orphelins de l'Éden

5.24.2007

le vert dans notre verger

Dans la touffeur de la fin d'après-midi, j'ai décidé d'emprunter la ruelle pour aller laisser tomber mon film dans la chute du club vidéo. Je déambulais dans cette rue cachée qui donnait sur le coeur des demeures, là où une femme lisait un document broché attablée à un meuble de plastique blanc et où des adolescents grimpaient sur un scooter pour se rendre en quelque lieu. Surtout, les lilas des trois couleurs, blanc, mauve pâle et foncé, mon préféré, embaumaient l'air chaud et leurs fleurs minuscules en grappes pointaient leur floraison au travers de feuillages verts gorgés de la promesse de durer encore quelques mois. Ce vert est là pour la saison qui débute à peine. Toute cette chlorophylle apaise, c'est certain. Le végétal en nous s'éveille à sa vue et vibre dans nos êtres parfois trop éloignés de l'organique qui nous lie à l'origine.

Ce doit être le rosé italien qui me monte à la tête. La poésie s'installe et s'impose. Elle devient maîtresse, elle-même esclave de l'ivresse. Vraiment, le printemps devient l'été et l'esprit se dégourdit pour couler et se lover dans le corps. Le corps, parlons-en. Aujourd'hui, je décide de me vêtir légèrement parce qu'il annonce le premier 30 degrés de l'année. J'opte pour une robe de coton souple que j'ai acheté il y a deux ou trois ans. Elle moule mon corps décemment, mais elle le moule tout de même.

Je ne suis pas tout à fait à l'aise d'exposer mes formes et pourtant, mes formes sont comme toutes celles des femmes qui se promènent dans la ville, ailleurs, dans d'autres pays, depuis des siècles et des siècles. Ils me rendent vulnérable ces regards qui embrassent mon enveloppe sans me connaître. Coquetterie, séduction, intimité, intrusion, liberté. J'aimerais assumer ma féminité sans ressentir la convoitise. Instinct animal qui régit depuis toujours, qui l'emporte sur le savoir-vivre trop souvent, qui l'emporte trop souvent sur la discrétion d'un regard plaisant.

Bien sûr, les hormones rentrent en ligne de compte. Toutes ces peaux qui appairaissent, tous ces grains de beauté qui se dévoilent, ces bouts de cuisses, ces poitrines, ces épaules fières, ces pieds manucurés, ces teints hâlés, cette sueur comme l'amour torride. Chaud, il fait chaud. Et d'après V., la saison s'annonce accablante de mercures élévés. Partout, la beauté émoustille. Le décor féérique des cimes majestueusement vivantes, des cieux cléments et des vents enveloppants est propice à l'envie. Attention toutefois, l'imagination s'anime et peut jouer des tours. Il veut mieux profiter de son partenaire à fond la caisse. C'est moins compliqué et puis surtout, c'est moins décevant.

Petite confession: il fut un temps où ma gourmandise humaine pouvait être assouvie avec facilité. Quelques-uns se sont relayés entre mes bras et je dois me souvenir dans des moments de désir que la mécanique reste fondamentalement la même pour tous. Mais bon, certains ont du talent tandis que d'autres n'ont pas la chimie qui leur permettent d'opérer. Le bon Dieu nous a donné des moyens de nous rencontrer intimimement. Et l'on dit que l'on peut tous trouver chaussure à son pied. Alors, de grâce prenez votre pied quand il vous est possible de le faire. Prenez, embrassez et appréciez. Goûtez. Le fruit n'est plus défendu.