orphelins de l'Éden

5.13.2007

le cercle

En ce dimanche lumineux, beaucoup de fleurs s'achèteront à la hâte, de boîtes de chocolat, de parfums peut-être, de forfaits pour un spa. Tout ça pour dire "maman, je t'aime, je tiens à toi, tu es un phare pour moi." Tout ce que j'espère, c'est qu'il y aura aussi beaucoup de repas pris en famille, harmonieusement, beaucoup de temps passer les uns avec les autres pour cette fête des mères qui revient à chaque deuxième jour du seigneur de mai.

Et chez moi, dans ma petite famille, le clan est à prédominance féminine. Notre aïeule, ma grand-maman douce comme une soie, est veuve depuis maintenant neuf ans. Ma mère, amoureuse ces jours-ci, nous a élevé pratiquement toute seule et puis notre père est mort. Malgré son second mariage et ses autres relations qui ont suivi, notre parent direct, c'est elle. C'est elle qui, il y a trois ans aujourd'hui, a mené B. à l'autel, vers son mari. Ce jour-là, le ciel était couvert, mais pas une goutte de pluie n'est tombée sur le coin de la République Dominicaine qui nous accueillait l'espace d'une semaine. Les sandales dans le sable et les quatre mariachis nous indiquaient bien que c'était ici, maintenant, que ma soeur qui avait tant attendu ce jour béni allait s'unir à l'homme de sa vie, Bb. dont elle était amoureuse depuis plusieurs années déjà. Cette homme qui prend soin d'elle et de leurs enfants. À l'autre bout du monde, à Hong Kong, ils soupent ensemble en amoureux à l'heure qu'il est, eux qui ont toujours douze heures d'avance sur nous.

Je sais qu'à Hong Kong, ils fêtent les mères parce que B. m'a dit hier soir que là-bas, ils fêtent pour un tout pour un rien. Nous l'avons appelée de chez grand-maman pour lui dire que nous pensions à elle et pour lui souhaiter une bon anniversaire de mariage. À tour de rôle, par droit d'aînesse, nous lui avons dit coucou. Nous apprenons que Wiwi fait ses dents et qu'il a la diarrhée. Grand-maman avait cuisiné un roastbeef bien saignant parce que ma mère l'aime comme ça. Ma grand-maman ferait tout pour maman. D'ailleurs, au moment du dessert, elle sert des pêches dans le sirop à ma mère avant tout le monde, avant elle-même. Une action devenue un réflexe depuis longtemps. Maman est sa petite fille. Sa petite fille qui lui a apporté un superbe bouquet de roses couleur vieux rose et de lys aux pétales striés de blanc, rose et jaune. C'est G., fille aînée de maman, qui arrange le bouquet dans le beau vase de cristal taillé que je descends du fond d'une armoire, grandeur oblige. Et comme plusieurs années et plusieurs occasions déjà, j'offre à ma grand-maman une grosse bouteille de mousse pour le bain Druide au parfum d'amande. Elle en raffole. Elle qui nous annonce qu'elle a renoncé aux sucreries devra faire exception puisque G. lui offre du chocolat, des biscuits au croquant d'érable trempés dans un chocolat amer et des bêtises de Cambrai choco-menthe. Une petite étincelle de gourmandise passe dans le regard de ma grand-maman à la dent sucrée.

Nous soupons agréablement, moi de quiches, de salade de chou, de patates pillées, de tiges de brocoli cuites à la vapeur, de crudités en entrée. Ma grand-maman a toujours respecté mon végétarisme. Nous avons eu quelques conversations à l'époque de la mise en branle de mon régime. Elle voulait s'assurer de comprendre ce que j'acceptais de manger maintenant et pourquoi aussi. Ma grand-maman est une femme intelligente qui apprend des autres comme on boit à une fontaine. D'ailleurs, c'est comme cela qu'elle a dû devenir la femme qu'elle est. Essais et erreurs plus que bouquins et instituteurs.

Quand nous sommes arrivées chez elle G. et moi, j'avais encore un peu mal au coeur, moi qui n'aie jamais été affectée par le mal du transport, à part pour cette fois sur ce bateau terriblement tanguant aux côtes de Boston quand j'étais adolescente à manger mes biscuits soda et à scruter l'horizon. La voiture de Rb. l'amoureux de G. est une Subaru WRX aux suspensions un peu douteuses, du genre char sportif qui donne des sensations fortes. À force de zigzaguer dans les chemins sinueux de Ste-Adèle et Saint-Sauveur mon coeur est resté coincé dans ma gorge. Celui de ma mère aussi. Nous revenions d'une journée de spa à l'Eau à la Bouche. Pour son anniversaire, nous avons offert une journée entre filles et de filles à ma mère. Pour la fête des mères, ça été une compostière.

Notre journée de spa a débuté avec une heure de massage de détente. Enveloppées dans nos peignoirs de coton blanc immaculé, nous nous sommes chacune laissées guider par nos massothérapeutes. Après cette heure à fondre entre les mains connaisseuses, nous nous sommes attablées, toujours vêtues de nos peignoirs, au Café H2O près d'une grande fenêtre donnant sur un paysage des Laurentides. Maman s'est délecté d'une cuisse de pintade confite accompagné de haricots blancs, G. d'une salade asiatique nouilles soba, germinations et tofu mariné grillé, et moi, d'un superbe gratin à l'oignon parfumé d'un peu de graines de fenouil. L'endroit était pratiquement désert. Nous avions l'impression d'être chez nous, dans une vie de riches et célèbres. Nous avons parlé de la chance que nous avons de pouvoir nous retrouver là où nous sommes aujourd'hui dans nos vies. Maman nous rappelle à quel point il est important de tenir à nos rêves et surtout, de les visualiser. C'est comme cela qu'elle a réussi de passer de l'adolescente de 17 ans enceinte de sa première fille vivant dans une maison sans eau courante, à couper du bois la bedaine ronde pour chauffer une habitation menaçant de s'écrouler à cette femme qui vient d'avoir 52 ans, qui habite une maison perchée à flanc de montagne près d'un lac avec son chien, comme elle l'avait voulu, comme elle l'avait vu.

Et pendant qu'elle nous conseille de visualiser ce que nous voulons, je réalise que ce je que veux, je ne le vois pas assez clairement. Il y a une grande part de moi qui croit au fait que ce que la vie me donne est ce qu'il y a de meilleur pour moi. Malgré cela, je sais que ma volonté peut déplacer des montagnes lorsqu'elle le veut. Alors, je travaillerai à me visualiser heureuse, avec un énorme sourire étampé dans le coeur, accompagnée de mes enfants - combien, je ne sais pas - et M., mon amoureux que j'aime tellement, à signer des dédicaces sur la page de garde d'un de mes nombreux ouvrages publiés. Je me vois aussi en Italie ou en Espagne ou en France, bref quelque part en Europe, à vieillir près d'une maison en pierres plusieurs fois centenaire, à écrire, installer dans un champ sans fin, attabler à mon travail sur un meuble de bois simple, le regard porté vers l'océan s'étirant au loin derrière les vallons qui mènent à la côte, prête à rentrer avec le couchant du soleil pour aller cuisiner un plat de légumes multicolores rehaussés d'huile dorée pour ceux que j'aime et qui seront encore là. À penser tranquillement à tous ceux qui ont été une partie de moi.

1 Comments:

At 4:37 p.m., Anonymous Anonyme said...

Ziwi est trop ravie de te relire, suite à ses pépipécies, et a rattrapé son retard.

C'est très beau de parler de rêves, de les colorer pour nous, et de nous renvoyer aux notres.

Je me rends compte en te lisant que moi aussi je me vois loin de ce pays, sur un autre continent... Comme ta mère le dit, il faut connaître et visualiser ses rêves et ensuite les vivre.

Merci.

ziwi

 

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