orphelins de l'Éden

4.26.2007

hommage, dommage

J'ai fléchi les genoux, j'ai eu la chair de poule, non, que j'ai dit, c'est pas possible. Des coins de rue St-Hubert et Jarry, j'ai aperçu ce bâtiment de brique rouge tout juste rénové dévoré par les flammes. Les fenêtres béantes donnaient une sale mine à cette scène de quartier désolante, les murs noircis, les tas de gypse, les meubles rapaillés, les séquelles du sinistre à ventre ouvert. Ce petit duplex abritait des Asiatiques qui avaient travaillé d'arrache-pied pour le retaper de la fondation au toit. Des mois de labeur patient envolé en fumée.

Les propriétaires habitaient le deuxième étage. Au rez-de-chaussée, ils venaient d'ouvrir, il n'y a pas même pas un mois, la porte d'un restaurant qui s'appelait La Belle Asie, bien qu'ils servaient en plus des rouleaux des charcuteries sur du pain baguette et des jellos de toutes les couleurs. Le concept faisait cafétéria. Quand je passais devant, il n'y avait jamais un chat. Mais bon, l'effort déployé pendant tous ces mois d'édification couronnait l'endroit d'un aura de dignité. En plus, lorsqu'ils avaient acquis ce bâtiment vétuste, rien ne nous préparait à cette revitalisation qu'il offrirait au quartier. Cette poubelle de deux étages auraient pu être foutue à terre à coup de grue tellement elle était pourrie. Mais quand les Asiatiques propriétaires se sont relevés les manches, ça été beau à voir.

Vendredi soir dernier, les voisins et nous assis sur notre balcon d'avant qui fait face à ce lieu nickel maintenant plus que souvenir, nous étions loin de nous douter de ce que le prochain jeudi réservait. Fn. enviait leur camion Murano couleur crème stationné sur le goudron fraîchement roulé de leur aire de stationnement que nous imaginions devenir terrasse avec le temps et l'achalandage grandissant de la clientèle. Ce matin même, à 7 h 45 lorsque je suis sortie, j'ai croisé deux hommes qui semblaient se préparer à quelque petit travail sur la propriété debout près de leur véhicule rempli de fils et d'outils de toutes sortes. Je repense aussi aux deux fenêtres du haut que j'ai si souvent regardées rapidement et qui donnait face à notre logis. Dans l'une, des autocollants de Dora l'aventurière et dans l'autre, quelques-uns de judoka sorti tout droit de mangas japonais. Ce soir, de retour dans l'appartement, je vois un jeune homme Asiatique qui porte une chaise noircie par la fumée et un voisin qui ramasse des débris dans sa pelle. Triste accablement.

Quand M. arrivera, il se plantera devant la fenêtre du salon pour observer le grand ménage qui est en branle, le malheur qui nous montre ses entrailles. Et en se mettant au lit, il faudra dire merci la vie, merci même si.