orphelins de l'Éden

3.29.2007

XIII

Armand remercia le ciel d'être assis à l'instant où cette foudre le traversa de la tête aux pieds. Les yeux de la Corneille brillèrent lorsqu'ils reconnurent l'effet qu'elle venait de provoquer chez son mari. De sa main fermée sur celle d'Armand, elle l'incita à se lever. Le pauvre ensorcelé la suivit docilement. Heureusement, parce que sous la jaquette sa bandaison prenait de la vigueur. Armand ferma la porte de sa chambre. Même si une fenêtre la perçait, la cloison battante avalerait les bruits qui risquaient de trahir l'activité qui menaçait de suivre son cours d'une minute à l'autre. Instinctivement, Armand plaqua la femme au mur, celui de la porte, à l'abri des regards curieux. N'est-ce pas qu'elle était sa femme et qu'il pouvait la posséder s'il le désirait? Fière, la Corneille se laissa tout de même brusquer par l'élan de cet homme qu'elle tentait de ramener à elle. Rien de mieux qu'un peu d'intimité pour attacher l'être soi-disant détaché. Au pire, elle ne jouirait pas, au mieux, la mémoire d'Armand lui reviendra tout d'un coup, soufflée par une avalanche de moments semblables. Et pendant que cet homme qu'elle aimait avec modération relevait sa jupe longue et plongeait son visage dans la douceur de sa chevelure, elle repensait au passé avec lui, à leur relation morne au quotidien, mais ponctuée ici et là de joies précieuses. Armand était attentionné malgré son détachement. Aussi, il ne critiquait pas son indépendance, ses soirées passées à l'extérieur à faire ce qu'elle voulait. Il ne la questionnait pas non plus, à la recherche de chaque parcelle de son jardin intime. Armand la laissait être ce qu'elle était, belle et entreprenante.

Elle pensait à tout cela cependant que lui la pénétrait avidement, sèchement. Possédé, il n'arrivait pas à freiner l'impulsion, cette envie de plonger, si bien dans la chaleur enivrante. Cette femme était plus que jamais une sorcière qui feignait l'incrédulité, bien que dans son oeil, la malice s'instillait. Armand n'était plus qu'un mouvement saccadé, concentré sur l'atteinte incessante du climax. L'ensemble de son corps ne répondait plus qu'à l'inclinaison bestiale qui le happait. Violaine continuait, en pensée, de remonter le fil du temps.

Bien sûr, Armand n'était pas parfait. Mais qui pouvait prétendre scintiller sans jamais faillir? L'humain se devait l'échec une fois de temps en temps s'il voulait se parfaire. Elle-même n'était pas au-dessus des regrets, des faiblesses, des doutes. Par exemple, elle se détestait de tromper son mari quand l'occasion se présentait, mais comment faire autrement pour trouver une réelle satisfaction sexuelle? Armand était un piètre amant, précoce, maladroit, dépourvu de toute imagination. Malgré cela, sa compagnie ne l'irritait pas. Elle prenait les moyens pour demeurer heureuse. Du moins, c'est comme cela qu'elle réussissait à avaler le mauvais goût que lui laissait trop souvent ses aventures d'une nuit ou d'un mois, selon.

De fait, Armand venait à peine d'éjaculer tout son soûl lorsque la porte s'ouvrit tranquillement. Il constata la position embarrassante dans laquelle il se trouvait lorsqu'il lut l'expression de Berthe-Violaine qui passa sa tête dans l'embrasure. Sans émoi, elle déclara au couple qu'il fallait que la porte reste ouverte en tout temps, même lors des visites. Son air impassible rappela à Armand ces égaliseurs qui aplanissaient les défauts des images. Le malaise ne trouva pas racine dans cette scène sordide, mais la vacuité de l'acte accompli indigna Armand, le dégoûta d'autant plus que sa femme la vraie, venait de quitter la pièce avec cette image disgrâcieuse en tête.

1 Comments:

At 11:04 a.m., Anonymous Anonyme said...

Maussade,
Chuchotement et
dignité.

À bientot!

S.

 

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