orphelins de l'Éden

4.17.2007

grand condor

Bon alors, je vous écris avec un dos droit. Et aujourd'hui, assise sur le coin d'un bureau pendant une réunion au onzième, j'avais conscience de mon dos droit. Mon ostéopathe m'a recommandé d'être plus attentive à ma posture au travail surtout. Les longues heures trahissent souvent la bonne volonté et mon corps se ramollit en glissant sur ma chaise pourtant ergonomique. Je suis une grand perche. C'est peut-être pour cela que j'aime appuyer mes pieds sur l'appui-pied en étirant les jambes qui entraînent tout le reste.

C'était mon second rendez-vous hier. Je ne crois pas la revoir bientôt. Lors de notre première rencontre, il fesait un froid de février et mes cuisses brûlaient malgré les combinaisons que j'avais enfilées. Cette journée-là, c'était aussi le lendemain d'une fièvre qui m'avait affaiblie une journée durant. Un hiver, un jour de maladie, un bilan santé somme toute assez béton. D'ailleurs, après notre première rencontre et malgré mon allure générale assez flageolante, mon ostéopathe, A-M, m'a affirmé que mon corps allait bien et que je prenais soin de moi. Au début de notre entretien, elle avait noirci des feuilles en me posant des questions concernant des douleurs, des blessures passées, des habitudes de vie, mon taux de globule rouge dans le sang, chose pour laquelle je n'avais pas de réponse sinon que mon dernier bilan sanguin s'était avéré bon à part pour un manque à gagner au niveau de ma B12, vitamine souvent carentielle chez les végétariens. Et hop, un comprimé.

Hier, nous avons beaucoup échangé pendant la session. Deuxième rencontre donc plus à l'aise toutes les deux et surtout, moi plus en forme de moi. A-M est enceinte. Alors, comme ça, nous avons discuté accouchement en milieu hospitalier versus celui assisté d'une sage-femme ou d'une accompagnatrice. Elle m'apprend que pour elle, ça se passera à la Cité de la Santé, comme ma soeur pour Em. Je lui dis que je déménage bientôt à St-Hubert-on-the-beach et elle dit que Pierre-Boucher a un bon département de natalité. Elle parle de l'attitude du milieu hospitalier en général, de son support, du confort qu'il offre à la mère, des soins prodigués bien sûr. Elle me fait penser au milieu hospitalier universitaire plus interventionniste comme elle dit et pullulant d'apprenants agglutinés au chevet des femmes en délivrance. Pour une première expérience, elle a préféré s'en remettre à un obstréticien plutôt qu'à une sage-femme. Pour un deuxième enfant, elle verra. Chaque grossesse est unique, chaque accouchement aussi.

Ses mains tâtent mon pied droit, celui que je me suis tourné dans un nid-de-poule il y a bientôt deux ans. Elle sent quelque chose bouger et elle dit: ça va faire du bien. Pendant la première séance, c'est mon bassin qu'elle a surtout rebalancé et elle répétait sans arrêt cette formule magique: ça va faire du bien. Et de fait, ça a fait du bien. Ma lombalgie ne m'a pas importuné pour tout un mois et demi et mes élancements dans me jambe droite se sont volatisés avec ce brûlement inconfortable.

Quand j'y pense, mon corps pourtant bien planté, porte des bobos du matin au soir. Par exemple, mon poignet droit qui s'enflamme depuis quelque temps, sans doute parce que je tape à longueur de journée. Clavier greffé aux mains. J'avais aussi mal au dos, à la jambe droite, au pied droit, à l'épaule gauche, à la machoire gauche. Elle a fait le tour de tous ses maux. Je crois que mon corps a trouvé des mains guérisseuses.

Aujourd'hui Dn. mon collègue cuistot et handyman me dit qu'il réalise que son corps vieillit. Il a peut-être huit ans de plus que moi. Une bosse pousse sur son orteil depuis trois jours. C'est tellement douloureux qu'il boite. Nous nous sommes mis à quatre hier pour le convaincre de se déscotcher de son siège pour aller consulter un docteur. Il est revenu avec un semblant d'explication: accumulation d'acide urique. Prise de sang aujourd'hui et radiographie vendredi. Il n'a pas demandé qu'est-ce qu'il pouvait changer dans son alimentation ou dans ses habitudes pour prévenir à l'avenir. Il ne sait pas ce qu'est l'acide urique et surtout, on ne lui a pas expliqué.

De retour de mon heure de dîner, il me dit qu'il se demande ce que son corps essaie de lui faire comprendre. Un muscle du bicep déchiré par un faux mouvement l'a incommodé pendant deux mois à la fin de l'été dernier. Et là, son orteil. Il pose la question avec grand sérieux, lui qui est terre à terre. Il ne s'attend pas à une réponse ésothérique du genre: les blessures de ton corps traduisent des blocages émotionnels. Il veut savoir. Concrètement. Je lui dis: pense-y et tu trouveras. Et il a déjà une piste de réflexion. Il a tendance à pousser son corps au-delà de ses limites lorsqu'il travaille. Mais il viellit qu'il me répète. Il doit apprendre à faire attention à sa machine. Je lui dis qu'il a beaucoup d'énergie et que de s'entraîner au gym - ce qu'il fait depuis peu - peut l'aider à équilibrer l'effort qu'il fournit dans ses activités de rénovateur extrême.

Le corps est un matériau. Par lui, j'interprète les sensations et je provoque le mouvement. N'est-ce pas qu'il faut soigner ce vaisseau?