis tout de suite. Je lui tends le panier presque vide maintenant parce que nous en avons mangées en route. Fn dit: "Comme disait ma mère, le bon se trouve dans le fond." Bisous vieux loup.