orphelins de l'Éden

5.18.2007

l'autre tier

Si je dors en moyenne huit heures par nuit, voilà un tier de ma vie de déterminé. Si je travaille quarante heures semaine, c'est que je passe huit de ma journée à mon immeuble-boulot. Un deuxième tier d'envolé, à par pour deux jours par semaine où cette fraction fois deux est vécue en compagnie de mon amoureux.

Trève de calculs, il est simple de comprendre que je passe beaucoup de temps auprès de mes collègues. Dernièrement, je suis assise dans la salle quatre du onzième. Nous sommes quatre à y bosser depuis deux semaines puisque Nk. est parti pour le vieux continent avec mon manuscrit dans ses valises. Alors, reste V., Dn. et Bz. Sur l'heure de dîner, V. et moi allons souvent marcher ensemble. Parfois, nous grimpons une pente abrupte de la Westmount, ville rebelle malgré ses têtes blanches, ville qui frissonne à l'idée de partager sa quiétude et ses fonds avec la grande ville et ses bas-fonds. D'autres fois, nous restons sur le plat et passons dans un parc pour nous rendre à une petite boulangerie-pâtisserie située sur Victoria. Là, des cupcakes au glaçage beurré et des carrés aux fruits et noix de toutes sortes nous attendent sagement dans la vitrine. Il y a bientôt un mois et demi que je gobe un cupcake au moins une fois semaine. Maintenant, la pâtissière s'amuse à colorer le glaçage avec des teintes vibrantes: bleu turquoise, jaune canari, vert St-Patrick, mauve lavande. Les petits gâteaux sont plus sucrés tout à coup.

Ce midi, V. et moi avons opté pour l'itinéraire qui nous mène au marché Atwater. Nous savons, pour l'avoir fait à plusieurs reprises, qu'une heure nous suffit pour faire nos courses tout en prenant un bain d'air frais. Arrivées près de la station Lionel-Groulx, à l'arrière, là où la piste cyclable fait un crochet, un jeune homme à la coiffure hirsute est apparu. Il nous a approché avec des yeux fous aux cernes rouges. Sa peau était mangée de gales et ses vêtements sales pendaient sur son corps maigre. Il nous a baratiné d'une poésie hallucinée. Il voulait de la monnaie, n'importe quoi. Je sentais qu'il était dans un high, un trip superbe qui le suçait de l'intérieur. J'avoue que des consommateurs qui en arrivent à cet état me foutent un peu la trouille. Quand la substance accule à la survie, l'individu est parfois près à tout. Sur mes gardes, j'ai répondu que nous étions bredouille à cet homme qui n'a plus d'âge, plus de moments sereins si ce n'est lorsqu'il met la main sur de la came.

Au marché, j'ai acheté un Itinéraire à ce camelot qui écrit son mot en anglais dans les pages lustrées. Cette fois, il y parle de Détroit. Il sort un album de photos de son sac pour nous montrer le Tiger Stadium qu'il a bel et bien visité. Il nous décrit la ville séparée du sol canadien par une rivière que j'aperçois sur le papier au fini glacé. Finalement, qu'il nous dit, mieux vaut aller ailleurs parce que la ville n'est pas très sécuritaire.

J'avais besoin d'asperges pour le potage de ce soir. À l'entrée, une table indique que les belles tiges vertes viennent du Québec. Ça y est, les arrivages locaux se succèderont pour des mois, par vague. Alors voilà, il est là le temps des asperges locales. V. m'a donné l'idée de faire des röstis. M. raffolera de ces petites galettes de patates, c'est certain. Je mélangerai du navet râpé au tubercule bourré d'amidon.

En rentrant, je remets à Fn. un calendrier que j'ai acheté pour lui à Ax. qui porte main forte à deux filles, dont une d'elle est la soeur de sa belle-soeur ou quelque chose comme ça. Elles ont trouvé le moyen de financer une partie de leur aventure de gazelles en vendant des calendriers proposant des photos d'elles-mêmes artistiques et sexys. Je les trouve courageuses ces filles, culottées. Fn. est un collectionneur de calendriers. Il est aussi un appréciateur de la gente féminine. Il est ravi du cadeau. Ça me fait plaisir cher voisin que je lui dis.

Ce soir, M. et moi allons voir un spectacle. Gary Kurtz, le mentaliste, nous fera courir le hamster dans nos têtes en nous éberluant le scepticisme. C'est notre cadeau de Noël de Cl., la maman de M. Il n'est jamais trop tard pour apprécier un geste généreux. Il n'est jamais trop tard pour rien d'ailleurs.